Mme Nicole Bricq. Nous sommes d’accord !
M. Maurice Leroy, ministre. Je ne sais donc pas si cet accord sera historique, mais, en revanche, je suis certain, et le président Huchon pourrait le confirmer, que, si nous n’étions pas parvenus à cet accord avant la date couperet du 31 janvier, il n’y avait plus de projet du Grand Paris : voilà qui aurait sans doute été historique ! J’aurais aimé que Mme Voynet soit présente aujourd'hui pour m’entendre le dire, mais je ne doute pas qu’elle lira le compte rendu intégral de nos débats dans le Journal officiel.
J’ai parlé de « date couperet » ; il me faut à cet instant tenter, modestement, de compléter le brillant exposé – écrit comme oral – de Dominique Braye. Compte tenu des échéances électorales prochaines – les élections sénatoriales de septembre, mais aussi l’élection présidentielle de 2012 – et du fait que le débat public était déjà engagé depuis près de six mois, si nous n’avions pas abouti à l’accord du 26 janvier, chacun sait ici que la relance du projet de Grand Paris était renvoyée au plus tôt après 2013 et, par conséquent, le déblocage du SDRIF était empêché, préoccupation qui est l’objet de notre débat de cet après-midi.
Je me réjouis de l’accord que nous avons conclu avec le président Huchon le 26 janvier dernier, un accord important à bien des égards : nous avons ensemble choisi de faire converger les différentes propositions et de porter ensemble un projet ambitieux de transport pour l’agglomération parisienne. Lors des réunions du débat public, les vingt mille Franciliens qui y ont participé, dont de nombreux élus, nous ont adressé un message clair : « De grâce, que l’État et la région se mettent d’accord pour qu’enfin nous ayons un seul projet de transport ! » C’est ce que scelle l’accord du 26 janvier.
Mais cet accord, outre ce projet ambitieux de transport pour l’agglomération parisienne, est aussi une manière de partager une vision de l’avenir – on parle d’ailleurs de « projet partagé » – de Paris en tant que métropole, de Paris en tant que ville-monde durable.
Mesdames, messieurs les sénateurs, il ne s’agit pas ici de l’un de ces effets d’annonces qui ne sont que des annonces sans effets ! Je le réaffirme fermement devant la Haute Assemblée, tous les engagements de l’État qui y sont consignés seront tenus.
Depuis le 26 janvier, nous travaillons collectivement, avec un sens aigu de notre responsabilité et une réelle volonté d’aboutir, pour mettre en œuvre les engagements du protocole.
Un comité de suivi des engagements sera très prochainement mis en place. Il se tiendra sous ma présidence et celle de Jean-Paul Huchon le 18 avril prochain. L’occasion nous sera alors donnée de faire un point sur la maîtrise d’ouvrage du réseau de transport, que j’ai évoquée hier en répondant à une question crible thématique de Mme Tasca, sur la coordination entre le Syndicat des transports d’Île-de-France et la Société du Grand Paris ou encore sur l’avancée des discussions sur l’arc Est du projet de rocade.
Le Gouvernement a pris l’engagement, dans l’accord, de « proposer et faire adopter une disposition législative permettant de libérer les projets des collectivités territoriales et de l’État compatibles avec le projet SDRIF adopté par le Conseil régional d’Île-de-France et avec la loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris, jusqu’à l’approbation de la révision du SDRIF ». Je note, et cela me semble être de bon augure, que Mme Bricq et M. le rapporteur ont également cité cet engagement à l’instant.
Pour tenir cet engagement, j’ai personnellement souhaité soutenir la proposition de loi déposée par Mme Bricq et le groupe socialiste du Sénat, pour deux raisons.
D’abord, pour des raisons de calendrier. Le rapport dresse la liste, à laquelle je vous renvoie et que je confirme, de tous les projets actuellement bloqués : il faut aller vite afin de ne pas empêcher inutilement des projets locaux prêts à démarrer et enclencher au plus vite une nouvelle révision du SDRIF.
Ensuite, parce que la proposition de loi s’inscrit pleinement dans l’esprit de consensus qui a présidé à l’accord du 26 janvier dernier. Comme l’ont rappelé Mme Bricq et M. le rapporteur, le texte permet, pour les collectivités dont les projets sont bloqués par le SDRIF de 1994, de déroger à ce schéma directeur jusqu’à sa nouvelle mise en révision.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez vous-mêmes indiqué, lors de l’examen des amendements en commission, qu’un dispositif automatique de dérogation ne pourrait qu’engendrer des blocages locaux contraires aux objectifs de la proposition de loi. Mme Bricq et M. le rapporteur l’ont, là encore, dit avant moi, il faut débloquer et sécuriser la situation en évitant, d’une part, toute atteinte à la liberté des collectivités locales et, d’autre part, toute validation législative du projet de SDRIF de 2008, validation dont le Conseil d’État a très clairement pointé les risques.
Vous le voyez, le Gouvernement est soucieux de trouver, malgré un calendrier exigeant, des réponses ambitieuses aux questions d’aménagement de la métropole francilienne.
Ce que vous examinez aujourd’hui est un dispositif transitoire, limité dans le temps, qui ne saurait empêcher la mise en œuvre des objectifs de la loi du 3 juin 2010.
Notre but commun est de nous doter d’un outil à la mesure de l’avenir de la région capitale et d’approuver, dans les meilleurs délais et dans les conditions les plus satisfaisantes, bien évidemment en concertation, un nouveau SDRIF qui deviendra le document de référence pour le Grand Paris des quinze prochaines années.
Vous avez adopté, en commission des affaires économiques, le rapport sur la proposition de loi à la quasi-unanimité, dans un climat de confiance, de concorde et de sérénité. Je ne doute pas que, en séance publique, nous saurons maintenir ce climat. Ainsi, nous gagnerons un temps précieux, dans l’intérêt des projets de toutes les collectivités territoriales, actuellement bloqués.
Aujourd’hui, nous ouvrons ensemble un nouveau chapitre de l’aménagement francilien et sortons d’une impasse qui n’a que trop duré.
Monsieur Pozzo di Borgo, vous m’avez interpellé hier sur la question, importante, de la place de Paris comme ville universitaire. Je tiens à compléter la réponse que je vous ai apportée.
Je veux réaffirmer très clairement que Paris est une ville d’excellence et de tradition universitaire, comme vous avez eu raison de le souligner. Elle est au cœur des enjeux de développement de l’économie de la connaissance. L’avenir du paysage universitaire du cœur de Paris doit faire, et fait déjà, l’objet d’une attention particulière du Gouvernement, singulièrement de ma collègue Valérie Pécresse. Je m’engage à poursuivre la réflexion avec vous sur ce point, car il s’agit d’un enjeu stratégique, d’un enjeu d’avenir.
Je ne doute pas que nous soyons capables collectivement de nous rassembler lorsqu’il s’agit du futur de notre capitale, c’est-à-dire de l’intérêt national.
Enfin, je ne peux terminer mon propos sans répondre à Mme Bricq sur la question de la maîtrise d’ouvrage car, en accord avec tous les groupes, nous passerons directement à l’examen des amendements à la fin de la discussion générale.
Je m’engage avec force, au nom du Gouvernement,…
M. Jean Desessard. Jusqu’au prochain changement de gouvernement !
M. Maurice Leroy, ministre. Encore un moment, monsieur le bourreau ! (Sourires.)
Je prends donc l’engagement de chercher, aux termes de l’accord du 26 janvier, toutes voies et moyens conventionnels ou réglementaires pour une association pleine et entière du STIF aux décisions de la Société du Grand Paris sur le projet de rocade.
J’espère vous avoir démontré que nos engagements sont tenus, sinon vous ne seriez pas tous là à discuter de ce texte pour l’approuver, majorité et opposition. La raison en est simple : la loi du 3 juin 2010 a institué la Société du Grand Paris pour réaliser ce projet.
Très sincèrement, et en dépassionnant le débat, madame Bricq, je ne suis pas certain que le STIF lui-même soit suffisamment « outillé » – disons-le ainsi afin d’être bien compris – pour appréhender l’ensemble du projet de rocade. En revanche, il est tout à fait légitime et normal, comme je l’ai dit hier, que le STIF dispose de toutes les garanties lorsque l’exploitation de la rocade et de l’ensemble des projets qui seront mis en œuvre lui seront confiés.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ces engagements sont clairs. Nous sommes, vous comme moi, des élus expérimentés, quelle que soit notre couleur politique. Il faut lire les annexes du rapport de Dominique Braye, car – je l’ai constaté depuis belle lurette – quelquefois on parle beaucoup sans s’être forcément bien documenté.
Vous trouverez, dans les accords que nous avons signés avec le président Jean-Paul Huchon, des engagements précis et chiffrés dans le temps. C’est tellement rare que je me dois de le souligner.
Quant au financement, madame Bricq, il ne s’agit pas de « paroles verbales », comme le disait un ancien député du Loir-et-Cher, il est prévu par la loi de finances que le Parlement a adoptée ; celle-ci engage donc l’État. Je reviendrai d’ailleurs sur ce point, si vous le souhaitez, lors de l’examen des amendements.
Les 500 millions d’euros pour la ligne C du RER, ce n’est pas une parole verbale de l’État : ils figurent dans la loi de finances et dans le plan de mobilisation. Il en va de même pour les 500 millions d’euros de travaux de modernisation du RER D.
Je le répète, il s’agit d’un engagement ferme de l’État. Je tenais à le réaffirmer devant votre Haute Assemblée afin qu’il n’y ait aucune ambiguïté. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous demande de respecter scrupuleusement votre temps de parole.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous est présentée par Mme Bricq et ses collègues du groupe socialiste a une triple finalité.
En premier lieu, elle oblige toute collectivité territoriale francilienne qui engage une révision ou une modification de son document d’urbanisme à rendre celui-ci compatible avec les dispositions conformes à la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris au sein du schéma directeur de la région d’Île-de-France adopté en septembre 2008.
En deuxième lieu, elle précise qu’aucun document d’urbanisme ne peut être révisé ou modifié pour faire obstacle à la mise en œuvre des contrats de développement territorial ou au schéma d’ensemble du réseau de transport public du Grand Paris.
En troisième lieu, elle prévoit une procédure dérogatoire pour la révision du schéma directeur de la région d’Île-de-France.
Ce texte, au demeurant largement consensuel, permet en fait de tenir compte des dispositions prévues par la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris afin de rendre possible la révision du SDRIF de 1994. En effet, un processus de révision de ce document avait été autorisé par le Gouvernement, dès 2005, aboutissant à son adoption par la région en septembre 2008. Il était pourtant resté inapplicable, faute d’avis favorable du Conseil d’État.
Il a résulté de ce blocage de nombreuses difficultés pour les collectivités de l’Île-de-France.
Le projet de modification du SDRIF ne manquait ni d’ambition ni d’originalité. Il confortait le rôle de la région dans une perspective socio-économique mondiale et européenne. Par ailleurs, il fixait des objectifs raisonnables et des orientations judicieuses en matière de construction de logements, de transports, d’emploi, de préservation de l’environnement et d’infrastructures.
À l’heure de la concurrence entre les grands territoires du monde, il est indispensable de donner à l’Île-de-France l’envergure de ses homologues, à l’échelle des grands pôles européens et mondiaux. La région doit tenir son rang !
À l’évidence, la croissance économique des villes-mondes et des grands espaces urbanisés est aujourd’hui un moteur de croissance pour les pays. Cette dynamique passe par une maîtrise de l’espace, une planification des transports et de l’urbanisation. L’exemple de la Chine nous le prouve, avec ses territoires « locomotives », comme Hong-Kong, Shanghai, Pékin et Canton.
Mes chers collègues, vous pourriez trouver étrange qu’une élue du Sud-Ouest s’intéresse tout particulièrement à des dispositions qui ne concernent en rien sa région.
Mme Françoise Laborde. Comme nombre de mes collègues ici, je ne pense pas qu’il soit nécessaire d’affaiblir l’une pour privilégier l’autre. Je le rappelle, car on l’oublie trop souvent, l’Île-de-France a une très forte capacité de redistribution à l’égard des autres régions.
Mme Françoise Laborde. En outre, toutes les régions de France sont le plus souvent confrontées aux mêmes problèmes de transports, d’habitat et d’équipement. Elles doivent faire face à des difficultés similaires, inhérentes aux impératifs de gestion de projets et d’investissement.
En l’espèce, la proposition de loi de nos collègues socialistes permettrait de satisfaire un projet d’investissement de plus de 32 milliards d’euros à l’horizon de 2025 dans le domaine des transports. Ce n’est pas rien !
Les enjeux sont donc considérables : il s’agit d’offrir aux Franciliens un réseau de transports qui leur facilite la vie ainsi que des collectivités locales attractives dans un cadre de vie épanouissant.
Concentrant près de 30 % du produit intérieur brut national, l’Île-de-France joue un rôle moteur indéniable. Avec sept gares de TGV, deux grands aéroports, un axe fluvial majeur, la région francilienne constitue un carrefour exceptionnel.
À la suite du blocage du schéma directeur de la région d’Île-de-France depuis 2008, blocage que j’ai eu l’occasion de dénoncer hier lors de la séance de questions cribles thématiques consacrée au Grand Paris, il était devenu urgent de dynamiser ce potentiel économique dans l’espoir d’un effet d’entraînement bénéfique pour le reste du pays. C’est pourquoi il était tout à fait justifié de soumettre à notre vote un texte comme celui que nous examinons aujourd’hui. Je tiens d’ailleurs à féliciter ses auteurs d’avoir pris cette initiative.
En effet, depuis plusieurs mois, les élus franciliens se sont fortement mobilisés pour exprimer leurs attentes, leurs interrogations. La déception a donc été forte pour un grand nombre d’entre eux de ne pas voir aboutir le projet de modification du SDRIF, alors qu’il était le résultat d’une vaste concertation avec les élus du territoire et d’une enquête publique lancée en automne 2007.
La proposition de loi, une fois adoptée, permettra d’appliquer – enfin ! – les dispositions du SDRIF de 2008 conformes à la loi relative au Grand Paris et de libérer ainsi des projets très importants pour le développement de la région d’Île-de-France. C’est pourquoi les membres du groupe du RDSE approuveront à l’unanimité la proposition de notre collègue Nicole Bricq et des membres de son groupe. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a presque une année, à l’occasion de l’examen du projet de loi relatif au Grand Paris, les élus de mon groupe exprimaient leurs craintes et leurs désaccords suscités par la vision placée au cœur du projet d’aménagement métropolitain tant sur le plan institutionnel, avec la création de la Société du Grand Paris assurant la reprise en main par l’État de l’aménagement francilien, que sur le plan urbain, en raison d’un développement inégalitaire de la région capitale sous forme de pôle de développement concentrant l’ensemble des ressources et des moyens au détriment du reste du territoire.
Depuis, le temps a passé, le projet de loi a été adopté et le débat public autour des projets de transport s’est tenu de septembre à la fin de janvier. Reconnaissons qu’il fut important tant du point de vue quantitatif, puisque plus de vingt mille personnes y ont participé, que du point de vue qualitatif. Nous devons donc nous en féliciter.
Ce débat, démocratique, participatif, a permis de dégager un projet commun de transports assurant, pour partie, la convergence entre les projets de la région et le Grand huit, projet porté par le Gouvernement.
Nous pensons que cette concertation a été plus qu’utile, puisqu’elle a façonné un nouveau projet de transports remettant en cause l’objectif même du Grand huit en diminuant, notamment, les distances entre les gares. Je le dis avec force : il s’agit pour nous d’un progrès significatif et qualitatif qui peut permettre la mise en place d’un vrai réseau interbanlieues et non d’un métro rapide reliant exclusivement des pôles de développement à venir.
Cette volonté de sortir de l’affrontement État-région a d’ailleurs été symbolisée par le protocole d’accord signé le 26 janvier dernier, qui a abouti à des prises d’engagements partagés tant sur les financements que sur les tracés.
Parallèlement, depuis le vote de la loi, le schéma directeur de la région d’Île-de-France a enfin été transmis par le Président de la République au Conseil d’État. Chacun le sait ici, celui-ci a émis un avis négatif le 27 octobre 2010 au motif que ce SDRIF était incompatible avec la loi relative au Grand Paris. Les projets engagés en ont été bouleversés et les collectivités doivent aujourd’hui se référer au SDRIF de 1994…
La proposition de loi qui nous est soumise par nos collègues du groupe socialiste répond à la volonté de sortir le SDRIF de l’impasse dans laquelle celui-ci a été progressivement enfermé, objectif auquel nous ne pouvons que souscrire.
Pour autant, comme nous le disions en préambule et malgré les avancées réelles issues du débat public, nous restons sur le fond opposés à la loi relative au Grand Paris dont toute la nocivité demeure, malgré le compromis trouvé sur le tracé du métro Grand Paris Express. C’est ce qui motive nos réserves sur le deuxième paragraphe de l’article unique.
En effet, nous refusons toujours la prédominance des contrats de développement territorial sur l’ensemble des documents locaux d’urbanisme, y compris sur le SDRIF. Nous estimons que ces contrats vont à l’encontre de la cohérence du développement en Île-de-France, où l’ensemble des territoires situés sur le Grand huit seraient exemptés, par le biais des contrats de développement territorial, de toute compatibilité avec le SDRIF. Une telle vision revient à un « localisme » dangereux en matière urbaine et dont notre région capitale a déjà tant souffert durant des décennies.
Je ne reviendrai pas sur nos interrogations, nos craintes et nos désaccords sur la loi relative au Grand Paris, qui fait de ces contrats de développement local des sources de financement de la SGP. Ces opérations d’aménagement risquent ainsi d’être assujetties à des objectifs de rentabilité avant de répondre aux exigences d’intérêt général fondées sur la mixité sociale et la nécessaire réalisation d’équipements publics tout en préservant des espaces naturels pour répondre aux attentes et aux besoins des populations.
Sur cet aspect du financement, permettez-moi de rappeler que le métro Grand Paris Express dispose de financements pour le moins incertains, voire contestables. En effet, alors que, l’année dernière, on nous promettait, la main sur le cœur, l’abondement de la part de l’État d’une subvention en capital de 4 milliards d’euros à la SGP lui permettant de lever les emprunts, aujourd’hui, l’État n’a toujours pas respecté sa parole. Comment accepter également que le financement de ce projet de transport repose de manière indue sur l’ensemble des Franciliens, par le biais de la nouvelle taxe spéciale d’équipement créée par la loi de finances rectificative ?
En outre, rien ne permet d’infirmer aujourd’hui l’analyse que nous réalisions à l’époque concernant la tentative de reprise en main par l’État de l’aménagement en Île-de-France.
Si nous sommes favorables à la coélaboration, à la concertation entre les acteurs, nous estimons qu’il est parfaitement utile que s’engage aujourd’hui une discussion entre l’État et la région sur l’avenir de ce territoire métropolitain. Cependant, nous estimons que, pour rétablir la confiance avec l’ensemble des élus franciliens, l’État devrait renoncer à la mainmise de la SGP sur un périmètre de 400 mètres autour des gares.
Mais revenons à cette proposition de loi.
Nous l’avons dit : accord de principe afin que l’ensemble des travaux du SDRIF de 2008 ne tombent pas dans l’abîme et que ce soit encore le SDRIF de 1994 qui s’applique. Il fallait trouver un véhicule législatif, et celui-ci paraît approprié, avec les réserves que nous venons de formuler sur le paragraphe II de l’article unique.
Cependant, nous ne pouvons adhérer au paragraphe III de ce même article unique, qui préconise de raccourcir les délais et le recueil des avis autour de la révision du SDRIF.
En effet, nous estimons que la révision du SDRIF ici prévue doit avoir la même ampleur que les débats publics tenus cet hiver. Pour le moins, elle doit respecter les prescriptions légales en termes de consultation, sans que soient obligatoirement remis en branle l’ensemble des groupes de travail comme cela s’était produit pour le SDRIF de 2008. Il ne faudrait pas nous faire dire ce que nous ne disons pas !
Sur le fond, la prise en compte des nouveaux éléments relatifs au réseau de transport du Grand Paris ainsi que de tous les événements qui ont pu marquer le paysage francilien depuis 2008 devrait conduire la région à ne pas se satisfaire d’une révision clandestine, rapide, avec une date butoir arbitrée en 2013. À l’inverse, la région pourrait se saisir de cette occasion pour réinterroger le projet régional francilien afin de dessiner les contours d’une métropole de progrès toujours plus au service de tous les habitants.
Ainsi, comme en commission, nous réitérerons notre proposition, non plus par un amendement, mais sous la forme d’un sous-amendement, visant à ne pas déroger au droit commun pour la révision du SDRIF en termes de consultation et de recueil des propositions des conseils généraux, du conseil économique, social et environnemental régional ainsi que des chambres consulaires.
Vous l’aurez compris, nous sommes non pas pour une limitation des consultations obligatoires mais bien pour un élargissement de celles-ci, afin de faire du SDRIF un projet ambitieux pour le territoire, au plus près des besoins de ses habitants. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.
M. Yves Pozzo di Borgo. Monsieur le président, monsieur le ministre de la ville chargé du Grand Paris, mes chers collègues, la loi relative au Grand Paris, que nous avons adoptée il y a environ un an, est un texte d’aménagement économique du territoire. Pour nombre d’entre nous, il constitue les prémices d’une nouvelle organisation territoriale.
Cette loi apporte des propositions cruciales pour favoriser le développement économique de l’Île-de-France et, par ce biais, tirer vers le haut l’ensemble de l’économie nationale et européenne, alors que l’économie européenne pourrait passer de 25° % du PIB mondial aujourd’hui à 12,5° % en 2050.
M. Yves Pozzo di Borgo. Pour faire du Grand Paris une métropole à l’échelle mondiale, à l’instar de Londres ou de New York, la loi a mis en place quelques piliers fondateurs sur lesquels il appartiendra aux élus, par le biais d’une gouvernance appropriée, de construire le projet économique et humain du Grand Paris.
Parmi ces piliers fondateurs, l’on retrouve le Grand Paris Express.
J’avais conclu l’explication de vote que j’avais faite, au nom de mon groupe, lors du vote de la loi relative au Grand Paris en espérant que le dialogue et la concertation entre le secrétariat d’État au Grand Paris – désormais ministère de la ville – et le conseil régional d’Île-de-France, permettent une mise en œuvre concertée et coordonnée de ce projet ambitieux. En effet, les Franciliens et les Français ont besoin du Grand Paris.
Je me réjouis donc qu’un ministre centriste soit aujourd’hui chargé de ces questions, et que mon vœu se soit réalisé à l’occasion de la signature du protocole d’accord, le 26 janvier dernier.
Le deuxième poumon économique de ce projet métropolitain réside dans le regroupement de l’excellence scientifique sur le territoire de Saclay. C’est une condition sine qua non de la compétitivité économique de demain, même si, comme je l’ai rappelé hier, il ne faut pas pour autant vider Paris de ses chercheurs, de ses écoles et de ses universités, mais, au contraire, rechercher une complémentarité et des synergies entre Saclay et Paris intra-muros.
Dans ce domaine, bien que je sois président d’un groupe opposé au maire de Paris, je soutiens la politique du maire de Paris. Je voudrais vous remercier, monsieur le ministre, des paroles que vous avez eues tout à l’heure. Pour nous en effet, il faut que vous le sachiez, vous n’êtes pas simplement le ministre de la « grande boucle », vous êtes également le ministre du Grand Paris, fonction qui suppose une vision prospective de la région.
M. Yves Pozzo di Borgo. Je ne m’attarde pas sur ce point, mais préfère souligner ce qui fait l’objet de la présente proposition de loi, et constitue le ciment de cette œuvre monumentale qu’est le Grand Paris. Je veux parler ici du rôle fondamental des élus franciliens dans l'aménagement concerté du territoire, en termes tout à la fois de logements et d'aménagement économique du territoire.
Pour mettre en œuvre ce projet urbain hors norme, il était absolument indispensable que les collectivités franciliennes puissent réaliser les aménagements nécessaires à la réalisation de ce projet.
Or le Conseil d’État, après de longs mois de retenue, a émis un avis négatif sur le projet de SDRIF adopté en 2008 par le conseil régional d’Île-de-France. Les collectivités franciliennes restent donc jusqu’à présent soumises au SDRIF de 1994.
Bien sûr, l’urbanisme, les besoins et les priorités – notamment en termes de développement durable – ont considérablement évolué depuis ce temps-là, notamment du fait de l’adoption de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, ou du Grenelle de l’environnement, qui ont rendu peu pertinent le SDRIF de 1994 au regard de l’ambition actuelle de l’État et de la région d’Île-de-France s’agissant du développement de la région capitale.
Par exemple, le SDRIF de 1994 classe en espaces naturels des espaces ouverts à l’urbanisation dans le SDRIF de 2008, ce qui empêche les projets sur ces zones.
À l’inverse, le SDRIF de 1994 comporte des emprises foncières réservées pour des projets routiers aujourd’hui abandonnés.
M. Dominique Braye, rapporteur. En effet, cela figure dans le rapport.
M. Yves Pozzo di Borgo. La proposition de loi qui nous est soumise va donc dans le bon sens, puisqu’elle permet justement aux élus de mettre en œuvre leurs projets bloqués à cause du SDRIF de 1994.
M. Yves Pozzo di Borgo. En outre, comme nous l’avons souligné en commission, elle permet de renforcer la sécurité juridique des opérations d’aménagement menées par les élus, et donc de prévenir les risques de contentieux.
Pour s’assurer que les projets des élus franciliens seraient aussi compatibles avec la mise en œuvre du Grand Paris, il était nécessaire de subordonner l’opposabilité des dispositions du projet de SDRIF de 2008 à la condition de leur compatibilité avec la loi relative au Grand Paris.
Cette proposition de loi est donc pragmatique – c’est positif –, et j’espère qu’elle permettra effectivement de « libérer les projets des collectivités territoriales et de l’État compatibles avec le projet de SDRIF [...] jusqu’à l’approbation de la révision du SDRIF ».
Je salue encore la qualité du dialogue entre l’État et la région sur ce sujet – bravo, monsieur le ministre ! –, ainsi que la qualité de la proposition de notre collègue Nicole Bricq.
Néanmoins, je partage l’avis, commun au Gouvernement et à la commission, selon lequel il est préférable que, dans cette période transitoire, les élus « puissent », et non « doivent », appliquer les dispositions du projet de SDRIF, dans le cadre de la révision ou de la modification de leurs documents d’urbanisme.
Sous cette réserve, le groupe de l’Union centriste apportera son soutien à la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)