M. Laurent Béteille. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, la complexité du droit, c’est peu de le dire, a des effets néfastes pour notre pays et détestables pour nos concitoyens. Le Parlement a donc le devoir de réagir et de lutter pour réduire cette complexité juridique.
La proposition de loi que nous examinons est la troisième initiative parlementaire de simplification du droit de la présente législature.
Produit d’un rapport remis au Premier ministre par notre collègue député Jean-Luc Warsmann en janvier 2009, cette proposition de loi s’inscrit dans l’esprit des deux précédents textes de simplification, à savoir les lois du 20 décembre 2007 et du 12 mai 2009.
L’objectif est, ici encore, de procéder à une amélioration du droit : en allégeant les procédures, en abrogeant des textes désuets et dépassés, en clarifiant certains points législatifs, en corrigeant des erreurs ou en simplifiant des démarches.
Je rappelle que quelques mesures résultent directement des sollicitations de nos concitoyens, recueillies par l’intermédiaire du site internet Simplifions la loi, ouvert à tous. D’autres ont été inspirées par des études du Conseil d’État ; c’est notamment le cas du chapitre relatif aux groupements d’intérêt public et de l’article relatif au droit de préemption. Enfin, certains articles reprennent des suggestions que la Cour de cassation a formulées dans ses rapports annuels.
Je tiens, à cet instant, à saluer le travail minutieux effectué, comme à l’accoutumée, par notre rapporteur Bernard Saugey, dans un esprit constructif de concertation avec nos collègues de la commission de l’économie, saisie pour avis.
Il est important de signaler que le texte a fait l’objet de la première application du dernier alinéa de l’article 39 de la Constitution,…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh oui !
M. Laurent Béteille. … que nous avons introduit lors de la révision constitutionnelle de juillet 2008. Il a en effet été soumis au Conseil d’État par le président de l’Assemblée nationale avant son examen en commission. L’assemblée générale du Conseil d’État avait d’ailleurs rendu un avis favorable.
L’objet de la proposition de loi que nous examinons est clair : simplifier et améliorer la qualité de notre droit, dans de nombreuses matières. Dans un souci de cohérence, lorsque des dispositions initialement inscrites dans ce texte avaient davantage leur place dans d’autres textes en instance législative, nous avons considéré qu’il était opportun de ne pas les intégrer dans cette proposition de loi, au contenu plus diversifié.
Il en est ainsi des dispositions relatives aux fichiers de police, qui ont été insérées à l’identique dans la proposition de loi de nos collègues Yves Détraigne et Anne-Marie Escoffier, visant à mieux garantir le droit à la vie privée à l’heure du numérique, ou encore des dispositions sur la Commission nationale de l’informatique et des libertés, qui ont à l’évidence leur place dans la proposition de loi « informatique et libertés », toujours en instance à l’Assemblée nationale.
De même, nous avons préféré exclure du texte les sujets dépassant le cadre d’une loi de simplification et méritant une réflexion plus approfondie.
Il en est ainsi de la disposition relative à la modification des peines encourues par l’auteur d’une prise d’otage en cas de libération rapide de la victime. Il s’agit là d’une disposition de fond, qui n’a pas véritablement sa place dans une proposition de loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit.
Le texte comporte des dispositions tendant à améliorer la qualité des normes et des relations des citoyens avec les administrations. Tel est le cas notamment du rétablissement du droit à l’ouverture d’un compte pour les Français établis hors de France.
Nous sont ainsi proposées des mesures concrètes, qui concernent l’ensemble de nos concitoyens. Certaines d’entre elles vont réellement simplifier la vie des Français, notamment dans leurs relations avec les administrations.
Je citerai deux exemples à cet égard, lesquels seront certainement parlants pour les élus que nous sommes, régulièrement interpellés sur ce sujet.
Les administrations auront désormais l’obligation d’échanger entre elles les pièces justificatives nécessaires aux démarches des usagers lorsqu’elles les détiennent, afin que ces derniers n’aient plus de nouveau à produire des documents qu’ils ont déjà adressés à une administration. Nous le voyons dans nos communes : pour des demandes d’aide sociale ou pour le calcul du quotient familial, les administrations réclament plusieurs fois les mêmes pièces, alors qu’elles sont déjà en possession d’un service.
Par ailleurs, les autorités administratives devront désormais informer les citoyens dont la demande comporte un vice de forme de leur erreur, et leur indiquer les démarches à effectuer pour mener à bien cette demande.
Ces mesures permettront de poursuivre l’effort engagé en faveur d’une amélioration du service rendu au public.
Enfin, un certain nombre de commissions administratives inutiles seront supprimées.
Sans entrer dans le détail, je dirai simplement que certaines mesures témoignent d’une volonté de cohérence et d’allégement des procédures : meilleur traitement des informations par les autorités administratives, prise en compte plus humaine de certains cas de handicap, simplifications dans le domaine de la santé, chasse aux rapports inutiles ou facilitation de la lutte contre la corruption. Toutes ces mesures décisives aideront les particuliers, les professionnels et même les collectivités territoriales.
De nouvelles dispositions permettront en outre une simplification de la gouvernance des entreprises. Ainsi, les petites entreprises soumises au régime simplifié d’imposition pourront utiliser une annexe comptable très simplifiée, selon un modèle qui sera fixé par l’Autorité des normes comptables. Ces entreprises pourront également tenir leur comptabilité, en cours d’exercice, selon des règles simplifiées. Il en résultera une réduction des coûts non négligeable, sans que cette mesure nuise à la fiabilité de la comptabilité et de l’information financière.
Les groupements d’intérêt public, objets d’un chapitre entier, se voient enfin dotés d’un statut cohérent et souple, qui permettra à des personnes morales de droit public, et même à des personnes morales de droit privé, de travailler plus facilement ensemble. Les collectivités territoriales disposeront ainsi d’un outil amélioré.
En ce qui concerne les relations entre le Parlement et le Gouvernement, il est important de souligner que nous sommes favorables à la suppression de l’abrogation automatique, après cinq ans, des dispositions législatives prévoyant la remise périodique d’un rapport au Parlement.
Du fait de son caractère général, cette disposition soulève une grave question de principe quant à notre compétence en matière de contrôle de l’action gouvernementale et d’évaluation des politiques publiques. En outre, elle pose de nombreuses difficultés pratiques, longuement exposées par M. le rapporteur.
La proposition de loi qui nous est soumise contient certes des mesures extrêmement hétérogènes, mais, par définition, les textes de simplification du droit couvrent un champ extrêmement large et abordent des thèmes très différents : dispositions relatives aux fichiers de police, articles relatifs à la protection de l’identité, aux groupements d’intérêt public, à l’urbanisme… Le texte sur lequel nous avons eu à travailler était dense et manquait parfois de clarté et de concision.
Je tiens donc à saluer la qualité du travail de la commission des lois, et tout particulièrement de son rapporteur. Cet apport décisif qui nous permet aujourd’hui d’examiner un texte plus cohérent, ce qui est indispensable pour la bonne compréhension du droit.
Je ne reviendrai pas sur les autres points brillamment développés par Bernard Saugey, mais je tiens à souligner l’effort essentiel du Sénat pour recentrer le texte sur son objet de simplification.
Ainsi, nous avions souhaité supprimer les articles relatifs à la réforme du droit de préemption. Sur la forme, une réforme de cette ampleur n’a pas sa place dans une loi de simplification. Sur le fond, le texte qui était proposé apparaissait déséquilibré et porteur de risques importants. En prévoyant des conditions d’utilisation du droit de préemption très contraignantes, il aurait réduit la capacité des collectivités à mener des politiques foncières et d’aménagement. En créant de nouvelles notions aux contours imprécis, il aurait pu, de surcroît, susciter de nouveaux contentieux.
Nous avons également souhaité supprimer les dispositions qui donnaient, à titre expérimental, aux tribunaux administratifs et aux cours administratives d’appel une mission consultative sur les actes administratifs auprès des collectivités territoriales. Cette mesure risquait en effet de remettre en cause le respect de délais de jugement raisonnables.
Mes chers collègues, nous faisons aujourd’hui œuvre utile. Simplifier le droit est un acte essentiel et nécessaire en vue d’assurer une plus grande sécurité juridique, de garantir une plus grande souplesse, au bénéfice de l’économie, de rationaliser les services rendus au public, mais aussi d’améliorer le fonctionnement de nos institutions.
Les observations régulièrement faites sur la nécessité de légiférer moins, pour légiférer mieux, apparaissent totalement fondées si l’on en juge par l’ampleur du travail que nous devons fournir a posteriori.
C’est un fait, le champ de la proposition de loi est très large. Le travail de nos commissions a cependant permis de recentrer ce texte sur son objet initial. Les mesures prévues constituent ainsi des avancées concrètes et utiles en direction d’un objectif largement partagé sur l’ensemble des travées.
L’attente était forte chez nos concitoyens, qu’ils soient des entrepreneurs, élus locaux ou fonctionnaires. Nous nous devions d’agir avec résolution afin de permettre à tous de comprendre les règles qui régissent notre vie en société.
Pour cette raison, le groupe UMP votera cette proposition de loi avec conviction. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la complexité du droit français est régulièrement dénoncée. Le principe selon lequel nul n’est censé ignorer la loi n’a jamais été plus difficile à appliquer. Je ne vous apprendrai rien en vous disant que notre pays souffre en effet d’un trop-plein de lois et de règlements. Cette complexité est lourde de conséquences, comme le souligne de façon récurrente le Conseil d’État. L’empilement des normes et leur insuffisante clarté altèrent le fonctionnement de notre économie, découragent les citoyens, qui perdent leurs repères, et désorientent l’autorité publique.
L’accumulation de textes finit aussi par brouiller la perception du politique en rendant le droit plus complexe, le fait plus incertain.
Or, dans le même temps, le Conseil constitutionnel a posé comme principe que l’intelligibilité et l’accessibilité du droit constituent désormais des objectifs de valeur constitutionnelle.
Comment mettre fin à cette contradiction, avec, d’un côté, une inflation législative dénoncée de longue date, et, de l’autre, la volonté affichée de disposer d’un corpus de règles juridiques plus lisible et plus accessible ?
Tel est précisément l’objet de la présente proposition de loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit. Cette volonté de simplification constitue l’un des axes majeurs de travail de la commission des lois du Sénat pour la XIIIe législature.
On l’a dit : nul n’est censé ignorer la loi. De ce principe découle l’obligation de la respecter, sans jamais pouvoir s’abriter derrière son ignorance. Connaître la loi, c’est d’abord la comprendre ; pour être applicable, elle doit être clairement établie et intelligible.
C’est pourquoi nous ne pouvons que soutenir un texte ayant le triple objet de simplifier, de clarifier et d’alléger notre droit, même s’il est, selon M. le rapporteur, « touffu et hétéroclite ».
Ce texte nous revient donc aujourd’hui en deuxième lecture, avec encore 71 articles en débat.
La volonté de la commission des lois est tout d’abord de confirmer et de rétablir, lorsque c’est nécessaire, les dispositions votées en première lecture par la Haute Assemblée, volonté que nous ne pouvons que saluer.
Le second impératif fixé par la commission est, comme l’a rappelé M. le rapporteur, d’écarter du texte les dispositions qui s’éloigneraient de la stricte simplification du droit. C’est heureux, car, même en tenant compte de cet objectif, l’ampleur du texte est manifeste. Qu’en serait-il si on ne l’atteignait pas ?
Après les exposés très complets de M. le rapporteur et de M. le rapporteur pour avis, je me bornerai à revenir brièvement sur quelques-unes des améliorations introduites par la commission.
Tout d’abord, la commission a supprimé l’article 8, qui prévoit la possibilité d’organiser, à la place des consultations obligatoires d’organismes administratifs, une procédure dénommée « consultation ouverte ».
En première lecture, notre assemblée avait supprimé cet article. Elle avait considéré que remplacer les consultations classiques des commissions par une consultation par voie électronique risquait de discréditer ces commissions. En effet, si une commission administrative est utile, réactive et représentative, il est normal qu’elle demeure consultée par l’administration. En revanche, si une commission apparaît inutile, elle doit être supprimée purement et simplement.
Le dispositif proposé par l’Assemblée nationale revient en fait à « court-circuiter » des commissions que le pouvoir réglementaire n’ose pas supprimer ou réformer, tout en discréditant celles qui fonctionnent à la satisfaction générale.
C’est donc à juste titre que la commission a renouvelé ses réserves et confirmé la suppression de l’article 8.
Je me félicite également de la suppression des articles 29 bis à 29 nonies. En effet, les dispositions qu’ils contenaient ont été reprises dans la proposition de loi visant à mieux garantir le droit à la vie privée à l’heure du numérique de nos collègues Yves Détraigne et Anne-Marie Escoffier.
Là encore, il s’agit de confirmer la position adoptée par la Haute Assemblée en première lecture. C’est également l’occasion de rappeler aux députés qu’il arrive aussi au Sénat de voter des propositions de loi, et qu’il est regrettable que celles-ci ne soient pas examinées en séance publique au Palais-Bourbon dans des délais raisonnables.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est vrai !
Mme Catherine Morin-Desailly. Confirmant sa position de la première lecture, la commission a également supprimé, à l’article 34, le principe de l’abrogation automatique après cinq ans de toute disposition législative prévoyant la remise d’un rapport au Parlement.
Comme l’avait rappelé M. le rapporteur en première lecture, cette disposition constitue une atteinte manifeste à l’exercice de la mission dévolue au Parlement par la Constitution en matière de contrôle de l’action du Gouvernement et d’évaluation des politiques publiques.
Suivant la commission des lois, le groupe de l’Union centriste plaide en faveur d’une démarche pragmatique de toilettage régulier des rapports et de modération en matière de demandes de remise de rapports par le Gouvernement.
Enfin, je tenais à saluer l’adoption d’une amélioration importante par nos collègues députés. Elle concerne la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet, la HADOPI.
Tout d’abord, je rappelle que la mission d’encouragement au développement de l’offre légale de la HADOPI avait à l’époque été introduite par les sénateurs, et qu’elle constitue l’une des premières missions de cette instance.
L’amendement adopté à l’Assemblée nationale s’inscrit dans la continuité de la volonté du législateur. Il vise à lever toute incertitude sur les actions qu’il appartient à la Haute autorité de mener dans le cadre de sa mission d’encouragement au développement de l’offre légale.
Ce dispositif permettra à la HADOPI de consolider des initiatives et de contribuer à des dynamiques existantes ou en projet à l’échelle nationale et locale. Il permettra aussi, et c’est important, d’enrichir et de diversifier l’offre légale, en particulier par le soutien des plateformes expérimentales de téléchargement. Parce qu’ils sont porteurs d’innovation, proposent un service original et permettent la diffusion de contenus culturels respectueux du droit d’auteur, les projets financés valoriseront auprès des citoyens l’offre légale de contenus culturels en ligne.
Pour conclure, nous tenons à saluer l’excellent travail réalisé par la commission des lois, en particulier par son rapporteur, Bernard Saugey. Ce travail a été très utilement complété par celui des trois commissions saisies pour avis en première lecture, notamment la commission de l’économie, la seule qui ait également été saisie en deuxième lecture. Je rends hommage à l’implication de notre collègue Hervé Maurey sur ce texte. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, les propositions de loi de « simplification » et, désormais, d’« amélioration » de la qualité du droit, c’est comme les soldes : elles reviennent plusieurs fois par an, les bonnes affaires existent mais sont rares (Sourires sur les travées du groupe socialiste),…
M. Roland Courteau. Ça commence bien !
M. Pierre-Yves Collombat. … et, la plupart du temps, on en sort encombré d’articles de faible intérêt, quand ils ne sont pas inutilisables, voire dangereux, comme l’a relevé notre collègue Jean-Pierre Sueur ! (Nouveaux sourires sur les mêmes travées.)
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Pierre-Yves Collombat. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que l’essentiel du jeu, à l’Assemblée nationale ou au Sénat, se résume à éliminer les articles jugés indésirables par les uns ou les autres, au motif qu’ils compliquent au lieu de simplifier ou que leurs implications sont telles qu’ils mériteraient un traitement plus approfondi que ce que permettent ces « soldes » législatifs !
Au chapitre des dispositions particulièrement indésirables figure la modification calamiteuse du droit de préemption urbain proposée par l’Assemblée nationale sous prétexte d’urgence européenne, mesure qui avait été supprimée par le Sénat en première lecture. L’adopter aurait rendu encore plus difficile la constitution de réserves foncières, condition de la réalisation d’équipements collectifs et de logements sociaux, dont l’État est par ailleurs censé stimuler le développement. Fort heureusement, l’Assemblée nationale a oublié de rétablir cette disposition en deuxième lecture ; nous nous en félicitons, car cela nous dispense d’y revenir.
En revanche, l’article 1er, qui est supposé régler le cas des abonnés au service de l’eau potable victimes de fuites sur la partie privée du réseau et qui avait été supprimé par le Sénat, a été réintroduit. Il est donc nécessaire d’y revenir, comme cela nous est proposé.
Outre la question non résolue de savoir qui paiera la surconsommation induite, si ce ne sont les autres abonnés, le dispositif envisagé est évidemment une véritable usine… à eau ! (Sourires.)
La commission de l’économie a eu raison de confirmer la position que nous avions adoptée ici en première lecture, malgré les « rustines » dont l’article avait bénéficié à l’Assemblée nationale.
Une telle déresponsabilisation de l’abonné peu soucieux de l’état de son réseau, aux frais des autres, n’est certainement pas de nature à favoriser un usage maîtrisé de la ressource, d’autant que de nombreuses collectivités ont déjà prévu des dispositions susceptibles d’atténuer la charge des abonnés de bonne foi. Quand on connaît l’état de nombreux réseaux privés en secteur d’habitat diffus, on comprend que, sous des dehors anodins de justice, se cache un dispositif aux conséquences calamiteuses pour l’équilibre des budgets de l’eau des petites collectivités !
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Pierre-Yves Collombat. La réintroduction de cet article sans discussion par l’Assemblée nationale témoigne au minimum d’un manque de connaissance de la situation sur le terrain.
Il est une autre suppression utile sur laquelle l’Assemblée nationale n’est pas revenue, celle de l’article 40, qui donnait à titre expérimental aux collectivités territoriales et à leurs groupements la possibilité de consulter les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel sur des questions relevant de leur compétence. Cette confusion des rôles nous avait semblé peu souhaitable, et nous maintenons notre position. À l’exception du Conseil d’État, dont les formations tout à fait spécifiques peuvent rendre des avis, une juridiction juge ; elle ne donne pas de conseils ! J’ai cru comprendre que ce n’était pas l’opinion du Gouvernement ; il faut dire que c’est un maître ès confusion ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
De telles apparitions et disparitions donnent parfois le vertige. Ainsi en va-t-il de l’article 27 septies, instaurant un « régime déclaratif pour l’activité d’entrepreneur de spectacles », supprimé par le Sénat en première lecture sur la demande de la commission des affaires sociales, rétabli en séance conformément au souhait du Gouvernement, puis supprimé par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, suppression maintenue dans le texte de notre commission... À côté, Le Médecin volant est une farce un peu statique ! (Sourires.)
Je pourrais également gloser longtemps sur l’étendue du champ dont relèvent les dispositions d’une telle proposition de loi : code l’urbanisme, code général des collectivités territoriales, code général des impôts, codes pénal et de procédure pénale, code de justice administrative, code de l’organisation judiciaire, code du patrimoine, code de la santé publique, code de la sécurité sociale, code de commerce, code de la consommation… Il ne manque à cette grande braderie que le code des ratons-laveurs ! (Nouveaux sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
M. Pierre-Yves Collombat. Pourtant, malgré tous leurs défauts, à l’instar des soldes, les propositions de loi de simplification du droit sont utiles. C’est la conséquence paradoxale de nos mœurs législatives, favorisant l’accumulation de textes de circonstance rédigés à la hâte, ou, à l’inverse, faisant barrage de manière occulte à l’adoption de propositions de lois attendues.
Puisque le juridisme ambiant empêche les interprétations de bon sens de s’imposer d’elles-mêmes, il faut bien les coucher noir sur blanc. Puisque les textes qui déplaisent au Gouvernement ont tendance à s’enliser, ce moment de « soldes législatifs » est l’occasion de les ressortir du placard !
Ainsi, après une longue discussion, la commission des lois a unanimement rétabli, à l’article 114, la disposition visant à clarifier le champ des poursuites de la prise illégale d’intérêt adoptée en première lecture par le Sénat, là encore à l’unanimité, malgré les réticences du Gouvernement !
Nous aurons l’occasion d’y revenir, mais cette affaire est révélatrice des pouvoirs réels du Parlement en régime de « parlementarisme rationalisé » de basse époque, autrement dit de « parlementarisme lyophilisé ». (M. le garde des sceaux s’exclame.)
Premier épisode, lors de l’examen de la proposition de loi de simplification du droit de 2009, j’ai déposé un amendement tendant à remplacer, au premier alinéa de l’article 432-12 du code pénal, les mots : « un intérêt quelconque » par les mots : « un intérêt personnel distinct de l’intérêt général ».
Deuxième épisode, l’amendement a été retiré, notre rapporteur ayant signifié son intention de déposer une proposition de loi en bonne et due forme qui aurait le même objet.
Troisième épisode, la proposition de loi non seulement est venue en discussion, mais a été adoptée à l’unanimité en première lecture par le Sénat, en dépit des réticences embarrassées de l’éphémère secrétaire d’État à la justice d’alors. Puis, on n’en a plus entendu parler…
Quatrième épisode, notre collègue Anne-Marie Escoffier, rapporteur de la proposition de loi de M. Bernard Saugey, et plusieurs membres du groupe du RDSE ont repris la même disposition sous forme d’amendement à la proposition de loi de simplification « cru 2010 ».
Cet amendement a été adopté en première lecture avec un avis favorable de la commission des lois et, cette fois, du garde des sceaux, M. Michel Mercier.
Cinquième épisode, la commission des lois de l’Assemblée nationale a supprimé la disposition adoptée en première lecture par le Sénat pour un motif qui ne manque pas de saveur : « Sans se prononcer sur le fond, votre rapporteur est très réservé sur l’opportunité de légiférer sur un sujet aussi ardu dans le cadre d’une loi de simplification du droit, et préfère renvoyer à un débat spécifique, qui pourrait se tenir à l’occasion de l’examen de la proposition de loi sénatoriale précitée. Il a donc présenté un amendement de suppression du 1° bis de l’article. » Si ce n’est pas là se moquer du monde, je ne sais pas ce que c’est !
Cela nous amène au sixième épisode avec la reprise, par notre commission des lois, de l’amendement d’Anne-Marie Escoffier. Nous verrons si d’autres épisodes seront nécessaires pour parvenir à la solution de bon sens que nous proposons. Si nous y parvenons, cela prouvera que le Parlement a encore quelques couleurs et qu’il n’est pas totalement « lyophilisé » ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Jacques Mézard applaudit également.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
M. Jean-Pierre Sueur. Le Gouvernement ne répond pas ?