Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Étienne Antoinette. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Étienne Antoinette. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le vote de ces quatre projets de loi pose, à l’heure actuelle, un grave problème d’opportunité.

Je pense que le moment est mal choisi pour envoyer en direction de l’Afrique un signal diplomatique de soutien militaire, car l’engagement de la procédure interne de ratification de ces traités de défense n’est pas autre chose.

La qualité de ces conventions n’est pas réellement en cause, même s’il faut regretter que la dynamique de transparence engagée ne tienne pas toutes ses promesses.

En effet, il faut saluer le progrès réel que constitue l’association du Parlement à l’entrée en vigueur de ces accords de partenariat de défense.

La révision des accords de défense conclus à la suite des indépendances apparaît depuis longtemps nécessaire : les besoins de nos partenaires africains et ceux de notre défense nationale, ainsi que les menaces auxquelles nous devons faire face ont considérablement évolué depuis cinquante ans.

Toutefois, on ne peut que regretter que seules quatre des huit conventions de défense soient ce soir discutées, que notre présence militaire au Tchad ne soit pas abordée à l’occasion de ces nouveaux traités et que les accords de coopération avec le Bénin, le Burkina Faso, le Mali, le Niger et la Guinée équatoriale n’entrent pas dans le champ d’une discussion générale.

S’il faut adapter aux contraintes contemporaines la présence française en Afrique, cela ne peut se faire sans une vision stratégique à l’échelle du continent, et non en tronquant la discussion.

Fondus à partir du même moule, ces traités engagent véritablement la présence de la France en Afrique et donnent à voir le rôle qu’elle entend y tenir.

Dans le Livre blanc Défense et Sécurité nationale, qui doit être révisé en 2012, certaines pistes sont bien proposées, mais elles ne donnent pas entière satisfaction dans l’éclairage que ce document apporte aux conventions qui nous sont présentées.

La première piste est la volonté française de transformer l’action bilatérale en un engagement multilatéral. Cela paraît de nature à renforcer la légitimité des interventions militaires, en plus d’en partager le coût financier.

Il est certain que tout recours à la force ne peut se faire que dans le cadre d’une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies.

L’inscription de ces traités de partenariat de défense dans la relation stratégique Afrique–Union européenne traduit également une conception rénovée de la place de la France dans les questions militaires en Afrique.

De même, le soutien que la France puis l’Europe apportent à l’appropriation par les organisations régionales africaines de la gestion des opérations de défense, de sécurité et de maintien de la paix est encore un signe fort du renoncement à l’action unilatérale de la France.

Mais, alors que vous nous proposez de restreindre encore davantage les forces françaises stationnées en permanence sur le sol africain, vous ne devez pas renoncer à notre responsabilité à l’égard de ces pays amis.

La jeune Union africaine a montré les limites de sa capacité d’intervention : la préparation des troupes, les capacités de transport, de commandement et de planification font défaut, alors que les réticences politiques sont un obstacle à toute gestion efficace par les États africains des crises africaines.

L’action de l’Union européenne connaît également ses difficultés propres : si les Vingt-Sept sont la première source d’aide au développement de l’Afrique et le premier partenaire économique, les opérations extérieures de l’Union sont le fruit non pas d’une stratégie préétablie, mais de l’impulsion donnée par un État membre.

La volonté de la France sera-t-elle toujours aussi présente ?

Quelle stratégie à l’échelle du continent se dessine pour la France ? Un désengagement plus ou moins subi par la contrainte budgétaire ou une réelle implication dans le programme de renforcement des capacités africaines de maintien de la paix ?

Une nouvelle fois, le détail de chaque accord ne permet pas de lire une stratégie d’ensemble.

Ainsi, dans chacun de ces traités, la formulation du premier alinéa de l’article 4 déterminant le domaine de coopération visée en matière de défense et de sécurité laisse perplexe.

Si, avec le Gabon, la coopération vise au renforcement des capacités humaines, techniques et logistiques, aucune indication de la sorte n’est précisée pour la coopération avec le Cameroun.

Concernant le Togo et la République centrafricaine, la liste de ces domaines de coopération semble beaucoup plus ouverte, au point qu’il est possible de penser que l’énumération qui suit n’est pas limitative.

Que doit-on comprendre ? Il y aurait davantage de militaires gabonais admis dans nos écoles de formation militaire française que de militaires camerounais ? La liste ouverte dans les conventions conclues avec le Togo et la République centrafricaine laisse-t-elle place à une aide des forces françaises en cas d’agression extérieure ou de troubles intérieurs dans ces deux États ?

Si cette dernière utilisation de nos capacités militaires semble écartée – la révision des anciens accords d’assistance étant en partie fondée pour revenir sur cette possibilité –, il ne faudrait pas que l’interprétation de ces nouveaux traités au regard des objectifs très généraux du partenariat rende possible l’ingérence militaire de la France.

Malgré la position réitérée depuis trente ans et consistant en l’appréciation par les autorités nationales de l’opportunité de mettre en œuvre la clause d’assistance, il reste qu’une telle ingérence était possible et l’on sait qu’il n’est nul besoin d’invoquer de telles clauses pour intervenir dans des affaires intérieures, comme ce fut le cas quelques jours avant le discours présidentiel du Cap de février 2008, qui lançait le processus de négociation de ces nouvelles conventions avec le soutien déterminant du régime d’Idriss Déby au Tchad.

Il reste donc de nombreux points à éclaircir. Or l’actualité africaine nous oblige à prendre le temps de cette réflexion et d’explication nécessaires à la politique de la France en Afrique.

Le monde du sud de la méditerranée au Golfe persique est en ébullition, les peuples secouent le joug des tyrannies.

Or la Tunisie, la Libye et l’Égypte sont – ai-je besoin de vous le rappeler ? – des pays africains. Au sud du Sahara, les peuples sont également portés par le mouvement d’espérance et de libération né sur les rives de la méditerranée.

Leur succès est moins visible, l’attention médiatique peu soutenue.

Pourtant, au Gabon par exemple, les mouvements d’opposition au régime du Président Ali Bongo existent, les manifestations des 5 et 8 février ont été réprimées, le chef de l’opposition André Mba Obame, candidat malheureux à l’élection très controversée de 2009, et ses conseillers se sont réfugiés dans l’enceinte du PNUD – Programme des Nations unies pour le développement – par peur de se faire arrêter par les forces du Président Bongo.

En République centrafricaine, les pratiques du Président Bozizé sont flagrantes, tout comme les graves manquements aux principes démocratique des votations de janvier et février derniers.

L’emprise des régimes du Cameroun, de la République centrafricaine, du Gabon et du Togo est toujours aussi forte, mais il n’est pas possible de garder les yeux fermés sur les manquements graves et répétés qu’ils portent aux principes démocratiques et à la garantie des droits et des libertés dont la France se prétend la garante.

Une immense chance est à saisir : les révolutions africaines ne se font pas en brûlant un drapeau américain ou français. Les peuples se soulèvent contre leurs oppresseurs et non contre une puissance étrangère.

L’outil du diplomate est le choix du mot juste, la compréhension de l’autre, afin de faire converger les points de vue.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, n’envoyons pas un message de soutien militaire aux dirigeants des pays qui bafouent les principes démocratiques. Associons plutôt nos peuples à la quête de liberté qui gagne l’Afrique ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Michel Billout applaudit également.)

M. Didier Boulaud. Très bien !

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale commune ?…

La discussion générale commune est close.

La parole est à M. le ministre.

M. Laurent Wauquiez, ministre. Madame la présidente, permettez-moi quelques mots de réaction, par correction et par respect envers les différents sénateurs, dont les interventions ont été de qualité.

Je voudrais tout d’abord remercier M. le rapporteur pour la qualité de son rapport et la précision avec laquelle il a rappelé l’évolution que traduit la négociation de ces quatre nouveaux accords de partenariat de défense. Comme il l’a souligné, ces accords traduisent une vraie inflexion de notre relation avec l’Afrique en général et les pays africains concernés.

Une précision m’a été demandée à propos du Tchad. Ce pays n’est pas concerné par la révision, puisqu’il n’était pas lié jusqu’à présent à la France par un accord de défense. Toutefois, il a demandé à négocier un accord de partenariat de défense et une première session de discussions doit se tenir après les prochaines échéances électorales tchadiennes. Nous attendons donc les premières demandes du Tchad en la matière. Si vous le souhaitez, nous pourrons bien évidemment rendre compte de l’évolution de ces négociations.

Monsieur Billout, comme beaucoup des intervenants, vous avez eu l’honnêteté intellectuelle de souligner les avancées que constituent ces accords de partenariat et de défense, le souci de transparence que cela représente et l’apport supplémentaire dans le cadre de nos discussions. Je vous remercie ainsi que vos collègues qui l’ont fait de façon quasi systématique.

Toutefois, permettrez-moi de relever un vrai point de désaccord entre nous. Je ne perçois pas le fait d’améliorer la coordination avec l’Union européenne comme étant une marque du retrait de la France.

M. Michel Billout. Ce n’est pas ce que j’ai dit !

M. Laurent Wauquiez, ministre. Alors nous ne nous sommes pas bien compris !

Au contraire, je crois que la France peut conserver une politique ferme et maintenir une présence forte dans un certain nombre de régions du monde, tout en s’adossant sur des moyens supplémentaires de rayonnement que peut nous apporter le fait d’être le chef de file de la diplomatie européenne. De plus en plus, nous devons apprendre à concilier ces deux dimensions.

Il m’avait semblé noter une opposition de votre part, mais je vous remercie d’avoir clarifié votre point de vue. (M. Michel Billout s’exclame.)

Monsieur Boulaud, je ne reviendrai pas sur tous les points de votre intervention. Je m’en tiendrai à ceux qui portaient sur les accords de partenariat de défense.

Ces accords vont être rendus publics et permettront donc aux opinions publiques d’en être informées.

Par ailleurs, puisque vous avez demandé une précision sur ce sujet, le partenariat implique nécessairement un dialogue avec nos partenaires sur les menaces potentielles, et par conséquent un échange d’informations.

Enfin, s’agissant de la Côte d’Ivoire, il n’y aura pas de renégociation de l’accord tant qu’il n’y aura pas de gouvernement légitime dans ce pays. Vous me permettrez d’ajouter qu’en matière de leçons à donner tout le monde peut balayer devant sa porte, car Laurent Gbagbo a tout même fait l’objet de soutiens relativement marqués à gauche !

M. Didier Boulaud. Pas de ma part !

M. André Trillard. De la part de vos amis !

M. Didier Boulaud. Je ne l’ai jamais rencontré !

M. Laurent Wauquiez, ministre. Monsieur Guerry, je vous remercie de votre intervention. La vision dont vous avez fait état en conclusion sur l’énorme potentiel de l’Afrique était très intéressante.

Le continent africain va marquer le XXIe siècle, mais cette idée ne peut pas s’incarner dans une vision étroite du développement. Vous avez donc parfaitement résumé ce que doit être notre vision des atouts de l’Afrique au cours du XXIe siècle.

Enfin, monsieur Antoinette, je vous remercie d’avoir souligné la qualité des conventions, le travail de transparence. Merci également d’avoir relevé le fait que les clauses de sécurité ont été enlevées. Je vous rejoins tout à fait sur ce point, cela marque notre volonté de ne pas entrer dans des cycles d’ingérence qui n’ont plus cours dans l’actualité de ce que doivent être nos relations avec l’Afrique.

accord avec la république centrafricaine

Mme la présidente. Nous passons à la discussion de l’article unique du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République centrafricaine instituant un partenariat de défense.

Article unique

Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République centrafricaine instituant un partenariat de défense (ensemble une annexe), signé à Bangui le 8 avril 2010, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Mme la présidente. Je vais mettre aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi.

Je vous rappelle que ce vote sur l’article unique à valeur de vote sur l’ensemble du projet de loi.

Y a-t-il des demandes d’explications de vote ?...

Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

traité avec la république gabonaise

Mme la présidente. Nous passons à la discussion de l’article unique du projet de loi autorisant la ratification du traité instituant un partenariat de défense entre la République française et la République gabonaise.

Article unique

Est autorisée la ratification du traité instituant un partenariat de défense entre la République française et la République gabonaise (ensemble une annexe), signé à Libreville le 24 février 2010, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Mme la présidente. Je vais mettre aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi.

Je vous rappelle que ce vote sur l’article unique à valeur de vote sur l’ensemble du projet de loi.

Y a-t-il des demandes d’explications de vote ?...

Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

accord avec la république du cameroun

Mme la présidente. Nous passons à la discussion de l’article unique du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Cameroun instituant un partenariat de défense.

Article unique

Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Cameroun instituant un partenariat de défense (ensemble une annexe), signé à Yaoundé le 21 mai 2009, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Mme la présidente. Je vais mettre aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi.

Je vous rappelle que ce vote sur l’article unique à valeur de vote sur l’ensemble du projet de loi.

Y a-t-il des demandes d’explications de vote ?...

Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

accord avec la république togolaise

Mme la présidente. Nous passons à la discussion de l’article unique du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République togolaise instituant un partenariat de défense.

Article unique

Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République togolaise instituant un partenariat de défense, signé à Lomé le 13 mars 2009, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Mme la présidente. Je vais mettre aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi.

Je vous rappelle que ce vote sur l’article unique à valeur de vote sur l’ensemble du projet de loi.

Y a-t-il des demandes d’explications de vote ?...

Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

10

Ordre du jour

Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 2 mars 2011, à quatorze heures trente et le soir :

1. Projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à l’élection des députés (n° 209, 2010-2011).

Rapport de M. Patrice Gélard, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale (n° 311, 2010-2011).

Texte de la commission (n° 312, 2010-2011).

2. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, ratifiant l’ordonnance n° 2009-936 du 29 juillet 2009 relative à l’élection de députés par les Français établis hors de France (n° 210, 2010 2011).

Rapport de M. Patrice Gélard, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale (n° 311, 2010-2011).

Texte de la commission (n° 313, 2010-2011).

3. Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, portant simplification de dispositions du code électoral et relative à la transparence financière de la vie politique (n° 207, 2010-2011).

Rapport de M. Patrice Gélard, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale (n° 311, 2010-2011).

Texte de la commission (n° 314, 2010-2011).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures quinze.)

Le Directeur du Compte rendu intégral

FRANÇOISE WIART