M. Roland Courteau. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, sur l'article.
M. Richard Yung. Je saisis cette occasion pour poser une question au Gouvernement sur un point évidemment en relation avec l’article 34. Il s’agit de la procédure administrative et contentieuse de l’éloignement d’étrangers.
Je voudrais attirer votre attention sur le récent arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme concernant l’application du règlement européen dit « Dublin II », texte qui organise les mouvements de personnes entrées sur le territoire de l’Union européenne et qui fixe, en particulier, la règle du pays de primo-arrivée.
Dans un arrêt de Grande chambre du 21 janvier dernier, M.S.S. contre Belgique et Grèce, la Cour européenne des droits de l’homme a considéré que le transfert d’un demandeur d’asile afghan de la Belgique vers la Grèce, en application du règlement Dublin II, était contraire aux articles 3 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, articles qui sont respectivement relatifs à l’interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants et au droit à un recours effectif.
Les juges de Strasbourg ont ainsi condamné non seulement la Grèce pour les lacunes graves qui sont constatées dans ce pays en matière de procédure d’asile et de traitement des demandeurs d’asile, mais aussi, par ricochet, la Belgique, laquelle avait renvoyé le demandeur d’asile afghan dans le pays méditerranéen par lequel il était arrivé en Europe.
D’une certaine manière, c’est la fin du règlement Dublin II et de la règle du pays de primo-arrivée.
Mais, au-delà de la condamnation de la Grèce et de la Belgique, c’est, plus largement, l’application automatique du règlement Dublin II qui est visée. Les juges considèrent en effet qu’il appartient aux États membres de prendre en considération les risques de mauvais traitements dans le premier pays européen d’accueil, d’une part, et dans le pays d’origine où risque d’être renvoyé le demandeur d’asile, d’autre part.
Plusieurs États membres ont déjà entendu ces critiques et ont limité leurs transferts vers la Grèce en procédant à des examens individuels. La Norvège, la Finlande, l’Allemagne, la Suisse et la Suède ont ainsi devancé leurs partenaires européens dès 2008.
Plus récemment, et depuis cette décision de janvier dernier, le Royaume-Uni, l’Autriche et le Danemark les ont rejoints.
La France fait partie des pays qui continuent à renvoyer des demandeurs d’asile en Grèce. Je souhaiterais donc savoir, monsieur le ministre, quand et comment le Gouvernement entend tirer les conséquences de cet arrêt majeur, qui consacre le droit d’asile comme prévalant contre les autres considérations.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 180 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche.
L'amendement n° 397 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bernard Vera, pour présenter l'amendement n° 180.
M. Bernard Vera. Cet article concentre toutes les problématiques de la réforme du contentieux des étrangers introduit par ce projet de loi, mais aussi les raisons de la colère des magistrats administratifs qui sont en grève, je le rappelle, aujourd’hui même.
Elles concernent la procédure applicable au contentieux de l’éloignement des étrangers placés en rétention administrative.
À ce jour, l’étranger faisant l’objet d’une mesure d’éloignement peut être placé en rétention par l’administration.
La juridiction administrative est compétente pour contrôler la légalité de la décision de placement en rétention et de la mesure d’éloignement.
La juridiction judiciaire, gardienne des libertés individuelles en vertu de l’article 66 de la Constitution, est, quant à elle, compétente pour statuer sur la validité de la prolongation de la rétention, qui constitue une mesure privative de liberté, et, plus précisément, est chargée de vérifier la régularité de la procédure d’interpellation et l’accès de la personne retenue à l’exercice effectif de ses droits.
Les juridictions des ordres administratif et judiciaire, en raison de leurs compétences respectives, sont donc investies de missions de contrôle différentes.
Actuellement, lorsqu’un étranger est placé en rétention administrative, la décision d’éloignement dont il fait l’objet est examinée par la juridiction administrative selon une procédure d’urgence dérogatoire, par un juge unique – statuant seul –, sans conclusions du rapporteur public, qui doit statuer dans les soixante-douze heures.
Le projet de loi, qui crée une nouvelle mesure d’interdiction de retour sur le territoire français, prévoit qu’une telle décision sera, elle aussi, contrôlée dans le cadre de la procédure d’urgence lorsque l’étranger est placé en rétention.
Or aucune situation d’urgence ne justifie, ici, une telle dérogation aux garanties normales de la procédure administrative !
De plus, il s’agit, avec l’interdiction de retour sur le territoire français, d’un nouveau type de décision, particulièrement lourde de conséquences pour l’étranger, et dont les conditions de mise en œuvre devront être précisées par la jurisprudence.
L’examen de la décision d’interdiction du territoire français devrait donc naturellement être effectué selon la procédure normale, c’est-à-dire par une formation collégiale de trois juges, après conclusions du rapporteur public.
Cet article prévoit aussi qu’une décision d’éloignement peut être mise à exécution dès que le juge administratif s’est prononcé sur sa légalité. Cette inversion de l’ordre d’intervention des juges pourra donc permettre à l’administration, dans certains cas, de procéder à l’éloignement de l’étranger avant même que le juge judiciaire ne se soit prononcé sur la privation de liberté dont l’intéressé a fait l’objet.
Cette stratégie d’évitement du juge des libertés et de la détention aura pour conséquence de priver, en pratique, l’étranger ayant fait l’objet d’une mesure privative de liberté d’un accès effectif au juge judiciaire, ce qui est n’est pas admissible.
Conjugué au principe de la délocalisation des audiences, sur lequel nous reviendrons, qui porte gravement atteinte à la sérénité des débats et à la qualité de la justice, cet article ne fait que créer une justice expéditive pour les étrangers. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons le supprimer.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l'amendement n° 397.
M. Roland Courteau. L’article 34 prévoit une refonte totale du contentieux administratif de l’éloignement.
Le nouveau dispositif a d’ores et déjà réuni contre lui le monde associatif qui défend les droits des étrangers et les professionnels concernés, c’est-à-dire les juges administratifs, qui sont vent debout contre cette colossale charge de travail supplémentaire.
Une telle opposition ne peut être que comprise, partagée et soutenue tant les propositions du Gouvernement sont attentatoires aux droits des étrangers et, en premier lieu, au droit au recours effectif.
En effet, les étrangers faisant l’objet d’une mesure d’obligation de quitter le territoire français, ou OQTF, sans délai de départ volontaire, n’auront que quarante-huit heures pour introduire un recours contre ces décisions.
De plus, nous dénonçons le fait que les étrangers sont victimes d’une véritable « double peine administrative ». En effet, la rétention administrative ou l’assignation à résidence entraînent l’examen de la requête contre l’OQTF, le refus de délai de départ et d’interdiction du territoire par un juge unique, sans l’intervention du rapporteur public, qui aura un délai de soixante-douze heures pour statuer.
L’examen par un juge unique nous semble une entorse inacceptable au principe de la collégialité, garantie fondamentale contre l’arbitraire. Aucune situation d’urgence ne justifie une telle dérogation, d’autant moins que les décisions en question, comme l’interdiction de retour sur le territoire français, sont lourdes de conséquences pour l’étranger. L’examen de la décision d’interdiction de retour sur le territoire français, ou IRTF, devrait donc naturellement être effectué selon la procédure normale, c’est-à-dire par une formation collégiale de trois juges, après conclusions du rapporteur public.
Bien d’autres points de cette refonte du contentieux administratif de l’éloignement sont intolérables et doivent être combattus. À défaut de pouvoir tous les citer, je vais en mentionner quelques-uns.
Par exemple, nous refusons la restriction de l’accès à l’aide juridictionnelle. La possibilité d’avoir recours à cette aide n’est prévue que pour les étrangers qui demandent l’annulation de la décision d’OQTF à laquelle ils sont soumis, si celle-ci s’accompagne des trente jours de délai de départ volontaire. Quid des autres, ceux qui sont soumis à une OQTF sans délai de départ volontaire ?
En outre, l’article 34 permet la délocalisation des audiences du tribunal administratif. Ainsi, des audiences pourront avoir lieu dans des salles spécialement aménagées à proximité immédiate des lieux de rétention, voire au sein des centres de rétention ! Ce n’est pas sans poser problème…
Ainsi, le principe de la publicité des débats n’est pas garanti, car les zones où se situent les centres de rétention sont très mal desservies par les transports en commun et d’accès très difficile. Cet obstacle sera également rencontré tant par l’avocat et l’interprète de l’étranger que par le juge administratif lui-même. Le magistrat devra faire des heures de route afin d’aller rendre la justice dans un préfabriqué, au plus grand mépris du caractère solennel et symbolique des lieux de justice.
Enfin, je souhaite attirer votre attention sur trois arrêts rendus le 16 avril 2008 par la Cour de cassation, qui a déclaré illégale la tenue d’audiences délocalisées dans l’enceinte d’un centre de rétention.
L’article 34, qui instaure une justice d’exception pour l’étranger privé de liberté, qui fait fi des garanties procédurales - aide juridictionnelle, procès équitable, recours effectif -, au point de proposer que les audiences aient lieu dans des cabanes préfabriquées au fin fond des zones aéroportuaires, doit être supprimé !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Je voudrais revenir sur l’objet de cet article que les amendements ont vocation à supprimer.
L’article 34 occupe une place essentielle dans l’architecture du texte puisqu’il s’inspire à la fois de la directive Retour et du rapport qui avait été établi par Pierre Mazeaud pour mettre en place un recours effectif en urgence contre la décision administrative de placement en rétention et les mesures d’éloignement sur lesquelles ce placement est fondé.
Même si la réforme est affaiblie, il faut le reconnaître, depuis la suppression par la commission des lois de l’article 37, qui prévoit l’intervention du juge des libertés et de la détention une fois que le contentieux administratif est purgé, la remise en ordre de la procédure administrative opérée ici vaut par elle-même. Elle n’a pas besoin d’exister par rapport à tout autre dispositif. C’est la mise en place d’un recours en urgence.
J’émets donc, au nom de la commission des lois, un avis défavorable sur ces deux amendements identiques de suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Richert, ministre. Je commencerai par répondre aux interrogations de M. Yung, qui me demande quelles suites seront données à l’arrêt récent de la Cour européenne des droits de l’homme.
D’abord, cet arrêt concerne l’application du règlement européen Dublin II, qui est l’un des fondements du régime européen de l’asile. Il prévoit, en effet, non pas tant l’éloignement d’un demandeur d’asile, que son réacheminement vers l’État européen juridiquement responsable de l’examen de cette demande. Telle est la question qui est ici posée.
Ensuite, cet arrêt porte à examiner avec beaucoup d’attention la mise en œuvre du réacheminement vers la Grèce, puisque la Cour européenne des droits de l’homme considère d’un œil critique la situation réelle du système d’asile grec.
À ce jour, la France, comme plusieurs États que vous avez cités, a toujours veillé à apprécier au cas par cas les possibilités de réacheminement vers la Grèce des demandeurs d’asile.
De surcroît, parce que nous examinons les conséquences complémentaires à tirer de cet arrêt, nous avons, dans l’intervalle, suspendu les réacheminements vers la Grèce.
Sur les amendements identiques nos 180 et 397, qui visent à supprimer l’article 34, nous contestons à la fois l’inconstitutionnalité de l’intervention du juge administratif avant le juge judiciaire et l’augmentation du contentieux administratif qui pourrait résulter de la réforme que nous proposons.
L’objet de l’article 34 est de fixer les règles selon lesquelles le juge administratif statue sur les décisions d’éloignement en procédure normale et en procédure d’urgence. Il énonce toutes les garanties procédurales dont bénéficient les étrangers, notamment le caractère suspensif du recours, qui est en tout point conforme à ce qu’exige la directive Retour. La compétence du juge administratif en ce domaine ne fait évidemment aucun doute.
L’article 34 prévoit en outre – c’est la nouveauté – un véritable recours efficace contre la décision de placement en rétention prise par le préfet. Ce recours n’existait pas véritablement jusque-là. C’est une garantie nouvelle pour l’étranger.
Le Gouvernement est donc défavorable à ces amendements de suppression.
M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Considérer que le juge administratif doit intervenir systématiquement avant le juge judiciaire en cas de placement me semble tout de même poser un problème de constitutionnalité.
Sur la question de la Grèce, il est évident que, si nous n’agissons pas rapidement pour faire appliquer au moins les accords de Dublin, nous retrouverons toujours la même impasse : aujourd’hui, un grand nombre de personnes préfèrent rester en France sans demander l’asile, donc dans un espace de non-droit, plutôt que d’être obligées de repartir en Grèce, où, à supposer qu’elles puissent faire une telle demande, et rien n’est moins sûr, elles savent déjà que la démarche ne pourra pas aboutir.
Il y a donc là un problème d’application du règlement européen.
Concernant maintenant les audiences sur place, outre le fait que les syndicats y sont opposés, cela risque de poser problème dans la mesure où, lors des audiences, très souvent, il est nécessaire que l’on puisse voir les amis, la famille afin de constater la réalité des liens qui ont été tissés en France. Si les audiences se déroulent en dehors des enceintes traditionnelles, ces liens et cette réalité sociale et familiale ne pourront pas être démontrés.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 180 et 397 tendant à supprimer l’article 34.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 155 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 336 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l’adoption | 151 |
Contre | 185 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 398, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 4, après la première phrase
Insérer deux phrases ainsi rédigées :
L'étranger peut également, dans un délai d'un mois suivant la notification de cette décision, exercer un recours administratif gracieux et hiérarchique. Le délai initial de trente jours pour formuler un recours contentieux devant le tribunal administratif est prorogé par l'exercice d'un recours administratif préalable.
La parole est à M. Claude Bérit-Débat.
M. Claude Bérit-Débat. Depuis 2006, tout étranger qui reçoit de la préfecture une décision de refus ou de retrait de son titre de séjour assortie d’une obligation de quitter le territoire français, ou OQTF, dispose d’un délai d’un mois pour déposer un recours contentieux devant le tribunal administratif contre la décision de refus de séjour et la mesure d’éloignement.
Actuellement, ce délai ne peut en aucun cas être prolongé par un recours gracieux ou hiérarchique.
Ces recours restent théoriquement ouverts à l’étranger, mais ils sont inutiles puisque seul le recours contentieux formé dans le délai d’un mois permet d’empêcher l’exécution de la mesure d’éloignement jusqu’à ce que le tribunal se soit prononcé.
Pourtant, en matière administrative, les recours administratifs précontentieux sont d’usage courant. Ils sont efficaces à plusieurs titres.
Premièrement, ils permettent à l’individu de demander à l’administration un nouvel examen de sa situation, ce qui a son importance.
Deuxièmement, ils ont pour effet d’alléger la charge de travail pesant sur les tribunaux, puisqu’une partie des situations est réglée à l’amiable.
Enfin, troisièmement, si, comme nous le suggérons, le recours gracieux contre une OQTF proroge le délai initial de trente jours pour former un recours contentieux, l’étranger disposera de véritables délais pour contester une obligation de quitter le territoire français et pour préparer sa défense.
La mise en place de recours administratifs préalables contre les OQTF apparaît ainsi souhaitable, en ce qu’elle répond à la double exigence d’efficacité et de respect du droit au recours.
Pour ces raisons, nous vous demandons de bien vouloir voter cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. L'amendement n° 398 tend à instaurer un recours hiérarchique contre les mesures d’éloignement qui pourrait être formé dans un délai d’un mois et prorogerait d’autant le délai de recours contentieux. Un tel report en la matière ne paraît pas souhaitable s’agissant d’une mesure qui doit être exécutée à brève échéance.
Par ailleurs, je tiens à signaler au Sénat que le Conseil d’État a validé ce délai d’un mois dans une décision du mois de juillet 2007.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 65 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 5, première phrase
Supprimer les mots :
au plus tard lors de l’introduction de sa requête en annulation
La parole est à M. François Fortassin.
M. François Fortassin. Il est constant dans notre droit que le bénéfice de l’aide juridictionnelle peut être sollicité par une partie à l’instance jusqu’à ce que la juridiction rende sa décision.
Or l’alinéa 5 de cet article 34 rompt avec ce principe général, principe destiné pourtant à garantir le droit d’accès au juge qui participe du caractère équitable de la procédure. En fixant à l’introduction de l’instance le délai limite pour demander une aide juridictionnelle, cet alinéa participe au recul général des droits de l’étranger que porte ce projet de loi.
Nous demandons donc que le droit commun s’applique, d’autant que l’article 13 de la directive Retour dispose : « Les États membres veillent à ce que l’assistance juridique et/ou la représentation nécessaire soient accordées sur demande gratuitement conformément à la législation ou à la réglementation nationale applicable en matière d’assistance juridique ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Sur l’amendement n° 65 rectifié, la commission des lois émet un avis défavorable.
Cet amendement vise à supprimer la précision selon laquelle l’aide juridictionnelle peut être demandée « au plus tard » – j’insiste sur cette expression – lors de l’introduction de la requête en annulation. Toutefois, cette précision est absolument nécessaire dans la mesure où une demande formulée le jour de l’audience entraîne obligatoirement le report de celle-ci à une date ultérieure.
Il y a, là encore, en arrière-fond de cet amendement, des propositions qui ne sont pas acceptables en termes de procédure.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Richert, ministre. Je partage l’argumentation du rapporteur et suis également défavorable à cet amendement.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 183, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Remplacer les mots :
de l'article
par les mots :
des articles L. 561-1 et
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Toute décision prise par l’administration doit pouvoir être contestée. Or le projet de loi ne prévoit pas la possibilité pour l’étranger de déposer un recours auprès du tribunal administratif contre l’assignation à résidence prise en application de l’article L.561-1 du CESEDA, alors qu’il a bien prévu des voies et délais de recours contre celle qui est prise en application de l’article L.561-2 du même code.
Ainsi, le projet de loi instaure un régime discriminatoire entre les étrangers selon l’article en vertu duquel ils ont été assignés à résidence. Le présent amendement entend y remédier.
M. le président. L'amendement n° 401, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 6
Remplacer les mots :
de l'article L. 561-2
par les mots :
des articles L. 561-1 et L. 561-2
II. - Alinéa 10, première phrase
Remplacer les mots :
de l'article L. 561-2
par les mots :
des articles L. 561-1 et L. 561-2
La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. L’article 34 réécrit les dispositions du CESEDA relatives à la procédure contentieuse devant le juge administratif pour les étrangers faisant l’objet de mesure d’éloignement.
Il prévoit notamment, dans son alinéa 6, une procédure de recours contre les décisions d’assignation à résidence prises en vertu de l’article L. 561-2 du même code, c'est-à-dire celles qui sont décidées comme mesures alternatives à la rétention.
Cependant, il existe une deuxième catégorie d’assignations à résidence, celles de l’article L. 561-1 du CESEDA. Elle concerne les étrangers faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire, mais qui se trouvent dans l’impossibilité de regagner leur pays d’origine ou un autre pays.
Or le texte de l’article 34 est muet quant à la possibilité d’exercer une procédure de recours contre ces assignations à résidence-là.
Ainsi, le projet de loi instaure un régime discriminatoire entre les étrangers selon l’article en vertu duquel ils ont été assignés à résidence. Pis, il prive l’étranger assigné à résidence d’un droit de recours contre la décision d’assignation.
J’ose croire qu’il s’agit là d’une simple erreur matérielle des rédacteurs du projet de loi et que celle-ci sera réparée par l’adoption de notre amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Les deux amendements prévoient que le recours en urgence pourra s’exercer également contre les mesures d’assignation à résidence de longue durée, c'est-à-dire celles qui sont prévues par les dispositions du nouvel article L. 561-1.
Or cet article concerne le cas où l’étranger est dans l’impossibilité de quitter le territoire à court terme. Dès lors, c’est le contentieux administratif de droit commun qui doit s’appliquer, avec le traditionnel recours pour excès de pouvoir dans le délai de deux mois.
La commission a donc émis un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de neuf amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 12, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :
Alinéas 7 à 9
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Il appartiendra au demandeur d’asile de contester dans les quarante-huit heures la décision d’éloignement et l’interdiction de retour, avec tous les aléas d’une telle procédure, compte tenu de la brièveté du délai, alors qu’il sera placé en rétention et que l’assistance d’un avocat pour l’aider à introduire un recours juridictionnel n’est pas prévue dans ce cas.
Cette aide à l’exercice du recours reposera sur l’association présente dans le centre de rétention. Il existe toutefois un risque que le recours ne soit pas introduit en temps utile, puisque les associations – je le rappelle – ne sont pas sur place vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
Les conséquences d’une telle restriction des garanties normales de la procédure administrative, justifiées par l’urgence liée à la privation de liberté, devraient au moins être tempérées en cas d’annulation de la rétention administrative ou de l’assignation à résidence, avec un retour aux procédures et aux délais normaux.
Le « juge de l’urgence » devrait, ainsi, d’abord examiner la légalité du placement en rétention ou de l’assignation à résidence, son annulation devant le conduire à renvoyer à la formation collégiale l’examen de la légalité de l’obligation de quitter le territoire français, du refus de délai de départ et de l’interdiction du territoire.
De façon identique, si la rétention est annulée par le juge judiciaire, la saisine du juge unique devrait devenir caduque, et ce pour respecter les principes d’une procédure équitable et d’un recours effectif tels qu’ils sont garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.