M. Roland Courteau. Très bien !
M. David Assouline. Ces déchéances massives ont été théorisées par des hommes politiques et mises en œuvre par des fonctionnaires, avec la complicité muette d’une partie de la population. (Mme Bariza Khiari applaudit.)
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Guy Fischer. Il faut aller voir le musée-mémorial des enfants d’Izieu !
M. David Assouline. Ces individus ne venaient pas de nulle part, ils étaient déjà là avant que la République soit déchue, elle aussi.
Je vous le dis avec force en mesurant mes mots, d’autant plus que je suis consterné que l’on puisse parfois comparer des arrestations et des expulsions injustes à des rafles qui aboutissaient à l’extermination. Je ne supporte pas la banalisation des horreurs singulières de l’histoire.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Très bien !
M. David Assouline. En revanche, je sais aussi comparer ce qui peut l’être, et comprendre à la lumière du passé que si on laisse s’installer l’idée qu’il existe deux catégories de Français, et que certains peuvent, en plus de la peine légitime encourue par tous, s’ils contreviennent à la loi, se voir retirer la qualité de Français, alors d’autres pourront plus facilement, sur la base de cette même rupture d’égalité, élargir le champ de son application. (M. Guy Fischer opine.) Nous ne voulons pas leur faciliter la tâche, nous refusons qu’une brèche vienne fissurer notre socle constitutionnel d’égalité de tous les citoyens devant la loi.
Le présent, lui aussi, est là pour nous avertir : un parti, qui a pignon sur rue et peut distiller tranquillement son poison, qui voit même son congrès retransmis en direct à la télévision, propose déjà d’élargir considérablement cette possibilité de déchéance dans son programme actuel. Permettez-moi d’en citer un passage : « La déchéance de la nationalité pourra être prononcée par la juridiction concernée dans le cas de naturalisation acquise depuis moins de 10 ans et dans le cas de crime ou délit grave ayant entraîné une condamnation à plus de 6 mois de prison, non assortie de sursis. » Voilà pour ceux qui considèrent la fille plus respectable que le père !
Notre vigilance à ne jamais, par facilité, mettre le doigt dans un engrenage malsain et contraire tant à nos valeurs qu’à notre Constitution, nous voulons sincèrement vous la faire partager. Oui, notre Constitution, comme mon collègue Jean-Pierre Sueur va le démontrer, affirme deux choses : d’une part que les hommes sont égaux devant la loi et, d’autre part, que l’on ne saurait distinguer les citoyens entre eux.
Votre proposition, enfin celle que vous défendez, monsieur le ministre, est contraire à ces deux principes constitutionnels et fondateurs de notre République. Je souhaite, avec mon groupe socialiste, qu’il ne se trouve pas ici de majorité pour la voter. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Mme Françoise Laborde applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi dont nous commençons aujourd’hui à débattre touche à une question qui se trouve au fondement de notre identité et de notre contrat social : la nationalité.
Je voudrais saluer les efforts qui ont été déployés par le Gouvernement et le Parlement pour adapter notre cadre légal à la fois aux exigences du droit européen et aux évolutions de notre temps. Nous vivons dans un monde de plus en plus mobile, et il importe d’en tenir compte. En ce sens, ce projet de loi constitue une chance à saisir. Nous, parlementaires, avons la responsabilité d’adopter une attitude constructive face à des enjeux aussi essentiels, plutôt que de choisir l’obstruction ou le déni.
Ce projet de loi nous permet, par exemple, de faciliter le séjour de scientifiques-chercheurs et de leurs conjoints, ainsi que celui des conjoints des titulaires de la carte de résident délivrée pour une contribution économique exceptionnelle. Je me réjouis que la commission ait adopté les amendements présentés par Sophie Joissains que j’avais cosignés, et soutiens l’amendement de Laurent Béteille qui vise à aller plus loin dans cette voie.
Ce projet de loi est aussi une occasion de faciliter les démarches de visas pour les partenaires liés à un ressortissant français par un pacte civil de solidarité, ou PACS. J’avais présenté un amendement relatif à la motivation des refus de visas concernant ces personnes, et je suis très heureuse qu’il ait été repris par la commission des lois, devenant l’article 12 bis. J’espère que nous pourrons aller encore plus loin dans la défense du droit de ces personnes à mener une vie familiale normale, droit garanti par notre Constitution et par la Convention européenne des droits de l’homme. Nous y reviendrons dans la discussion des amendements.
L’état de notre arsenal législatif est une chose, l’esprit dans lequel il est appliqué en est une autre, et cette dimension est tout aussi importante.
Je pense notamment aux difficultés persistantes rencontrées par les Français nés hors de notre territoire ou dont des ascendants sont nés hors de France lorsqu’ils renouvellent leurs pièces d’identité. Le 14 décembre dernier, à cette même tribune, le ministre Michel Mercier a annoncé qu’une circulaire de rappel allait être diffusée, sous le sceau des ministères de la justice, de l’intérieur et des affaires étrangères, pour enjoindre les agents d’appliquer les mesures de simplification décidées antérieurement. Monsieur le ministre, je serais heureuse que vous nous fassiez part des efforts en cours sur ce plan.
De même, en matière d’attribution et de renouvellement des titres de séjour aux victimes de violences conjugales, il importe désormais de veiller à l’esprit dans lequel seront appliquées les dispositions de la loi du 9 juillet dernier et celles du présent projet de loi. À cet égard, je vous demanderai de bien vouloir prendre des engagements pour que les bénéficiaires d’une ordonnance de protection soient avertis de manière systématique et précise de leurs droits. Car la validité d’une telle ordonnance n’est que de quatre mois, délai particulièrement court pour permettre à des personnes en situation de très grande vulnérabilité de réaliser des démarches administratives efficacement.
L’examen de ce projet de loi donne lieu à des débats qui, parfois, font mal. Mais refuser de regarder en face les tensions et les incompréhensions qui traversent notre société ne les résoudra pas.
Cela a été le cas lors de la polémique créée en octobre dernier par un amendement émanant de l’Assemblée nationale, heureusement rejeté en commission des lois, et tendant à interdire la double nationalité. Si un tel amendement avait été déposé, c’est qu’il reflétait l’incompréhension profonde de beaucoup quant aux véritables enjeux de la double nationalité. Notre responsabilité est alors de faire preuve de pédagogie plutôt que de vilipender, et de prouver à quel point l’immense majorité de nos doubles nationaux sont une très grande richesse pour la France.
De manière générale, les débats autour de ce projet de loi nous poussent à repenser les questions d’intégration, de civisme et de défense des valeurs républicaines parmi les immigrés, mais aussi parmi les « Français de souche », qu’ils vivent en France ou à l’étranger.
Nous avons besoin de lucidité et de courage. N’oublions pas que ce sont les étrangers eux-mêmes qui, dans leur majorité, nous demandent d’avoir ce courage de légiférer, parce qu’ils aiment notre pays, parce qu’ils se reconnaissent dans nos valeurs, parce qu’ils souhaitent pouvoir s’épanouir en paix sur notre territoire.
Les enjeux vont largement au-delà du présent texte et des compétences du ministère de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Le renforcement de la Journée défense et citoyenneté, qui succède à la Journée d’appel de préparation à la défense, la JAPD, et de notre réserve citoyenne serait, par exemple, utile dans la perspective d’accroître la tolérance, les liens et l’acceptation mutuelle entre Français de souche et nouveaux Français ou étrangers en voie de naturalisation.
Pour conclure, mes chers collègues, je voudrais que, en votant sur ce texte, nous en gardions tous à l’esprit les enjeux en termes non seulement de choix de société, mais aussi d’image internationale. Il s’agit pour la France de défendre son image, son attractivité, ses liens avec ses ressortissants résidant à l’étranger et ses binationaux, qui sont autant de piliers de notre soft power – veuillez me pardonner cette vilaine expression ! – et de notre rayonnement international. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Mme Bariza Khiari applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Étienne Antoinette.
M. Jean-Étienne Antoinette. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, venant d’une région qui fournit 8 979 reconduites à la frontière d’étrangers en situation irrégulière sur les 28 000 qui représentent l’objectif national, j’ai vraiment de quoi m’interroger sur le sens du projet de loi qui nous est soumis.
Je ne remets pas en question l’intérêt de la thématique : l’immigration, l’intégration et la nationalité sont des sujets riches, complexes et passionnants, touchant à notre humanité. À ce stade de mon intervention, je condamne, nous condamnons l’immigration clandestine, surtout quand des réseaux organisés profitent des souffrances économiques et humaines, mettent en danger la vie des enfants, quand des patrons mettent en place des systèmes modernes d’esclavage.
Le problème, monsieur le ministre, c’est que votre gouvernement fait de ce sujet, hélas ! un épouvantail susceptible de réveiller d’obscurs ressentiments,…
Mme Bariza Khiari. Très bien !
M. Jean-Étienne Antoinette. … de stigmatiser l’autre et de condamner finalement à ce repli communautaire que vous prétendez vouloir combattre.
Je passe également sur le calendrier législatif qui, tous les deux ans environ, depuis la première loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure du 29 août 2002, voit émerger des projets de loi sur l’immigration. Le « pic » atteint en 2006, avec pas moins de trois lois votées, laisse présager le pire à l’approche des prochaines échéances électorales.
En revanche, la question se pose vraiment : pourquoi déposer une énième loi sur l’immigration de cette facture ? Peut-être le constat de l’échec de votre politique en cette matière vous oblige-t-il à revenir à la charge. Mais alors, face à ces multiples revers, pourquoi les mêmes recettes, aussi peu humaines qu’efficaces ?
Il y a toujours plus de privation de liberté, toujours moins d’accès au juge, toujours plus d’obstacles à l’accession à la nationalité ; il y a toujours cette volonté de stigmatiser l’étranger en France et, surtout, toujours cette façon de répéter sans cesse aux Français, comme si c’était le premier objectif d’un tel texte, qu’ils doivent regarder le statut d’étranger comme un délit en soi ; de nombreux exemples le démontrent.
Ainsi, une carte de long séjour « vie privée et familiale » délivrée outre-mer est requalifiée de carte de séjour « étudiante » par les préfectures métropolitaines ; les obstacles sont sans cesse plus nombreux pour l’accession à la nationalité d’un conjoint de Français.
Et alors que les collectivités locales ont l’obligation de prendre en charge tous les mineurs, en particulier pour assurer leur scolarisation mais également leur sécurité, le Gouvernement ignore le coût de ces opérations d’intégration, en refusant les dotations humaines, matérielles et financières qui permettraient de remplir ces missions autrement plus nobles que le rejet, l’exclusion, l’expulsion ou l’interdiction de retour.
Il y aurait aussi beaucoup à dire sur l’efficacité de mesures toujours plus coercitives, toujours plus déshumanisantes pour l’étranger et toujours plus déshumanisées pour ceux qui doivent les mettre en œuvre.
Ne croyez pas que l’augmentation de la durée de placement en rétention de 32 à 45 jours permettrait d’exécuter davantage de procédures d’obligation de quitter le territoire.
Ne croyez pas qu’une loi supplémentaire réussira là où les autres ont échoué en matière de contrôle des flux migratoires sans une augmentation des moyens ou, du moins, ne serait-ce que pour appliquer le droit existant, sans un meilleur déploiement des ressources actuelles. L’absence de convention avec le Guyana en est un exemple frappant.
De janvier à août 2010, l’OFPRA a enregistré 784 nouvelles demandes d’asile en provenance de Guyane. Pourtant, des situations récurrentes apparaissent encore, comme la fermeture du guichet asile lors de l’absence de la seule personne qui en avait la charge, suspendant ainsi toute possibilité de faire examiner une demande d’asile.
La carence de moyens humains et matériels illustre le niveau de votre capacité réelle à mener une politique de contrôle des frontières, d’accueil des demandeurs d’asile, mais également d’intégration.
Monsieur le ministre, une autre de mes questions porte sur les axes de votre politique des flux migratoires. Déterminer les conditions d’entrée et de séjour sur le territoire national, lutter contre l’entrée et le séjour irréguliers, ou organiser l’aide au retour dans leur pays d’origine des personnes en situation irrégulière ne constituent qu’un contrôle illusoire des frontières.
Un texte qui prétend lutter contre les flux d’immigration clandestine ne saurait se contenter de dispositions seulement relatives aux reconduites à la frontière, volontaires ou contraintes, ou aux centres de détention et aux zones d’attente. Il faut l’adosser à une politique de coopération régionale et de développement cohérente avec les pays d’origine des populations migrantes.
Savez-vous, mes chers collègues, que le PIB par habitant de la Guyane, qui pourtant ne représente que 35 % de celui de la France hexagonale, reste toutefois treize fois supérieur à celui du Surinam, quinze fois à celui du Guyana et trente-neuf fois à celui d’Haïti ?
Croyez-vous, monsieur le ministre, que le traitement humiliant que constituent les reconduites massives aux frontières empêcheront ces hommes et ces femmes de traverser le fleuve ou la mer, au risque de leur vie, à la recherche de conditions meilleures pour eux et leurs enfants ?
A contrario, il est symptomatique de constater que Trinité-et-Tobago, ayant un PIB quasi similaire à celui de la Guyane, ne fournit pratiquement aucun contingent d’immigration clandestine.
Le Gouvernement n’a-t-il déposé ce texte que pour prétendre agir ? Il faut le croire, car les lacunes sont nombreuses dans ce projet.
Comme je l’ai dit, la Guyane et les outre-mer totalisent presque 60 % des reconduites hors des frontières nationales.
N’y a-t-il pas matière à intégrer dans la réflexion et le débat législatif cette pratique intensive et manifestement sans grand effet ?
N’y a-t-il pas matière à intégrer dans les dispositions générales du texte des mesures qui prennent en compte les configurations, la sociologie, les économies de ces régions et de leur environnement ?
Je vois bien un titre VI consacré à certains de ces territoires, mais il ne contient que des mesures de coordination et aucune réponse spécifique à la singularité de ces collectivités.
Pourtant, en Guyane, on estime entre 35 000 et 40 000 le nombre d’étrangers en situation irrégulière sur une population de 230 000 habitants. On retrouve un rapport similaire à Mayotte ou en Guadeloupe. Comment se fait-il qu’aucune disposition ne prenne en compte des territoires où 20 % de la population est en situation irrégulière ?
Je veillerai d’ailleurs à proposer, sur certains points, des dispositions spécifiques à la Guyane, tout en sachant que, manifestement, le débat est ailleurs.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si le thème de l’immigration, de l’intégration, de la nationalité suscite tant de passion, c’est qu’il touche à notre identité et à notre humanité.
Lorsque, dans leur déclaration des droits, les constituants de 1789 énoncent que « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits », ils donnent à leur propos une valeur universelle.
En refusant aux étrangers la liberté, la dignité, l’accès au juge, du fait qu’ils sont étrangers, notre identité se dépouille de l’ambition humaine universelle portée par la Révolution. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Mme Françoise Laborde applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il n’est pas facile, dans un tel débat, d’être le dernier à intervenir, et ce d’autant plus que je considérais le texte qui nous est parvenu de l’Assemblée nationale, avec ses 110 articles, comme un texte aride, s’adressant plus particulièrement à des spécialistes.
Grâce à l’excellent travail de M. le rapporteur et aux remarquables interventions en réunion de groupe de mes collègues Louis Nègre, Catherine Troendle, Jean Bizet et Joëlle Garriaud-Maylam, j’ai compris que ce projet de loi avait tout d’abord une dimension internationale, puisqu’il vise à transposer trois directives européennes.
Ce texte est l’aboutissement d’une initiative engagée par le Président de la République pendant sa campagne électorale, que vous avez personnellement mise en œuvre au début de son mandat, monsieur le ministre, et qui, finalement, a reçu l’adhésion de tous les pays européens concernés.
En réalité, au-delà de sa dimension internationale, le projet de loi constitue la consécration, sur le plan législatif, d’une vision, d’une politique d’immigration d’un pays moderne telle qu’elle a été définie par la France. C’est en effet notre pays qui a montré le chemin à nos voisins européens.
En tant qu’élu urbain, parisien, je suis confronté quotidiennement, comme M. Assouline ou Mme Boumediene-Thiery, au problème de l’immigration. Et je ne connais pas d’élu qui ne doive pas faire face, dans la vie de tous les jours, à des situations humainement et socialement difficiles et qui n’ait pas envie d’intervenir pour protéger celles et ceux qui en ont besoin.
Mais pour intervenir, nous avons besoin du droit, car la société demande à être protégée. C’est ce débat que vous avez voulu ouvrir, il y a déjà longtemps, et ce texte en est, en partie, l’aboutissement.
Je ferai deux remarques.
Premièrement, sur le plan de l’immigration, je constate que la place de la France, en tant que terre d’accueil, n’a pas fondamentalement changé.
La France est toujours, parmi les pays développés, une terre d’accueil. Il a simplement été mis de l’ordre, depuis quelques années, dans la société française.
Je suis étonné d’entendre un certain nombre d’orateurs dire que les textes du Gouvernement sont inefficaces. Si c’est le cas, pourquoi autant de débats ?
En réalité, ces textes sont efficaces, mais ils s’inscrivent dans une politique d’accueil des immigrants qui respecte les valeurs traditionnelles de la France.
Deuxièmement, il est nécessaire d’affirmer les droits des immigrants légaux.
Je fais quotidiennement les mêmes rencontres que M. Assouline. Ce travailleur égyptien arrêté à la gare du Nord et ce travailleur tunisien, j’aurais pu, moi aussi, les rencontrer.
Ces personnes n’auront des droits que si nous établissons une législation ordonnée, à l’instar de celle que vous avez commencé à mettre en place il y a quelques années, monsieur le ministre, une législation qui, en outre, s’inscrive dans la durée.
Le respect de l’immigration légale passe automatiquement par une politique forte en matière d’immigration, celle que vous avez engagé voilà quelques années, et il est nécessaire de l’affirmer à nouveau très clairement.
Ces deux orientations correspondent à une attente réelle des Français. Certains aimeraient que vous ne fassiez rien et que la société française continue à se déliter... (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Richard Yung. Personne ne dit ça !
M. Jean-Pierre Sueur. Cessez de caricaturer !
M. Richard Yung. C’est navrant !
M. Philippe Dominati. S’il ne se passait rien, en effet, cela serait plus facile et permettrait de nourrir les extrémismes... (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Or les Français attendent que vous agissiez !
Je tiens à souligner le rôle personnel que vous avez joué sur la durée, monsieur le ministre, en assumant cette politique : d’abord, par la création d’un ministère spécifique, une action relayée, comme vous l’avez dit, par votre successeur et menée également par votre prédécesseur ; ensuite, par le regroupement de ces compétences sous votre autorité. Je salue, dans cette action, la continuité politique et la continuité personnelle.
J’estime qu’il est nécessaire de vous apporter non pas un soutien technique – car mes collègues l’ont très bien fait –, mais un soutien politique.
Dans ce projet de loi, trois sujets font l’objet d’un débat.
Tout d’abord, en ce qui concerne l’allongement de la durée légale de rétention de 32 à 45 jours, on s’aperçoit que l’harmonisation européenne n’est pas réalisée : nous sommes bien loin de nos voisins les plus immédiats que sont l’Italie, l’Allemagne et l’Espagne de M. Zapatero.
J’en viens, ensuite, à l’asile politique. Il y a peu, nous recevions autant de refugiés que les États-Unis, la Grande-Bretagne, l’Allemagne, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et le Canada réunis. Il est tout à fait normal de veiller à ce que ces règles ne soient pas détournées ! Ce n’est d’ailleurs pas le cas, comme le montrent les chiffres de l’asile politique, puisque celui-ci a augmenté dans notre pays, au cours des trois dernières années, respectivement de 20 %, 12 % et 8 %.
Enfin, en ce qui concerne le problème de la déchéance de la nationalité, je remercie Louis Nègre d’avoir rappelé quel était l’état du droit antérieur, notamment sous les deux septennats du Président Mitterrand.
Il est vrai que cette mesure peut être considérée comme problématique, dans la mesure où elle concerne une seule catégorie de personnes. Selon Mme Boumediene-Thiery, tout crime pourrait justifier la déchéance de la nationalité. Autrement dit, elle serait prête à accepter cette mesure si celle-ci était susceptible de concerner tout crime concernant des Français. Voilà peut-être ce que signifiait son cri du cœur ?
Mme Alima Boumediene-Thiery. Sûrement pas ! Votre interprétation n’est pas la mienne !
M. Philippe Dominati. Pour ma part, je ne partage pas cette opinion, car nous parlons d’un délai temporaire.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Philippe Dominati. Je termine, monsieur le président.
Avec la proposition qui nous est présentée, monsieur Assouline, vous avez les mêmes droits que tous les Français.
En l’occurrence, il s’agit d’une question de durée : faut-il allonger le délai permettant d’accéder à la nationalité, ou le raccourcir en prévoyant une période qui serait, d’une manière ou d’une autre, probatoire, comme l’a prévu pendant longtemps notre droit civil.
Telles sont les raisons pour lesquelles je soutiens ce texte. Je tenais surtout, monsieur le ministre, à vous faire part d’un message politique : ne faiblissez pas face à une opposition qui ne souhaite pas que nous disions la vérité sur ce sujet ! Je vous encourage également à trouver, comme vous le faites depuis quatre ans, le juste équilibre dans le cadre de l’action que vous menez. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Claude Biwer applaudit également.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
La parole est à M. le ministre.
M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à remercier l’ensemble des orateurs, que j’ai écoutés avec beaucoup d’attention.
Bien évidemment, il y avait, d’un côté comme de l’autre, une part de posture... Mais j’ai perçu au cours de cette discussion générale, et alors même que je fais partie du Gouvernement depuis quelques années, une très grande sincérité – je ne pense pas me tromper à cet égard – dans l’expression des convictions, qui n’empêche pas l’existence de vraies différences.
J’ai cependant été frappé que sur les travées de la gauche aucun des orateurs, dont les interventions étaient toutes étayées d’arguments sur lesquels je reviendrai, n’ait évoqué la réalité. En revanche, ils ont fait preuve, trop souvent, d’un véritable déni de réalité.
À aucun moment, dans ces interventions, la question des conséquences de l’immigration n’a été posée en termes de défi : défi d’intégration, de logement, d’éducation, d’emploi, d’équilibre et de cohésion ! Peut-être ces propos évolueront-ils au cours du débat... (M. David Assouline s’exclame.)
Il y a eu certes des raccourcis faciles et des confusions volontaires – c’est classique ! –, mais aussi des interventions qui sortaient des sentiers battus.
Je suis donc quelque peu dubitatif. Je vous demande de bien vouloir, à votre tour, croire à ma sincérité, d’autant que, comme plusieurs orateurs l’ont dit, je ne suis pas l’auteur de cette réforme, contrairement à celle de 2007, à laquelle j’avais personnellement imprimé mon empreinte. En l’occurrence, j’assume la continuité du Gouvernement sur la base d’un texte essentiellement préparé par mon prédécesseur.
Je suis frappé que même les dispositions les plus techniques ne trouvent pas grâce à vos yeux ! Pour être crédibles sur ces sujets, vous devriez tout de même reconnaître, de temps en temps, que certaines de ces dispositions ne posent pas de difficulté.
Monsieur Yung, comme je vous l’ai dit rapidement lorsque vous avez rejoint votre siège, vous avez eu des mots formidables et, je vous le dis franchement, il n’y a pas grand-chose qui m’ait choqué dans votre intervention. Mais vous ne tirez aucune conséquence de vos propos dans les actes ! On ne peut pas s’abriter derrière la beauté des mots et, dans la pratique, refuser les conséquences de ces mots...
Vous vous défendez d’avoir jamais cautionné l’immigration illégale. Or la multiplication des amendements de suppression déposés, article après article, par le groupe socialiste, entre totalement en contradiction avec le contenu de votre intervention !
M. Richard Yung. Pas du tout !
M. Brice Hortefeux, ministre. Mais si ! S’il est vrai que vous ne cautionnez pas l’immigration illégale, alors vous devez soutenir certains des dispositifs qui figurent dans ce texte.
M. Richard Yung. Non !
M. Brice Hortefeux, ministre. Sinon, il ne s’agit que de postures ou de mots !
Faites très attention : vous devez être en phase avec la société française ! Ne vous contentez pas de dire que vous êtes hostiles à l’immigration illégale, sans en tirer la moindre conséquence. À défaut, sans aller jusqu’à parler de supercherie, je vous avertis qu’à un moment donné la vérité apparaîtra : certains veulent lutter contre l’immigration illégale pour promouvoir l’immigration légale, et d’autres, qui ne le veulent pas, finissent par tout accepter !
Par ailleurs, vous avez opposé notre politique à celle qui est menée par l’Allemagne en faveur de l’immigration professionnelle (M. Richard Yung s’exclame.), alors que nous allons exactement dans le même sens avec la création de la carte bleue européenne. Or je ne vous ai pas entendu approuver cette mesure !
Prendre l’exemple de la politique menée par l’Allemagne sans en tirer les conséquences, qu’est-ce donc, sinon une posture purement partisane et idéologique ?
Je tiens à remercier Jean Bizet, dont j’ai totalement découvert l’intervention, qui était intéressante, riche, documentée et européenne.
À ce propos, monsieur le président Collin, votre groupe devrait s’appeler non plus RDSE, mais RDS, car vous avez renoncé au mot « européen » ! Toute une série de mesures prévues dans ce projet de loi sont précisément d’inspiration européenne. Vous devriez les approuver avec enthousiasme !
Certes, vous avez fait part de votre opposition de manière nuancée et équilibrée, car tel est votre tempérament et celui des membres de votre groupe. Cependant, j’imagine que les lecteurs de La Montagne, de même que les grands électeurs de M. Mézard, seront très surpris en apprenant que ce dernier souhaite que les terroristes continuent à être hébergés, nourris, logés et blanchis dans un hôtel de Mauriac... (Protestations sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
MM. Guy Fischer et Jean-Pierre Sueur. Caricature !