M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. Monsieur le président, cet amendement prévoit une nouvelle formulation de l’exercice des missions des services de santé interentreprises. Il précise utilement le texte, autour de deux principes essentiels : la prééminence du médecin du travail au sein de l’équipe pluridisciplinaire et l’appartenance du médecin à cette même équipe.
Cette modification me semble pertinente, car la rédaction adoptée par notre commission pouvait laisser penser que le médecin et son équipe sont distincts, ce qui ne peut manquer de nuire à l’efficacité des actions de la médecine du travail.
L’avis de la commission sur l’amendement n° 47 rectifié est donc favorable.
M. Alain Gournac. Très bien !
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. Quant à l’amendement de Mme David, il est satisfait par celui de M. Gournac.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. L’avis du Gouvernement est défavorable sur l’amendement n° 21, j’en suis désolé pour Mme David, et très favorable pour l’amendement n° 47 rectifié présenté par M. Gournac.
Nous avons beaucoup évoqué la pluridisciplinarité, qui est essentielle, il est vrai, à condition de bien préciser qu’elle s’organise autour du médecin du travail, dont il est très important que la place et le rôle soient consacrés.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Nous préférons, une fois n’est pas coutume, la rédaction retenue par la commission sur l’initiative de notre collègue Bruno Gilles.
Il nous semblait que ce libellé conduisait à installer clairement les médecins à la tête de l’équipe et à éviter qu’ils ne soient noyés dans le collectif. Nous trouvons donc la rédaction initiale de la commission plus claire et plus précise.
Mme Annie David. Eh oui !
M. Jean-Pierre Godefroy. Concernant la mission de prescription reconnue aux médecins, je rejoins la position exprimée par notre collègue Annie David.
Quant à l’amendement de nos collègues du groupe CRC-SPG, tendant à ce qu’un rôle d’animation soit reconnu aux médecins du travail, nous y sommes naturellement favorables.
S’agissant une nouvelle fois de l’amendement déposé par M. Gournac, nous pensons véritablement que la rédaction de la commission était plus appropriée.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Je ne comprends pas la position de M. le ministre, qui soutient que l’amendement de M. Gournac installe clairement le médecin au centre de l’équipe.
La rédaction initiale de l’article mentionnait « les médecins du travail et une équipe pluridisciplinaire… ». Il s’agirait maintenant d’inverser l’ordre dans la phrase, qui se lirait désormais ainsi : « une équipe pluridisciplinaire de santé au travail autour des médecins du travail... »
M. Gournac nous propose donc que l’équipe s’organise autour du médecin. Je rappelle que la rédaction adoptée la semaine dernière en commission l’a été au terme d’un riche débat entre ses membres, de la majorité comme de l’opposition, et que l’amendement nous avait été proposé par Bruno Gilles. Comme vous étiez présent en commission, vous devez en avoir quelques souvenirs, chers collègues !
Le débat intéressant que nous avons eu la semaine dernière nous a conduits à affirmer que le médecin devait non pas travailler seul…
M. Alain Gournac. Dans l’équipe !
Mme Annie David. … mais être accompagné d’une équipe pluridisciplinaire, et qu’il lui appartenait, en tant que médecin du travail, de coordonner et d’animer cette équipe.
M. Jean-Pierre Godefroy. Le médecin est à la tête de l’équipe !
Mme Annie David. Du coup, nous avions confié au médecin la responsabilité de prescrire les actes, afin que l’ensemble de l’équipe pluridisciplinaire puisse travailler dans la cohérence, au service des salariés concernés par les services de santé au travail. Je m’empresse de préciser que, contrairement à ce que la notion de prescription pourrait laisser croire, il ne s’agit pas d’actes médicaux, le médecin du travail n’étant pas un médecin prescripteur.
C’est exactement le débat que nous avons eu la semaine dernière en commission, un débat nourri qui a abouti au vote de l’amendement rectifié de Bruno Gilles, dont le texte initial ne correspondait pas tout à fait aux souhaits de la majorité des membres de la commission.
Après discussion et rectification, vous avez donc adopté un amendement, chers collègues de la majorité – pour notre part, nous n’avons pas pris part au vote, conformément à notre habitude –, au motif que la rédaction qu’il tendait à proposer était meilleure. Et voilà que vous changez d’avis, au bout d’une semaine de réflexion – ou peut-être de pressions du Gouvernement ? En effet, quand j’entends M. le ministre affirmer qu’il est « très favorable » à l’amendement proposé par M. Gournac, je me demande s’il n’y a pas eu transmission de pensée, pour ne pas dire plus…
Mme Annie David. Non, bien sûr, avec les membres de votre majorité, monsieur le ministre ! (Nouveaux sourires.)
Du reste, vous savez bien que ce n’est pas la peine de chercher à me joindre, car cela ne servirait à rien…
M. Guy Fischer. M. Gournac est en service commandé !
Mme Annie David. Je ne comprends donc pas l’attitude de la commission. On vote un jour une disposition et, une semaine plus tard, on en adopte une autre !
M. Alain Gournac. C’est ici que l’on vote ! Et on a le droit de changer d’avis !
Mme Annie David. En séance publique, on affirme soudain que la rédaction réclamée par le Gouvernement est tout de même préférable !
Madame Hermange, vous avez évoqué tout à l'heure le rôle du Parlement et affirmé que j’étais complètement inconséquente de soutenir qu’une proposition de loi était insuffisante pour traiter d’une telle question.
À présent, c’est moi qui trouve votre comportement pour le moins inconséquent, puisque vous revenez sur une disposition que vous avez discutée et votée la semaine dernière en commission et qui avait alors reçu un avis favorable de Mme la rapporteur. (M. Guy Fischer applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour explication de vote.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Mes chers collègues, nous sommes en pleine querelle sémantique. Or c’est la pratique qui commande, me semble-t-il, et tout le monde s’accorde pour placer le médecin du travail au cœur du dispositif.
M. Alain Gournac. Exactement ! Au cœur de l’équipe.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Peut-être faut-il rédiger l’amendement de façon à faire apparaître précisément ce point ?
Alain Gournac souhaite le libellé suivant : « une équipe pluridisciplinaire de santé autour des médecins de travail comprenant les intervenants… », ce qui correspond tout à fait à l’objectif visé, mais à condition de préciser ensuite que ces médecins « animent et coordonnent l’équipe pluridisciplinaire et prescrivent ses interventions », comme dans l’amendement proposé par M. Gilles et adopté par la commission, et non « animent et veillent à la coordination », comme dans l’amendement n° 47 rectifié. (M. Alain Gournac s’exclame.)
Je suggère donc à M. Gournac de bien vouloir modifier en ce sens la deuxième partie de l’amendement n° 47 rectifié, ce qui permettrait aussi, me semble-t-il, de satisfaire l’amendement n° 21 présenté par Mme David.
M. Guy Fischer. C’est le bon sens !
M. Alain Gournac. Vous êtes d'accord avec la proposition de rectification, chers collègues de l’opposition, mais je sais bien que vous ne voterez pas pour autant l’amendement rectifié !
Mme Annie David. Si, car il est très proche de celui que nous avons présenté !
M. le président. Monsieur Gournac, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens suggéré par M. Vanlerenberghe ?
M. Alain Gournac. Cette modification ne changera pas grand-chose ! Simplement, tout le monde pourra voter cet amendement, ce qui est déjà très important : il s'agira d’un formidable signal adressé aux médecins du travail.
Je ne suis pas opposé à ce que les médecins du travail « coordonnent ». Je souhaite qu’ils soient dans l’équipe, certes, mais aussi qu’ils aient la responsabilité globale de toutes les professions paramédicales qui composent celle-ci, comme les infirmières, entre autres. Dans cette mesure, la rectification proposée ne me gêne pas.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 47 rectifié bis, présenté par M. Gournac et Mmes Procaccia, Kammermann, Hermange et Bout, et qui est ainsi libellé :
Alinéa 10
I. - Première phrase
Remplacer les mots :
les médecins du travail et une équipe pluridisciplinaire comprenant des intervenants
par les mots :
une équipe pluridisciplinaire de santé au travail autour des médecins du travail et comprenant des intervenants
II. - Dernière phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Les médecins du travail animent et coordonnent l'équipe pluridisciplinaire.
La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour explication de vote sur cet amendement ainsi rectifié.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Dans ce cas, pourquoi ne pas reprendre aussi la dernière partie du texte de l’amendement proposé par M. Gilles : « et prescrivent ses interventions » ?
M. Alain Gournac. Non ! Cette rectification-là, je ne l’accepte pas !
Mme Annie David. Pourquoi ?
M. le président. Mes chers collègues, nous faisons un travail de commission ! Peut-être le texte pourra-t-il être revu en commission mixte paritaire ?
Veuillez poursuivre, monsieur Vanlerenberghe.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Dieu reconnaîtra les siens,…
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. Ce n’est pas sûr !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. … mais, franchement, je crois que c’est la pratique, sur le terrain, qui sera décisive.
Le médecin a-t-il la capacité, de par son expérience et sa formation, d’animer l’équipe pluridisciplinaire ? Oui, car c’est son métier ! En outre, c’est lui qui coordonne l’équipe, donc qui prescrit ses interventions. Toutefois, si l’on ne fait pas figurer ce point dans la proposition de loi, ce n’est pas dramatique.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Je me rallie tout à fait à la rédaction proposée par notre collègue Jean-Marie Vanlerenberghe.
Je ne comprends pas pourquoi M. Gournac refuse le mot « prescrivent ». Si l’on adoptait la rédaction proposée par M. Vanlerenberghe, on mettrait d'accord tout le monde, me semble-t-il.
M. Alain Gournac. J’ai déjà accepté une rectification !
M. Jean-Pierre Godefroy. En effet, le verbe « prescrire » signifie que le médecin du travail, avec son équipe, donne des indications précises sur les orientations à suivre. Mais peut-être ne veut-on pas que le médecin du travail joue ce rôle, ce qui reviendrait à lui ôter une part de son autonomie ?...
La rédaction qui est proposée par M. Vanlerenberghe est la meilleure, me semble-t-il, à condition de ne pas ôter le verbe « prescrire », qui figurait dans l’amendement adopté par la commission.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Je vois bien dans quel esprit M. Vanlerenberghe, suivi sur ce point par certains sénateurs, entend modifier la rédaction du texte. Toutefois, je voudrais apporter une clarification.
J’ai moi-même souligné tout à l’heure – j’espère ne pas avoir introduit la confusion dans ce débat – que l’amendement proposé par Alain Gournac tendait à renforcer, dans le cadre de la pluridisciplinarité, le rôle du médecin. Toutefois, prenez garde, mesdames, messieurs les sénateurs : si vous introduisez dans la loi le verbe « prescrire », vous aboutissez au résultat inverse de celui que vous visez.
Je comprends bien que la commission a beaucoup travaillé sur cette question, mais je crois tout de même que la rédaction proposée par Alain Gournac peut convenir à tout le monde.
Il ne s’agit pas de pouvoir dire que, en définitive, chacun a participé à sa façon à la rédaction du texte, monsieur Vanlerenberghe. Je suis persuadé que, si nous introduisons la notion de prescription des interventions, nous dénaturons la pluridisciplinarité. (Mme le rapporteur acquiesce.)
Telle est la remarque que je souhaitais faire, à des fins d’apaisement, mais surtout de clarification.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. M. Gournac a affirmé tout à l'heure que, même s’il modifiait son amendement dans le sens suggéré par notre collègue, nous ne voterions pas ce texte. Je lui ai répondu qu’il se trompait, mais je me fondais alors sur la proposition de M. Vanlerenberghe. Or, monsieur Gournac, vous ne la reprenez pas dans son intégralité, et c’est bien là le problème !
Au travers de votre amendement, vous faites tout simplement disparaître la notion de prescription. Vous prétendez renforcer la place du médecin du travail,…
M. Alain Gournac. Eh oui !
Mme Annie David. … mais, en réalité, vous voulez simplement l’empêcher de prescrire au sein de son équipe pluridisciplinaire.
Nous ne pourrons donc pas voter cet amendement rectifié, qui ne correspond pas à ce que nous avions décidé ensemble en commission.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Soyons précis à ce moment du débat, madame David : il s’agit non pas d’éviter que les médecins ne puissent prescrire, mais d’empêcher qu’ils doivent prescrire, voilà tout.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Dans ce cas, il faut ajouter les mots : « s’il y a lieu ».
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Alquier, pour explication de vote.
Mme Jacqueline Alquier. Pourquoi veut-on tout à coup supprimer le verbe « prescrire » ? Celui-ci ne figurait-il pas dans la version initiale de l’amendement proposé par M. Gournac ?
M. Jean-Pierre Godefroy et Mme Annie David. Non !
Mme Jacqueline Alquier. En tout cas, nous souhaitons retenir la rédaction proposée en commission par M. Gilles.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange, pour explication de vote.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Si l’on ne veut pas que les médecins soient obligés de prescrire, il suffit d’ajouter les mots : « s’il y a lieu », et la fin de l’alinéa se lirait ainsi : « et prescrivent ses interventions s’il y a lieu ».
M. Alain Gournac. Ce n’est pas nécessaire ! Je maintiens la rédaction qu’a lue tout à l'heure M. le président.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. Les verbes « animer » et « coordonner » suffisent, me semble-t-il, et répondent aux objections qui ont été formulées. Ajouter les mots : « et prescrivent ses interventions » poserait deux problèmes.
Premièrement, il y aurait une ambiguïté avec la prescription médicale.
Deuxièmement, cette disposition susciterait des lourdeurs administratives qui viendraient cannibaliser encore un peu plus le temps déjà très contraint des médecins du travail.
J'ajoute que les spécialistes de l’équipe savent tout de même s’organiser pour remplir les tâches qui sont les leurs.
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 21 n'a plus d'objet.
L'amendement n° 22, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 10
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« Le refus de l'employeur de se conformer aux prescriptions du médecin du travail doit être motivé par écrit.
« En cas de contentieux liés à l'altération ou à la dégradation de l'état de santé du salarié, en lien avec son activité professionnelle, le refus de l'employeur de se conformer aux prescriptions du médecin lui est opposable.
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Cet amendement vise à compléter l’alinéa 10 de l’article 1er. En effet, conformément à l’article L. 4121-1 du code du travail, « l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ».
C’est dire que pèse sur lui non seulement une obligation de moyens, mais aussi une obligation de résultat. Telle est la jurisprudence constante, depuis l’arrêt rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation, le 28 février 2006, dans l’affaire SA Cubit France technologies, qui consacra ce principe en ces termes : « L’employeur, tenu d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise, doit en assurer l’effectivité ».
Il résulte de cette situation de droit que l’employeur doit garantir à chaque travailleur le résultat attendu, c'est-à-dire la protection de sa santé au travail.
En cas de défaut de résultat, c’est-à-dire de dégradation de la santé causée par le travail, même seulement en partie, l’employeur est présumé responsable d’une défaillance fautive.
Les dispositions de cet amendement n° 22 s’inscrivent dans cette logique : nous entendons donner force obligatoire aux interventions prescrites par le médecin du travail, afin d’éviter que celles-ci ne restent vaines.
Rien ne sert en effet de confier cette faculté au médecin du travail si l’employeur peut systématiquement et sans formalité particulière s’y soustraire. Nous proposons donc que le refus de l’employeur de se conformer aux prescriptions doive être motivé par écrit. Chacun l’aura compris, cette précision vise, en cas de contentieux, à faciliter la preuve du manquement caractérisé de l’employeur, en l’espèce par son refus de suivre les prescriptions formulées par le médecin du travail.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. Cet amendement vise à instituer une procédure qui est justement créée par l’article 2 de la présente proposition de loi.
La commission demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi elle émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Cet amendement, si je ne m’abuse, est satisfait par l’article 2 de la proposition de loi.
J’émets donc également un avis défavorable.
M. le président. Madame Terrade, l'amendement n° 22 est-il maintenu ?
Mme Odette Terrade. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 4, présenté par M. Godefroy, Mmes Alquier, Blandin, Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Campion, Demontès, Ghali, Printz, Schillinger et San Vicente-Baudrin, MM. Cazeau, Daudigny, Desessard, Gillot, Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher, Le Menn, Teulade et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéas 12 à 14
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Jacqueline Alquier.
Mme Jacqueline Alquier. Les missions des services de santé au travail sont énumérées clairement dans le texte proposé ici pour l'article L. 4622-2 du code du travail. Elles sont pourtant l’objet d’une potentielle réduction.
Nous proposons de supprimer ces alinéas 1 à 14 pour trois raisons.
Premièrement, ainsi fixées par la loi, les missions des SST constituent pour tous les services de santé au travail une priorité en soi ; elles doivent donc recevoir une pleine application sur l'ensemble du territoire.
Elles ne doivent pas pouvoir faire l’objet, à terme, d’une division entre missions prioritaires ou non, ni être adaptées en fonction de moyens différenciés et, éventuellement, insuffisants.
La mise en place de priorités, fût-elle négociée, ne peut aboutir qu’à une gestion de la pénurie, tant en matière financière que sur le plan de la démographie médicale.
Deuxièmement, si nous sommes favorables à la définition d’objectifs, parce qu’elle peut témoigner d’une certaine ambition, nous sommes beaucoup plus réticents en ce qui concerne les moyens. Le simple fait d’en parler revient à constater qu’ils manquent déjà et que la situation à cet égard pourrait s’aggraver encore.
Des objectifs sans moyens correspondants ne pourront être tenus. Nul doute que l’on s’attachera à réviser les objectifs et non pas à augmenter les moyens.
De plus, les réalités locales ne doivent pas pouvoir être utilisées pour porter atteinte potentiellement à l’égalité entre les travailleurs sur l’ensemble du territoire. Elles doivent uniquement permettre la justification de l’attribution de moyens supplémentaires, adaptés à des situations de risques d’une particulière gravité.
Les missions des services de santé au travail ne sauraient être précisées au gré de circonstances locales, variables par définition et évoluant dans le temps.
Troisièmement, l’expérience acquise en matière d’atteintes à la santé des salariés montre qu’elles sont malheureusement diverses et peuvent avoir des manifestations auparavant non reconnues.
Dans ces conditions, l’établissement de priorités semble vain. Il est donc indispensable que des moyens suffisants soient prévus pour faire face à toutes les circonstances.
La conjonction, dans les mêmes alinéas, de contrats d’objectifs et de moyens avec des réalités locales par définition diverses et la définition de priorités est très inquiétante pour l’avenir de la médecine du travail.
M. le président. L'amendement n° 24, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Remplacer le mot :
priorités
par le mot :
missions
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. La commission des affaires sociales a adopté un amendement déposé par notre rapporteur, Mme Payet, visant à proposer une réécriture partielle de l’alinéa 12 de l’article 1er. Il s’agissait, selon son objet, d’un « amendement rédactionnel visant à lever d’éventuelles ambiguïtés sur l’articulation entre les missions générales des services de santé au travail et le contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’État et les caisses de sécurité sociale ».
Or cet amendement a eu pour effet de substituer à la notion de « missions des services de santé au travail » celle de « priorités des services de santé au travail », laissant ainsi penser que la médecine du travail devait être limitée à de simples priorités.
Cette disposition n’est naturellement pas acceptable, car elle est en contradiction totale avec l’alinéa 3 de l’article 1er, que je relis : « Les services de santé au travail ont pour mission exclusive d’éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail ».
Je vois difficilement comment les services de santé au travail pourraient parvenir à cet objectif ambitieux s’ils devaient se concentrer sur des priorités.
C’est précisément la raison pour laquelle nous avons opté pour une approche globale de la santé au travail, faisant intervenir des acteurs non-médecins, car nous avons considéré que leurs spécialités constituaient un plus indéniable et complémentaire.
Or, si notre amendement n’était pas adopté, un employeur – il est, rappelons-le, prescripteur, financeur, ordonnateur – pourrait décider que les pathologies liées au stress ou les troubles musculo-squelettiques ne constituent pas une priorité. On se priverait dans ce cas de l’intervention d’un ergonome, alors même que l’on sait que les professionnels de cette discipline participent pleinement et de plus en plus souvent à la réduction des TMS.
Cela n’est pas concevable. Nous refusons d’enfermer les services de santé dans des priorités, considérant que la préservation de la santé au travail doit être une priorité en soi.
M. le président. L'amendement n° 23, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Supprimer les mots :
et en fonction des réalités locales
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. La rédaction de l’article L. 4622-10 du code du travail, telle que proposée par l’article 1er, prévoit que les missions des services de santé au travail seront précisées, en fonction des réalités locales, par un contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’État et les organismes de sécurité sociale concernés, après avis des organisations syndicales et patronales et des agences régionales de santé.
Si nous ne sommes pas opposés à ce que l’échelon régional joue un rôle dans la définition des missions des services de santé au travail, cet échelon ne peut avoir, selon nous, qu’un impact correctif, et à la hausse.
Cela signifie qu’il doit être un élément de négociation avec les différents acteurs de la santé au travail pour que des moyens supplémentaires soient apportés face à des difficultés particulières.
En d’autres termes, l’échelon régional ne doit avoir qu’une seule vocation : réduire les inégalités sociales qui existent en matière de santé, dans la mesure où elles se concentrent sur des territoires aux populations fragilisées et souffrant d’ailleurs souvent d’un travail qui ravage tant le corps que l’âme.
Or la juxtaposition des mots « priorités » et « locales » nous fait craindre que l’on ne s’inscrive dans un schéma où les objectifs généraux ne seraient que le plus petit dénominateur commun, ce qui n’est naturellement pas acceptable. D’autant moins que, comme le soulignent la CGT et la CFDT, dans la lettre citée tout à l'heure par Mme le rapporteur, la médecine du travail est parfois placée peu ou prou sous la domination des « baronnies patronales locales ».
Afin de garder une cohérence nationale à l’organisation des services de santé au travail, ce qui n’exclut pas la prise en compte des spécialités locales ou la traduction régionale des missions des services de santé au travail, nous vous proposons de supprimer la référence aux « réalités locales », qui introduit plus d’ambiguïtés qu’elle n’apporte de solutions.
M. le président. L'amendement n° 25, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 12
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Chaque année, les organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national sont invitées par l'agence régionale de santé à se prononcer sur l'adéquation entre les moyens prévus aux contrats mentionnés à l'alinéa précédent et les missions que doivent réaliser les services de santé au travail.
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.