M. Charles Revet. C’est vrai !
M. Christian Cointat, rapporteur pour avis. Nous ne devons jamais l’oublier, et encore moins quand nos compatriotes ultramarins ont besoin de nous. Et ils ont besoin de nous !
Aussi, sous réserve de ces observations, la commission des lois donne un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Outre-mer ». (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. Richard Tuheiava applaudit également.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Je vous rappelle également que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt-cinq minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Jean-Etienne Antoinette.
M. Jean-Etienne Antoinette. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, lorsque je considère le budget qui nous est soumis aujourd’hui, d’aussi loin que ma mémoire politique se le rappelle, il me vient un constat navrant et pathétique, que tous les apparents rebondissements de l’histoire n’arrivent plus à masquer : au fond, pour l’outre-mer, rien de nouveau sous le soleil !
Cette période de l’année ressemble à un long feuilleton télévisé, dont on pourrait rater quatre ou cinq épisodes sans rien perdre du fil de l’intrigue. Rien ne change, en vérité.
Toujours à la même période, en présence pratiquement des mêmes collègues, on reprend les chiffres, et toujours on retrouve les perpétuelles oppositions entre le discours insistant sur le coût de l’outre-mer pour la France, et un autre, peut-être naïf, qui présente ces territoires comme « une chance pour la République ».
Que sommes-nous exactement ? Que sont vraiment les outre-mer pour la France ? Seraient-ils juste un thème de trop dans la liste des sujets que doit traiter le Parlement, et qui agace les rapporteurs de la commission des finances ? Les outre-mer seraient-ils simplement le prix à payer par la France – est-il si élevé ? – pour pouvoir se vanter d’être la deuxième puissance maritime du monde ou de posséder la plus belle réserve de biodiversité des pays d’Europe, ou encore le port spatial de l’Europe ?
À la fin de l’année 2008, j’ai suivi le débat sur le budget de l’outre-mer, déjà très contesté par les parlementaires ultramarins, lors de l’élaboration de la loi de finances de 2009. Et j’ai suivi la crise sociale de 2009, qui avait déjà commencé en Guyane à la fin de l’année précédente. Puis j’ai suivi le vote en urgence de la LODEOM, les états généraux de l’outre-mer et enfin le comité interministériel de l’outre-mer.
J’ai entendu discours, annonces, engagements, espoirs, et j’ai vu la réaffirmation, au sein de la population guyanaise, du contrat qui lie la République et ses territoires périphériques.
Au mois de janvier dernier, l’espoir s’est même traduit par un vote des Martiniquais et des Guyanais pour un maintien de leurs départements dans la République sous le régime en vigueur de l’identité législative !
Aujourd’hui, je ne suis pas le plus déçu. Un dicton cynique ne dit-il pas : « Les promesses n’engagent que ceux qui y croient » ? La vérité est bien là : les lois de finances aiment bien dévoyer, sinon défaire, presque aussitôt ce que les lois pour l’outre-mer, telles la LOOM, la loi d’orientation pour l’outre-mer, la LOPOM, la loi de programme pour l’outre-mer, la LODEOM, la loi pour le développement économique des outre-mer, essaient péniblement de faire.
Aujourd’hui, on atteint le fond du puits. En effet, pire que tout, ce gouvernement qui n’écoute pas la rue – et ce n’est pas moi qui le dis ! – n’écoute bien que la rue dès lors qu’il s’agit de l’outre-mer ! Du moins – n’exagérons rien ! –seulement quand ses cris menacent des intérêts politiques et commerciaux notoirement inéquitables, et qui lui sont particulièrement liés.
Et, dans ces cas-là, on promet tout ce qui peut calmer la foule. On peut même se dépêcher d’inscrire dans une loi les dispositions adéquates. Mais une loi, n’est-ce pas un acte majeur, dévoyé dès lors en une recette miracle ?
Ne serait-il pas aussi tout à fait inconsidéré de diminuer les recettes de l’État, le temps de publier les décrets, en particulier si l’on se donne beaucoup de mal à laisser un peu traîner les choses... La prochaine loi de finances sera venue, la rue se sera calmée, et l’on pourra reprendre tranquillement ce que l’on avait donné, et même plus !
Lorsque j’analyse le projet de loi de finances pour 2011, en particulier le budget de la mission « Outre-mer », je découvre le scénario d’un mauvais feuilleton, indigne d’un État démocratique. J’observe le reniement par l’État de ses valeurs, le déni de ses propres engagements et le mépris pour des citoyens déjà vulnérables, qui sont abusés.
Alors non, aujourd’hui, je ne veux pas entrer dans la bataille des chiffres du budget pour 2011. Nous le savons tous, il diminue. Il doit nous renvoyer au bilan de la LODEOM, et donc à un nouvel exemple des inconséquences de ce gouvernement.
Aujourd’hui, je ne veux pas refaire le procès d’une défiscalisation qui a été privilégiée au détriment de l’aide budgétaire à une structuration véritable des filières de développement économique, et qui dévoile toutes ses limites.
Aujourd’hui, je ne veux pas m’appesantir sur la manière dont le Gouvernement, dans les faits, ne prend aucun compte ni des actuelles conditions de logement des ultramarins sur leur propre territoire ni des problèmes de la formation, de la jeunesse, de l’emploi, du développement économique, ni m’attarder sur les 15 000 foyers qui, en Guyane, vivront encore pour un temps indéterminé sans avoir accès à l’électricité, juste à côté de la base d’où sont lancés pourtant les vecteurs Ariane et d’où le seront bientôt les lanceurs Véga et Soyouz.
Aujourd’hui, je voudrais savoir quel projet du Gouvernement sous-tend tout cela.
Selon moi, ce projet est vide. Il sonne creux. Il se pare des oripeaux du changement institutionnel pour mieux masquer son manque de contenu et son absence totale de perspective.
Sans m’y appesantir davantage, je vais plutôt me projeter dans l’avenir et tenter de parer au désastre qui nous attend.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Jean-Etienne Antoinette. En effet, en ces temps où l’on annonce la rigueur, je m’attache à rechercher de nouvelles ressources pour les collectivités territoriales des outre-mer, plus particulièrement pour la Guyane.
Je verrai donc le moment venu, en fonction de l’accueil qui sera réservé aux amendements que j’ai déposés, jusqu’où va la volonté de ce gouvernement de mettre en péril le développement des outre-mer, en fermant toutes les écoutilles, en brouillant toutes les pistes.
Aujourd’hui, j’ai juste envie de vous faire une seule demande, madame la ministre : si vous ne pouvez faire davantage à l’égard des outre-mer, de grâce, au moins ne nous empêchez pas de faire ce que nous pouvons avec ce que nous avons, principalement avec nos ressources naturelles et nos moyens humains ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Denis Detcheverry. (Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Paul Virapoullé, Adrien Giraud et Charles Revet applaudissent.)
M. Denis Detcheverry. Madame la ministre, vous nous présentez un projet de budget en diminution sensible. Soit ! Compte tenu de la situation des finances de l’État, on peut effectivement penser que des efforts, auxquels chacun doit contribuer, y compris l’outre-mer, sont indispensables. Je suis d’accord à condition que le remède ne soit pas pire que le mal et que, à terme, cela ne coûte pas plus cher.
Au cours de ces deux dernières années, on a beaucoup entendu parler de l’outre-mer, parfois sur fond d’inquiétude, lors de manifestations bruyantes des populations locales, ou sur un ton bien plus positif, comme lors des états généraux de l’outre-mer qui ont mis en exergue non seulement les problèmes de nos territoires, mais aussi leurs incontestables possibilités de développement.
Aujourd’hui, le Gouvernement a décidé que l’année 2011 serait l’année des outre-mer. Je ne peux que m’en réjouir. Au même moment, certaines réalités et décisions auxquelles nous sommes confrontés m’étonnent, voire m’inquiètent.
On entend régulièrement soutenir dans les discours que l’évolution de l’outre-mer passe obligatoirement par la valorisation de son environnement maritime, qui place la France au deuxième rang mondial, par la valorisation de sa biodiversité, qui représente 10 % de la biodiversité mondiale, ainsi que par son intégration géographique grâce au développement des coopérations régionales.
J’adhère totalement à ce programme, comme nombre de mes collègues ultramarins. Mais une question me taraude : comment y parvenir avec des réductions budgétaires ? Comment faire plus avec moins ?
Certes, il est possible d’optimiser les dépenses avec une meilleure gestion, mais il faut rester réaliste. Alors que les objectifs affichés lors des états généraux sont déjà ambitieux, donc difficiles à atteindre, ils pourraient se limiter à de vaines déclarations en raison de telles restrictions.
Une autre source d’inquiétude est la place de l’outre-mer dans la politique européenne. Nous savons que l’Union européenne s’apprête à signer des accords de libre-échange avec le Canada ainsi qu’avec certains États d’Amérique du Sud. Malheureusement, les territoires ultramarins des zones concernées n’ont nullement été associés aux négociations. Quid de la coopération régionale ? Plus généralement, quelle est la place réservée à l’outre-mer au sein de la politique économique européenne ?
À Saint-Pierre-et-Miquelon, malgré mes propositions pour dynamiser et pérenniser les relations et les échanges avec le Canada, les accords de coopération régionale signés en 1994 n’ont toujours rien apporté en matière économique.
Je maintiens ce que je vous ai déjà dit, madame la ministre : la coopération régionale ne pourra exister que si la politique nationale y croit et s’y attèle sérieusement.
Il ressort des récents contacts que j’ai pu avoir avec les provinces du Canada atlantique que cette coopération, à laquelle elles se sont intéressées ces dernières années, leur semble impossible à mettre en œuvre compte tenu du nombre d’obstacles relatifs au montage des dossiers.
En effet, en raison de notre petite taille, certaines compétences incontournables font défaut localement. Je l’ai dit et je le répète, madame la ministre, nous ne pouvons assumer à tous les niveaux l’autonomie que nous confère l’article 74 de la Constitution.
J’en profite pour parler de la télévision numérique terrestre, ou TNT, à Saint-Pierre-et-Miquelon, qui, par le biais des médias, nous fait rayonner à travers le Canada. Sa gestion risque de mettre fin à ce rayonnement, ainsi qu’à celui de la France, auprès de nos amis canadiens.
Initialement prévue pour offrir un accès gratuit à un plus grand nombre de chaînes avec une meilleure qualité de réception, de son et d’image, la TNT peut produire l’effet inverse à Saint-Pierre-et-Miquelon. En effet, l’arrivée de la TNT est imposée chez nous avec un cryptage des chaînes, dont peut-être la chaîne locale.
Nous ne pourrons donc plus diffuser à travers tout le Canada, comme nous le faisons actuellement et depuis bientôt onze ans, pour environ 600 000 téléspectateurs potentiels. En outre, la population devra investir dans des décodeurs onéreux, ce qui va quelque peu à l’encontre du principe de gratuité de la TNT.
Ce coût sera difficile à assumer, surtout pour les retraités dont la situation n’est pas bien prise en compte depuis quelques années. Je pense notamment à ceux dont la pension est faible – nous en avons parlé à plusieurs reprises. En outre, Saint-Pierre-et-Miquelon se trouve dans la zone dollar et subit en même temps une inflation. Avec des retraites de misère, nos seniors pourront très difficilement s’offrir la TNT.
J’en viens à un autre sujet d’inquiétude. Madame la ministre, voilà un an, dans ce même hémicycle, j’obtenais votre promesse pour la mise en place à Saint-Pierre-et-Miquelon de l’aide au fret à destination des petites entreprises exportatrices de l’archipel. Nous attendons toujours la mise en application de cette mesure dont l’économie locale a crucialement besoin pour avoir une chance d’être compétitive. Qu’en est-il aujourd’hui ?
Revenons à 2011. À l’heure où je vous parle, je ne sais pas comment cette année de l’outre-mer se déroulera. Comment cela se traduira-t-il dans les faits, que ce soit sur le terrain ou dans l’Hexagone ? Les parlementaires ultramarins que nous sommes n’ont, à ce jour, pas été associés au projet par l’État.
J’espère qu’il y aura notamment une vraie mise en valeur de l’incroyable biodiversité de l’outre-mer, auprès tant de nos compatriotes métropolitains que de nos voisins géographiques respectifs. Même les ultramarins ont besoin de découvrir ou de redécouvrir leur environnement.
Après avoir appris que Saint-Pierre-et-Miquelon avait été oublié par certaines instances nationales, j’ai récemment entrepris de faire connaitre la richesse de la biodiversité de mon archipel auprès des ministères de l’outre-mer, de l’écologie, de la recherche et de l’enseignement supérieur, ainsi qu’auprès du Conservatoire du littoral, de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité, la FRB, de l’Agence des aires marines protégées et de France nature environnement, ou FNE. J’espère que Saint-Pierre-et-Miquelon sera pris en compte à l’avenir, dans le cadre de l’environnement.
Comme vous pouvez le constater, madame la ministre, je suis très inquiet. Pouvez-vous me rassurer en répondant à ces questions dont dépend l’avenir de l’outre-mer, et plus particulièrement celui de Saint-Pierre-et-Miquelon ? (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l’Union centriste et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Gélita Hoarau.
Mme Gélita Hoarau. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, alors que 2011 se veut l’année des outre-mer, à l’occasion de laquelle serait faite la promotion de nos territoires, et l’année pendant laquelle nos diversités, nos richesses en termes de culture, d’institutions, de développement durable, d’économie et d’entreprises seraient mises en lumière, force est de constater que le budget de cette même année fait fi de ces atouts, pis encore, exacerbe nos problèmes et nos difficultés.
À l’instar des autres départements d’outre-mer et de l’ensemble du territoire national, la Réunion subit les effets de la crise monétaire, financière et structurelle. Nous avons assisté, au début de l’année dernière, aux manifestations de cette crise structurelle, lors des mouvements sociaux ayant secoué une partie des outre-mer et sur lesquels je ne reviendrai pas aujourd’hui.
Cette double crise affecte profondément, durablement et peut-être inexorablement, si rien n’est entrepris dès maintenant, les sociétés ultramarines.
Plus qu’ailleurs, les ménages subissent de plein fouet la hausse du chômage. Cette augmentation amène le taux de chômage de la Réunion à un triste record, celui du taux le plus élevé de toute l’Union européenne, soit 29 % ! On peut comprendre que les ménages se trouvent alors dans une situation financière critique, expliquant la hausse de l’endettement.
Plus qu’ailleurs, les entreprises, inscrites dans un tissu économique déjà fragile, ne pourront résister à ces crises, conjuguées aux récentes mesures et réformes gouvernementales ou aux aléas électoraux. Avec la fin des grands travaux à la Réunion, le secteur du bâtiment et des travaux publics, dit BTP, a perdu en l’espace d’un an 22 % de ses effectifs !
Plus qu’ailleurs, les collectivités territoriales sont confrontées au besoin de rattrapage en équipements et infrastructures et à une forte demande sociale, alors que, concomitamment, leurs ressources financières diminuent.
Pour des observateurs réunionnais, cette double crise aura, à terme, de graves conséquences. Je cite la revue Perspectives économiques de la Réunion : « Dans les années qui viennent, la Réunion va traverser une crise majeure identique aux deux ou trois grandes crises qui ont façonné son histoire depuis le début du peuplement. Celle-ci ressemblera sans doute beaucoup à la crise du sucre du 19ème siècle ».
Telles sont les sombres perspectives auxquelles vous nous condamnez alors que des solutions autres, émises par les ultramarins, vous ont déjà été présentées.
De même, l’opinion publique réunionnaise est inquiète et pessimiste pour l’avenir : 81 % des Réunionnais considèrent le chômage comme la préoccupation majeure, 76 % craignent une dégradation du pouvoir d’achat et 70 % pensent que la situation économique est mauvaise. Ces indicateurs datant d’août 2010 sont à leur plus bas niveau jamais recensé jusqu’ici.
Le Gouvernement n’a pas toujours sous-estimé la situation ultramarine, ne serait-ce que dans les discours ou dans les intentions. Ainsi, nous avons eu la stratégie de croissance pour l’outre-mer, la STRACOM, présentée par votre prédécesseur, M. Yves Jégo, il y a plus de deux ans.
On nous annonçait que le Président de la République était, selon le rapport de présentation, le « porteur d’une nouvelle vision pour l’outre-mer fondée sur une volonté de croissance durable » et qu’il s’agissait « de doter nos économies ultramarines de la capacité d’affronter les grands défis de l’époque en fondant la croissance de chaque territoire sur ses singularités ».
Pour de telles ambitions, aussi louables qu’unanimement soutenues, on s’attendait à ce que le budget de l’outre-mer pour 2009-2012 connaisse une progression exceptionnelle.
Ensuite, il y a eu la loi pour le développement économique des outre-mer, dite LODEOM, les états généraux de l’outre-mer et le conseil interministériel pour l’outre-mer, le CIOM, du 6 novembre 2009, visant les mêmes objectifs.
Nous nous attendions donc à des mesures et à un budget à la hauteur de ces buts. Malheureusement, ces intentions ne sont pas suivies de faits.
Vingt et un mois après l’adoption de la LODEOM et un an après le CIOM, certaines dispositions manquent à l’appel.
Où sont les mesures de lutte pour réglementer le fonctionnement du marché, la concurrence et les prix, ainsi que pour faire baisser le coût de la vie ? Où est le développement des productions locales promis avec le développement endogène ? Quels sont les objectifs du Gouvernement et les moyens qu’il propose de mettre en œuvre pour favoriser l’insertion régionale ?
Dans la LODEOM, il était prévu que les compagnies aériennes vous transmettent avant le 1er septembre 2010 un rapport sur leur politique tarifaire. Où est ce rapport, madame la ministre ? Il en est de même de l’étude relative à l’octroi de mer.
Est prévue, en 2011, la publication par le Gouvernement d’un rapport indiquant les mesures qu’il entend prendre ou proposer pour répondre à la situation financière des communes d’outre-mer, dont les villes-capitales, jugée préoccupante du fait de la particularité de la matière fiscale. Où en est ce rapport ?
À ces questionnements qui restent en suspens, s’ajoutent un budget aujourd’hui en diminution pour les outre-mer et, de fait, un désengagement du Gouvernement, bien que vous vous appliquiez, madame la ministre, à soutenir que tel n’est pas le cas.
Ainsi, les crédits de l’État pour l’outre mer, s’élevant à 16 milliards d’euros, subissent une baisse de 150 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 300 millions d’euros en crédits de paiement.
Ceux de la mission « Outre-mer » diminuent par rapport à 2010 de 0,55 % pour les autorisations d’engagement et de 2,28 % pour les crédits de paiement.
Cette mesure drastique n’épargne aucun domaine, même les secteurs névralgiques considérés comme prioritaires par la LODEOM.
Ainsi, concernant le logement social, vous maintenez l’illusion de crédits constants quand les crédits de paiement ne cessent de diminuer. Vous nous annoncez, madame la ministre, des crédits de 274 millions d’euros en autorisations d’engagement pour 2011, et ce jusqu’en 2013, alors que, conjointement, les crédits de paiement diminuent de 21 millions d’euros de 2010 à 2011.
Or, vous n’êtes pas sans savoir le besoin urgent de logements sociaux en outre-mer. À la Réunion, 22 600 familles sont dans l’attente d’un logement social. Tous les ans, sur les 6 500 nouveaux ménages, plus de 70 % relèvent du logement social.
Cette année, toutes les dotations de la ligne budgétaire unique, ou LBU, affectées à la Réunion ont été utilisées pour la construction de 3 000 logements. Pourtant, 2 000 logements supplémentaires auraient pu être livrés si la demande d’une rallonge de 20 millions d’euros avait été acceptée.
En outre, quelques mois seulement après l’adoption de la LODEOM, les bailleurs sociaux vous ont alertée, madame la ministre, sur les problèmes de la mise en application de la défiscalisation. Lors de votre rencontre en novembre dernier, vous avez annoncé la rédaction d’une nouvelle circulaire. Pouvez-vous nous assurer que cette dernière verra le jour très prochainement et mettra fin aux incertitudes juridiques et aux obstacles administratifs freinant l’instruction des dossiers en attente d’agrément fiscal ?
Bercy est-il prêt à clarifier les modalités de financement du logement social par la défiscalisation, qui doit rester un complément à la LBU et non se substituer à elle ?
Le Fonds régional d’aménagement foncier et urbain, le FRAFU, se voit appliquer le même traitement : 32,5 millions d’euros en autorisations d’engagement mais seulement 25,7 millions d’euros en crédits de paiement. Idem pour la résorption de l’habitat insalubre, la RHI.
Le risque de voir l’État contracter des dettes auprès des opérateurs du logement est bien présent.
Aucun secteur n’est épargné par cet abaissement de crédits. Dans le programme Emploi outre-mer, les crédits de paiement destinés au soutien aux entreprises diminuent de 1,7 %. Jusqu’à hier, il était question que les contrats aidés subissent eux aussi une coupe sévère, puisque le Gouvernement, avec assurance et aveuglement, décide de baisser leur financement de plus de 40 millions d’euros sur un an et de 100 millions d’euros sur deux ans.
Mais, de passage à la Réunion, vous annonciez 1 800 contrats supplémentaires. Est-ce pour la fin de cette année, ou pour 2011, ou jusqu’à 2014 ?
Cet assèchement budgétaire est également dû au rabotage de la défiscalisation des investissements productifs réalisés outre-mer, représentant un crédit pour l’État de plus de 300 millions d’euros pour l’année 2011.
Lors des débats à l’Assemblée nationale, sur ce même texte, vous avez rappelé l’annonce par le Président de la République, dans la convention outre-mer, de sa volonté de corriger les effets d’aubaine de la défiscalisation, qui, selon le Gouvernement, doit se faire par des mesures radicales, au risque de voir disparaître une filière porteuse d’emplois, d’innovation et d’ambition environnementale : je veux bien sûr parler du photovoltaïque.
Tout cela, madame la ministre, nous pousse à nous interroger sur l’efficacité des mesures classiques utilisées jusqu’à présent pour tenter de résoudre nos problèmes. Ne sommes-nous pas arrivés à la fin d’un cycle où les méthodes classiques, qui reposent sur un peu plus ou un peu moins de défiscalisation, apparaissent comme totalement inopérantes ?
Même si votre budget ne baissait pas et s’il augmentait de 5 ou 10 %, ou plus, ce qui n’est évidemment pas le cas, nos problèmes auraient-ils, pour autant, été résolus ?
Aussi, madame la ministre, le moment n’est-il pas venu de réfléchir à un autre mode de développement pour tout l’outre-mer ?
Telles sont, madame la ministre, les remarques que je voulais formuler à l’occasion du débat sur le budget de la mission « Outre-mer ». Il est évident que cela ne pousse pas à l’optimisme ni à la confiance. Et comme les mesures de rigueur perdureront encore au moins trois ans, on comprend l’inquiétude qui s’empare de la population et des jeunes en particulier, de plus en plus en proie au désespoir et à la colère. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Louis-Constant Fleming.
M. Louis-Constant Fleming. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les documents mis à notre disposition dans le cadre de ce débat nous donnent la mesure de l’effort budgétaire, par habitant et par collectivité d’outre-mer, qui doit être consenti par l’État en 2011.
Cet effort est très inégal, puisqu’il est compris entre 177 euros et 12 441 euros par habitant, selon les cas. Une telle disparité n’a en soi rien pour surprendre : il convient de prendre en compte la situation de chaque collectivité d’outre-mer.
Force est pourtant de constater, madame la ministre, que le document que je viens d’évoquer fait apparaître une anomalie en ce qui concerne la collectivité de Saint-Martin, pour laquelle l’appartenance à la nation se traduira par un effort de solidarité budgétaire de seulement 688 euros par habitant en 2011.
Sans doute la collectivité de Saint-Martin dispose-t-elle, désormais, d’une compétence fiscale lui permettant de collecter des ressources propres mieux adaptées à ses besoins. Toutefois, la Polynésie française, Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon, Wallis-et-Futuna et la Nouvelle-Calédonie disposent également, et depuis beaucoup plus longtemps, de la compétence fiscale. Or l’effort de solidarité nationale y est entre cinq et vingt fois supérieur.
Pour mesurer le soutien à apporter à une collectivité, il faut prendre en considération le niveau de revenu de ses habitants, me direz-vous. Néanmoins, tel n’a pas été le cas, à l’évidence, pour Saint-Martin : de cette collectivité perdure une image de paradis fiscal totalement contraire à la réalité, cette dernière étant elle-même largement imposée par une évolution démographique trop souvent ignorée.
Saint-Martin, madame la ministre, comptait 6 000 habitants en 1980. Aujourd'hui, elle en accueille officiellement 35 000, et plus probablement 40 000.
Ce bouleversement démographique n’a nullement été dû à un afflux massif d’amateurs fortunés de villégiature tropicale, mais bien plutôt à une immigration régionale causée par la misère, l’insuffisance de soins, de formation ou d’espoir de travail et par toutes les calamités liées au sous-développement, dont la situation d’Haïti nous donne le désolant exemple.
Or je suis obligé de le rappeler, c’est l’État, compétent en matière d’immigration, qui, en 1992, a régularisé la situation de milliers d’étrangers ayant, de surcroît, profité du regroupement familial.
La commune de Saint-Martin a ainsi dû faire face à une augmentation massive de sa population, qu’il a fallu prendre en charge sur le plan tant de la santé que de la scolarité, sans oublier, bien sûr, celui du logement. Sur une population estimée à 40 000 personnes, il y a aujourd’hui près de 10 000 enfants en âge scolaire.
La collectivité de Saint-Martin gère seize groupes scolaires, d’écoles maternelles et primaires, ainsi que, depuis le 15 juillet 2007, trois collèges, un lycée et une annexe de lycée. En outre, elle s’apprête à construire un nouvel établissement à la fois collège et lycée en PPP, c'est-à-dire en partenariat public-privé.
Madame la ministre, le résultat statistique de cette situation – la Commission européenne vient encore de le constater –, est que Saint-Martin appartient aux régions les moins favorisées de l’Union européenne, celles où le niveau de revenu par habitant est inférieur à 75 % de la moyenne européenne et où le taux de chômage est particulièrement élevé.
Pour les régions d’outre-mer se trouvant dans une situation comparable, madame la ministre, l’effort national de solidarité budgétaire est, en moyenne, huit fois supérieur.
L’oubli, par la République et par ses services, de cette partie d’île du nord de la Caraïbe qu’est Saint-Martin n’est pas une nouveauté. Les Saint-Martinois y sont accoutumés. Ils ont eu le courage d’en tirer la conséquence institutionnelle qui s’imposait, en votant pour le nouveau statut d’autonomie qui leur était proposé.
Les Saint-Martinois espéraient cependant, de la part de l’État, un accompagnement attentif et résolu des premiers pas de leur nouvelle collectivité sur la voie de la responsabilité. Cette attente, madame la ministre, a largement été déçue. La mise en œuvre du nouveau statut de Saint-Martin n’a fait l’objet ni de la préparation soigneuse qui eût été nécessaire ni des efforts de mise à niveau que des décennies de négligence avaient rendus indispensables.
Du jour au lendemain, la collectivité s’est trouvée privée de moyens nécessaires à son fonctionnement : elle a perdu l’important instrument de financement des dépenses communales qu’était la ressource d’octroi de mer, ainsi que la garantie des douzièmes provisoires en matière d’impôts directs locaux, dont dépend l’équilibre de trésorerie d’une collectivité locale.
Certaines impositions, telles que la taxe d’habitation, n’ont pu être conservées, faute d’une anticipation des adaptations nécessaires des outils informatiques. Les compensations financières prévues par la loi statutaire de 2007 n’ont pas été assurées. Le plan de rattrapage en matière d’équipements publics prévu par la même loi organique n’a jamais vu le jour.
La liste complète des dysfonctionnements qui ont accompagné la mise en œuvre du nouveau statut de la collectivité de Saint-Martin serait trop longue, madame la ministre, pour le cadre de cette intervention.
Toutefois, la collectivité en éprouve aujourd’hui les effets. Alors qu’elle a accompli, ainsi que les contribuables saint-martinois, des efforts considérables, en termes à la fois de modération de la dépense publique et de mise en place et d’acceptation d’impôts nouveaux, l’impréparation du changement statutaire a conduit à une situation de déséquilibre de trésorerie et de déséquilibre budgétaire, qu’avait annoncés la mission de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection générale de l’administration, diligentée sur l’initiative de la collectivité elle-même.
Saint-Martin demande en conséquence à l’État, madame la ministre, une répartition de l’effort de solidarité nationale en faveur des collectivités d’outre-mer qui lui soit moins défavorable, une plus grande vigilance à l’égard de ses besoins spécifiques et un meilleur engagement des services publics dans l’accomplissement des missions qui sont les leurs.
Surtout, Saint-Martin demande le simple respect de ses droits, dont l’un, prévu par la Constitution de la République et réaffirmé par la loi organique statutaire, est que tout transfert de compétences s’accompagne des moyens permettant l’exercice de celles-ci.
La collectivité de Saint-Martin, madame la ministre, doit exercer les compétences qui étaient celles de la commune du même nom. Pour cela, celle-ci bénéficiait de l’importante ressource que représentait, je l’ai rappelé, une fraction du produit d’octroi de mer collecté en Guadeloupe.
Je conçois fort bien qu’il ne puisse plus être demandé à la région Guadeloupe de poursuivre l’effort de solidarité qu’elle accomplissait au profit d’une commune qui était partie intégrante de son territoire. Je ne puis pour autant admettre que le principe constitutionnel de compensation financière des transferts de compétence soit, en ce qui concerne Saint-Martin, passé par pertes et profits.
En reprenant à son compte, en vue du financement des dépenses de nature communale auxquelles la collectivité de Saint-Martin ne peut se dérober, l’obligation constitutionnelle à la pleine compensation d’une charge transférée, l’État contribuera simultanément au rééquilibrage de l’effort budgétaire national en faveur des collectivités d’outre-mer, dans lequel, ainsi que je le rappelais au début de mon intervention, Saint-Martin est bien loin de trouver le juste compte que commanderait la prise en considération de sa situation réelle. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)