M. François Trucy. Il a raison !
M. Gilbert Barbier. Malgré tout, je voterai le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Leclerc.
M. Dominique Leclerc. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant de voter ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, je souhaite revenir sur deux points.
En premier lieu, et notre collègue Gilbert Barbier vient de l’évoquer, la réapparition de l’article 40, article que notre assemblée avait décidé de supprimer, gêne certains d’entre nous.
Monsieur le ministre, dans une vie ministérielle antérieure, vous avez engagé une politique courageuse et efficace – car elle a été comprise – qui visait à accroître la sécurité de la mère et de l’enfant lors de la naissance par le recours à des normes beaucoup plus précises de fonctionnement ainsi que par une restructuration de l’offre obstétrico-pédiatrique.
S’il est bien sûr nécessaire d’éviter une surmédicalisation de la naissance, car on peut comprendre les réticences qu’elle inspire à des mères ou à des parents, les résultats médiocres de notre pays en termes de morbidité et de mortalité maternelle et fœtale – cela a fait l’objet de publications très récentes – doivent nous interdire de baisser la garde, de réduire notre niveau d’exigence au regard de la sécurité des soins. Or l’expérimentation des maisons de naissance ne permet pas du tout de répondre à ces objectifs.
En second lieu, monsieur le ministre, sur la responsabilité civile professionnelle médicale des professions libérales à risques – en particulier, les chirurgiens, les gynéco-obstétriciens et les anesthésistes –, si les lois de 2002 ont rassuré les patients, voire conforté les assureurs, les médecins que je viens de citer sont, eux, toujours en attente, d’autant plus qu’ils assistent à une judiciarisation de leur activité.
Depuis trois ans, la Haute Assemblée dépose systématiquement un amendement pour remédier à cette situation. Or nous n’avons en rien avancé sur ce point ! L’an dernier, Mme la ministre nous a fait des promesses, mais elle s’est bien gardée de les honorer. Cette année, en vertu de l’article 40 de la Constitution, nous n’avons pas pu soutenir un amendement. On nous promet toujours des rapports. Gilles Johanet en a déposé un, deux. Cela dure depuis des années !
Résultat : les internes se détournent de toutes ces filières à risques. Et ils ont raison !
Mme Raymonde Le Texier. Voilà !
M. Dominique Leclerc. Mais ce sont les patients qui vont en pâtir ! Vous le savez, dans certains États d’un grand pays, notamment, des actes ne sont plus pratiqués. Nous ne voulons pas en arriver là !
Monsieur le ministre, il est temps de répondre à cette situation et nous comptons beaucoup sur vous. Car, au-delà de ces professionnels libéraux que je viens de citer, c’est toute la médecine libérale qui, aujourd’hui, ne fait plus confiance au Gouvernement, qui n’a plus confiance. Pour nous, c’est insupportable. Il faut lui garantir un avenir. Je dois d’ailleurs vous dire que cette profession a accueilli votre nomination avec une attention bienveillante et confiante.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Arthuis.
M. Jean Arthuis. Monsieur le ministre, je salue votre retour au Gouvernement et forme des vœux pour la réussite de votre action.
Dans un domaine ô combien délicat, je tiens à rendre hommage au travail accompli par l’ensemble de la commission des affaires sociales, en particulier sa présidente et son rapporteur général. Je veux dire à Catherine Procaccia combien la coordination est réelle entre la commission des finances et la commission des affaires sociales.
M. Guy Fischer. Ah bon ?
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Pas toujours !
M. Jean Arthuis. Et si Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis sur ce texte, était présent ce matin, il pourrait en témoigner.
Mme Catherine Procaccia. Mais pas Alain Vasselle ! (Sourires.)
M. Jean Arthuis. Monsieur le ministre, je ne voterai pas le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011. Je voterai même contre. (Marques d’étonnement sur plusieurs travées.) Je tiens à m’en expliquer, car j’ai conscience que c’est un acte grave.
J’ai bien à l’esprit que le budget de la protection sociale est plus important que le budget cumulé de l’État et des collectivités territoriales. Or j’observe notre fuite en avant sur la dette publique. Nous avons eu un débat sur l’opportunité d’assurer le remboursement de la dette sociale, et nous avons du mal à faire une juste appréciation de la situation des finances publiques.
Nous avons en effet été saisis de trois textes quasiment à la suite : le projet de loi relatif à la gestion de la dette sociale, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 et le projet de loi de finances pour 2011. Avant cela, il y a eu le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014. Dans quelques jours, le conseil des ministres approuvera un collectif budgétaire.
Nous avons eu l’occasion de discuter des dispositions fiscales dans le cadre à la fois du PLFSS et du PLF. Je souhaite qu’un jour nous puissions avoir un article d’équilibre unique consolidant l’ensemble des prélèvements obligatoires pour nous donner une claire vision de la situation.
M. Guy Fischer. Ce sera la mort du PLFSS !
M. Jean Arthuis. S’agissant de la CADES, monsieur le ministre, elle s’est vu transférer, depuis sa création en 1996, 130 milliards d’euros de dette. Nous n’avons pu amortir à ce jour que 46 milliards d’euros. Et voilà que nous programmons le transfert à la CADES de 130 milliards d’euros supplémentaires, dont 68 milliards d’euros de déficit sur les années 2009, 2010 et 2011. Selon des hypothèses macroéconomiques optimistes, il faudra encore transférer 62 milliards d’euros de déficit sur le régime général des retraites en dépit de la réforme que nous venons de voter.
Il eût été judicieux dans ces conditions de prévoir, dès 2011, un supplément de CRDS. Avec plusieurs de mes collègues, y compris le rapporteur général de la commission des affaires sociales, j’ai tenté de plaider cette option. Vainement.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est la raison pour laquelle je vais voter contre le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001.
Je ne voudrais pas être le chroniqueur d’une sorte de faillite programmée. C’est un cri d’alarme que je lance. Nous avons, collectivement, l’obligation de mettre de l’ordre dans nos finances publiques, sous peine de contrevenir à nos devoirs en termes de solidarité intergénérationnelle. Je forme donc des vœux pour que, tous ensemble, nous puissions prendre la mesure de nos obligations devant l’urgence des réformes structurelles à accomplir. Oui, nous devons suivre le chemin d’une réduction courageuse de nos déficits publics !
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le ministre, mes chers collègues, le président Arthuis vient de donner le ton. Bien sûr, nous étions déjà en désaccord avec l’analyse de la situation et la réponse donnée à la question de savoir qui doit payer.
Notre collègue Jean Arthuis préconise une réduction des dépenses publiques pour éviter la faillite et une situation « à la portugaise ». Autrement dit, il faut trancher dans le vif !
Nous voyons bien ce qu’il se préfigure au travers des dispositions prévues dans le projet de loi relatif à la gestion de la dette sociale, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 et dans le projet de loi de finances pour 2011 encore en discussion.
À n’en point douter, le Président de la République, mais aussi le Premier ministre que nous entendrons cet après-midi réaffirmeront leur volonté de réduire les déficits publics de manière drastique. Nous savons bien ce que cela signifie.
Le Gouvernement parle de rigueur. Pour ma part, je n’emploie pas ce terme, lui préférant celui d’« hyper-austérité ». À la lumière de ce qui se décide dans toute l’Union européenne et au niveau mondial, on se dirige vers une réduction des dépenses publiques qui sonne comme une condamnation de nos services publics et des trois fonctions publiques.
Le budget de la sécurité sociale, celui de l’État, le pacte de stabilité et de croissance que l'Union européenne nous appelle à mettre en œuvre ont tous été élaborés sous le sceau de la rigueur, ou plutôt de l’hyper-austérité.
La réduction des déficits publics annoncée suppose des économies considérables. Le peuple français ne mesure pas encore à sa juste valeur la réalité de ce qui va s’imposer à lui dans les années à venir, et ce dès 2011. Le Gouvernement nous engage dans un cycle de très forte réduction des dépenses publiques.
Limiter le déficit à 20,9 milliards d’euros était une forme de réponse au diktat des marchés financiers et des agences de notation. Cela va se concrétiser, dès l’année prochaine, par le gel des salaires dans les trois fonctions publiques, ainsi que par une pression considérable et inédite sur les rémunérations et les retraites. Nous ne pouvons souscrire à une telle démarche.
Déjà, en 2009, le transfert opéré dans les dépenses de l’assurance maladie obligatoire sur les assurances maladies complémentaires a provoqué une hausse des cotisations de 5,8 % en moyenne. En 2010, une augmentation similaire, voire supérieure, sera sans doute constatée. Et en 2011, le gel des dépenses de l’assurance maladie obligatoire aggravera le transfert : ce sont les ménages et les retraités qui paieront !
Monsieur le ministre, il vous revient de nous informer, dans les plus brefs délais, de ce qui nous attend en termes de destruction d’emplois. Déjà, tous les grands groupes du CAC 40, notamment dans le secteur automobile, ont annoncé la couleur, supprimant des dizaines de milliers d’emplois.
Il est un autre dossier qui nous préoccupe tout autant, alors que le Gouvernement ne semble pas vouloir nous donner un calendrier en la matière. Je veux parler de la dépendance. On nous a annoncé une loi pour l’automne 2011. Pourriez-vous être plus précis sur ce sujet, qui suscite des interrogations chez les Françaises et les Français ? L’évolution démographique est une problématique de plus en plus aiguë. Il importe donc de développer l’information, le débat, et de tout mettre sur la table.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, dans l’immédiat, je le répète, nous voterons résolument contre ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, marqué par le sceau de l’hyper-austérité !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade. Les arguments présentés par M. Arthuis sont solides. Mais comme je soutiens le Gouvernement, monsieur le ministre, je ne peux pas voter contre ce projet ; je m’abstiendrai.
Tout d’abord, il n’est pas décent d’avoir refusé cette année une légère augmentation du taux de la CRDS.
En tant que rapporteur spécial de la commission des finances, chargé d’examiner les engagements financiers de l'État, donc l’évolution de la dette publique, je constate, avec tristesse, que cette dernière est en passe d’atteindre 86 %, 87 %, voire 88 % du PIB au cours des prochaines années ; en dépit du texte de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014, je n’aperçois pas le moment où nous pourrons stabiliser et réduire l’ensemble de notre endettement.
Certes, l’endettement de la sécurité sociale est beaucoup plus faible que celui de l’État. De même, on ne le dit pas assez, le déficit de l’ensemble de la sécurité sociale est nettement inférieur en pourcentage à celui de l’État, avec un total de 92 milliards d’euros pour ce dernier, contre 20 milliards d’euros pour la sécurité sociale, laquelle enregistre cependant une masse plus importante de dépenses et de recettes. Il faut donc le dire et se garder de dramatiser en déclarant que nous sommes complètement en faillite.
M. Nicolas About. Bien sûr !
M. Jean-Pierre Fourcade. En revanche, on ne peut négliger le fait que la dette sociale portée par la CADES s’élèvera à plus de 260 milliards d’euros en 2011. Même si les titres de cette caisse ont beaucoup de succès auprès des investisseurs, notamment japonais – j’ai découvert que ces derniers n’hésitaient pas à y souscrire –, on ne peut cautionner une politique qui continue d’enregistrer de la dette. Faut-il préciser que, en 2011, la dette de l’État et celle de la sécurité sociale seront respectivement supérieures à 1 250 milliards d’euros et 260 milliards d’euros ?
Monsieur le ministre, votre majorité doit rappeler de temps en temps, me semble-t-il, qu’il est impossible de continuer à essayer de mettre en place des tuyaux d’orgue différents pour apporter telle ou telle ressource à tel ou tel régime.
Pour avoir présidé à une époque le conseil de surveillance de la caisse nationale des allocations familiales, je suis persuadé qu’on peut remettre cette dernière en équilibre sans trop de bouleversements, en touchant très légèrement à ses dépenses d’intervention sociale. C’est tout à fait possible.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Absolument !
M. Jean-Pierre Fourcade. En tout état de cause, nous nous devons de prendre en charge l’ensemble de ces problèmes d’endettement.
M. le rapporteur général et Mme la présidente de la commission des affaires sociales étaient partisans d’une augmentation légère du taux de la CRDS. Je crois que, quels que soient les avantages du texte, c’est une erreur de la part du Gouvernement de ne pas la prévoir.
L’année dernière, on m’a expliqué qu’il ne fallait pas augmenter cette contribution en raison de la proximité des élections régionales. Cette année, on me dit qu’on ne peut pas le faire en vertu d’un principe de non-augmentation des impôts.
Je considère, pour ma part, que la réalité de notre endettement est trop forte pour nous camoufler derrière de tels principes.
C’est la raison pour laquelle je m’abstiendrai sur ce texte. (MM. Jean Arthuis et Daniel Raoul applaudissent.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...
Conformément à l'article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l'ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par les amendements du Gouvernement.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 109 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 333 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 167 |
Pour l’adoption | 173 |
Contre | 160 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, le projet de loi est adopté définitivement.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
4
Politique générale
Déclaration du Gouvernement suivie d’un débat et d’un vote
M. le président. L’ordre du jour appelle une déclaration de politique générale du Gouvernement, suivie d’un débat et d’un vote, en application de l’article 49, alinéa 4, de la Constitution.
Monsieur le Premier ministre, au nom de l’ensemble des sénateurs, je vous souhaite la bienvenue dans notre hémicycle, où vous allez, pour la deuxième fois, solliciter du Sénat l’approbation d’une déclaration de politique générale, en application de l’article 49, alinéa 4, de la Constitution.
Ce moment est solennel : depuis le début de la Ve République, c’est donc la dix-septième fois que le Sénat est amené à se prononcer sur une telle déclaration, et la quinzième fois qu’il le fait parallèlement à l’Assemblée nationale.
La Constitution assure une place particulière au Sénat au sein de nos institutions. C’est pourquoi elle a prévu que vous puissiez vous exprimer de façon spécifique devant nous.
Vous faites vivre ainsi, monsieur le Premier ministre, un bicamérisme différencié et vous illustrez la pleine part que prend le Sénat à la définition de l’avenir de notre pays.
Nous sommes sensibles et attentifs à cette marque de considération envers notre assemblée, qui porte sur l’action politique un regard souvent différent, que d’aucuns disent sage.
Je tiens à saluer également, au nom du Sénat, les ministres et secrétaires d’État qui nous font l’honneur et le plaisir d’être présents parmi nous. Chacun comprendra que nous ayons une pensée particulière pour Philippe Richert, qui vient de faire son entrée au Gouvernement, et que nous saluions la nomination de Michel Mercier, comme garde des sceaux, et celle de Henri de Raincourt, comme ministre chargé de la coopération. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Monsieur le Premier ministre, soyez assuré de notre volonté commune de travailler ensemble, dans un esprit d’écoute, de compréhension, de recherche constante de l’intérêt général. Les relations nouvelles entre le Parlement et le Gouvernement instituées par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 sont de nature, je le souhaite, à faciliter ce travail en commun.
Enfin, permettez-moi de former, à titre personnel, tous mes vœux républicains de réussite pour le gouvernement que vous venez de constituer.
Monsieur le Premier ministre, vous avez la parole. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur le président, permettez-moi tout d’abord de vous remercier de ces propos et des encouragements que vous avez adressés au Gouvernement.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne vous infligerai pas une nouvelle lecture du discours qu’a prononcé devant vous, hier, Alain Juppé, ministre d’État, ministre de la défense et des anciens combattants, par lequel je vous ai livré les ambitions du Gouvernement.
Au côté du Président de la République, nous avons choisi un parti, celui de la persévérance. La cohérence, la clarté, la responsabilité : le général de Gaulle voyait dans ces qualités la raison d’être du gouvernement. Nous considérons comme lui que ce gouvernement doit obéir « à l’intérêt national et non pas à la dernière passion qu’il a subie ».
Ce nouveau gouvernement est investi d’une double mission.
La première, c’est naturellement de prolonger l’œuvre de modernisation engagée en 2007. Nous avons, au travers de l’élection du Président de la République et d’une majorité parlementaire, un mandat clair, pour cinq ans. Nous le mettons en œuvre. C’est le respect que l’on doit à la démocratie et au choix de nos concitoyens.
Nous avons une seconde mission, qui est de gérer les rebondissements d’une crise économique internationale que nous avons reçue en partage, malgré nous.
Moderniser la France, maîtriser la crise, accompagner sa sortie. C’est la ligne stratégique du Gouvernement et c’est là que se trouve la continuité de l’action des gouvernements que j’ai dirigés.
Si la récession est derrière nous, la crise n’est pas terminée. Ses séquelles sont les déficits, qu’elle a contribué à creuser, la dette et, naturellement, les conséquences sur l’emploi.
Par ailleurs, vous le voyez notamment ces derniers jours, cette crise inédite continue à muter, s’attaquant désormais aux dettes souveraines et aux banques centrales.
Nous avons donc le devoir, l’ensemble des pays européens, notre communauté nationale, de combattre les dangers que cette crise fait peser sur nos sociétés, et les combattre avec les valeurs et les principes qui sont ceux de la France : la coopération internationale et la cohésion nationale.
À la tête du G20 pendant une année, notre pays va continuer à faire avancer les solutions coopératives, afin d’éviter le plus possible les guerres commerciales et, surtout, les guerres monétaires, afin, aussi, de donner des institutions et des règles stables à l’économie mondialisée, qui en a bien besoin.
Nous continuerons de même, en coordination avec l’Allemagne, à renforcer la gouvernance de l’Union européenne et de la zone euro.
Chaque jour qui passe montre à quel point nous avons besoin d’une véritable politique économique européenne et d’une coordination des politiques nationales à l’intérieur de la zone euro, que, pour le moment, les institutions et leur pratique ne nous permettent pas de réaliser avec la meilleure efficacité.
Sur le plan national, nous continuerons, avec votre aide, à cicatriser les plaies creusées par la récession.
Notre politique économique est équilibrée : c’est l’investissement, c’est la discipline budgétaire et c’est l’emploi.
Nous allons investir 35 milliards d’euros sur les secteurs d’avenir, suivant en cela les recommandations du rapport de Michel Rocard et d’Alain Juppé.
Nous allons réduire les déficits par deux d’ici à 2013, parce que ces déficits menacent notre croissance et notre indépendance.
Nous allons renforcer nos actions sur l’emploi des jeunes et des seniors en tendant la main aux partenaires sociaux, parce que, après le temps des différends, le temps du dialogue est revenu.
Pour moi, la réforme des retraites ne se solde pas par des vainqueurs et des vaincus. Aucun de nos concitoyens n’est coupable d’avoir des convictions. Il n’y a pas un peuple de droite et un peuple de gauche. Il n’y a que des Français. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste et du RDSE.)
M. Robert del Picchia. Très bien !
M. François Fillon, Premier ministre. Il n’y a que des Français, avec leurs doutes, doutes que je ne sous-estime pas, avec leurs espoirs, si difficiles, parfois, à combler, des Français plongés dans une période d’immenses bouleversements : le basculement du centre de gravité du capitalisme vers l’Asie, la diversité et le vieillissement de nos sociétés, où vont cohabiter désormais cinq générations au lieu de trois.
C’est en rassemblant nos concitoyens, c’est en les mobilisant sans démagogie que nous parviendrons à faire en sorte qu’émerge, au bout de cette crise, une France plus forte, une France réconciliée avec l’Europe et réconciliée avec la société ouverte du XXIe siècle.
Pour cela, mesdames, messieurs les sénateurs, la réforme reste nécessaire.
On a souvent dit, par le passé, que cette réforme était, chez nous, impossible : impossible en raison de l’histoire de la France et de du caractère français ; impossible en raison de la crise ; impossible en raison de la proximité des élections.
Eh bien, cette réforme prétendument impossible, nous l’avons faite et nous la poursuivrons ensemble !
Ce n’est pas maintenant que nous allons nous excuser ou nous repentir de faire simplement notre devoir.
M. Roland du Luart. Très bien !
M. Jean Arthuis. Très bien !
M. François Fillon, Premier ministre. Nous allons dégager des solutions face au problème de la dépendance.
Je veux indiquer devant le Sénat que, naturellement, ces solutions doivent d’abord apporter une réponse à la question de la dépendance, mais qu’elles doivent aussi, en même temps, permettre de répondre à cette question difficile et urgente qui est celle du financement des conseils généraux. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste.)
M. Yannick Bodin. Le pire est à craindre !
M. François Fillon, Premier ministre. Nous allons moderniser le fonctionnement de la justice.
Comme toujours dans les périodes de tourmentes historiques, les Français se tournent vers l’État. Ils attendent de lui qu’il fixe un cap et qu’il construise un espoir.
Notre cap, c’est la République et ses valeurs.
La France n’a pas cédé à la panique sous le choc de la crise. La France ne s’est pas laissé séduire par les extrémistes.
À l’heure où les spectres du protectionnisme, du populisme, de la xénophobie ressurgissent ici ou là en Europe, la France s’est tenue au-dessus de ces ornières boueuses.
M. Jean-Jacques Mirassou. Les Roms !
M. François Fillon, Premier ministre. Cette maturité nationale nous commande, plus que jamais, de conforter les deux piliers de la République : l’autorité de l’État face à la violence, l’égalité des chances par l’éducation et la formation.
Quant à notre espoir, il est que, dans un monde chaotique, un monde peuplé de 6 milliards d’habitants assoiffés de réussite, les 65 millions de Français continuent encore de faire entendre leur voix, et ce sans renoncer à la spécificité de leur modèle social.
L’honneur des gouvernements que j’ai conduits, l’honneur de la majorité qui les a épaulés et à laquelle je veux rendre hommage, c’est de ne pas avoir trompé notre peuple sur cette réalité mondiale.
M. Roland du Luart. Exact !
M. François Fillon, Premier ministre. C’est de ne pas avoir renié l’élan de 2007, c’est de ne pas avoir tremblé devant les résistances, c’est de ne pas s’être égarés dans les moments décisifs où l’équilibre international et européen ne tenait qu’à un fil.
La force d’une nation repose sur sa capacité à regarder la vérité en face ; c’est pourquoi, cet honneur, je veux le partager avec les Français, qui, tout au long de nos réformes, tout au long de la crise, ont fait preuve de responsabilité.
La conjugaison de nos actions et de leurs efforts n’a pas été vaine.
Notre taux de croissance en 2010 sera supérieur à 1,5 %, alors que nos prévisions, au début de l’année, étaient largement inférieures.
M. Yannick Bodin. Quel exploit…
M. François Fillon, Premier ministre. Désormais, la cible des 2 % en 2011 est atteignable. Notre économie a recommencé à créer des emplois depuis le début de l’année.
M. David Assouline. Ce n’est pas vrai !
M. François Fillon, Premier ministre. Ce n’est pas maintenant qu’il faut mettre le pied sur le frein.
Il n’y aura pas de pause, parce que cette année est, pour nous, non pas une année préélectorale, mais une année de plus pour servir la France. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Murmures sur les travées du groupe socialiste.)
Pour mener cette nouvelle étape de notre action, le Gouvernement doit pouvoir s’appuyer sur l’expérience et sur la mobilisation des élus des collectivités territoriales, de métropole comme d’outre-mer.
En posant la question de confiance à l’Assemblée nationale et en sollicitant l’approbation de la Haute Assemblée aujourd’hui, il ne s’agit pas de réécrire le quinquennat à coups d’annonces intempestives. (Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste.) Il ne s’agit pas d’improviser une nouvelle politique, ni, au désespoir, je le sais, de certains observateurs politiques, d’assouvir les prétentions de je ne sais quel « hyper-Premier ministre », qui n’existe aucunement dans les institutions de la Ve République.
Non, il s’agit plus simplement, mais finalement plus fondamentalement, d’assumer ensemble, et ce jusqu’au terme de notre mandat, l’élan de réforme et de modernisation de la France.
Mesdames, messieurs les sénateurs, loin de la politique spectacle, loin des embardées médiatiques, il s’agit de donner au principe de la continuité politique ses lettres de noblesse.
Pour cela, j’ai besoin de votre soutien.
C’est ainsi que, conformément à l’article 49, alinéa 4, de notre Constitution, je me tourne vers celles et ceux qui, parmi vous, sont décidés à donner à la France la volonté et la durée pour se moderniser et se redresser ! (Mmes et MM. les sénateurs de l’UMP, ainsi que MM. Claude Biwer, Jean Boyer, Pierre Fauchon et Jean-Jacques Pignard se lèvent et applaudissent longuement. – Applaudissements sur les travées de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)