Mme Annie David. C’est la réalité qui est scandaleuse !
M. Guy Fischer. Nous aurons l’occasion d’en reparler, monsieur le ministre.
Taxation des parachutes dorés, des stock-options, des actions distribuées gratuitement, dans les mêmes proportions que les salaires : voilà ce qu’il aurait fallu faire !
Mme Annie David. Eh voilà !
M. Guy Fischer. Pourtant, ces trois mécanismes ne profitent qu’à une minorité de personnes : celles qui sont déjà les mieux rémunérées.
Vous avez également refusé d’assujettir à cotisations sociales les sommes liées à la participation et à l’intéressement, qui constituent elles aussi des mécanismes de contournement des règles sociales.
Mme Annie David. Bien sûr !
M. Guy Fischer. Vous avez enfin refusé l’amendement déposé à l’Assemblée nationale par la députée Marie-Anne Montchamp, devenue depuis secrétaire d’État, et visant à augmenter les cotisations sociales assises sur le capital, pour qu’il contribue, au moins à égalité avec le travail.
Cette dernière décision, preuve supplémentaire du caractère profondément injuste de votre politique, n’est pas sans nous rappeler que quelques jours avant que nous examinions le PLFSS pour 2011, vous aviez fait adopter en force, sans concertation ni dialogue, une contre-réforme des retraites dont l’essentiel, 85 %, était financé par les salariés eux-mêmes.
Mme Annie David. Exactement !
M. Alain Vasselle, rapporteur. C’est de la caricature, monsieur Fischer !
M. Guy Fischer. Tout cela nous conduit progressivement dans le mur !
Et s’il vous faut une preuve, je vous invite à regarder le montant astronomique de dette que vous avez transféré à la CADES : 130 milliards d’euros, soit l’équivalent de la somme qu’elle a reprise depuis sa création ! C’est dire combien les comptes sociaux se sont dégradés !
M. Alain Vasselle, rapporteur. La crise financière est passée par là !
M. Guy Fischer. Oui, il y a eu la crise, mais la dette liée à la crise ne représente que 34 milliards d’euros, c’est-à-dire le même montant que la dette que vous appelez « structurelle », et qui est en fait une des conséquences néfastes de votre politique.
Mme Annie David. Oui !
M. Guy Fischer. En réalité, votre politique emporte les mêmes conséquences que ce dont François Fillon, hier, dans sa déclaration de politique générale, en parlant de la crise disait lui-même être « le pire de ce que peut produire le système capitaliste ».
Bel aveu : cette politique que vous vous entêtez à poursuivre emporte les mêmes conséquences que ce qu’il y a de pire dans le système capitaliste !
Mme Annie David. Exactement !
M. Guy Fischer. C’est pourquoi nous sommes aujourd’hui plus que jamais convaincus qu’il faut rompre avec cette politique.
Vous devez cesser d’assécher les comptes sociaux, vous devez rompre avec une politique qui favorise les plus riches et le patronat ! Les assurés et les mutualistes seront de plus en plus sollicités et, le prix de cette politique, ce sont eux qui le paieront.
Vous devez faire preuve de la même audace créative que le Conseil national de la Résistance, en 1945. Vous vous y refusez mais nous ne vous suivrons pas ! Le groupe CRC-SPG votera contre les conclusions de la CMP et votera donc contre le PLFSS pour 2011. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas About.
M. Nicolas About. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, m’associant pleinement à l’ensemble du contenu de l’intervention de notre rapporteur, je renonce à mon temps de parole. Je crois que, compte tenu du retard que nous prenons actuellement dans l’examen du projet de loi de finances pour 2011, ce ne sera pas inutile !
Je souhaite néanmoins interpeller M. le ministre sur un point.
Un dispositif de départ en préretraite à 58 ans fait actuellement l’objet de négociations chez Renault. Alors que l’État est actionnaire de Renault et que nous venons de voter un texte tendant à prolonger la durée du travail au cours de la vie et à favoriser le travail des seniors, je suis troublé par cette démarche, qui bafoue la volonté du Gouvernement et du Parlement.
Mme Raymonde Le Texier. Ça, c’est scandaleux !
M. Nicolas About. Je souhaite connaître votre réaction, monsieur le ministre, et m’assurer que le Gouvernement exercera un contrôle rigoureux sur cet accord s’il venait à être signé. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. Fracture sociale pour les pauvres, facture salée pour les classes moyennes, bouclier fiscal pour les riches : le projet de loi de financement de la sécurité sociale s’inscrit parfaitement dans les fondamentaux de votre politique !
Face à la crise qui nous frappe tous, demander des efforts à chacun est inévitable. Encore faut-il que ceux-ci soient justement et équitablement répartis. Or, une fois de plus, ce gouvernement passe à côté des enjeux de notre protection sociale. Une fois de plus, il fait reposer tous les efforts sur les assurés sociaux. Une fois de plus, il conjugue baisse des prestations et recul de l’accès aux soins. Une fois de plus, il facture aux générations montantes, les impayés et les dettes de sa mauvaise gestion.
Et, avec 130 milliards d’euros de dette transférés à l’occasion de ce PLFSS, c’est un bien triste record que vous établissez, monsieur le ministre !
Le PLFSS, aujourd’hui, n’est plus qu’une suite d’articles récapitulant des ajustements comptables et des recettes éculées, la CMP se bornant à discuter des queues de comète d’une loi de financement dont nous savons tous qu’elle ne règle pas les problèmes du présent, pas plus qu’elle n’anticipe les enjeux de l’avenir.
Le bilan de la CMP est donc très mince. Pour autant, il est révélateur des divergences d’appréciation entre la droite et la gauche, notamment en ce qui concerne le maintien de fiscalités dérogatoires en certains domaines. Il a été décidé, par exemple, d’aligner le régime des attributions gratuites d’actions sur le régime des stock-options.
Le groupe socialiste considère qu’une taxation de droit commun doit s’appliquer à toutes les formes de rémunération.
M. Guy Fischer. Très bien !
Mme Raymonde Le Texier. Rien ne justifie une fiscalité d’exception en ce domaine, surtout au vu des efforts qui sont demandés aux assurés sociaux. La même question se pose en ce qui concerne les retraites chapeaux.
À multiplier les fiscalités dérogatoires, le risque est grand de voir ce type de rémunération se développer au détriment du salaire. Étant donné les conséquences sur nos finances sociales, il est plus que temps de supprimer ce genre d’avantages indus.
La CMP a également décidé de maintenir l’expérimentation des maisons de naissance. Je tiens à souligner l’impartialité de notre rapporteur, qui a défendu clairement la position majoritaire de la Haute Assemblée, opposée à ce projet, alors qu’à titre personnel il était partisan de cette expérimentation.
M. Guy Fischer. Oui, M. Vasselle a été loyal et honnête !
Mme Raymonde Le Texier. Je ne m’étendrai pas sur cet arbitrage, si ce n’est pour rappeler qu’en politique il est plus important de répondre aux besoins que d’enregistrer les demandes.
En la matière, la médicalisation de l’accouchement a permis de sauver de nombreuses vies de femmes et d’enfants, ne l’oublions pas. Mais surtout, le grand intérêt des maisons de naissance, dans le discours des sages-femmes, ce n’est pas la spécificité du lieu, mais l’accent mis sur le lien créé avec la mère et la qualité du suivi comme de l’accompagnement avant et après l’accouchement.
Or cette humanité dans la prise en charge ne devrait pas être réservée à certaines femmes mais être au cœur des missions de l’hôpital. Elle participe, en effet, d’une vraie politique de santé publique, dont l’absence a aujourd'hui des conséquences néfastes sur l’organisation de notre système de santé. Du reste, il est bien difficile de percevoir les objectifs de la politique de santé publique actuellement menée.
M. Guy Fischer. On attend une loi !
Mme Raymonde Le Texier. D’aucuns parlent de médecine à deux vitesses. Ils sont bien généreux, car nous avons déjà dépassé ce stade !
Plus d’un tiers des Français renoncent aux soins, à cause de leurs coûts, dont la moitié des 25-34 ans, selon une enquête du Collectif inter-associatif sur la santé. Mais il y a aussi ceux qui n’ont plus les moyens de faire face au coût mensuel d’une mutuelle, ceux qui peuvent encore s’offrir mutuelle ou assurance mais sont démunis face aux dépassements d’honoraires, ceux qui sont confrontés aux déserts médicaux, etc.
Partout les inégalités se développent, et votre action les accentue encore.
En matière de retraite, par exemple, alors que les jeunes peinent à entrer sur le marché du travail et que les seniors en sont exclus de plus en plus tôt, ce gouvernement recule les bornes d’âges et allonge la durée de cotisation, sans mettre en place de politique d’emploi. Résultat : il transforme des retraités potentiels en chômeurs longue durée.
Transférer les déficits des retraites vers l’assurance chômage, ce n’est pas seulement un jeu de bonneteau, c’est du pur cynisme ! Cela permet, en tout état de cause, non seulement de diminuer la durée de versement, mais aussi et surtout de faire baisser le montant des pensions.
M. Guy Fischer. Oui, c’est surtout ça !
Mme Raymonde Le Texier. Gérer des déficits en créant de la misère, je ne sais si c’est la nouvelle doctrine de la droite décomplexée, mais c’est en tout cas sa pratique ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Il faut dire que, pour ce gouvernement, les dépenses de l’État-providence sont un coût qu’il s’agit de réduire, une dépense dont il voudrait bien s’exonérer.
Pourtant, cette protection sociale encore récente nous a donné beaucoup, individuellement, socialement et économiquement. Notre santé s’est améliorée, la mortalité a reculé, la pauvreté a diminué, le niveau d’éducation s’est élevé.
On l’a vu notamment pendant la crise, la protection sociale soutient la consommation et permet de relancer la croissance économique. Elle maintient la capacité à consommer de ceux qui ne peuvent plus travailler, que ce soit pour cause de maladie, de chômage, de vieillesse ou d’invalidité.
Pour faire face à de nouveaux besoins, dans l’esprit des fondateurs de la sécurité sociale, qui faisaient de l’amélioration de la condition humaine la mesure d’une civilisation, il est temps de penser la protection sociale, non comme un coût qui ralentirait la croissance, mais comme un investissement qui en crée les conditions.
Notre protection sociale doit aller bien au-delà de la protection des individus contre les aléas de la vie. Elle peut les aider à rester maîtres de leur destin, tout en répondant aux défis économiques de demain.
Lier ainsi les objectifs de progrès social et l’adaptation au nouveau contexte économique permettrait de donner tout son sens au renouveau de notre système. Ce n’est pas le choix que vous faites.
Coluche disait : « Dites-nous de quoi vous avez besoin, on vous expliquera comment vous en passer ! ».
M. Ronan Kerdraon. Eh oui !
Mme Raymonde Le Texier. Je ne suis pas surprise, monsieur le ministre, que vous connaissiez bien les propos de Coluche en la matière ! (Sourires.)
Quoi qu'il en soit, je crains que ce ne soit votre programme en matière d’action sociale, entre autres.
Et pourtant, si le budget de la sécurité sociale est bien supérieur à celui de l’État, c’est parce que son rôle en matière de cohésion sociale est primordial. En laissant les déficits le détruire de l’intérieur, c’est toute la société que vous fragilisez.
En refusant de voter ce PLFSS, c’est notre responsabilité que nous exerçons et c’est à votre responsabilité que nous en appelons. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Pierre Fourcade. J’espère que la « droite décomplexée » aura l’occasion de répondre !
Mme la présidente. La parole est à M. René Teulade.
M. René Teulade. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous en arrivons aujourd’hui à la dernière étape de l’examen du budget de la sécurité sociale pour 2011.
Sans revenir sur les propos qu’ont tenus mes collègues, en particulier Raymonde Le Texier, je rappellerai certains points qui me paraissent essentiels et qui portent tant sur les orientations que sur les conditions d’examen de ce PLFSS.
Le samedi 13 novembre dernier, pendant la suspension de nos travaux pour le dîner, nous avons appris la démission du Premier ministre, ce qui nous a conduits à interrompre nos travaux, en attendant la nomination d’un nouveau gouvernement.
Toutefois, il n'y a pas eu de révolution dans la politique générale suivie, en particulier dans le domaine de la santé, et les analyses que nous avions faites avant le remaniement sont donc toujours valides. Et la révolution n’a pas eu lieu non plus lors de la réunion de la commission mixte paritaire…
Même en étant le plus objectifs possible, nous pouvons affirmer que les chiffres présentés dans ce projet de budget ne sont pas rassurants. Je le rappelle, les déficits, de 20 milliards d’euros en 2009, devraient atteindre 25 milliards d'euros en 2010 et l’on espère qu’ils seront ramenés à 21 milliards d'euros en 2011. Malheureusement, la reprise de l’économie, dont la timidité est masquée par des prévisions optimistes de croissance, ne va pas, selon nous, inverser la tendance et permettre de réduire les déficits.
Nous allons laisser une charge importante aux générations futures car, selon la formule consacrée, les déficits d’aujourd’hui seront les impôts de demain.
S’agissant de la résorption des déficits et de la protection sociale à proposer à nos compatriotes, deux visions politiques s’affrontent.
La majorité réduit les prises en charge en multipliant les franchises et augmente la participation des organismes complémentaires, en particulier les mutuelles, donc celle des patients, sans toucher aux prélèvements.
Pour notre part, nous proposons de prendre en charge les risques de la vie, avec une participation raisonnable des patients et des organismes complémentaires, qui serait financée par une augmentation des prélèvements, en particulier sur les hauts revenus.
En bref, nous prônons un système plus équitable, alors que votre politique, monsieur le ministre, est marquée du sceau de l’injustice et de l’augmentation des impôts pour les plus démunis.
En ce qui concerne la maladie, parmi tous les problèmes qui se posent, et depuis longtemps – nous le savons pour avoir exercé des responsabilités dans le domaine de la santé –, il en est un dont nous devons nous saisir rapidement, c’est celui de la démographie médicale.
M. Nicolas About. C’est vrai !
M. René Teulade. L’atlas de la démographie médicale publié par le Conseil national de l’ordre des médecins ne manque pas d’appeler notre attention. Même si le nombre des praticiens a augmenté ces trente dernières années, notre population médicale est vieillissante, ce qui augure des départs à la retraite massifs dans les années à venir. Le nombre des sortants a progressé de 6,6 % en un an, tandis que celui des entrants n’a augmenté que de 1,8 %. Quelque 55 % des praticiens sont âgés de plus de 50 ans, âge moyen de la profession.
J’y insiste, car les zones rurales, dont je suis l’un des représentants, sont particulièrement touchées, et elles le seront de plus en plus, par la pénurie de médecins. Les jeunes praticiens ne veulent pas venir y exercer. Si mes chiffres sont exacts, pour 100 000 habitants, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur compte 374 médecins, contre 239 seulement en Picardie.
Le problème n’a pas été réglé, même si les collectivités locales ont mis en place des politiques visant à faciliter l’installation des praticiens, notamment dans des maisons médicales, grâce à des mesures incitatives.
Pour une fois, je partage l’opinion du Président de la République (Ah ! sur les travées de l’UMP.),…
M. Alain Vasselle, rapporteur. Enfin ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Fourcade. Eh bien voilà !
M. Guy Fischer. Reprenez-vous, monsieur Teulade ! (Nouveaux sourires.)
M. René Teulade. … qui a déclaré, lors de la séance solennelle d’ouverture du congrès des maires : « Il n’y a jamais eu autant de médecins dans notre pays : 210 000. Et, en même temps, des régions entières ont une démographie médicale désertifiée… » – j’ose espérer qu’il était sincère ! – « … alors que certains quartiers de nos villes ont une hypertrophie de la représentation médicale. »
« Là encore, disait-il aussi, l’État doit vous aider à installer durablement des professionnels de la santé. »
Il poursuivait en développant une idée que je défends depuis fort longtemps : « Je crois également qu’il faut aller plus loin dans le financement des études des jeunes internes qui s’engageront en contrepartie à s’implanter dans des régions ou des départements où il n’y a pas de médecins. Sinon, on ne va pas pouvoir s’en sortir. »
Mme Raymonde Le Texier. Il n’a pas trouvé cela tout seul !
M. René Teulade. Tout à fait, ma chère collègue : le Président de la République n’invente rien en la matière : le Conseil national de la Résistance avait déjà eu recours à cette méthode, en particulier dans le domaine de l’éducation nationale.
J’appartiens à une génération qui a passé le concours d’entrée à l’école normale, qui a été payée pendant ses études – de toute façon, nos parents n’avaient pas les moyens de les financer –, mais qui, en contrepartie, s’est engagée à travailler dans les services publics pendant dix ans, sauf à devoir rembourser les sommes perçues.
En l’occurrence, le problème relève de la solidarité nationale : celle-ci doit permettre à ceux qui n’en ont pas les moyens d’accéder aux professions médiales. Mon apport se limitera à cette seule idée, mais je crois que nous devons réfléchir à la méthode qui pourra être mise en œuvre. Pour ce qui concerne les infirmières, des expériences sont d'ailleurs menées dans certaines régions et donnent, me semble-t-il, de bons résultats.
En un mot, la sécurité de nos concitoyens est remise en cause par cette pénurie. Même si nous devons garder comme principe fondamental l’exercice libéral de la profession, qui correspond en quelque sorte à notre culture, il nous faut trouver un point d’équilibre entre deux démarches financières incompatibles, c’est-à-dire, d'une part, un système de prescriptions libérales et, d'autre part, un régime de prestations ouvertes à toute la population.
Nous avons une méthode : c’est le système conventionnel, qui, après une discussion ouverte à tous – ce n’est malheureusement pas la pratique actuelle – permet tout de même le mieux d’associer et de responsabiliser praticiens et patients.
En ce moment, l’actualité médicale est marquée par le problème du Mediator, qui n’est pas nouveau.
M. René Teulade. Ce médicament coupe-faim, prescrit à l’origine à des diabétiques en surpoids, puis aux personnes désirant faire un régime, serait responsable – j’insiste sur le conditionnel – de la mort de plusieurs personnes.
M. Guy Fischer. Au moins 500 ! C’est dramatique !
M. René Teulade. Nous avons déjà connu ce problème avec un autre anorexigène – c'est-à-dire un médicament qui provoque une anorexie momentanée –, l’Isoméride, qui a été interdit en 1997 car il provoquait, entre autres, de l’hypertension artérielle pulmonaire.
En 1999, si mes souvenirs sont bons, la commission de transparence de l’AFSSAPS, l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, avait jugé l’effet du Mediator insuffisant, ce qui avait provoqué un déremboursement de ce médicament.
Dans son numéro d’octobre 2003, la revue Prescrire appelait à maintenir la vigilance « vis-à-vis des dérivés amphétaminiques masqués ».
En novembre 2009, l’AFSSAPS a suspendu le Mediator.
Pourquoi avons-nous attendu aussi longtemps ?
Je tiens à rappeler que notre objectif, en tant qu’élus, est l’amélioration de la santé des Français. Nous sommes engagés dans la vie politique pour servir non pas des intérêts personnels ou financiers, mais l’intérêt général.
Nous ne dirons jamais assez que la santé, malgré son coût, est non pas une charge, mais un investissement – et même le meilleur ! –, car celle des travailleurs est l’élément déterminant de la production de richesses.
Pour 2011, le Président de la République a annoncé l’ouverture du grand chantier de la dépendance. L’objectif que doit viser la future réforme est l’accès de tous les Français à la prise en charge de la dépendance.
Je ne veux pas parler de « cinquième risque » : il s'agit d’un lieu commun et vieillir n’est pas un risque ! La cessation de l’activité professionnelle n’est pas la fin de la vie économique et sociale. Il n'est que de voir tous ces élus qui, après leur départ à la retraite, prennent des responsabilités et sont utiles à la collectivité, en particulier dans les milieux ruraux, ou encore ces nombreuses personnes, hommes ou femmes, qui, ayant cessé de travailler, s’engagent dans le monde associatif. On ne peut vraiment pas soutenir que leur retrait de la vie professionnelle marque la fin de leur activité économique et sociale !
Nous devons aussi considérer que nous ne vivons plus dans une société de type patriarcal où trois générations subsistaient grâce au même patrimoine et où les enfants prenaient en charge leurs parents. Nous vivons dans une société où quatre, voire cinq générations coexistent, la clef de voûte étant celle qui arrive à la fin de sa période d’activité professionnelle. Ses membres ont souvent un vieux père ou une vieille mère qui glisse vers la dépendance et ils aident économiquement et financièrement leurs enfants et petits-enfants en proie aux difficultés de la vie. Notre société a incontestablement beaucoup changé, et nous devons tenir compte de ces évolutions.
Nous savons aussi que les assurances privées…
M. Guy Fischer. Sont en embuscade !
M. René Teulade. … considèrent comme une aubaine le marché de la dépendance.
Lors de la réforme des retraites, nous avons vu des tentatives visant à substituer un système de capitalisation au régime par répartition, et leurs auteurs sont loin d’avoir renoncé.
Les problèmes liés à l’allongement de la vie, notamment celui de la dépendance, ne doivent pas être supportés par les seuls salariés, ils doivent reposer sur tous les contribuables, au travers d’une grande et juste réforme fiscale, qui instaurerait un impôt sur le revenu à taux faible et à forte progressivité.
La reprise d’une partie de la dette par la CADES est peut-être nécessaire dans l’immédiat, mais elle reste une mesure provisoire.
Lors de la première lecture de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous avions dénoncé l’injustice qu’il recelait. Après les débats menés aux différents stades du processus législatif, certaines virgules ont changé de place, mais le fond est toujours le même : en résumé, votre projet touche les plus faibles et épargne les plus forts.
Monsieur le ministre, le texte qui nous est soumis, contrairement à ce que vous avez affirmé, n’est ni riche, ni ambitieux, ni protecteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Que d’exagérations !
M. René Teulade. Nous voterons donc contre les conclusions de la commission mixte paritaire sur ce PLFSS qui perpétue les injustices puisque ce sont toujours les plus vulnérables et ceux qui souffrent le plus qui sont mis à contribution, jamais les autres ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Madame la présidente, il n’est pas forcément d’usage de répondre après la discussion générale lors de l’examen d’un texte issu d’une commission mixte paritaire. Je crois néanmoins devoir le faire car je ne souscris pas du tout aux orientations qui ont été présentées par Mme Le Texier et par M. Fischer.
En matière de protection sociale, on peut toujours discourir, mais il faut surtout prendre ses responsabilités et agir.
Mme Raymonde Le Texier. C’est bien ce que nous vous demandons de faire !
M. Xavier Bertrand, ministre. C’est ce que fait la majorité. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Raymonde Le Texier. Non !
M. Xavier Bertrand, ministre. Aujourd'hui, reconnaissons-le, la tâche n’est pas simple. Il est bien plus facile de partager quand il n’y a pas de crise économique. Toutefois, je sais que c’est en étant fidèle à la valeur travail, donc en créant des richesses, que l’on est le mieux en mesure de partager. Voilà pourquoi cette majorité a fait le choix de la valeur travail. Je pense que nous pouvons nous en réjouir.
J’aimerais revenir sur ce qu’a dit M. Teulade à propos du Mediator, sur le choix des mots. Monsieur le sénateur, une telle situation est avant tout un drame humain. À cet égard, il y a un décalage entre les mots que vous avez utilisés, et qui sont à mon avis en deçà de la réalité, et ce que vous avez expliqué ensuite.
Mme Nora Berra et moi-même avons chargé l’IGAS, l’inspection générale des affaires sociales, d’une mission qui est à la fois large dans son périmètre et précise quant aux réponses que nous en attendons. Il nous faut évidemment comprendre ce qui s’est passé, mais il importe également que le système de santé en France soit renforcé en permanence pour qu’il puisse réagir à ce que l’on appelle les signaux faibles, voire très faibles, c'est-à-dire ceux que laissent percevoir des cas isolés.
Comme on l’a vu dans un certain nombre de crises sanitaires, la question est de savoir dans quelle mesure le niveau d’alerte et de veille peut être relevé à partir de l’observation de cas isolés ; en l’occurrence, c’est le problème de la pharmacovigilance qui est posé.
En matière de conflits d’intérêts, nous avons beaucoup progressé, mais je souhaite que nous allions jusqu’au bout, afin que la confiance s’installe durablement et même définitivement.
Cependant, le vrai sujet de santé publique, c’est le renforcement de la pharmacovigilance.
À cet égard, il ne faut pas oublier ce qui s’est passé pour d’autres médicaments – j’en ai été le témoin –, notamment l’Isoméride. L’important est de déterminer à quel moment un lien peut être établi avec les valvulopathies, c'est-à-dire à partir de combien de cas rapportés on est en mesure de tirer des conclusions. Que faut-il faire une fois que les informations sont transmises aux centres régionaux de pharmacovigilance ? J’attends donc des recommandations, des préconisations, des propositions, et je les mettrai en œuvre.
M. Nicolas About. Il y a le bénéfice/risque !
M. Xavier Bertrand, ministre. Toutefois, il faut bien garder à l’esprit – M. About me souffle cette idée à l’instant – que nous parlons de médicaments, de substances actives ; par conséquent, il faut mesurer chaque fois le bénéfice/risque, une notion qu’il convient de bien appréhender.
En effet, une substance active entraîne forcément des réactions différentes d’un organisme à l’autre. Dans un tel cas, il faut être en mesure de réévaluer beaucoup plus souvent à la fois le bénéfice et le risque, pour la santé de chacun comme pour la santé publique.
L’exercice n’étant pas facile, je tiens vraiment à ce que l’on évite les raccourcis et les confusions.
Certains affirment : « Les États-Unis ont interdit le Mediator bien avant nous ». Or ce médicament n’a jamais bénéficié d’une autorisation de mise sur le marché aux États-Unis. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)