Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Je persiste à penser que les évaluations qui ont été citées sont tout à fait fantasmatiques. En effet, vous raisonnez comme si le même nombre de transactions aurait eu lieu avec un taux normal d’imposition. Or lorsque celui-ci s’appliquait, il bloquait les transactions ! En d’autres termes, beaucoup de transactions n’auraient pas eu lieu au cours de la période étudiée.
Le mauvais procès qui est fait à une initiative que nous avons prise ici même, lorsque Jean-François Copé occupait les fonctions de ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, relève véritablement de la mauvaise foi. Je suis au regret de devoir observer, à partir de certaines évaluations réalisées par Bercy, que cette mauvaise foi a été alimentée par des chiffrages mécaniques, arithmétiques, sans réflexion. Or les phénomènes économiques que nous tentons de mesurer auraient été différents si ce régime d’abaissement progressif puis d’exonération n’avait pas été adopté.
C'est la raison pour laquelle je pense qu’il ne serait pas raisonnable de revenir sur un tel régime.
Au demeurant, nous n’avons cessé de rappeler que la grande majorité des pays de l’OCDE exonèrent ces plus-values à long terme sur titres de participation. Notre situation ne nous permet pas de nous distinguer. Notre compétitivité et celle de la place de Paris ne sont pas suffisantes pour que nous puissions décider un tel sacrifice.
Aussi, la commission ne peut qu’émettre un avis tout à fait défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Le Gouvernement fait siens les arguments développés par le rapporteur général.
Je rappelle que ce régime fiscal a été adopté en 2004, à la suite de la recommandation du Conseil des impôts. Il préconisait d’adopter cette mesure « afin de rendre la France aussi attractive que ses partenaires européens », pour reprendre les termes mêmes du rapport de cette instance. Le Conseil des impôts jugeait le régime en vigueur pénalisant pour la France, pour ses entreprises et donc pour l’emploi. Il rejoignait ainsi le constat que dressait déjà le rapporteur général de la commission des finances du Sénat et qui vient d’être rappelé à l’instant, à savoir que la France était le dernier pays d’Europe à imposer les plus-values de cession de participations et qu’il en résultait inévitablement un handicap de compétitivité.
Je n’entrerai pas dans le détail d’un débat qui a été ouvert maintes fois et sur lequel on peut parler pendant longtemps. Je formulerai simplement deux observations.
En premier lieu, sur le fond, nous sommes tous, vous comme nous, pour la compétitivité, donc pour l’emploi. Par conséquent, nous savons que la situation antérieure à 2004 était pénalisante pour notre pays.
En second lieu, et c’est une précision technique, cette année a eu lieu une révision des bases à partir desquelles ces évaluations ont été réalisées, de telle sorte que celles-ci soient plus justes et plus inattaquables. Je me permets de le souligner, nul n’étant parfait, il y avait matière à corriger ce qui parfois était imparfait ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. J’entends bien qu’il s’agit de rendre les entreprises plus compétitives. Je suis toutefois au regret de constater que cela ne se traduit pas dans la réalité !
Vous ne cessez de répéter que toutes ces mesures ont eu des effets positifs sur l’emploi. Pourtant, au fil d’opérations de prise de contrôle diverses, Pechiney a été englouti par un conglomérat australo-canadien de l’aluminium. De la même façon, les dirigeants de Renault n’ont pas plus investi dans les usines de Douai, de Sandouville ou de Cléon et la production de la Clio ou de la Twingo a été installée en Turquie, en Espagne, en Roumanie ou en Slovénie.
Il faut absolument reconsidérer votre argumentation. Vous prétendez que les données chiffrées du Conseil des prélèvements obligatoires sur lesquelles nous nous appuyons méritent d’être revues et réexaminées. Il est tout de même étonnant d’affirmer que l’on ne peut se fier aux analyses et aux conclusions d’un rapport très officiel et de remettre ainsi en cause la qualité du travail accompli.
Vos arguments ne me paraissent pas très solides. Aujourd'hui, notre pays compte plus de 3 millions de demandeurs d’emplois : la preuve est faite que les mesures que vous défendez n’ont pas eu l’effet que vous annonciez !
Par conséquent, nous maintenons cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Il s’agit d’un sujet qui alimente le débat entre la droite et la gauche et qui tourne parfois à la polémique.
Ce qui est sûr, c’est que cette mesure a été mal évaluée au moment de sa mise en place.
Monsieur le rapporteur général, vous avez raison : il ne faut pas être dans le fantasme. Compte tenu du taux réel de l’impôt sur les sociétés, cette mesure ne représente pas 33,4 %. D’après le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires, les dernières estimations montrent que son coût serait de 6 milliards d'euros en 2009 et son coût cumulé compris entre 9 milliards et 10 milliards d'euros en 2008 et 2009. Certes, nous sommes loin des 22 milliards d'euros évoqués, mais 10 milliards d'euros, ce n’est pas rien ! Ou alors le Conseil des prélèvements obligatoires nous raconte des histoires... Mais je ne crois pas que ce soit le cas.
Du reste, le Conseil des prélèvements obligatoires ne recommande pas de remettre en cause cette disposition, car nous sommes dans un contexte de concurrence internationale et nous avons certainement intérêt à avoir des holdings sur notre territoire. Toutefois, il propose des aménagements, que nous avons repris dans une série d’amendements que nous présenterons tout à l’heure. Ce régime étant devenu le régime de droit commun des grands groupes, c’est tout de même un point important.
Par ailleurs, je note que l’impact économique de cette mesure n’a jamais vraiment été évalué.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il n’est pas évaluable !
Mme Nicole Bricq. C’est le problème des dépenses fiscales que l’on crée : au fil des années, elles galopent. Le grand travers d’une niche, c’est qu’elle galope toute seule et ne peut plus s’arrêter, à la différence d’un mécanisme de subventions auquel on peut décider de mettre fin. C’est là le grand reproche à faire aux niches.
De surcroît, celle qui nous occupe n’a pas été évaluée du point de vue de son impact économique.
Je vous rappelle les deux critères auxquels nous tenons, à savoir un impact économique certain sur l’économie réelle et une utilité sociale démontrée.
En l’absence d’évaluation de cette niche, tout de même substantielle, et de prise en compte de la proposition de l’aménager faite par le Conseil des prélèvements obligatoires, nous voterons l’amendement n° I-320 rectifié.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Permettez-moi, madame Bricq, d’apporter une petite précision, absolument neutre.
Je crois me souvenir que cette mesure avait été préconisée à la suite de la publication d’un rapport très complet.
Mme Nicole Bricq. Arrêtez de regarder dans le rétroviseur !
M. Georges Tron, secrétaire d’État. Ce n’est pas regarder dans le rétroviseur que d’évoquer Michel Charzat. La simple évocation de ce nom ne devrait pas être une insulte pour la sénatrice socialiste que vous êtes, ou alors je n’y comprends plus rien ! (Mme Nicole Bricq s’exclame.) Ce n’est pas vous faire injure que de le citer !
Mme Nicole Bricq. C’est un ami !
M. Georges Tron, secrétaire d’État. Je dis simplement qu’il y a déjà eu des rapports sur ce sujet, celui du Conseil des prélèvements obligatoires, ceux de la commission des finances, ceux qui ont été établis par des parlementaires éminents et respectables émettant des idées qui méritent d’être entendues. En l’occurrence, il s’agit de Michel Charzat, sénateur socialiste, qui avait fait la même préconisation en 2000. Par conséquent la position que je défends en ce moment ne peut être qualifiée de partisane.
Mme Nicole Bricq. Il faut l’évaluer !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° I-320 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° I-7, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l’article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le a sexies du I de l’article 219 du même code, il est inséré un a septies ainsi rédigé :
« a septies. Lorsqu’il existe des liens de dépendance entre l’entreprise cédante et l’entreprise cessionnaire au sens du 12 de l’article 39, le régime des plus-values et moins-values à long terme s’applique aux plus-values et moins-values de cession de titres de participation définis au dix-huitième alinéa du 5° du 1 de ce même article, autres que ceux mentionnés au a sexies-0 bis du présent article ; »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Il s’agit du troisième train de mesures « anti-abus » pour les sociétés et groupes imposés à l’impôt sur les sociétés. Cet amendement concerne le risque de contournement du régime des plus-values ou moins-values à long terme.
Ce régime prévoit un taux réduit d’imposition de 15 % ou 19 % ou, pour les titres de participation, une exonération sous réserve d’une quote-part de frais et charges.
La crise économique a conduit un grand nombre de sociétés à déprécier leurs titres et à enregistrer des moins-values latentes, ce qui peut conduire à des pratiques d’optimisation.
Le schéma consiste à matérialiser des moins-values sur des titres de participation ayant normalement vocation à être détenus à long terme, et ce en cédant ces derniers à une filiale ou à une société sœur dans les deux années de leur acquisition. La cession n’est alors pas soumise au régime du long terme et la moins-value, qui aurait dû normalement rester latente et ne pas être déductible, est déduite du résultat imposable de la société qui l’a enregistrée. En fait, il s’agit d’une simple optimisation intragroupe qui permet de jouer entre les différentes structures juridiques d’un groupe.
Notre amendement vise à mettre fin à un tel schéma en soumettant au régime du long terme les plus-values ou moins-values de cession de titres de participation entre entreprises liées, autres que les titres de sociétés à prépondérance immobilière non cotées, quelle que soit la durée de détention de ces titres.
En quelque sorte, nous neutralisons les cessions intragroupes éventuelles intervenant dans le délai de deux années après l’acquisition des titres dont il s’agit.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° I-456, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Amendement I-7, alinéa 3
Remplacer les mots :
le régime des plus-values et moins-values à long terme s'applique aux
par les mots :
il est sursis, jusqu'à leur cession à une entreprise non liée à l'entreprise cédante ou leur annulation, à l'imposition des
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Georges Tron, secrétaire d’État. Monsieur le rapporteur général, je comprends parfaitement, et pour cause, l’esprit comme la lettre de votre amendement.
Il s’agit de mettre fin à des montages permettant à des groupes de faire tourner les titres de leurs filiales et, ainsi, de céder les titres qui se sont dépréciés à des sociétés sœurs, de façon à révéler leurs moins-values latentes et à déduire tout simplement celles-ci de leur résultat imposable.
Je suis favorable à cet amendement qui va, à l’évidence, dans la bonne direction.
Cependant, pour prévenir d’autres montages potentiels de ce type, je propose, par mon sous-amendement, de remplacer l’exonération que vous envisagez par un sursis d’imposition, afin d’éviter tout risque de détournement du dispositif que vous proposez.
Mme la présidente. Les deux sous-amendements suivants sont identiques.
Le sous-amendement n° I-448 est présenté par M. Jégou.
Le sous-amendement n° I-462, présenté par MM. du Luart et P. Dominati.
Ces deux sous-amendements sont ainsi libellés :
Compléter l'amendement n° I-7 par deux alinéas ainsi rédigés :
« Le a septies ne s’applique pas lorsque la cession à l’entreprise cessionnaire est faite dans l’objectif d’une cession à une personne non liée au sens du 12 de l’article 39.
« Les dispositions du a septies s’appliquent aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2011. »
La parole est à M. Jean-Jacques Jégou, pour présenter l'amendement n° I-448.
M. Jean-Jacques Jégou. L’application du régime des plus-values et moins-values à long terme aux cessions de titres de participation entre entreprises liées, quelle que soit la durée de détention des titres, est susceptible de pénaliser certaines opérations de restructuration intragroupe, en particulier les fusions, déjà réalisées ou en cours de finalisation, qui obéissent à une logique économique de réorganisation ou de simplification des structures. Les opérations de restructuration préalables à une cession hors groupe doivent donc être exclues du champ du dispositif.
Il apparaît nécessaire, par ailleurs, d’éviter tout impact rétroactif de cette mesure et, en conséquence, d’en limiter l’application aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2011.
Là encore, monsieur le ministre, nous avons des positions très proches.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dominati, pour présenter l’amendement n° I-462.
M. Philippe Dominati. Cet amendement, que j’ai cosigné avec mon collègue Roland du Luart, répond à la même préoccupation que celui de M. Jégou.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. La commission se sent plus proche du sous-amendement n° I-456 du Gouvernement, et suggère le retrait des sous-amendements identiques nos I-448 et I-462.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Georges Tron, secrétaire d’État. Les auteurs de ces sous-amendements pourraient peut-être se rallier à celui du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Jégou, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Jégou. Monsieur le ministre, vous proposez un report, mais, pardonnez-moi de vous le dire, notre sous-amendement est plus précis, puisque nous proposons une date. Il me paraît donc avoir une clarté plus grande. (M. Philippe Dominati acquiesce.) M. Dominati semble être d’accord sur la date que nous proposons.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Vous proposez que le dispositif s’applique aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2001, une solution plus bienveillante que la nôtre. Ce que nous proposons, en effet, et ce que maintient le sous-amendement du Gouvernement, c’est d’appliquer tout de suite le dispositif à des situations abusives existantes.
Notre solution me paraît préférable à partir du moment où l’on a identifié des possibilités d’abus. J’ajoute que celles-ci ne sont pas théoriques. Les quelques contacts que j’ai eus avec les services concernés laissent à penser qu’il y a anguille sous roche. Mieux vaut que l’anguille ne se cache pas trop loin !
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dominati, pour explication de vote.
M. Philippe Dominati. Monsieur le rapporteur général, en fixant une date, ce sous-amendement vise précisément à ne pas contrecarrer des opérations en cours de réorganisation de groupes.
Si le sous-amendement n° I-456 du Gouvernement ne tient pas compte de cet impératif de temps, on peut s’interroger sur son utilité, l’objectif étant de faire en sorte que les réorganisations en cours ne soient pas pénalisées par la disposition actuelle.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Georges Tron, secrétaire d’État. Monsieur Dominati, je comprends votre argumentation. Cependant, permettez-moi de préciser que le sursis proposé par le Gouvernement a pour effet, entre autres, d’éviter de contrarier les opérations en cours.
De ce point de vue, le sous-amendement gouvernemental devrait vous rassurer, puisqu’il répond à votre préoccupation légitime.
Mme la présidente. Monsieur Jégou, le sous-amendement n° I-448 est-il maintenu ?
M. Jean-Jacques Jégou. Je comprends mieux la raison d’être du sursis d’imposition, point qui me gênait dans le sous-amendement n° I-456. En tout état de cause, j’accepte de me rallier à ce dernier, et je retire mon sous-amendement.
Mme la présidente. Monsieur Dominati, le sous-amendement n° I-462 est-il maintenu ?
M. Philippe Dominati. Je me rallie également au sous-amendement du Gouvernement, et je retire le mien.
Mme la présidente. Les sous-amendements nos I-448 et I-462 sont retirés.
Je mets aux voix le sous-amendement n° I-456.
(Le sous-amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l’article 6.
L’amendement n° I-446, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
I. – Le a) du 1 de l’article 220 du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le second alinéa est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Le surplus peut être imputé sur l’impôt dû sur les revenus de même nature au titre des deux exercices suivants. La fraction non imputée à l’issue de cette période constitue une charge déductible des résultats de l’exercice suivant. »
2° Il est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque ces revenus sont perçus à raison de biens ou droits préalablement détenus par la personne, ou une autre personne qui lui est liée au sens du 12 de l’article 39, qui, dans le contrat ayant conféré au contribuable la détention de ces biens ou droits ou dans un contrat y afférent, s’est engagée à en retrouver ou s’est réservé la possibilité d’en retrouver ultérieurement la détention, ce montant est diminué des charges engagées pour l’acquisition de ces revenus par le contribuable et les personnes qui lui sont liées, y compris :
« - les moins-values de cession de ces biens ou droits ;
« - les sommes, autres que le prix d’acquisition de ces biens ou droits, versées à cette autre personne ou aux personnes qui lui sont liées, au sens du 12 de l’article 39.
« Toutefois, les charges pour lesquelles le contribuable peut démontrer qu’elles auraient été engagées même en l’absence d’imputation du crédit d’impôt ne viennent pas en diminution du montant des revenus mentionnés au deuxième alinéa. »
II. – Le 1° du I est applicable aux revenus perçus au cours des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2011.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État des I et II est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement tend à lutter contre certaines optimisations fiscales liées aux dividendes de source étrangère perçus par des sociétés françaises. En effet, ces dernières peuvent imputer sur leur impôt sur les sociétés français un crédit d’impôt correspondant à l’impôt déjà payé à l’étranger sur ces revenus.
Cette faculté, très classique en droit fiscal, permet d’éliminer la double imposition. Le montant du crédit d’impôt est alors limité au montant de l’impôt sur les sociétés que la société française a acquitté en raison de la perception de ces revenus.
Toutefois, le crédit d’impôt n’est ni remboursable ni reportable. Cette double restriction a pu conduire à des montages d’optimisation fiscale. En quelque sorte, il s’est créé un « marché des crédits d’impôt ». Des exemples peuvent être donnés, sur lesquels je reviendrai si vous le souhaitez, mes chers collègues.
Le Conseil d’État a jugé, le 7 septembre 2009, que ce type de montages, considérés par l’administration comme abusifs, tant en termes économiques que sur le plan de l’équité, ne constituait pas une fraude à la loi fiscale.
Pourtant, il peut se produire qu’une société détienne des titres, mais qu’elle soit déficitaire et ne puisse profiter du crédit d’impôt. Quelques jours avant le détachement du coupon, elle signe un contrat de vente avec option de rachat ou un contrat de prêt avec une autre société. Cette dernière devient juridiquement propriétaire des titres et perçoit les dividendes qui leur sont attachés. La seconde société peut alors imputer le crédit d’impôt étranger sur son impôt sur les sociétés. Quelques jours plus tard, la première société exerce son option de rachat sur les titres, par exemple son droit de réméré, et ce à un prix qui permet aux deux sociétés de se partager le bénéfice de l’opération.
Il convient de modifier la loi pour mettre un terme à ces pratiques d’opportunisme. Le présent amendement vise, en premier lieu, à modifier la règle de plafonnement du montant des crédits d’impôt, de sorte que ces montages perdent leur intérêt financier, et, en second lieu, à mieux appréhender les situations de double imposition à l’origine des comportements d’optimisation, en permettant l’imputation des crédits d’impôt pendant trois exercices, puis leur déduction, le cas échéant, de l’assiette de l’impôt sur les sociétés.
J’espère que ce mécanisme sera suffisamment efficace et robuste pour convaincre le Conseil d’État.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Georges Tron, secrétaire d’État. Cette mesure est très attendue par les entreprises, qui ont dénoncé la rigueur du régime auquel elles sont soumises actuellement. Ce régime les conduit, en effet, à renoncer au crédit d’impôt lors des années où elles sont en déficit.
Cet amendement a deux objectifs, très simples et très clairs.
Il s’agit, d’abord, de mettre fin à des pratiques d’optimisation fiscale par le biais de rachat et de revente de titres à seule fin de pouvoir bénéficier du crédit d’impôt étranger.
Il s’agit, ensuite, d’imputer le crédit d’impôt étranger sur une période totale de trois exercices, au lieu d’un seul actuellement.
Le Gouvernement est favorable à cet amendement, qui va dans la bonne direction.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C’est un encouragement à faire des bénéfices !
Mme la présidente. Il s’agit donc de l’amendement n° I-446 rectifié.
Je le mets aux voix.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l’article 6.
L’amendement n° I-228, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du I de l'article 220 quinquies du code général des impôts, les mots : « l'antépénultième exercice et, le cas échéant, de celui de l'avant-dernier exercice puis de celui de » sont supprimés.
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Tout à l’heure, le rapporteur général a fait état des travaux préparatoires à l’adoption de l’assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés dans l’Union européenne, l’ACCIS.
En France, une singularité caractérise les reports en arrière. En effet, si la plupart des États européens admettent le report en avant de façon illimitée, notre pays est le seul à admettre le report en arrière sur trois ans.
Notre amendement vise à limiter ce report en arrière des déficits à un an, afin de se rapprocher de la pratique en vigueur dans les pays comparables au nôtre que sont l’Allemagne, le Royaume-Uni, les Pays-Bas et l’Irlande.
J’insiste sur ce point, car c’est un sujet à la mode : on parle beaucoup, actuellement, de l’harmonisation avec nos voisins allemands. L’impôt sur les sociétés est peut-être justement celui qui se prête le mieux à cette démarche de rapprochement. Cela ne nous pénaliserait pas et limiterait les effets de cette mesure. C’est d’ailleurs, me semble-t-il, une recommandation contenue dans le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires sur les niches fiscales et sociales.
Il serait bon de limiter notre régime en la matière, car c’est le plus ouvert de l’Union européenne.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. La commission souhaiterait entendre l’avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Georges Tron, secrétaire d’État. Je suis défavorable à cet amendement, pour trois raisons.
Premièrement, le report en arrière des déficits bénéficie avant tout aux entreprises en difficulté qui estiment ne pas pouvoir utiliser leur déficit à brève échéance, faute d’espérer réaliser des bénéfices à court terme.
Deuxièmement, votre proposition est en contradiction avec la politique mise en œuvre par le Gouvernement, en particulier dans le cadre du plan de relance, et qui visait précisément à assouplir le régime en permettant, à titre exceptionnel, un remboursement immédiat des créances de report en arrière des déficits.
Troisièmement, et je veux souligner ce point important, si vous avez effectivement raison lorsque vous indiquez que le régime français de report en arrière des déficits est plus favorable que celui de la majorité de nos voisins européens, il faut préciser, en contrepoint, que notre dispositif d’imposition des bénéfices des entreprises comporte des dispositions plus rigoureuses, à bien des égards, que celles en vigueur dans ces pays ; je pense notamment au taux d’imposition. (Mme Nicole Bricq s’exclame.)
Nous estimons qu’un point d’équilibre a été trouvé, en France, entre un taux d’imposition élevé et un régime de report en arrière des déficits plus favorable.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. La commission suit l’avis du Gouvernement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Monsieur le secrétaire d’État, nous avons fait état précédemment de l’imposition réelle des sociétés. Le taux facial, en France, n’est pas de 33,4 %. J’indique, par comparaison, que les Allemands ont baissé leur taux d’imposition des sociétés, qui est désormais proche de 29 %.
En France, plus la taille du groupe augmente, plus l’impôt sur les sociétés diminue, et le taux d’imposition est inférieur à la moyenne allemande. Ce n’est pas moi qui le dis, mais le Conseil des prélèvements obligatoires !
Vous savez que notre impôt sur les sociétés est profondément mité. Il faut arrêter cette fuite des ressources fiscales. D’ailleurs, nombre de dispositions de notre régime d’imposition n’ont pas fait la preuve de leur intérêt économique. Si ces dispositions étaient aussi formidables qu’on le dit, la France compterait des PME en forte croissance, puissantes et exportatrices, des sociétés dynamiques implantées partout dans le monde, et les headquarters du monde entier viendraient s’installer sur notre territoire. Ce n’est malheureusement pas le cas !
Il faudra bien, un jour ou l’autre, faire le bilan de ces dispositions fiscales dérogatoires, qui ne renforcent pas nécessairement la compétitivité de nos entreprises.