M. le président. Veuillez conclure.
Mme Marie-France Beaufils. Soyez assurés que, si cette réforme est adoptée, nous ferons tout pour que les élus locaux et les citoyens de nos communes se mobilisent pour défendre nos libertés démocratiques chèrement acquises et pour faire échec à l’application de cette loi scélérate. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. Guy Fischer. Ils le paieront !
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne. (Exclamations exprimant ironiquement la curiosité sur les travées du groupe socialiste.)
M. Yves Détraigne. Merci de manifester cette attention à mes propos, chers collègues ! (Sourires.)
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je suis, comme tous les membres de cette assemblée, conscient du caractère insatisfaisant, voire frustrant du débat qui nous réunit aujourd’hui puisque nous allons devoir nous prononcer par oui ou par non sur un texte pourtant long et complexe.
Ce texte n’est certes pas parfait. Mais comment aurait-il pu en être autrement quand ses deux lectures par chaque assemblée ont montré sans aucune ambiguïté que les positions de l’Assemblée nationale et du Sénat étaient durablement différentes ? Dès lors, fallait-il laisser le dernier mot à l’Assemblée sur un texte relatif aux collectivités territoriales...
M. Daniel Raoul. C’est ce que vous avez fait !
M. Yves Détraigne. ... ou bien rechercher un compromis ?
Pour ma part, en tant qu’élu local et sénateur, je n’ai aucun doute sur la réponse à apporter à cette question. Certes, le texte issu de la CMP du 3 novembre est un texte de compromis…
M. Charles Gautier. Un compromis au sécateur !
M. Yves Détraigne. … et, comme tel, il est forcément imparfait. Cependant, a-t-on jamais vu un texte issu d’une CMP être autre chose qu’un texte de compromis ? Évidemment, non !
Certes, on peut toujours être jusqu’au-boutiste et considérer que, dès lors que le texte issu de la CMP ne répond pas à tous les souhaits du Sénat, il doit être rejeté ! Mais alors, il faut aller au bout d’une telle logique et laisser à l’Assemblée nationale le soin de décider de la réforme des collectivités territoriales ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Voilà !
M. Yves Détraigne. Pour ma part, je m’y refuse et je préfère le compromis à un jusqu’au-boutisme stérile. (Mêmes mouvements sur les mêmes travées.)
Certes, il n’y a aucune trace de proportionnelle dans l’élection des conseillers territoriaux. Mais combien de voix l’amendement proposant l’introduction en deuxième lecture d’une dose de proportionnelle a-t-il recueillies dans notre assemblée ? Seulement vingt-neuf !
Certes, les dispositions relatives aux compétences ne sont pas supprimées, mais leur mise en œuvre est reportée au 1er janvier 2015, ce qui, me semble-t-il et si je compte bien, laisse largement autant de temps pour améliorer la répartition des compétences que le délai d’un an initialement prévu pour adopter une loi fixant cette répartition.
Sans entrer dans le détail des évolutions retenues par la CMP, est-il négligeable d’avoir obtenu que le seuil d’autofinancement pour le maître d’ouvrage soit maintenu à 20 %, au lieu des 30 % prévus par l’Assemblée nationale pour certaines collectivités ? Ou que l’interdiction des financements croisés ne s’applique désormais qu’après 2015, et seulement à défaut d’accord entre le département et la région ? Au demeurant, sachant que les mêmes élus siégeront à la fois dans les assemblées départementales et à l’assemblée régionale, peut-on vraiment penser qu’il sera impossible d’obtenir un tel accord ?
Je ne suis ni fier ni honteux du texte issu de la CMP. Je pense simplement qu’il résulte d’un compromis et que la plupart de ses dispositions porteront finalement moins à conséquence pour les collectivités que la réforme financière votée l’an dernier ou que la généralisation de l’intercommunalité, qui a pourtant fait l’objet d’un quasi-consensus dans cette assemblée.
Je voterai donc sans états d’âme les conclusions de la CMP. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Miquel.
M. Gérard Miquel. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, les élus de notre pays attendaient un approfondissement de la décentralisation, une réforme de la fiscalité locale, une compensation des dépenses sociales à l’euro près et une clarification des compétences.
Au lieu de prendre en compte les préconisations du rapport Belot, qui allaient en ce sens, le Gouvernement a privilégié la vision d’experts n’ayant jamais géré une collectivité.
Nous avons récemment réformé la Constitution pour, paraît-il, redonner du pouvoir au Parlement. Avec ce texte, nous constatons, encore une fois, le contraire.
En matière de clarification de compétences, messieurs les ministres, l’État nous donne le plus mauvais exemple. Il vient solliciter les conseils généraux, les agglomérations et les conseils régionaux pour financer les rares routes nationales qui demeurent ! Idem pour les lignes ferroviaires à grande vitesse ou encore les gendarmeries : il s’agit là de dépenses que l’État doit prendre en charge, mais il n’empêche que, si les collectivités veulent ces équipements, elles doivent elles-mêmes les financer.
Le présent projet de loi rendra de grandes régions complètement ingérables : si cette réforme va à son terme, 265 conseillers territoriaux devraient être élus pour la seule région Midi-Pyrénées. Il va donc falloir construire à grands frais un nouvel hémicycle, le conseil régional ne comptant actuellement que 90 membres !
M. Roland Courteau. C’est sans doute pour faire des économies…
M. Gérard Miquel. Alors, chers collègues de la majorité, vous porterez une grande responsabilité historique. Avec cette loi, vous mettez un terme à un quart de siècle de décentralisation. C’est la première fois que, sur un texte qui touche directement les collectivités locales, le travail du Sénat est balayé par l’Assemblée nationale.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est faux !
M. Gérard Miquel. Je ne doute pas qu’élus locaux et grands électeurs apprécieront la méthode et vous le feront savoir aux prochaines échéances. (Mme Dominique Voynet applaudit.)
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. On verra bien !
M. Gérard Miquel. Pour les départements, vous avez été tentés de suivre les préconisations de Jacques Attali,...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est faux !
M. Gérard Miquel. ... relayées par de nombreux hauts responsables de l’UMP.
M. René-Pierre Signé. Ce n’était pas un bon choix !
M. Gérard Miquel. Mais, au bout du compte, à la mort subite des collectivités locales vous avez préféré leur mort lente, programmée, dans la souffrance d’une asphyxie financière qui aboutira aux mêmes résultats, souhaités par certains.
À terme rapproché, vous aurez supprimé les collectivités de proximité, qui mettent pourtant en œuvre des politiques de solidarité et de redistribution dont notre pays a plus que jamais besoin.
C’est la recentralisation et la métropolisation qui sont en marche, avec l’abandon programmé des zones rurales.
Mes chers collègues, nos électeurs nous observent.
M. Roland Courteau. Et cela fait longtemps !
M. Gérard Miquel. Soyons donc conscients de l’enjeu !
Le conseiller territorial est une aberration qui engendrera, contrairement à ce qui est annoncé, des dépenses supplémentaires, une grande confusion ainsi qu’une « technocratisation » de nos collectivités.
Tout cela est contraire à l’esprit de la décentralisation. En rejetant ce texte, nous grandirons l’image du Sénat et nous le conforterons dans son rôle de défenseur des collectivités. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. François Fortassin.
M. François Fortassin. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, cette réforme est extravagante, invertébrée. Le Sénat est humilié et le rapport Belot, foulé aux pieds, alors même qu’il avait fait l’objet d’un certain consensus eu égard à sa grande qualité.
La réforme qui nous est proposée est confuse et peu lisible, alors qu’on pouvait s’appuyer sur des bases solides : les lois de 1871 sur les départements et de 1884 sur les communes, les lois de décentralisation de 1982. Toutes ces lois ont apporté la démonstration que la démocratie locale était consubstantielle à la République.
Or, messieurs les ministres, vous avez fait un choix purement politique, en décidant de faire des collectivités territoriales le bouc émissaire de l’incurie budgétaire de l’État.
Autre défaut de votre projet de loi : il contribuera à la création d’assemblées pléthoriques, comptant par exemple 265 membres en Midi-Pyrénées, 298 en Rhône-Alpes et 308 en Île-de-France !
De plus, quelle légitimité auront des conseils régionaux qui ne pourront plus lever l’impôt ? Quelle pourra être l’efficacité du travail d’un président du conseil régional de Midi-Pyrénées, qui qu’il soit, lorsqu’il devra faire face au président de la métropole toulousaine ainsi qu’aux huit présidents des conseils généraux, secondés par leurs troupes ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cela lui évitera au moins d’être mégalomane !
M. François Fortassin. Et la création des métropoles est encore une autre source de difficultés. C’est une aubaine pour les grandes villes, mais elle conduira à l’affaiblissement des communes qu’elles intègrent et à l’agonie des départements concernés.
En outre, incohérence suprême, les remplaçants des conseillers territoriaux titulaires pourront, dans un certain nombre de cas, siéger à leur place sans pour autant jouir des mêmes pouvoirs. Dès lors, ils seront en définitive des sortes d’observateurs au sein de divers conseils d’administration, où leur rôle se bornera à prendre des notes.
Il est un point qui touche à l’essence même de la démocratie : en démissionnant, le titulaire pourra en quelque sorte choisir son successeur. La démocratie est là bafouée, car la porte est ouverte à toutes les dérives. En tout cas, ce n’est pas notre conception de la démocratie !
Enfin, comment expliquera-t-on à nos concitoyens qu’une mesure votée en novembre 2010 n’entrera en application qu’en 2015 ? Comprenne qui pourra !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. La loi de 1982 n’était entrée en application qu’en 1986 !
M. François Fortassin. Les conséquences de cette réforme vont consister, en définitive, à faire grossir les métropoles riches et maigrir les collectivités pauvres, jusqu’à ce qu’on fasse périr celle-ci par asphyxie.
Avec ce texte, le Gouvernement ne réussira qu’une chose : la décentralisation des déficits.
Mais, dans ce texte, il y a aussi une grande absente. Dans une telle loi, il eût été normal qu’on mette en avant la solidarité territoriale, laquelle impose la péréquation. Or personne n’a évoqué cette notion au cours de nos longs débats !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Ce n’est pas vrai !
M. François Fortassin. La péréquation aurait pourtant dû être la pierre angulaire de cette loi.
Tout se passe comme si l’État était, en définitive, jaloux de la réussite des collectivités territoriales. C’est pourquoi la majorité du groupe du Rassemblement démocratique et social européen votera contre cette loi, et il le fera, lui, monsieur Détraigne, avec une certaine fierté. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot.
M. Philippe Adnot. Ce matin, j’ai pu donner quelques explications sur les raisons de mon vote. Mais, naturellement, compte tenu du temps de parole modique dont je bénéficie, celles-ci ont été assez brèves ! Depuis, on m’a expliqué que mon propos était hors sujet… J’ai évoqué les questions financières, c’est vrai, mais c’est tout simplement parce que la question des collectivités territoriales doit être considérée dans son ensemble : il y a un volet « fiscalité et finance », comme il y a un volet « représentation et scrutin » et un volet « compétences ». Compartimenter toutes les dimensions de ce texte ne peut que nuire à sa compréhension.
Pourquoi a-t-on parlé de perte d’autonomie fiscale et de coups portés à la décentralisation ? Tout simplement parce que, à partir du moment où les collectivités locales n’ont plus d’autonomie fiscale, mais dépendent des dotations et se voient imposer des normes et des dépenses, elles ne peuvent que devenir de simples exécutantes de la politique nationale, et chacun doit en prendre conscience.
S’agissant de la réforme du système électoral, j’avais prévu d’évoquer ce matin un lapsus commis par M. le ministre chargé de l’espace rural et de l’aménagement du territoire. Mes chers collègues, vous n’étiez peut-être pas tous en séance le 28 octobre dernier quand Michel Mercier a dit qu’un conseiller territorial ne pourrait évidemment pas exercer par ailleurs un mandat parlementaire. Pour ma part, j’ai relevé la chose et le compte rendu intégral en a également fait état.
Bien entendu, Michel Mercier a par la suite affirmé que ce n’était pas exactement ce qu’il avait voulu dire. Il n’empêche : il l’a dit ! J’attire donc votre attention sur ce point, chers collègues de la majorité. Si, demain, plus aucun président de région et plus aucun président de conseil général ne peut exercer de mandat parlementaire, je ne suis pas sûr que ce soit un progrès pour la démocratie ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.) Réfléchissez bien aux conséquences de votre vote, car il se pourrait que vous soyez pris à contre-pied.
Cette réforme n’entraînera aucune simplification. Je ne vois pas qu’on ait diminué l’épaisseur du millefeuille : avec la création des métropoles et le maintien des pays, on l’a plutôt accrue !
Je ne pense pas non plus que l’on en retirera des économies ; l’explosion du nombre de conseillers régionaux ne va sûrement pas dans ce sens, et la confusion dans les cofinancements sera telle que nous dépendrons du bon vouloir de quelques administrations, qui détermineront les projets que les collectivités pourront ou non cofinancer, selon que cela plaira ou non. Surtout, les cofinancements seront acceptés quand l’État ne voudra pas assumer seul telle dépense qui devrait lui incomber.
Nous ne vous demandons pas de vous renier, chers collègues. Nous vous suggérons simplement de prendre le temps nécessaire pour bâtir convenablement cette réforme extrêmement importante. En l’état, elle est un mauvais coup porté à la démocratie. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le rétablissement, en CMP, sur l’initiative des rapporteurs de l’Assemblée nationale et du Sénat, de l’article 1er A relatif au mode d’élection des conseillers territoriaux, qui avait été unanimement supprimé, dès l’examen en commission, lors de la seconde lecture du texte par le Sénat, traduit de la part du Gouvernement et de l’UMP un indéniable mépris pour notre assemblée.
Faut-il aujourd’hui rappeler les propos que tenait M. Hyest, le 16 juin dernier, devant la commission qu’il préside ? Il déclarait alors : « Le mode d’élection avait été renvoyé au deuxième texte déposé devant le Sénat et qui prévoyait un scrutin à un tour avec proportionnelle. On revient à cette situation. La majorité de la commission ne souhaite pas que le mode de scrutin figure dans ce texte, mais dans celui qui a été déposé devant le Sénat. »
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je confirme ces propos.
Mme Michelle Demessine. Monsieur le président Hyest, non seulement l’Assemblée nationale vous impose sa loi, mais, de surcroît, c’est le rapporteur du Sénat qui suscite ce retour en arrière. Ce type de manœuvre, qui ne nous semble pas acceptable sur le plan intellectuel, introduit surtout une grande confusion dans le débat.
Rien ne permet de comprendre une telle soumission de la majorité sénatoriale lors de la CMP du 3 novembre, hormis le diktat de l’Élysée ! (M. Jean Desessard applaudit.)
Beaucoup a été dit sur le mode de scrutin proposé par l'Assemblée nationale, mais il faut rappeler le caractère profondément antidémocratique de cette démarche et, surtout, son caractère régressif.
D’une part, le recours au mode de scrutin majoritaire uninominal, allié à la fixation d’un seuil de 12,5 % pour le maintien au second tour, favorise le bipartisme en remettant en cause le pluralisme. Aujourd'hui, les conseillers régionaux sont élus à la proportionnelle : cela pose-t-il un problème de gestion des régions ? Non ! La diversité des sensibilités présentes dans les assemblées régionales est-elle un atout ? De toute évidence, oui !
Alors que nombreux sont ceux qui notent une sclérose de notre système politique et une aspiration citoyenne au débat – le mouvement contre l’abandon de la retraite à 60 ans le montre bien –, on propose de maintenir et même de généraliser un mode de scrutin qui favorise la « notabilisation » et fait obstacle à la régénération de ce système.
D’autre part, ce mode de scrutin tue la parité, et ce ne sont pas les mesurettes figurant par ailleurs dans le texte qui infirmeront ce propos.
Vous la savez tous, la proportionnelle, c’est la garantie d’une juste représentation des femmes : il suffit de comparer la composition des conseils régionaux et celle des conseils généraux pour s’en convaincre.
L’instauration d’un conseiller territorial, couplée à ce mode de scrutin majoritaire, marque un vrai recul démocratique.
Messieurs les ministres, avec votre projet, et particulièrement avec cet article 1er A, vous claquez la porte des futures assemblées régionales et départementales au nez des femmes !
Notre opposition à ce mode de scrutin renforce notre opposition à ce futur conseiller territorial, lequel sera un véritable professionnel de la politique, coupé du terrain, tant il devra s’investir dans la gestion de la région et du département, courant d’une assemblée à l’autre.
Nous espérons que le Sénat saura faire respecter son point de vue en refusant de voter les conclusions de la CMP, qui, sur des points fondamentaux, n’a tenu aucun compte du débat et du vote en seconde lecture au Palais du Luxembourg.
Pour notre part, nous défendrons l’honneur de la Haute Assemblée en votant contre ce projet, qui porte une grave atteinte à la démocratie locale de notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey.
M. Hervé Maurey. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le Gouvernement n’ayant pas saisi la main que j’ai encore tendue ce matin, je ne pourrai malheureusement pas voter ce texte. (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste.) C’est avec tristesse, mais aussi avec détermination que j’ai pris cette décision, partagée par un certain nombre de mes collègues.
J’espérais en effet pouvoir voter la grande réforme des collectivités locales que nous avait annoncée le Président de la République.
Si je ressens aujourd’hui une certaine tristesse, c’est parce que j’ai voté cette réforme en première lecture, puis en deuxième lecture, c’est parce que j’ai été l’un des rares parlementaires de mon département à aller rencontrer les associations cantonales de maires pour leur expliquer le bien-fondé de cette réforme, et c’est aussi parce qu’il n’est jamais facile, quand on est dans la majorité, de ne pas voter une réforme proposée par le Gouvernement – c’est la première fois que cela m’arrive dans ma courte carrière de parlementaire.
En prenant cette décision, j’ai néanmoins la profonde conviction de faire mon devoir parce que ce texte ne répond en rien aux promesses qui avaient été faites en matière de clarification des compétences et des financements, de réduction du millefeuille territorial et d’amélioration de la lisibilité des politiques publiques.
M. Guy Fischer. C’est vrai !
M. Hervé Maurey. Je ne le voterai pas parce que, nous le savons pertinemment, les assemblées régionales auront de grandes difficultés à fonctionner dans le cadre du schéma arrêté par ce texte.
Je ne le voterai pas parce que nous n’avons obtenu aucune amélioration, contrairement à ce qui avait été adopté en deuxième lecture, sur la question du cumul des mandats. En effet, on ne peut pas tout à la fois vouloir renforcer les intercommunalités et refuser de prendre en compte dans le cumul des mandats les fonctions de président de ces dernières, tout comme il est inconcevable de parler de modernisation de la vie politique sans se soucier de la question du cumul des mandats.
Voilà, mes chers collègues, pourquoi je ne pourrai pas voter ce texte aujourd’hui !
Je ne voterai pas non plus contre. (Exclamations manifestant ironiquement le désappointement sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Je m’abstiendrai, et cela essentiellement pour deux raisons.
Je souhaite tout d’abord faire preuve de loyauté à l’égard de la majorité à laquelle j’appartiens, ce qui, au demeurant, n’implique pas l’inconditionnalité, comme le rappelle fréquemment et fort justement le président du Sénat.
Ensuite, je ne vois rien dans ce texte qui remette en cause les intérêts des communes. Je suis sur ce point en profond désaccord avec mes collègues de l’opposition, qui veulent faire peur à ces dernières en leur expliquant qu’elles seront obligées de se regrouper, qu’elles vont disparaître et qu’elles n’auront plus de financements.
M. Didier Guillaume. C’est la réalité !
M. Jean-Claude Gaudin. C’est faux !
M. Hervé Maurey. Je refuse d’entrer dans ce jeu. C’est pourquoi je m’abstiens. Mais, encore une fois, je le fais avec tristesse et détermination.
M. Jean-Marc Todeschini. Vous êtes surtout déterminé à laisser passer le texte !
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Pour notre part, nous voterons résolument contre ce texte, et ce pour plusieurs raisons.
D’abord, messieurs les ministres, mesdames, messieurs les sénateurs de l’UMP, comment pouvez-vous agir comme si certaines dispositions de notre Constitution n’existaient pas ?
Ainsi, l’article 1er de la Constitution dispose que la loi favorise l’égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux. Or, avec la création de cet hybride que sera le conseiller territorial, vous cassez cette parité, notamment dans les assemblées régionales.
Autre exemple : ce même article 1er de la Constitution dispose que la France est une république décentralisée. Or votre projet remet en question cette décentralisation. Il masque en réalité un véritable mouvement de recentralisation qui va casser la dynamique territoriale.
Autre exemple encore : l’article 72 de la Constitution précise que les collectivités territoriales s’administrent librement. Or vous prévoyez de supprimer en 2015 la clause de compétence générale. Quel sera l’avenir de nos communes, notamment des plus petites d’entre elles si, en cassant ces partenariats avec les départements et les régions, vous anéantissez la solidarité territoriale, c’est-à-dire la solidarité financière entre les territoires ? En effet, les communes, notamment les plus petites ou celles qui sont en difficulté, ne peuvent financer sur leurs fonds propres les équipements indispensables.
Comment osez-vous bafouer ces dispositions de la Constitution ? Comment pouvez-vous laisser contourner l’article 39 de cette même Constitution et le rôle du Sénat ?
En fait, ce sont ces principes de libre administration, d’autonomie financière et de péréquation, inscrits dans la Constitution, que vous ne cessez de remettre en cause.
De surcroît, comment osez-vous claironner sur tous les toits que votre objectif était d’apporter simplification et clarification, alors que votre projet complexifie encore le millefeuille en lui adjoignant de nouvelles strates ?
Comment osez-vous clamer aux quatre vents que ce texte doit renforcer la démocratie locale, alors qu’il marque une véritable régression démocratique, notamment avec le seuil de 12,5 %, qui pénalise les formations minoritaires ?
Le problème, avec vous, c’est qu’il y a, d’un côté, les discours et, de l’autre, les actes, et que les actes ne sont pas toujours en phase avec les discours. La morale en politique consiste à ne jamais faire de promesses inconsidérées. (M. Pierre André s’esclaffe.) Et l’honneur en politique consiste à toujours mettre en accord les actes avec les discours. Je vous invite à méditer cela, mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité.
D’ailleurs, qui a dit que ce texte contenait tout et n’importe quoi ? Un membre éminent de cette majorité !
Qui a dit que, au-delà des belles paroles, cette réforme visait en fait à permettre à l’UMP de reprendre pied dans les territoires où le suffrage universel l’avait évincée ? Un membre de cette même majorité ! Il se reconnaîtra…
La vérité, c’est que, avec la création de ce nouveau mandat de conseiller territorial, vous voulez prendre votre revanche, en tentant de reconquérir la majorité dans les régions et les départements, quitte à institutionnaliser le cumul des mandats et la confusion des genres.
La vérité, c’est que, en dénonçant le trop grand nombre d’élus et les doublons entre collectivités, vous tentez de masquer les graves manquements de l’État, à commencer par les nombreuses compétences transférées par ce dernier aux collectivités, qui se traduisent par des transferts de lourdes charges, mais ne s’accompagnent pas des transferts de moyens financiers correspondants – je suis sûr que mon collègue Marcel Rainaud ne me démentira pas sur ce point !
Comme avec le texte sur les retraites, avec ce projet de loi, nous sommes loin du consensus indispensable à de telles réformes. Il m’étonnerait fort que, prochainement, les élus ne vous le fassent pas comprendre d’une manière ou d’une autre.
Oui, cette réforme est un contresens historique pour un pays marqué par les lois de décentralisation de François Mitterrand, Pierre Mauroy et Gaston Deferre !
Mais, comme pour les retraites, c’est encore un texte conforme à la pensée présidentielle, qui va jusqu’à ignorer les propositions du Sénat, pourtant représentant des collectivités territoriales.
Pour nous, la vraie réforme de l’État passe par l’accentuation de la décentralisation, en raccourcissant les circuits de décision, en supprimant les doublons, en agissant dans la proximité, en rétablissant l’autonomie fiscale et en instituant une péréquation solide, sans oublier la clarification des compétences et la refonte de la fiscalité locale.
Une République moderne, mes chers collègues, passe par une organisation décentralisée des pouvoirs publics, car c’est en s’appuyant sur des collectivités renforcées que la France sera plus forte et que l’État sera plus efficace.
À l’inverse, lorsque les collectivités sont malmenées, asphyxiées, garrotées, on peut dire que la République est attaquée.
À chacun maintenant de se prononcer, en son âme et conscience ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.
Mme Marie-Agnès Labarre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l’occasion de mon explication de vote, je souhaite revenir sur la question des métropoles. Vous connaissez notre désaccord sur leur création. Ces mastodontes administratifs, très éloignés des citoyens, vont absorber l’ensemble des compétences qui étaient auparavant dévolues aux communes et les conseils municipaux ne seront plus que des conseils d’arrondissement aux pouvoirs non encore réellement définis.
Notre assemblée avait au moins sauvegardé une partie des apparences en prévoyant que, conformément à l’article L. 123-18 du code de l’urbanisme, le projet de plan local d’urbanisme, ou PLU, métropolitain serait soumis pour avis aux conseils municipaux concernés. Selon notre sage Haute Assemblée, le conseil municipal restait le seul compétent pour décider et voter sur les dispositions du PLU concernant spécifiquement la commune dont il est le représentant légal.
Mais une telle audace, qui ne faisait pourtant que réaffirmer un principe essentiel de notre droit, était finalement trop grande… L’Assemblée nationale en a décidé autrement, et la CMP a fait de même.
Ainsi, le texte mis au vote aujourd’hui retire tout pouvoir aux communes sur l’avenir urbain de la cité.
Après avoir ôté leurs compétences en matière de développement et d’aménagement économique, social et culturel, en matière d’aménagement de l’espace urbain, de politique locale de l’habitat, de politique de la ville, de gestion des services d’intérêt collectif et de protection de l’environnement, le texte nous propose de retirer aux communes membres d’une métropole toute vision prospective et toute action réglementaire sur l’organisation spatiale de leur territoire. C’est bien la démonstration qu’elles deviendront des structures sans objet.
En privant les communes membres d’une métropole de la maîtrise de l’espace urbain, on leur retire tout moyen d’intervention réelle. En effet, comment prévoir en zone urbaine dense les espaces nécessaires à la réalisation d’écoles, de stades, de gymnases, de crèches, de maisons de retraite, de logements sociaux, bref, les espaces nécessaires aux équipements publics si les élus municipaux ne peuvent plus, par exemple, prétendre à la mise en place de réserves foncières et lancer des procédures de zone d’aménagement concerté ?
Ainsi, les enjeux démocratiques ne se situeront plus au niveau de la commune.
Il est alors à craindre que, dans les communes métropolitaines concernées, les élections municipales ne soient vidées de toute substance, de tout enjeu, puisque les décisions se prendront ailleurs.
À ce propos, rappelons que si le nombre des métropoles est très faible pour le moment, ces territoires regroupent tout de même un nombre très important de nos villes de 10 000 à 50 000 habitants. Or celles-ci ne sont pas si nombreuses que cela en France !
Avec les métropoles et avec la disparition programmée des communes qui les composeront, les intérêts métropolitains se mesureront non plus à l’aune des besoins des populations qui y vivent, mais à celle de la superstructure bureaucratique, dans le concert de la mise en concurrence des territoires. Les populations n’y trouveront pas leur compte. En éloignant les lieux de décisions des citoyens, vous vous donnez les moyens de vous éloigner de leur pression ; vous réduisez ainsi le pouvoir d’intervention des citoyens ! En les éloignant, il vous sera plus facile de vous dispenser de répondre à leurs besoins. En allant au bout de vos excès, de vos fantasmes antidémocratiques, vous découragez les élus qui s’étaient rangés à la nécessité d’une intercommunalité intelligente, pratiquée à la bonne échelle.
Philippe Séguin n’avait pas tort lorsqu’il déclarait que la proximité coûte cher. Car un élu proche des citoyens, y compris d’un point de vue géographique, c’est un élu avant tout désireux de répondre aux besoins qu’il peut lui-même mesurer dans sa vie quotidienne !
Une telle métropolisation de nos grands territoires urbains apparaît bien comme un outil de votre politique de réduction de la dépense publique et de restrictions des services publics de proximité. Mais n’est-ce pas là, finalement, un des objectifs centraux de cette réforme ?
Pour toutes ces raisons, bien entendu, nous ne voterons évidemment pas le texte issu des conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)