M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Vous applaudissez pour éviter de vous endormir ?
M. Bernard Cazeau. Voilà ce que nous entendions lorsque nous proposions autre chose que le laisser-aller !
Ironie de l’histoire, ce que vous décriviez hier comme le mal absolu est devenu tout à fait acceptable et faisable, voire indolore : 7 milliards d’euros de recettes tirées de la réduction ou de la suppression de niches fiscales et sociales sont affectés à la sécurité sociale, alors qu’hier encore on nous serinait que de telles mesures ne rapporteraient pas un kopeck ou mettraient à mal le redémarrage de l’économie. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.) Nous avons encore en tête les propos peu amènes de M. Woerth, qui prétendait qu’en augmentant le moindre prélèvement sur les hauts revenus, nous en ferions fondre l’assiette comme neige au soleil ! Lui qui voyait poindre la socialisation de l’économie derrière chaque dixième de point de cotisation sociale doit être bien décontenancé, même s’il n’en montre rien, devant les nouvelles orientations fiscales du Gouvernement !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Vous n’avez pas l’air de croire ce que vous dites, monsieur Cazeau !
M. Bernard Cazeau. Les déclarations d’alors étaient-elles fausses ? A-t-on voulu effrayer la représentation nationale en lui promettant l’apocalypse ? A-t-on menti sciemment sur les conséquences économiques d’une hausse des prélèvements ? Quoi que vous en disiez, monsieur Baroin, 10,8 milliards d’euros de niches fiscales ou sociales en moins pour 2011, c’est 10,8 milliards d’euros d’impôts en plus !
M. Guy Fischer. Voilà la vérité !
M. Bernard Cazeau. C’est à n’y rien comprendre… Cerise supplémentaire sur le gâteau de l’incohérence, vous nous répéterez sûrement, tout au long du débat, que les impôts n’augmenteront pas. C’est la méthode Coué,…
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Il était pharmacien, il ne faut pas l’oublier ! (Sourires.)
M. Bernard Cazeau. … que M. Baroin affectionne, appliquée à la communication politique !
Des progrès s’amorcent donc, mais vous n’êtes encore qu’au milieu du gué. Vous ne prenez pas des mesures suffisantes, de nature à engager véritablement le rétablissement des comptes. Avec un peu de courage et de volonté, les nouveaux prélèvements que vous mettez en place pourraient rapporter bien davantage. Nous déposerons d’ailleurs des amendements très précis à cette fin, pour vous inciter à persévérer dans la voie de la justice fiscale !
Mais le plus grave est ailleurs : comme l’a dit M. Fischer, une grande partie de vos mesures de redressement consistent, une fois encore, en sacrifices supplémentaires demandés aux assurés. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Cela est très clair en matière d’assurance vieillesse. La branche voit son déficit se résorber sous l’effet de la décélération des départs anticipés à la retraite au titre du dispositif des carrières longues. Les fameuses mesures d’âge donneront un peu d’air à court terme, mais ne résolvent rien pour l’avenir, car d’autres problèmes se poseront, liés notamment au chômage prolongé que devront endurer les seniors. Quelque chose me dit que les Français ne sont pas dupes de cette logique à courte vue…
S’agissant de la branche famille, la prestation d’accueil du jeune enfant a heureusement été épargnée par des députés excédés de tant de mesquinerie,…
M. Bernard Cazeau. … mais ce sont les allocations logement qui feront les frais de coupes budgétaires. Mes collègues du groupe socialiste y reviendront de façon plus approfondie.
En ce qui concerne la branche maladie, la potion est plus amère encore, et cela mérite que nous nous y arrêtions quelques instants.
Les efforts demandés aux assurances complémentaires et aux mutuelles, qui seront désormais assujetties à la TSCA, ne manqueront pas de se retourner contre les assurés, et ce au prix d’une incohérence de taille. En effet, on nous expliquait, en 2004, que les assurances complémentaires devaient être exonérées de TSCA pour permettre de meilleurs remboursements des actes médicaux hors parcours de soins. Or aujourd’hui, le secteur mutualiste envisage déjà des hausses de tarifs de 5 %, en moyenne, pour compenser la taxation dont il fait l’objet. Bel exemple, là encore, d’accroissement indirect des impôts, car il s’agit de centaines d’euros par an pour beaucoup de familles !
M. Guy Fischer. C’est un accroissement insidieux !
M. Bernard Cazeau. Voilà qui ne devrait pas améliorer le taux de couverture de nos concitoyens, dont près d’un sur dix n’a déjà pas les moyens de financer une assurance complémentaire…
Comme à l’accoutumée, les malades ne seront pas épargnés : ils verront les remboursements diminuer et se compliquer. S’agissant des diabétiques, de certaines personnes atteintes d’affections de longue durée ou des patients hospitalisés, vous devriez, madame la ministre, faire preuve d’un peu plus de retenue, car il n’est pas bon de cibler une population qui souffre, au motif qu’elle coûte cher. Cela va d’ailleurs à l’encontre du principe fondateur de la sécurité sociale selon lequel les personnes bien portantes sont solidaires des malades, par l’intermédiaire des contributions sociales. Une chose est sûre : le déremboursement de certains actes ou de certains médicaments se paiera au prix fort en termes de retards dans les soins, et donc de santé publique. D’ores et déjà, 9 millions de Français renoncent à des soins par manque d’argent, soit 20 % de plus qu’en 2004.
M. Guy Fischer. Voilà la vérité !
M. Bernard Cazeau. Faut-il accentuer encore ce mouvement ?
On notera, bien évidemment, la décélération de l’ONDAM médicosocial, après trois années d’une croissance soutenue. Rien ne laisse pourtant penser, en termes tant de création d’établissements que de vieillissement démographique, que les besoins sur le terrain sont en diminution. Et que dire de la fameuse convergence tarifaire ! La majorité y voit sa planche de salut, mais sa mise en œuvre soulève de nombreuses difficultés !
Dans certains cas, les établissements utilisent la tarification à l’activité, la T2A, pour contrer la diminution de l’ONDAM et la baisse des moyens qui en résulte, et ce en délaissant certaines activités peu rémunératrices, mais tout à fait indispensables au plan sanitaire. En quelque sorte, la créature se retourne contre son créateur ! Vous le savez, la T2A intégrale est une illusion. Il sera obligatoire de laisser cohabiter un système de rémunération des actes standardisés avec un budget global pour la prise en charge des affections moins banales.
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Bernard Cazeau. Telles sont donc les implications de vos mesures principales en matière de santé : des assurances complémentaires mises à contribution, des assurés qui passent à la caisse, un vieillissement démographique sous-estimé et des établissements hospitaliers sous pression.
Je veux maintenant évoquer brièvement les silences pesants qui entourent vos propositions, parler de ces sujets dont ne traite pas votre texte mais qui préoccupent les Français.
Les dépassements d’honoraires sapent l’assurance maladie et deviennent insupportables ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Un spécialiste sur deux les pratique. Le laxisme des pouvoirs publics sur ce point relève d’une indifférence coupable ! La déontologie médicale est, elle aussi, bafouée par l’égoïsme. Le secteur 2 n’est plus seulement celui de la médecine de haut niveau ; il est devenu le lieu d’un véritable commerce ! (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
M. Jacky Le Menn. C’est un racket !
M. Bernard Cazeau. Les patients, de leur côté, sont pris en tenaille entre des remboursements qui chutent et des tarifs médicaux hors de tout contrôle.
M. François Autain. Et le Gouvernement ne fait rien !
M. Guy Fischer. Il ferme les yeux !
M. Bernard Cazeau. Va-t-on continuer à tolérer que des segments entiers de la population soient exclus des soins ? Faut-il que la médecine devienne, elle aussi, une marchandise ?
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Tout ce qui est excessif est insignifiant, monsieur Cazeau !
M. Bernard Cazeau. À l’opposé de ce système réservé à la seule médecine de spécialité, la médecine générale souffre énormément. En quinze ans, les écarts de revenus entre spécialistes et généralistes se sont creusés comme jamais auparavant.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Il y a des spécialistes qui gagnent moins que les généralistes : les dermatologues, les psychiatres…
Mme la présidente. Il faut vraiment conclure, monsieur Cazeau !
M. Bernard Cazeau. L’apparition de déserts médicaux est, d’ores et déjà, le résultat le plus notable de cette évolution. La question de la répartition des professionnels de santé sur le territoire reste en effet d’une grande actualité dans de nombreuses zones rurales et périurbaines de ce pays. Je reviendrai sur ce point au cours du débat.
Comme chaque année, le projet de loi de financement de la sécurité sociale permettra au Gouvernement de faire entériner par le Parlement un vaste catalogue de mesures plus ou moins techniques, pénalisantes et efficaces. (Marques d’impatience aux bancs des commissions et du Gouvernement.)
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Vous avez dépassé votre temps de parole de quatre minutes !
Mme la présidente. Vous pourrez développer vos arguments au cours du débat, monsieur Cazeau !
M. Bernard Cazeau. J’ai quasiment terminé, madame la présidente !
M. Bernard Cazeau. De nos jours, le Parlement lit, commente et avalise plus qu’il n’étudie, ne contrôle et ne décide.
Pour autant, nous ne nous tairons pas devant l’insuffisance de vos mesures et l’injustice de vos choix. Nous tenterons, avec détermination, d’en infléchir les aspects les plus négatifs. Nous formulerons des propositions pour que la sécurité sociale, ce témoin de la civilisation européenne moderne, continue à tenir une place crédible dans la vie de nos concitoyens. Nous nous battrons pour que, en ce début du xxie siècle, on ne détricote pas l’acquis social fondamental de la République. Nous voulons donner un autre horizon aux Français que celui de l’individualisme et du chacun pour soi.
Vous devrez compter avec une opposition résolue et active au fil des prochains jours. La partie ne fait que commencer ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas About.
M. Nicolas About. Madame la présidente, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’année dernière fut l’année de tous les records négatifs en termes de comptes sociaux : le déficit a doublé par rapport à ce qui était initialement prévu, pour atteindre 20,3 milliards d’euros ; pour la première fois depuis la guerre a été enregistrée une baisse de la masse salariale deux années consécutivement ; pour la première fois, il n’a même plus été question d’un hypothétique retour à l’équilibre…
Et pourtant, les membres de mon groupe et moi-même avions abordé l’examen du PLFSS d’attente qui nous fut alors soumis avec tout l’optimisme dont nous étions capables : j’ai déclaré à cette tribune que si la situation semblait catastrophique, elle n’était peut-être pas désespérée.
Un an après, nous ne pouvons que nous réjouir de constater que nos espoirs n’étaient pas totalement infondés.
Certes, avec une prévision de déficit de 21,3 milliards d’euros pour le régime général en 2011 et la programmation du plus gros transfert de dette de l’histoire à la CADES – près de 130 milliards d’euros –, il n’y a pas de quoi pavoiser.
Cependant, le tableau n’est pas entièrement noir. Contre toute attente, les comptes se sont stabilisés. Pour la première fois, nous allons revoir à la baisse le déficit du régime général prévu d’une année sur l’autre. Il devrait s’élever en 2010 à 23,1 milliards d’euros, au lieu des 30,6 milliards d’euros initialement prévus. Fait plus notable encore, pour la première fois depuis sa création, l’ONDAM va être respecté.
On le sait, l’emballement des déficits est une conséquence directe de la dégradation de la conjoncture. Dans ces conditions, il n’y a rien d’étonnant à ce que son retournement, même timide, conduise à une légère embellie. C’est ce que l’on observe avec la reprise actuelle de la progression de la masse salariale, à hauteur de 2 %.
Si la part de la conjoncture prend une telle importance dans les déficits – elle explique 65 % de leur volume –, c’est parce que de gros efforts ont été entrepris, et continuent de l’être, pour réduire la part structurelle de ces derniers. Cela est fondamental.
C’est en effet à l’aune de ces efforts qu’il convient d’apprécier le présent PLFSS. On ne peut utilement en débattre qu’en le replaçant au sein du cadre beaucoup plus large du train de réformes, en cours ou à venir, dans lequel il s’inscrit.
Premièrement, ce texte ne constitue, avec la loi organique relative à la gestion de la dette sociale, le projet de loi de finances pour 2011 et même le projet de loi de programmation des finances publiques, que l’un des éléments du plan de redressement des comptes sociaux.
Deuxièmement, ce texte nous est soumis alors que nous venons de voter une importante réforme des retraites.
Troisièmement, le présent PLFSS consacre la montée en charge de la loi « hôpital, patients, santé, territoires ».
Quatrièmement, c’est sans doute le dernier PLFSS avant la réforme de la prise en charge de la dépendance que le chef de l’État avait annoncée dès 2007.
M. Jean-Louis Carrère. Il a annoncé tant de choses…
M. Nicolas About. Notre texte étant ainsi mis en perspective, il apparaît que nous pourrions être au milieu du gué des réformes.
Le principal enjeu urgent est évidemment la gestion de la dette sociale. Le Gouvernement en a bien pris la mesure.
L’année dernière, devant l’emballement des déficits, une question cornélienne se posait à nous : devait-on tenter de les endiguer immédiatement, au prix d’un accroissement contra-cyclique de la pression fiscale, donc au risque d’enrayer une reprise déjà fragile, ou laisser à nos enfants le soin de régler la facture de notre incurie ?
Refusant absolument de se résoudre à cette dernière solution, les commissions des finances et des affaires sociales de la Haute Assemblée proposèrent un relèvement de 0,15 % de la CRDS pour transférer à la CADES un tiers de la dette pesant sur la trésorerie de l’ACOSS, l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale.
Le groupe de l’Union centriste, de son côté, a évoqué une reprise par l’État de la dette de crise de la sécurité sociale, ce qui aurait eu l’avantage de ne pas impliquer de relèvement mécanique des impôts sociaux.
Pour l’heure, madame, messieurs les ministres, vous avez choisi de ne retenir aucune de ces deux solutions. Le plan qui nous est proposé s’articule en quatre volets.
Le premier volet consiste en l’article 9 du présent PLFSS, qui organise la reprise de près de 130 milliards d’euros de dettes par la CADES, correspondant aux déficits du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse pour 2009 et 2010, aux déficits des branches maladie et famille pour 2011 et aux déficits de la branche vieillesse et du FSV de 2011 à 2018. Cela a été dit, c’est un quasi-doublement de la dette reprise par la CADES depuis sa création, alors même que, jusqu’ici, elle n’a remboursé qu’un tiers des 134,6 milliards d’euros qu’elle a repris entre 1996 et 2009.
Le deuxième volet consiste en un allongement de quatre années de la durée de vie de la CADES pour reprendre la dette de crise, soit 34 milliards d’euros.
Le troisième volet consiste en l’affectation à la CADES de nouvelles recettes, à hauteur de 3,2 milliards d’euros par an.
Enfin, la mobilisation de la ressource et des actifs du Fonds de réserve pour les retraites constitue le quatrième volet.
Ce plan est ambitieux. Il a le mérite de répondre dans l’urgence à une situation d’urgence, mais il pourrait s’avérer insuffisant.
Primo, toute la dette à traiter a-t-elle été prise en compte ? On peut en douter : quid de la dette des branches maladie et famille après 2011, sachant que les projections pluriannuelles soulignent l’importance des déficits de ces branches au moins jusqu’en 2013 ? De plus, les concessions d’équité, par ailleurs pleinement justifiées, que le Gouvernement a faites en matière de retraites ont-elles été intégrées aux simulations ? Et quid du risque de taux ? Même si ce risque ne se réalise pas tout de suite, quelle sera l’incidence de l’inévitable remontée des taux sur le calendrier de l’amortissement de la dette sociale ?
Secundo, le plan a surtout été critiqué pour le caractère insuffisamment stable et dynamique des ressources nouvelles qu’il dégageait. Évidemment, cette critique n’est plus directement valable compte tenu de l’échange auquel a dernièrement procédé le Gouvernement. Finalement, les ressources nouvelles prélevées sur les sociétés d’assurances qui devaient être dévolues à la CADES seront affectées à la branche famille, en compensation de la fraction de CSG qui sera retirée à celle-ci au profit de la CADES.
L’image du jeu de bonneteau vient immédiatement à l’esprit. Cette solution en trompe-l’œil ne fait que reporter le problème plus loin : la taxation des réserves de capitalisation des sociétés d’assurances est une mesure à un coup, qui n’aura pas de portée au-delà de 2012. Le rendement de l’anticipation des prélèvements sociaux sur les compartiments « euros » des contrats d’assurance-vie multisupports devrait aussi s’effriter dès 2012, tout comme celui de la taxation des contrats complémentaires solidaires et responsables, du fait des arbitrages que feront les assurés.
La gestion de la dette sera en partie assurée, mais la branche famille, autrefois structurellement excédentaire, deviendra structurellement déficitaire, ce qui engendrera une nouvelle dette.
C’est pourquoi nous pensons qu’il est temps de relever la CRDS pour restituer à la branche famille sa fraction de CSG. La reprise de la croissance de la masse salariale le permet, et ce relèvement, salutaire pour les comptes sociaux, serait infime à l’échelle du contribuable. À l’instar de la commission des finances, nous avons déposé un amendement en ce sens.
Par-delà ce nécessaire ajustement, la crise actuelle de la dette pose avec une acuité nouvelle la question fondamentale des modalités de financement de la protection sociale. Le mode de financement actuel, aux huit dixièmes assurantiel, issu de l’après-guerre, est-il toujours le mieux adapté ? Sans doute pas.
Bien sûr, à court terme, la rénovation de l’assiette des prélèvements sociaux est nécessaire, et nous ne pouvons que nous réjouir de constater que, avec le renforcement des prélèvements sur les retraites chapeaux ou la majoration du taux des contributions sur les stock-options et actions gratuites, le présent PLFSS ne déroge pas à l’effort entrepris depuis maintenant plusieurs années pour supprimer les niches sociales les moins justifiables.
L’annualisation du calcul des allégements généraux de cotisations sociales témoigne même d’une volonté encore approfondie de rationaliser les choses. La commission des affaires sociales le réclamait dès l’année dernière ; nous ne pouvons qu’être satisfaits, monsieur le rapporteur général, de constater qu’elle a été entendue.
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Merci !
M. Nicolas About. Mais, à moyen terme, nous ne ferons pas l’économie d’une réflexion de fond sur la fiscalisation d’une partie du système.
Est-il normal que les risques santé et famille, qui obéissent à une logique de solidarité nationale, continuent d’être financés par des cotisations sociales ? Cela est aujourd’hui difficilement défendable, surtout dans un contexte de chômage durable et de perte de compétitivité de nos industries.
Dans ces conditions, quelle fiscalité devons-nous mettre en place en vue d’une réforme structurelle du financement de la protection sociale ? C’est à cette question qu’il nous faudra répondre. Il n’y a évidemment pas de remède miracle, mais, quelle que soit la solution finalement retenue, elle devra réunir le plus large consensus possible. J’ai le sentiment que c’est l’un des plus grands chantiers qui nous attendent pour l’année ou les années à venir.
Allons plus loin encore : ce qui est vrai des ressources de la sécurité sociale l’est également des dépenses. Autrement dit, dans tous les domaines, il semblerait que nous arrivions aujourd’hui au bout de la logique des réformes paramétriques, pour entrer de plain-pied dans le temps des réformes structurelles ou systémiques : réforme structurelle du financement de la sécurité sociale, avec la question de la fiscalisation de celui-ci, que je viens d’évoquer, mais aussi nécessaire réforme systémique des retraites, avec sans doute le remplacement des annuités par les points ou les comptes notionnels.
Encore une fois, je me réjouis que la réforme que nous venons d’adopter programme une réflexion nationale sur cette question clef pour l’avenir et la pérennité de la retraite par répartition, dès le premier semestre de 2013.
Enfin, une autre réforme systémique a trait, évidemment, à la création d’un cinquième risque « dépendance » ou « autonomie ».
En matière de santé et de famille, n’est-on pas également au pied du mur des réformes structurelles ? On peut le croire.
Compte tenu de l’évolution tendancielle des comptes et des besoins sociaux, vient un moment où certains des principes de base sur lesquels le système a été érigé méritent d’être remis en question. Je pense au principe d’universalité.
Est-il aujourd’hui normal et légitime que la branche santé offre exactement la même couverture à tous, indépendamment des revenus de chacun ? Oui. Est-il aujourd’hui normal et légitime que la branche famille octroie les mêmes allocations à tous, indépendamment des ressources du foyer ? Je le crois encore, mais cela amène certainement à des conclusions différentes de celles qui sont retenues aujourd’hui.
Le principe « de chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins » doit être maintenu, mais il convient certainement de rendre tout son sens au premier membre de cette formule. Peut-être faudrait-il préciser : « de chacun selon tous ses moyens, selon tous ses revenus ».
Telles sont les questions que nous entendons poser au travers de deux amendements qui auront au moins le mérite de susciter le débat, voire plus si affinités, madame la ministre… (Mme la ministre sourit.)
Le premier d’entre eux vise à rendre la franchise médicale annuelle proportionnelle au revenu net global. Aujourd’hui, cette franchise est plafonnée à 50 euros par an, que l’on touche le SMIC ou que l’on soit millionnaire. Elle est donc proportionnellement infiniment plus lourde dans le premier cas que dans le second, ce qui est injuste. Fixée par exemple à 0,4 % du revenu imposable, cette franchise serait allégée de près de 20 % pour les plus modestes de nos concitoyens et croîtrait ensuite à proportion de l’aisance, ce qui serait tout de même plus juste.
Le second amendement du même ordre que nous vous soumettrons portera sur le projet de loi de finances. Il tend à intégrer les allocations familiales, voire toutes les allocations et aides diverses, dans le revenu imposable. Chaque foyer serait ainsi imposé sur l’ensemble de ses ressources.
En matière de santé, un dernier dogme pourrait prochainement être ébranlé : celui de l’exercice libéral de la médecine tel que nous le connaissons. Les réformes de la gouvernance et de l’hôpital sont faites, qu’il s’agisse de l’instauration de la T2A, des plans « hôpital » ou de la loi HPST, et leur mise en œuvre monte actuellement en puissance.
En revanche, la loi du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie peine à porter pleinement ses fruits dans le champ des soins ambulatoires. En réalité, dans ce domaine, beaucoup reste à faire, notamment pour lutter contre la désertification médicale.
Les axes prioritaires sont connus : développement des maisons médicales pluridisciplinaires, revalorisation de la formation de médecine générale, création de professions médicales intermédiaires, mise en place de procédures de délégation d’actes, développement du troisième secteur. L’expérimentation des maisons de naissance et le développement de la dialyse à domicile portés par le présent texte participent d’ailleurs pleinement de cette logique de modernisation de l’ambulatoire, sous réserve bien sûr du respect de la sécurité des patients et de la responsabilité des professionnels. Ce sont autant d’évolutions susceptibles de remettre en cause certains aspects actuels de l’exercice de la médecine.
Madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, il nous faut prendre nos responsabilités et avoir le courage de mener les réformes structurelles qui semblent maintenant s’imposer à nous. Seules de telles réformes garantiront la pérennité et l’équité du système de protection sociale auquel nous sommes tous viscéralement attachés. À défaut, nous pourrions en être réduits à ne plus proposer que des mesures comptables, autant de rustines qui, inévitablement, mettront à mal le caractère redistributif et l’équité du système. Dans une certaine mesure, c’est le cas des articles 16 bis et 20, portant sur le régime fiscal de choses aussi différentes que les chambres d’hôtes et les médicaments orphelins. Nous présenterons d’ailleurs des amendements visant à en aménager les dispositifs.
Pour me résumer, je dirai que, en attendant de passer à une étape plus substantielle de la réforme en cours, nous souhaitons que l’examen de ce PLFSS soit l’occasion d’accomplir dès aujourd’hui un progrès en matière de gestion de la dette sociale et pensons que ce texte peut encore être modifié dans le sens d’une plus grande équité. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées de l’UMP et du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Madame la présidente, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord féliciter les rapporteurs pour leur excellente présentation de ce vaste budget de plus de 450 milliards d’euros, toutes branches confondues.
Le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale forme un ensemble avec le cadrage pluriannuel prévu à l’annexe B et la loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 adoptée voilà quelques jours dans la foulée de la réforme des retraites.
La question principale est de savoir si ces projets répondent véritablement à l’exigence de redressement structurel des comptes sociaux au sortir d’une crise conjoncturelle importante que l’on voudrait voir s’éloigner. Malheureusement, je n’en suis pas persuadé !
Certes, les résultats pour 2010 sont moins mauvais que ce qui était prévu voilà un an. C’est encourageant, mais il me semble malheureusement que les perspectives macroéconomiques retenues pour les années à venir sont un peu trop optimistes. Dès lors, les déficits vont continuer à s’accumuler année après année, l’ampleur des besoins ne faisant que s’accentuer, sous l’effet notamment des évolutions démographiques.
Nous reportons cette année encore la résorption de la dette de la CADES à une date bien lointaine, à défaut de demander un effort supplémentaire aux Français. Une augmentation ponctuelle et modérée du taux de la CRDS, de plus de deux points, comme le suggère M. le rapporteur général, aurait au moins permis à la CADES de rembourser les dettes qui lui seront transférées en 2011. J’ai moi-même déposé un amendement ayant pour objet de proposer une augmentation moindre. Je crois qu’il est temps de sortir d’un trop grand dogmatisme en la matière.
J’ai bien conscience que les prélèvements obligatoires sont déjà très élevés dans notre pays, mais renvoyer année après année aux générations suivantes le soin d’assumer les frais de fonctionnement actuels de notre protection sociale me paraît être une attitude irresponsable, voire coupable.
Que l’on emprunte pour investir dans de grands travaux, dans la recherche et les sciences du futur, soit ! Mais emprunter pour subvenir aux dépenses courantes de frais médicaux, d’indemnités journalières, de retraites, ce n’est pas satisfaisant ! Autant on peut admettre une telle solution en période de crise majeure, autant le recours systématique à l’emprunt n’est pas acceptable.
Si nous ne voulons pas augmenter les prélèvements sociaux, répartissons-les au moins d’une manière plus équitable. Évitons de créer des rentes de situation incompréhensibles, choquantes, comme cela a pu être le cas pendant quelques années avec les retraites chapeaux, les stock-options ou des niches sociales qui n’apportent pas les résultats attendus en matière d’activité économique et de créations d’emplois.
Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale corrige un certain nombre de ces anomalies, notamment au travers de ses articles 10 et 11. Cela est très bien, mais soyons réalistes : chasser les niches fiscales ou taxer les plus riches, comme le prônent certains, n’est pas la solution miracle pour résorber la totalité des déficits !