M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement : le rétablissement de la loi Thomas n’est pas envisageable au regard des dispositions qui ont été adoptées dans le cadre de la loi de 2003.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Le vote est réservé.
Mes chers collègues, nous avons achevé la présentation des amendements soumis au vote unique.
Avant de passer aux explications de vote, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants afin de permettre au service de la séance de vérifier la liste des amendements soumis au vote unique, certains ayant été ajoutés par le Gouvernement, d’autres, non soutenus et repris par la commission, faisant l’objet d’une nouvelle numérotation.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures trente-cinq, est reprise à quinze heures quarante.)
M. le président. Mes chers collègues, nous passons aux explications de vote sur les amendements soumis au vote unique : chaque orateur dispose d’un temps de parole de cinq minutes.
En application de l’article 44, dernier alinéa, de la Constitution et de l’article 42, alinéa 7, du règlement, le Gouvernement demande au Sénat de se prononcer par un seul vote sur l’ensemble des amendements et sous-amendement tendant à insérer des articles additionnels, présentés à partir de l’amendement n° 738 rectifié portant article additionnel avant le chapitre Ier du titre Ier, en ne retenant que les amendements proposés ou acceptés par le Gouvernement.
Voici la liste des amendements faisant l’objet de ce vote unique : l’amendement n° 95 rectifié de M. Domeizel ; l’amendement n° 1162 rectifié de Mme Garriaud-Maylam ; l’amendement n° 589 de M. Amoudry ; l’amendement n° 143 de M. Domeizel ; l’amendement n° 1166 rectifié ter de Mme Debré ; l’amendement n° 156 de M. Domeizel ; l’amendement n° 628 rectifié de M. P. Dominati ; l’amendement n° 485 rectifié quater de M. Arthuis ; l’amendement n° 1245 de M. Leclerc ; l’amendement n° 1246 de M. Leclerc ; l’amendement n° 1247 de M. Leclerc ; l’amendement n° 1248 de M. Leclerc ; l’amendement n° 1249 de M. Leclerc ; l’amendement n° 1250 de M. Leclerc ; l’amendement n° 440 rectifié de M. Le Menn ; l’amendement n° 1206 de M. Leclerc ; l’amendement n° 1208 de M. Leclerc et le sous-amendement n° 1228 rectifié de M. Godefroy ; l’amendement n° 1233 du Gouvernement ; l’amendement n° 1235 rectifié du Gouvernement ; l’amendement n° 489 rectifié bis de Mme Debré ; l’amendement n° 490 rectifié bis de Mme Debré ; l’amendement n° 384 rectifié de M. Collin ; l’amendement n° 1219 de M. Leclerc ; l’amendement n° 186 rectifié ter de M. Jégou ; l’amendement n° 481 rectifié quater de Mme Procaccia ; l’amendement n° 1251 de M. Leclerc ; l’amendement n° 588 de M. About.
La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote sur les amendements proposés ou acceptés par le Gouvernement.
M. Gérard Longuet. Mes chers collègues, je rappelle que le vote unique est une procédure constitutionnelle adoptée en 1958 pour consolider le travail des assemblées dans l’esprit du parlementarisme rationalisé qui avait tant manqué aux débats de la IVe République.
Cette procédure a été utilisée dans notre assemblée 251 fois sous la Ve République par des gouvernements qui étaient opposés à la majorité du Sénat ou bénéficiaient de son soutien, mais craignaient, à juste titre, que la discussion ne se déroule dans des conditions telles qu’elles auraient nui à la clarté du débat aux yeux de l’opinion.
Je voudrais vous indiquer, mes chers collègues – je m’adresse en particulier à ceux d’entre nous qui ont récemment fait leur entrée dans notre assemblée et qui n’ont pas nécessairement toute l’expérience requise, (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) –…
M. Jean Desessard. On a travaillé ailleurs !
M. Gérard Longuet. … que le vote unique a été utilisé par tous les gouvernements et qu’à cet instant, le record appartient, me semble-t-il, aux deux années du gouvernement de Michel Rocard, qui l’a utilisé dix-sept fois.
M. David Assouline. C’est bon !
M. Gérard Longuet. Le gouvernement de François Fillon, que nous avons l’honneur de soutenir, l’a utilisé cinq fois en trois ans. On voit bien que c’est une procédure parfaitement exceptionnelle, mais que des gouvernements de gauche comme de droite ont utilisé à bon escient.
Ce vote unique vise des articles additionnels dont l’intérêt intellectuel est incontestable.
Ayant participé à la quasi-totalité des débats, y compris sur les articles additionnels, nous n’avons ici jamais perdu notre temps en écoutant les uns et les autres s’exprimer.
M. Roland Courteau. Ce n’est pas ce que disent vos collègues !
M. Gérard Longuet. Chers collègues de l’opposition, vous avez tout au long de la journée d’hier et ce matin parlé de censure. Mais ceux qui ont finalement ressenti le plus durement, monsieur le ministre, l’application du vote unique étaient les sénateurs de votre majorité, qui auraient aimé, en effet, à la suite de certaines observations issues des rangs communistes ou socialistes, apporter des réponses spontanées que le bon sens et l’expérience commandent lorsque s’expriment des positions excessives.
M. François Autain. Que ne l’ont-ils pas fait !
M. Gérard Longuet. Le choix du vote unique ne nous a pas permis de répondre, mais ce n’est pas très grave puisque nous aurons – M. le rapporteur l’a évoqué à de très nombreuses reprises – la possibilité de traiter ces sujets lors de l’examen du PLFSS et du projet de loi de finances. Par conséquent, ce n’est que partie remise.
En revanche, nous vous sommes reconnaissants pour l’opinion publique d’avoir concentré le débat sur les trente-trois articles du projet de loi, projet qui est, en effet, discuté par l’opinion, qui retient l’attention des médias et qu’il ne fallait pas dénaturer en le diluant dans un débat interminable où s’imposaient en rendez-vous des invités qui n’avaient rien à faire avec l’essentiel du texte.
M. David Assouline. C’est une intervention pour explication de vote, qu’avez-vous à dire sur le fond ?
M. Gérard Longuet. C’est la raison pour laquelle la procédure, tout en étant exceptionnelle, était en l’espèce parfaitement pertinente.
Monsieur le ministre, vous avez retiré de ces articles additionnels deux séries d’articles. La première a été traitée dans le débat principal concernant la réforme systémique. C’est, en effet, un rendez-vous auquel nous sommes profondément attachés et les amendements communs ont permis d’avancer ce rendez-vous sur la réflexion systémique à 2013.
Le débat sur les retraites est nécessairement un débat permanent, puisque les facteurs principaux, les paramètres immédiats et les faits de société, qui déterminent l’équilibre du régime des retraites, évoluent en permanence, a fortiori dans une société ouverte et en pleine évolution.
La seconde série est constituée d’amendements émanant pour l’essentiel de la majorité, d’autres de l’opposition. Ces amendements sont parfaitement bienvenus pour compléter le travail du projet principal, présenté dans les trente-trois articles.
Telle est la raison pour laquelle cette procédure a permis de clarifier le débat, non pas d’y mettre fin mais de marquer une étape dans cette réflexion collective sur la réforme des retraites.
Il apparaît clairement que cette procédure permet enfin d’ouvrir une nouvelle étape du régime des retraites à la française, une étape de responsabilité, de clairvoyance, de courage.
M. Roland Courteau. Une étape de régression !
M. Gérard Longuet. Vous n’êtes pas plus que nous mus par le sadisme ou par le masochisme, mais par un devoir absolu de vérité à l’égard de nos compatriotes. C’était, compte tenu de l’enjeu, la moindre des attitudes que votre majorité, à l’appel du Gouvernement, devait adopter : avoir participé au débat, accepté 120 heures d’échange et, en ce qui concerne le vote unique, avoir retenu de cette longue théorie d’amendements juxtaposés les uns aux autres, ceux qui permettent de compléter utilement le projet de loi. C’est la raison pour laquelle le groupe UMP votera l’ensemble des amendements que vous avez retenus. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Notre groupe s’exprimera à quatre voix.
En repoussant l’examen de nos amendements de financement à la fin du projet de loi, puis en nous obligeant à en rester à leur présentation en nous interdisant d’en débattre véritablement, vous avez voulu nous contraindre à faire l’impasse sur ce qui, pour nous, était le cœur de notre engagement sur ce projet de loi : nos propositions en matière de financement pour défendre une véritable retraite et un droit à la retraite pour tous à 60 ans.
En fait, le projet de loi qui va être adopté est un véritable projet de loi de régression sociale,…
M. Roland Courteau. Exactement !
M. Guy Fischer. … certainement la plus grave régression sociale que nous vivons depuis l’après-guerre…
M. Roland Courteau. Oui !
M. Guy Fischer. … et qui touchera toutes les Françaises et tous les Français.
Nos propositions en matière de financement permettaient, selon nous, de conserver la retraite à 60 ans à taux plein et reposaient sur un principe simple mais novateur, à savoir une juste répartition des richesses au service des Françaises et des Français et non une répartition inégalitaire au service du capital.
Aussi avons-nous proposé – à l’inverse de votre politique – de mettre fin à la financiarisation à outrance de notre économie, celle qui plombe le monde du travail. Pour nous, cela passe par l’assujettissement des revenus financiers des sociétés financières et des sociétés non financières à une contribution d’assurance vieillesse à un taux égal à la somme des taux de cotisation d’assurance vieillesse à la charge des employeurs du secteur privé.
Cette nouvelle contribution, qui apporterait un surcroît de recettes de l’ordre de 30 milliards d’euros, visait un double objectif : un financement rapide des régimes obligatoires de retraite et une incitation forte pour les entreprises à privilégier le facteur travail.
De la même manière, nous vous invitions à adopter un amendement qui prévoyait une nouvelle modulation des cotisations patronales d’assurance vieillesse en fonction des choix des entreprises en matière de répartition des richesses.
Les entreprises privilégiant une répartition des richesses en faveur du capital et au détriment de l’emploi, des salaires et de la formation professionnelle, seraient soumises à deux cotisations additionnelles d’assurance vieillesse.
Une telle mesure s’accompagnant naturellement de la suppression des exonérations de cotisations sociales patronales, fil conducteur des politiques libérales de l’emploi, qui, tout le monde s’accorde à le dire, conduit à faire pression sur les salaires et à générer de la précarité.
Dans le même temps, nous vous proposions également d’assujettir à cotisations sociales, au même taux que les salaires, l’ensemble des dispositifs de rémunérations complémentaires, qui constituent autant de mécanismes de contournement de l’obligation de solidarité et de financement de la sécurité sociale : les retraites chapeaux, les stock-options, l’attribution gratuite d’actions, les parachutes dorés, l’actionnariat salarié ou la protection sociale complémentaire en entreprise, qui à eux seuls, exemptés d’assiette de cotisations sociales, impactent très négativement les comptes de la protection sociale.
Vous le voyez, nous avions de véritables propositions de financement alternatif ; je m’arrêterai là dans leur exposé, mais nous y reviendrons.
Défendre notre conception de la solidarité et du financement de la sécurité sociale, c’est ce que nous avons fait pendant trois semaines. Vous ne pouvez nier qu’elle repose sur deux piliers qui sont la juste répartition des richesses et la retraite par répartition et non sur la retraite par capitalisation, dont Mme Debré et la majorité ont été les porteurs et qui ont tout fait pour privilégier les compagnies d’assurances.
Ces propositions alternatives que vous n’avez pas voulu entendre aujourd’hui, nous y reviendrons lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011.
Ce projet de loi de régression sociale sur les retraites est inacceptable et c’est pourquoi nous voterons contre. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour explication de vote.
Mme Isabelle Pasquet. La procédure que vous nous avez imposée pour examiner les amendements restants a notamment eu pour effet d’éviter que nous parlions sérieusement des difficultés particulières rencontrées par les personnes en situation de handicap.
Je le regrette d’autant plus que notre assemblée a toujours été très sensibilisée sur le sujet, tous groupes politiques confondus, et que, contrairement à ce qu’annonçait hier notre collègue Dominique Leclerc, la « commission n’a pas réalisé une avancée importante ». Elle a fait un premier pas important pour les parents d’enfants handicapés puisqu’ils pourront conserver la possibilité de bénéficier d’une retraite sans décote à 65 ans.
Nous ne pouvons toutefois pas nous en réjouir puisque nous défendions pour notre part – comme la majorité des associations entrant dans le champ du handicap – la possibilité d’offrir aux parents d’enfants handicapés de bénéficier d’un droit à départ anticipé à la retraite, c’est-à-dire avant 60 ans. Car – les parents ne le savent que trop – leur implication, qui n’est pas sans répercussion sur leur déroulement de carrière et donc sur leur retraite, ne cesse pas une fois que l’enfant a atteint l’âge de la majorité. Bien au contraire ! L’allongement de l’espérance de vie profite aussi – qui peut s’en plaindre ? – aux personnes en situation de handicap.
Or, cette chance ne s’est pas accompagnée d’une véritable politique publique en termes de création de structures ou d’établissements d’accueil. C’est encore bien souvent sur les parents que pèsent la responsabilité et l’accompagnement quotidien des personnes en situation de handicap, particulièrement lorsqu’elles sont vieillissantes. Cela est tellement vrai que cette question est la première des inquiétudes exprimées par les parents d’enfant handicapé, y compris quand ceux-ci sont devenus de véritables adultes. Et plus le temps passe, plus les besoins en accompagnement augmentent alors que, dans le même temps, l’usure commence à se faire sentir sur les corps des parents.
C’est ce constat qui nous a conduits à proposer un amendement, dont vous avez refusé de débattre, tendant à accorder pour les parents d’enfant handicapé, la possibilité d’un départ à la retraite sans décote dès 60 ans.
Par ailleurs, je regrette que vous ayez également refusé les amendements que nous vous proposions concernant le niveau même des pensions des personnes en situation de handicap. Pourtant, nous le savons toutes et tous, la seule solution réside dans le travail, vous l’avez dit vous-même ce matin, monsieur le ministre.
Nous avions formulé deux propositions équilibrées. La première revenait à instaurer une majoration de cotisations sociales à l’encontre des employeurs qui ne respecteraient pas leur obligation d’emploi. Dans la seconde proposition, nous demandions que les périodes d’inactivité professionnelle subie en raison même de ce refus soient considérées – pour ce qui relève du calcul des annuités – comme réellement effectuées.
De notre point de vue, rien ne justifie que les personnes en situation de handicap, tout comme les comptes sociaux, soient les victimes de l’obstination des employeurs à écarter durablement les personnes handicapées du monde du travail.
Monsieur le ministre, hier, vous nous avez affirmé que le Gouvernement faisait d’importants efforts pour élever le niveau des pensions des personnes handicapées. Il n’en demeure pas moins que ce sont bien parmi elles que l’on compte les plus démunies des retraités. La situation est grave : des centaines de milliers de personnes en situation de handicap ou de maladie invalidante, quel que soit leur âge, sont condamnées à vivre toute leur vie sous le seuil de pauvreté.
C’est la raison pour laquelle nous avions proposé, sous forme de rapport, que, dans le pire des cas, la pension de retraite des personnes en situation de handicap ne soit pas inférieure à la pension d’invalidité qu’elles percevaient. Seule cette mesure peut permettre de compenser les carrières professionnelles fractionnées par la maladie. Cette question est d’autant plus importante que les personnes en situation de handicap doivent souvent assumer elles-mêmes des frais importants liés à leur situation, notamment à cause du plafonnement des aides.
Enfin, je voudrais dénoncer le fait que les périodes réalisées au titre d’auxiliaire dans la fonction publique ne seront plus comptabilisées comme constituant la carrière de l’agent. Les auxiliaires de vie scolaire, qui exigent à raison la reconnaissance d’un véritable statut, seront demain les victimes d’une telle décision, et je crains fort qu’elle ne participe à les décourager, alors qu’ils jouent un rôle fondamental dans l’accompagnement et l’insertion scolaire et sociale des enfants en situation de handicap.
Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne voterai pas ces amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je tiens surtout à insister sur les conditions dans lesquelles ce débat s’est déroulé au cours de ces trois dernières semaines.
La première chose qui nous interpelle, monsieur le ministre du travail, c’est votre refus du dialogue social ! À de nombreuses reprises, vous avez affirmé avoir rencontré les syndicats. Certes, peut-être même les avez-vous écoutés ! Mais avez-vous pris en considération leurs souhaits ?
M. Nicolas About. Bien sûr !
M. Jean Desessard. Non, et j’en ai la preuve, monsieur About !
À chaque fois que nous avons engagé une discussion, vous nous avez répondu qu’il n’y avait pas d’autre solution.
M. Nicolas About. Non, il n’y en a pas !
M. Jean Desessard. Comment voulez-vous discuter avec les responsables syndicaux si vous leur dites d’emblée qu’il n’y a pas d’autre solution ? Vous bloquez le dialogue !
Par ailleurs, vous nous avez dit qu’il s’agissait d’une réforme importante, très importante pour les décennies à venir, allant même jusqu’à dire, me semble-t-il, qu’il s’agissait de la réforme la plus importante de la ve République.
Dès lors qu’il s’agit d’un débat de société, pourquoi avoir refusé l’organisation d’un référendum ? Cette question pose le problème de l’avenir, de l’emploi, de la manière dont on considère sa vie professionnelle et personnelle ; c’est donc un débat auquel chaque citoyenne, chaque citoyen aurait pu participer.
J’en viens maintenant aux conditions dans lesquelles se sont déroulés nos travaux dans cette enceinte. L’ordre du jour de nos travaux a été haché.
M. Jean Desessard. La commission des affaires sociales a commencé par demander la réserve de l’ensemble des amendements visant à insérer des articles additionnels jusqu’après l’examen de l’article 33.
M. Nicolas About. Elle a eu raison !
M. Jean Desessard. Mais non !
M. Nicolas About. Mais si !
M. Jean Desessard. Ces amendements posaient des problèmes spécifiques, et on s’est retrouvé avec une discussion complètement décalée sur certains sujets. Mais, monsieur About, cette organisation correspond sans doute à votre vision de la démocratie…
M. Nicolas About. Mais non !
M. Jean Desessard. Par ces amendements, qui sortaient du cadre qui nous était imposé, nous voulions justement vous faire des propositions alternatives. Mais, dès que nous avons voulu le faire, vous nous avez rétorqué qu’il n’y avait pas lieu d’en débattre au Parlement !
Vous avez une vision technocratique et parcellaire de la démocratie ! Il ne nous serait possible de discuter dans le détail que des dispositions prévues dans le cadre que vous imposez ! Or, monsieur le ministre, la démocratie parlementaire – et c’est d’ailleurs ce qui intéresse les citoyennes et les citoyens qui nous écoutent, voire les parlementaires ! – veut que nous engagions un débat politique, projet contre projet ! Ils n’attendent pas de nous que nous nous contentions simplement d’amender un article ou un alinéa ! Mais ce débat politique, ce débat de société, vous ne nous avez pas permis de l’avoir !
Le fin du fin fut la censure du Gouvernement, qui nous propose de tout discuter en bloc. On a assisté toute la journée à un monologue : nous n’avons même pas pu répondre aux arguments qui nous ont été opposés par le rapporteur et le Gouvernement, ce dernier ayant le dernier mot. Voilà ce que sont les droits de l’opposition ! Ils sont bafoués !
Parlons maintenant du scrutin public.
M. Longuet a rappelé la Constitution. Sachez, monsieur Longuet, que la façon dont nous organisons le scrutin public n’est pas constitutionnel. L’article 27 de la Constitution dispose que le droit de vote des membres du Parlement est personnel et que nul ne peut recevoir délégation de plus d’un mandat. Or, à plusieurs reprises, vous avez fait voter les absents. Lorsque la majorité n’était pas assez nombreuse, vous avez demandé un scrutin public.
Ainsi, par exemple, Mme Panis, membre de la majorité, a déposé un amendement visant à améliorer les droits des femmes. La majorité n’étant pas assez nombreuse dans l’hémicycle, vous avez organisé un scrutin public et fait voter les absents, qui n’avaient pas participé au débat et n’en avaient d’ailleurs même pas connaissance, craignant que la gauche ne s’allie à certains membres de l’UMP pour le faire adopter.
Mme Odette Terrade. Eh oui !
M. Jean Desessard. Ce n’est pas démocratique !
M. David Assouline. Eh non, c’est une anomalie !
M. Jean Desessard. Vous nous avez dit, à de multiples reprises, que nous n’avions pas de projet de société. Mais, à chaque fois que nous vous avons proposé un projet différent, des alternatives différentes, vous nous avez opposé l’article 40 de la Constitution.
La politique, ce sont des moyens ! En nous opposant cet article, vous ôtez évidemment, de fait, beaucoup de cohérence à notre projet.
Enfin, je mentionnerai la mesquinerie dont vous avez fait preuve, nous faisant travailler la nuit plutôt que le jour.
Les sénatrices et sénateurs Verts voteront contre les amendements proposés ou acceptés par le Gouvernement, car vous nous avez empêchés, pendant trois semaines, de présenter un projet alternatif ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès, pour explication de vote.
Mme Christiane Demontès. Messieurs les ministres, le vote unique que vous nous avez imposé sur les amendements tendant à insérer des articles additionnels, dont la discussion avait déjà été renvoyée à la fin de l’examen des articles du projet de loi, constitue un aveu de faiblesse et un refus du débat !
M. David Assouline. Bien sûr !
Mme Christiane Demontès. Lors de la discussion de ce projet de loi, vous n’avez eu de cesse de nous dire – je n’ai pas pu compter le nombre de fois où vous l’avez répété ! – que nous n’avions pas de proposition ! Tout au long du débat, nous avons dénoncé vos choix et affirmé les nôtres ! Mais, dès que nous avons présenté nos propositions par le biais d’amendements, vous avez bloqué le débat, nous laissant présenter nos amendements sans y répondre !
M. Roland Courteau. Tout à fait !
Mme Christiane Demontès. Messieurs les ministres, vous avez tort ! À qui cela coûtait-il de laisser vivre le débat quelques heures de plus ? Nous aurions passé ici toute la fin de semaine jusqu’à dimanche. Et alors ?... Nous sommes là pour cela !
M. Roland Courteau. Nous, en tout cas !
M. David Assouline. Ils sont fatigués !
Mme Christiane Demontès. Vous avez bloqué le débat, monsieur le ministre, et, manifestement, vous aussi, mesdames et messieurs de la majorité, parce que vous avez eu peur ! Peur que nos propositions soient entendues, approuvées ! C’est pour cette raison que vous nous avez censurés !
Nos propositions ne visent pas à travailler plus longtemps pour partir à la retraite avec un niveau de pension plus bas.
Elles portent, mes collègues vous le diront aussi, sur l’emploi des seniors, leur formation, leurs conditions de travail, l’emploi des jeunes, la prise en compte des stages en entreprise pendant leur parcours de formation, la retraite choisie pour permettre à ceux qui travaillent depuis longtemps de faire valoir leurs droits à la retraite à 60 ans et à ceux qui le souhaitent et le peuvent de poursuivre leur activité.
Elles ont aussi trait à la pénibilité – et nous avons vu que nous n’en avions pas la même définition ! – et au maintien de la retraite à 65 ans sans décote.
Messieurs les ministres, nos propositions sont financées, contrairement à votre pseudo-réforme.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. David Assouline. Eh oui !
Mme Christiane Demontès. D’ailleurs, avant même que la loi ne soit votée, vous entérinez le fait qu’il faut enfin sortir de la longue série des ajustements comptables et paramétriques.
Avec le vote unique, vous n’avez pas voulu qu’on parle des jeunes, des femmes, des seniors, des handicapés. Vous pensez avoir réglé le problème des retraites, mais les Français, eux, ne partagent pas votre point de vue ! Ils ressentent aujourd'hui un phénoménal sentiment d’injustice, comme ils l’ont rarement ressenti au cours de l’histoire récente.
M. Roland Courteau. Oh ça oui !
Mme Christiane Demontès. Messieurs les ministres, entendez-les ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Commençons par expliquer à nos concitoyens qui nous regardent en ce moment même ce qu’est le vote unique : c’est un vote bloqué !
M. le président du groupe UMP est venu justifier le recours à cette procédure, mais je veux prendre à témoin le Sénat de l’absurdité de cette procédure.
Tout au long des trois semaines qui nous ont réunis – certains d’entre nous ont siégé sans discontinuer ! –, rares ont été les débats de fond opposant la droite et la gauche. Avec le vote bloqué sur la liasse d’amendements en discussion, vous allez nous contraindre à voter contre les amendements tendant à insérer des articles additionnels soutenus par nos collègues, qui auraient, semble-t-il, permis d’engager un débat. Cette procédure est absurde !
Permettez-moi de revenir sur un point.
Monsieur Longuet, vous avez souligné, dans votre intervention, l’« inexpérience » de la gauche, et peut-être plus particulièrement celle du groupe socialiste. Je vous donne acte de cette déclaration. Effectivement, nous n’avons pas le même parcours politique que le vôtre. Si vous estimez que le vôtre est « expérimenté », permettez que nous nous en détachions. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)