M. Roland Courteau. Presque rien !
M. Éric Woerth, ministre. … pour financer la solidarité dans notre système de retraite. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur quelques travées de l’Union centriste.)
réforme des retraites
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le ministre d’État, mesdames, messieurs les membres du Gouvernement,…
M. Robert del Picchia. Et nous alors ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … la grande majorité de notre peuple exprime, non pas son refus d’une réforme des retraites, mais son opposition à votre projet de loi de réforme des retraites. C’est plus précis ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)
Pourtant, le Président de la République et vous-mêmes répétez depuis le printemps dernier le même discours : il n’y a pas d’autre réforme possible ; les caisses sont vides ; les salariés doivent cotiser plus et plus longtemps.
M. Alain Vasselle. Pas que les salariés !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mesdames, messieurs les ministres, la méthode Coué a des limites !
Pourquoi ?
Nos concitoyens constatent que l’argent public a servi à sauver, sans aucune contrepartie, les banques et les actionnaires ayant provoqué la crise financière que nous connaissons. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – Huées sur les travées de l’UMP.)
M. Guy Fischer. Voilà la vérité !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nos concitoyens constatent que, alors que vous prétendez vouloir sauver la retraite par répartition, vous organisez sa liquidation au profit des assureurs privés. À l’instar de Guillaume Sarkozy, frère du Président de la République et délégué général de Malakoff Médéric (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – Ah ! sur les travées de l’UMP.), ceux-ci attendent avec impatience – ou plutôt patience – le vote de la loi et sa suite, c’est-à-dire un basculement vers la capitalisation. (MM. Guy Fischer, Bernard Vera et Didier Guillaume applaudissent.)
Nos concitoyens constatent que les jeunes âgés de 18 à 25 ans subissent de plus en plus chômage et précarité, tout comme les salariés de plus de 50 ans.
Cette situation insupportable, votre réforme l’aggravera encore !
Nos concitoyens constatent que vous vous refusez à toucher un tant soit peu aux privilèges exorbitants de quelques-uns,…
M. Roland Courteau. Voilà ! Exactement !
M. Guy Fischer. C’est la vérité !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … tandis que vous taxez toujours plus les salariés.
Monsieur le ministre d’État, mesdames, messieurs les ministres, vous avez certainement lu ce matin un article d’un quotidien économique,…
Un sénateur de l’UMP. L’Humanité ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … article intitulé : Le trésor de guerre des vedettes du CAC [40].
Ces entreprises disposent de 146 milliards d’euros de trésorerie et, caracolant en tête avec 14 milliards d’euros de trésorerie, on trouve le groupe Total.
De toute évidence, l’argent public va non pas à l’investissement pour l’emploi, mais à la spéculation financière.
Notre peuple n’en peut plus de l’injustice et des privilèges.
Monsieur le ministre d’État, les organisations syndicales vous demandent, raisonnablement, de suspendre le débat et de vous asseoir enfin à la table des négociations.
M. Josselin de Rohan. Non !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous demandons au Président de la République de cesser de provoquer les salariés et les jeunes en les assimilant aux casseurs, de retirer ce projet de loi…
M. Alain Gournac. Non !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … et d’accepter enfin le dialogue. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de la fonction publique. (M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, se lève et quitte l’hémicycle.)
M. Bernard Frimat. Alors, on se défile ?
M. Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique. Madame Borvo Cohen-Seat, voilà trois semaines que, au côté d’Éric Woerth, j’ai l’honneur de venir discuter du projet de loi portant réforme des retraites devant les sénateurs, après l’avoir fait à l’Assemblée nationale.
Voilà sept mois que le Président de la République m’a fait l’honneur de me nommer dans les fonctions qui sont les miennes et, durant cette période, j’ai passé de deux à trois mois à discuter avec les syndicats. Ces discussions ont été nourries. Elles nous ont permis d’évoluer sur des points précis du texte.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela ne se voit pas !
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Je tiens d’ailleurs à souligner que c’est également le cas, aujourd’hui, au Sénat, comme c’était le cas, il y a quelques semaines, à l’Assemblée nationale.
M. David Assouline. Vous savez que ce n’est pas vrai !
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Madame Borvo Cohen-Seat, vous avez exposé des problèmes précis.
Avons-nous, oui ou non, le sentiment qu’il existe une alternative au texte que nous avons déposé ? (Oui ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Dites-vous bien, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, que la réponse est « non » !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La méthode Coué !
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Très clairement, vous avez les uns et les autres un projet fiscal, consistant à nous séparer totalement du système par répartition pour aboutir à un système fiscal dans lequel les 40 milliards d’euros nécessaires chaque année seraient obtenus grâce à des hausses d’impôt. Tel est votre projet ! (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est faux ! Faites cotiser les revenus financiers !
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Ce n’est plus un système par répartition ! Vous vous en éloignez tous les jours un peu plus !
Question suivante : avez-vous intégré, s’agissant de ce projet de réforme, le fait que tous les pays, y compris ceux qui sont dirigés par des gouvernements sociaux-démocrates, ont déjà pris des mesures d’âge ?
L’opposition est bien la seule en France à dire qu’il ne faut pas de mesures d’âge. C’est une très grave erreur, parce que la retraite, c’est une question d’âge !
Enfin, vous parlez des jeunes. Mais, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, je vous le dis très clairement, ce qui est important pour nous, c’est de régler non pas simplement le problème actuel, mais celui des générations à venir. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Bernard Piras. La dette, c’est vous !
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Pensez-vous une seule seconde qu’il est juste de laisser aujourd'hui l’endettement s’ajouter à de l’endettement….
M. Guy Fischer. C’est faux ! Nous avons déposé une proposition de loi garantissant le financement du droit à la retraite à 60 ans ! (M. Guy Fischer brandit ledit document.)
M. Georges Tron, secrétaire d'État. … parce que vous n’avez pas le courage de prendre vos responsabilités ?
M. Didier Boulaud. La dette, c’est vous ! C’était déjà Balladur en 1995 !
M. Georges Tron, secrétaire d'État. En vérité, nous faisons aujourd'hui ce que vous n’avez pas eu le courage de faire hier.
M. Guy Fischer. Et les 135 milliards d’euros à la CADES !
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Nous devons prendre nos responsabilités, autrement dit faire en sorte d’équilibrer le financement des retraites actuelles pour éviter que les jeunes ne le fassent à notre place demain.
M. Didier Boulaud. La dette, c’est vous !
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Pour cela, il faut du courage, et c’est nous qui l’avons ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. – Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. Didier Boulaud. Et les emprunts Balladur ? Les champions de la dette, c’est vous !
bilan de la sécurité dans le périmètre du grand paris
M. le président. La parole est à M. Jacques Gautier.
M. Jacques Gautier. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
M. Didier Boulaud. Il n’est pas là !
M. Jacques Gautier. Nous aurons l’occasion d’entendre sa réponse.
En 2009, à la demande du Président de la République, a été mise en place la police d’agglomération, placée sous l’autorité du préfet de police, qui couvre Paris et les trois départements de la petite couronne. Les élus, toutes tendances politiques confondues, se sont félicités de cette décision, qui permet de lutter, plus efficacement, contre la mobilité transdépartementale des bandes et des délinquants.
Cette nouvelle organisation permet aussi d’optimiser la présence policière sur le terrain, au plus près des besoins, d’autant que les effectifs ont été recentrés sur leur cœur de métier, à savoir la sécurité de nos concitoyens.
Après une année de fonctionnement, est-il possible de dresser un premier bilan de cette police d’agglomération ?
Je profite du temps de parole qui m’est imparti pour aborder un problème interministériel pour lequel je n’attends pas de réponse aujourd'hui. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Didier Boulaud. On va attendre que M. Hortefeux revienne !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Posez la question demain !
M. Jacques Gautier. Tous les maires connaissent malheureusement quelques délinquants, mineurs ou jeunes majeurs, interpellés plusieurs fois par la police et toujours remis en liberté.
M. Alain Gournac. Oui !
M. Jacques Gautier. De telles situations engendrent l’incompréhension et l’exaspération de nos concitoyens, qui subissent au quotidien les méfaits de ces délinquants.
M. Guy Fischer. Mettez tous les jeunes en prison à 12 ans !
M. Jacques Gautier. La police d’agglomération a identifié 11 400 multiréitérants interpellés au moins 50 fois, j’insiste sur ce point, sans qu’ils soient condamnés ; le dernier en date arrêté à Paris en plein cambriolage en était à sa quatre-vingt-sixième interpellation !
M. Didier Boulaud. C’était Arsène Lupin !
M. Robert Hue. Et les fuites fiscales en Suisse ?
M. Jean-Pierre Sueur. Cela fait huit ans que la majorité est responsable de la sécurité !
M. Jacques Gautier. Il ne s’agit pas pour moi de mettre en cause les magistrats du siège.
M. Guy Fischer. Vous mettez en cause la justice !
M. Jacques Gautier. Nous savons tous que l’enfermement n’est pas forcément la solution, mais je demande à M. le ministre de l’intérieur et à Mme le garde des sceaux de rechercher, ensemble, avec les services concernés – et pourquoi pas les parlementaires ? –, des réponses à cette situation inacceptable dans un État de droit et insupportable pour nos concitoyens ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’Union centriste.)
M. Didier Boulaud. Mais que fait la police ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est l’échec de la politique sécuritaire du Gouvernement !
M. le président. La parole est à Mme la ministre chargée de l'outre-mer
Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de Brice Hortefeux, qui accompagne en ce moment même le Président de la République en Eure-et-Loir. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Vous avez raison, monsieur Gautier, de souligner que Brice Hortefeux a créé, voilà maintenant un an, une structure adaptée et efficace – la police d’agglomération – pour assurer la sécurité de Paris et sa petite couronne, dont votre département, les Hauts-de-Seine.
Cette structure est adaptée, car elle ne laisse plus aux délinquants la possibilité de tirer parti des cloisonnements administratifs. Avec la police d’agglomération, les forces de sécurité montrent qu’elles sont à l’offensive en calquant leur mouvement sur ceux des voyous. En effet, grâce à l’action du ministre de l’intérieur, le boulevard périphérique, qui n’a jamais été une frontière pour les délinquants, n’est plus une barrière pour les policiers.
M. David Assouline. Et pourtant ça va toujours plus mal !
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Cette structure est aujourd'hui efficace, car la police d’agglomération parvient à des résultats sur le terrain. J’en veux pour preuve que, en matière de lutte contre les trafiquants de stupéfiants, les forces placées sous les ordres du préfet de police Michel Gaudin ont interpellé depuis le début de l’année 4 116 personnes et saisi 2 681 kilos de résine de cannabis, 237 kilos de cocaïne et plus de 5 millions d’euros.
M. Roland Courteau. Regardez à gauche quand vous parlez !
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Parallèlement, les cambriolages ont diminué de 3,8 % et, dans le même temps, le nombre des voleurs interpellés a augmenté de 8,6 %. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Enfin, en matière de lutte contre les bandes, 411 personnes ont été appréhendées durant les huit premiers mois de l’année.
M. Didier Boulaud. Le résultat est « stupéfiant » ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Vous le constatez, monsieur le sénateur, grâce à la création de la police d’agglomération, les forces de sécurité défendent encore plus efficacement les Franciliens.
M. Jean-Pierre Sueur. Donc tout va bien !
M. René-Pierre Signé. C’est nul !
M. Didier Boulaud. Nous avons un excellent ministre de l’intérieur…
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Un tel dispositif, qui a fait ses preuves, mérite d’être étendu. Lille possède désormais sa propre police d’agglomération, tandis que Lyon et Marseille sont en train de se doter des leurs.
Vous avez raison de le souligner, monsieur le sénateur, la sécurité forme une seule chaîne, qui va de l’interpellation à l’exécution de la peine. Brice Hortefeux, en accord sur ce point avec Mme le garde des sceaux, tient particulièrement à ce que le travail courageux des policiers et des gendarmes soit toujours relayé par l’autorité judiciaire. Le Gouvernement n’a qu’un seul objectif : mettre hors d’état de nuire les voyous qui s’en prennent aux gens honnêtes ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. René-Pierre Signé. La réponse n’est pas convaincante !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nicole Bricq. Je note que, ce matin, le Premier ministre était dans nos murs pour rendre visite aux membres du groupe UMP. Il n’est malheureusement pas là cet après-midi, et c’est bien dommage pour lui !
Le 22 juin 2009, le Président de la République déclarait devant le Parlement réuni en Congrès qu’il serait au rendez-vous des retraites en 2010.
M. Didier Boulaud. De la sienne !
Mme Nicole Bricq. Il ajoutait : « Il faudra que tout soit mis sur la table » ; « toutes les options seront examinées ». Toutefois, sans la moindre négociation, l’option était à sens unique, celui de l’injustice.
Dès le mois de février dernier, au moment où la crise grecque était mise en lumière, les fonctionnaires de l’Agence France Trésor, chargée de renégocier la dette auprès des investisseurs, disposaient d’un argument de vente que je voudrais rappeler : ils vantaient « le relèvement des seuils d’âge, deux à quatre fois plus rapide en France qu’en Allemagne, au Royaume-Uni et aux États-Unis ».
Vous avez fait un choix très clair, de court terme, celui de rassurer les marchés financiers, alors qu’il eût fallu tranquilliser les jeunes générations, qui percevront des pensions de retraite diminuées dans quarante ans. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Roland Courteau. Eh oui !
Mme Nicole Bricq. Mesdames, messieurs les membres du Gouvernement, l’un d’entre vous, quel qu’il soit, se dévouera pour me répondre. Vous ne cessez de répéter en boucle depuis le début des discussions, voilà bientôt trois semaines, que vous faites comme en 1993, comme en 2003, comme en 2006. Mais vous avez oublié un paramètre essentiel, celui de la crise financière.
Les Français qui manifestent, ceux, très nombreux, qui les soutiennent, ne veulent pas être les seuls à payer les frasques financières, pas plus que l’endettement faramineux que vous avez alimenté, particulièrement depuis 2007, avec le trou énorme créé dans nos recettes fiscales ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Roland Courteau. C’est vous les responsables !
Mme Nicole Bricq. Alors ne me répondez pas, comme vous le dites toujours et comme vient de le faire M. Tron, que nous allons augmenter les impôts.
M. le président. Veuillez poser votre question, madame Bricq.
Mme Nicole Bricq. Vous présentez un projet de budget dans lequel les prélèvements sont en hausse de 11 milliards d’euros, lesquels pèseront sur les couches moyennes. (Mmes et MM. les sénateurs du groupe UMP déclenchent oralement le compte à rebours des cinq secondes qu’il reste à l’oratrice.) D’ici à 2013, vous augmenterez les prélèvements obligatoires de quatre points, contrairement à ce que vous aviez promis. Alors répondez-nous en nous regardant dans les yeux : quand allez-vous cesser de mentir aux Français ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.
M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Madame Bricq, je ne sais pas pourquoi votre ton est aussi extraordinairement méprisant envers le Gouvernement et la majorité. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. – Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Didier Boulaud. Provocateur ! Vous êtes bien placé pour parler !
M. René-Pierre Signé. Quel mépris !
Mme Nicole Bricq. Monsieur le ministre, regardez-moi les yeux dans les yeux quand vous me parlez !
M. Éric Woerth, ministre. Mais enfin, me direz-vous, vous êtes libre d’employer le ton qui vous convient. Pour ma part, je vous le laisse.
M. Bernard Piras. Répondez à la question !
M. Éric Woerth, ministre. Pourquoi tant d’aveuglement ? Je sais bien que le parti socialiste a ses éléments de langage, que nous entendons en boucle depuis maintenant quasiment trois semaines.
M. Didier Boulaud. C’est un peu court comme argument !
M. Éric Woerth, ministre. Pourquoi ne pas regarder la réalité en face ? Pourquoi ne vous demandez-vous pas les raisons pour lesquelles l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne ont modifié leurs systèmes de retraite ?
M. Guy Fischer. Tout le monde n’est pas d’accord : 500 000 manifestants à Rome !
M. Yannick Bodin. Répondez à la question !
M. Roland du Luart. Écoutez le ministre !
M. Éric Woerth, ministre. La France serait-elle une terre isolée, qui ne devrait pas affronter la réalité ? (Brouhaha sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE couvrant la voix de l’orateur.) La France serait-elle un pays qui ne devrait jamais prendre aucune décision ? Les Français attendent-ils simplement de leurs gouvernants que les réponses soient toujours remises au lendemain ?
M. Didier Boulaud. Éric Woerth, ancien trésorier de l’UMP !
M. Éric Woerth, ministre. Le parti socialiste nous dit qu’il y a un problème, mais qu’il faudra le régler plus tard – toujours plus tard. Il n’a jamais le courage d’affronter les situations telles qu’elles sont, et c’est bien probablement son défaut !
M. Didier Boulaud. Répondez à la question !
M. Éric Woerth, ministre. L’image de la France dans le monde, à laquelle nous sommes tous attachés, est, bien sûr, un point très important. Et pour qu’elle soit positive, il revient aussi à notre pays de faire des réformes courageuses à un moment donné. L’image de la France dans le monde, c’est également l’image que les Français ont d’eux-mêmes, et ces derniers savent bien qu’il faut faire une réforme des retraites.
M. Bernard Piras. Répondez à la question !
M. Éric Woerth, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, vous vous opposez à notre réforme, mais vous n’avez aucun projet, à l’exception du matraquage fiscal.
Mme Nicole Bricq. Regardez-moi, monsieur le ministre, c’est moi qui vous ai posé la question !
M. Yannick Bodin. Répondez à notre collègue !
M. Éric Woerth, ministre. J’ajouterai que l’évolution du discours sur les retraites de Mme Aubry, la patronne du parti socialiste, est très intéressante. Avant, elle soutenait la retraite à 60 ans.
M. Didier Boulaud. C’est « Bettencourt » comme argument !
M. Éric Woerth, ministre. Maintenant, elle se prononce en faveur du maintien de la retraite à 60 ans, tout en reconnaissant qu’une telle disposition suppose, évidemment, une baisse considérable des pensions ! Et ça, c’est tromper les Français !
Puisque vous n’avez le courage ni d’affronter la situation telle qu’elle est ni d’expliquer aux Français qu’une réforme des retraites passe par un allongement raisonnable de l’âge de départ à la retraite, alors vous vous dites tout simplement qu’il faut baisser le montant des pensions. Cette réponse au problème actuel ne vous rendra pas plus responsables que vous ne l’êtes aujourd’hui ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur plusieurs travées de l’Union centriste.)
M. David Assouline. Mauvaise foi !
M. Yannick Bodin. Incapable de répondre !
M. le président. La parole est à Joëlle Garriaud-Maylam.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Madame la secrétaire d'État, comme l’ensemble des élus des Français de l’étranger, je suis stupéfaite de l’amendement déposé par le président socialiste de la commission des finances de l’Assemblée nationale qui vise à instaurer une taxation des Français de l’étranger, alors même qu’ils sont déjà imposés dans leur pays de résidence. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Didier Boulaud. On pleure pour Johnny Halliday ! Reviens, Johnny !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Je ne m’étendrai pas sur l’incohérence d’une telle proposition, en opposition avec un principe fondateur de notre République, celui de la territorialité de l’impôt.
Je ne m’étendrai pas non plus sur les coûts, les délais, et le ridicule qu’engendrerait une renégociation des conventions fiscales qui nous lient à une majorité d’États et qui tendent justement à empêcher la double imposition.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est incroyable !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Mais, plus grave encore, cette proposition démagogique tend à faire de nos compatriotes expatriés, qui, eux, ne descendent jamais dans la rue, des boucs émissaires ! (Rires sarcastiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce que vous dites est scandaleux !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Les Français de l’étranger seraient des exilés fiscaux, des profiteurs ? C’est faux ! Nombre d’entre eux travaillent sous contrat local et n’en tirent qu’une rémunération modeste, sans vraiment bénéficier de la solidarité nationale.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pour avoir des représentants, il faut payer l’impôt !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Je vous le rappelle, à l’étranger, pas d’indemnités chômage, pas de couverture maladie universelle, pas de 35 heures, pas de scolarité gratuite – du moins jusqu’au lycée –, pas d’allocations familiales !
Si jamais des fraudes ou des abus existaient, il faudrait bien sûr les réprimer, mais certainement pas punir injustement l’immense majorité de nos concitoyens qui travaillent, souvent dans des conditions très difficiles, et qui prennent des risques pour le rayonnement et la prospérité de notre pays.
Je vous rappelle, mes chers collègues, que plus d’un quart de notre PIB provient du commerce extérieur !
Quel paradoxe : alors que nombre d’États s’inspirent de l’exemple de la France pour développer les liens avec leurs expatriés et étendre leur influence, certains, chez nous, voudraient stigmatiser nos compatriotes de l’étranger, les traiter comme des déserteurs, courant ainsi le risque de les pousser à distendre leurs liens avec la France en s’abstenant lors de consultations ou, pis encore, d’inciter les binationaux à renoncer à leur nationalité française ! Dresser les Français de métropole contre ceux de l’étranger ne peut qu’affaiblir notre pays.
Je remercie Mme la secrétaire d'État chargée du commerce extérieur de nous rassurer et de mettre ainsi un terme à cette polémique, qui n’a déjà que trop duré. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée du commerce extérieur.
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d’État chargée du commerce extérieur. Madame Garriaud-Maylam, votre excellente question (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG)…
M. Roland Courteau. On s’en serait douté !
M. Didier Boulaud. Pensez à la remettre sur la liste UMP la prochaine fois !
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d’État. … me donne l’occasion, d’abord, de redire, s’il en était besoin, la considération de l’ensemble du Gouvernement pour ce que font nos compatriotes expatriés. Ces femmes et ces hommes, qu’ils travaillent en entreprise, qu’ils soient fonctionnaires, civils ou militaires – je pense plus particulièrement aux enseignants –, qu’ils œuvrent dans des ONG, culturelles ou humanitaires, tous contribuent, comme vous l’avez dit, au rayonnement de la France et à sa prospérité.
M. Didier Boulaud. Avec Johnny !
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d’État. Tous favorisent la conquête des marchés extérieurs.
Cette proposition d’ordre fiscal qui vous préoccupe, vous et l’ensemble de vos collègues, notamment ceux qui représentent les Français de l’étranger, sera débattue à l’Assemblée nationale dans les prochaines heures, mais je tiens à préciser qu’elle a d'ores et déjà été repoussée par sa commission des finances.
Sans préjuger évidemment le vote des députés ni l’issue du débat qui aura lieu ensuite, ici, au Sénat, je vous indique dès à présent que le Gouvernement n’est pas favorable à une telle évolution, « américanisation » dirais-je, de la règle de territorialité. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Robert del Picchia. Très bien !
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d’État. De quoi s’agit-il réellement ?
Dans notre système fiscal, ceux qui résident en France, quelle que soit leur nationalité, sont imposés en France, selon les règles françaises, sur tous leurs éléments de revenu et de patrimoine, où qu’ils soient perçus ou situés.