M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Je lis attentivement les différents rapports, et, en me référant à celui de M. Leclerc, qui est le porte-parole de la commission, je me suis aperçu que ce dernier attirait « l’attention du Gouvernement sur l’importance de la rédaction du décret d’application qui fixera les modalités de suivi et la réalisation des objectifs et des mesures de l’accord ».
Vous en conviendrez, mes chers collègues, le rôle de la loi est précisément d’encadrer le règlement.
En l’espèce, le Gouvernement s’en remet à un décret d’application. S’il avait voulu montrer sa bonne volonté sur ce sujet – nous partageons tous le même objectif, et cela fait bientôt vingt-huit ans que la loi n’est pas respectée –, il aurait présenté, comme il a su le faire dans d’autres circonstances, ce décret d’application.
Quand on le veut vraiment, on peut aller très vite ! Vous savez bien le faire quand cela vous arrange… Si nous nous en remettons au décret, à de bonnes pratiques sans fixer un terme à la loi, nous n’accomplissons pas notre travail de parlementaires. Je le répète, la loi doit encadrer les décrets d’application. Or tous les amendements que vous repoussez ont pour objet de préciser, d’orienter cet encadrement.
Je note que M. le rapporteur lui-même demande que le Gouvernement publie un « guide de bonnes pratiques ». Parlons-en ! Vous le savez, le MEDEF est très hostile à la loi et lui préfère les codes de bonne conduite. Il se trouve que je suis très concernée par le code qui a été élaboré par le MEDEF et l’Association française des entreprises privées, l’AFEP, à propos de sujets dont nous reparlerons la semaine prochaine, mais aussi des rémunérations. Or je n’ai trouvé aucune trace dans ce document, y compris dans la nouvelle mouture de 2010, d’une recommandation relative aux rémunérations des femmes et des hommes.
S’en remettre à des guides de bonnes pratiques, à des décrets d’application, revient vraiment à passer par pertes et profits le travail que le législateur effectue sur l’égalité. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, qui a été mis en cause avec son rapport. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nicole Bricq. Mais non !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Ce rapport a une certaine logique : la page 258, à laquelle vous venez de vous référer, ma chère collègue, est précédée de la page 257.
Mme Nicole Bricq. Je l’ai lue !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Si la commission a émis une recommandation concernant l’importance de la rédaction du décret d’application, c’est pour une raison historique, qui a été évoquée tout à l’heure. Je rappelle que la loi Roudy date de 1983. Par ailleurs, n’oublions pas le rapport de Mme Brigitte Grésy, qui fait autorité, auquel tout le monde se réfère et dont tout un chacun loue la pertinence. Constatant que peu de négociations ont eu lieu – les pourcentages sont donnés à l’appui –, Mme Grésy affirme que ces accords ont un contenu presque inexistant, et ne sont parfois que des coquilles vides.
C’est pourquoi j’ai émis un avis défavorable sur les recommandations, qui faisait l’objet des amendements précédents.
Maintenant, forts de tout cela, tournons la page du rapport et, madame Bricq, vous pouvez alors constater que la commission accorde une certaine importance à la rédaction du décret d’application. En effet, la loi de 1983 et les rapports, même s’ils sont pertinents, reconnus par tout le monde, ne sont pas suffisants.
Mme Nicole Bricq. Quand paraîtront-ils ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Il s’agit de l’un des débats majeurs que nous avons au cours de l’examen de cette réforme très importante.
Mme Nicole Bricq. Ce n’est pas fini !
M. Éric Woerth, ministre. Je m’en réjouis ! Vous avez raison de citer la loi Roudy de 1983. Mais on peut remonter plus loin dans le temps. Je pense, notamment, à la loi de 1972. Cela étant, tous les textes existants n’ont pas abouti, vous l’avez dit, à l’égalité de traitement entre les hommes et les femmes. Néanmoins, les inégalités se réduisent en matière de rémunération, de pension de retraite. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. C’est faux !
M. Marc Daunis. Comment peut-on dire cela ?
M. Éric Woerth, ministre. Il en est également ainsi dans le domaine de la qualification, qui est aussi l’une des raisons de l’inégalité salariale : les femmes occupent généralement des emplois moins qualifiés que les hommes, en définitive, moins rémunérateurs. Elles travaillent plus souvent à temps partiel. Cette réalité est très pesante, mais la situation s’est améliorée.
Le Gouvernement souhaite évidemment aller beaucoup plus loin, et, pour la première fois, il veut instaurer une vraie sanction. Mais si celle-ci est adoptée, il n’est pas possible d’obliger à la conclusion d’un accord. Dans ce cas, en effet, il suffirait que l’une des deux parties décide de ne pas signer pour que l’autre en soit pénalisée. Par exemple, si les syndicats s’abstiennent, la sanction serait supportée par l’entreprise d’une façon unilatérale. C’est en droit impossible !
Quoi qu’il en soit, il existe une obligation de résultat. L’entreprise est bien obligée soit d’avoir établi un plan d’action, soit d’avoir conclu un accord d’entreprise, et la sanction intervient après.
Ce débat sur l’égalité entre les hommes et les femmes va se prolonger au-delà du projet de loi portant réforme des retraites. Le présent texte aborde le sujet. C’était essentiel ! Dans les mois qui viennent, le Gouvernement continuera à examiner cette question de façon très concrète. S’il le faut, nous pourrions travailler, je l’espère de manière consensuelle, à l’élaboration d’un nouveau texte, et le rapport de Mme Grésy est une bonne base de réflexion.
M. le président. La parole est à Mme Michèle André, pour explication de vote.
Mme Michèle André. Monsieur le ministre, nous nous sommes entretenus à maintes reprises de ce problème.
La délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, si elle a formulé un certain nombre de recommandations, a plutôt regretté que cette question soit traitée au détour d’un article du projet de loi portant réforme des retraites. Nous demandons instamment que celle-ci soit examinée dans son intégralité et qu’un dispositif spécifique soit adopté.
D’ailleurs, monsieur le ministre, vos deux prédécesseurs s’y étaient engagés à l’égard de la délégation précitée, aussi bien de l’Assemblée nationale que du Sénat. S’il y a une volonté d’aboutir, c’est maintenant qu’il faut l’affirmer !
Pour ce qui me concerne, les sanctions financières me laissent assez dubitative. Si leur effet est le même que celui des sanctions adoptées afin d’assurer la parité au sein des titulaires de mandat électif, je me fais beaucoup de souci… Je pense que nous devrons attendre encore longtemps pour obtenir des avancées.
Il est indispensable aujourd’hui de prendre en considération le dispositif dans son ensemble, d’examiner ses forces et ses faiblesses, et de tout remettre à plat. C’était la première recommandation de la délégation susvisée, afin de faire cesser le flou.
Monsieur le ministre, vous le savez, il faut beaucoup de volonté en la matière. Cela suppose aussi que cette cause soit portée par le plus grand nombre.
Aujourd’hui, les forces dispersées entre les déléguées régionales rattachées au secrétariat général aux affaires régionales dans les préfectures et les chargées de mission réparties dans les directions de la cohésion sociale empêchent la mise en œuvre d’une volonté commune sur le territoire.
Je le répète, il est indispensable de tout remettre à plat, et vous ne pouvez pas vous contenter de traiter la question de l’égalité entre les hommes et les femmes au détour d’un article du projet de loi portant réforme des retraites. Je ne suis pas la seule à affirmer que ce n’est pas par ce biais que la situation évoluera positivement.
Vous avez le devoir d’aller plus loin, monsieur le ministre, et nous vous y engageons solennellement. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron, pour explication de vote.
Mme Françoise Cartron. Monsieur le ministre, nous ne pouvons pas nous permettre de prendre encore du temps pour faire disparaître ces inégalités.
Comme l’a rappelé Roland Courteau, la France a dégringolé de la dix-huitième à la quarante-sixième place dans le classement mondial pour l’égalité des salaires entre les hommes et les femmes. Elle occupe la cent vingt-septième place sur cent trente-quatre. Dans quelque temps, elle pourrait même arriver à la dernière place.
Vous avez évoqué la qualification. Les femmes, je le rappelle, à diplôme égal, perçoivent un salaire inférieur de 20 % à celui des hommes dans les entreprises. Elles subissent la double peine : lorsqu’elles ne sont pas qualifiées, les emplois à temps partiel, c’est pour elles, les emplois de service moins rémunérés, c’est pour elles ; lorsque les femmes se retrouvent en situation monoparentale, les horaires impossibles…
M. Alain Vasselle. C’est pour elles !
Mme Françoise Cartron. Effectivement, mon cher collègue !
Bien évidemment, lors de notre débat sur les retraites, toutes ces disqualifications que subissent les femmes reviennent en pleine lumière. « On en parlera plus tard » nous dit-on. Eh bien, quand on est le cent vingt-septième pays sur cent trente-quatre, il est urgent de ne pas attendre ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. L'amendement n° 830, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
Le deuxième alinéa de l'article L. 131-4-2 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Lorsque l'employeur n'a pas rempli au cours d'une année civile l'obligation définie au 1° de l'article L. 2242-8 du code du travail dans les conditions prévues aux articles L. 2242-1 à L. 2242-4 du même code, le montant de l'exonération est diminué de 100 %.
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.
Mme Marie-Agnès Labarre. Il s’agit, cette fois, d’un amendement non de suppression, mais de précision.
Je rappelle – ce n’est pas inutile – que, aux termes des chapitres II et III du titre IV du code du travail, chaque employeur doit engager une négociation annuelle portant, premièrement, sur les salaires effectifs, en vue de les augmenter en proportion des résultats de l’entreprise, deuxièmement, sur la durée effective et l’organisation du temps de travail, ainsi que, troisièmement, le cas échéant, sur la formation ou la réduction du temps de travail.
Il ne s’agit pas, de notre point de vue, de contraintes insurmontables pour les employeurs. Les syndicats que nous avons rencontrés nous ont toutefois indiqué que cette séance de négociation annuelle obligatoire, la NAO, prévue par la loi est loin de rencontrer l’adhésion des entreprises.
Aussi je rappelle également que, aux termes de l’article L. 2243-2 du code du travail, le fait de se soustraire aux obligations prévues aux articles L. 2242-5, L. 2242-8, L. 2242-9, L. 2242-11 à L. 2242-14 et L. 2242-19 du même code relatives au contenu de la négociation annuelle obligatoire est puni d’un emprisonnement d’un an et d’une amende de 3 750 euros.
Le présent amendement vise donc à confirmer ces dispositions et à prévoir une suppression totale de l’exonération des cotisations sociales quand les entreprises qui en bénéficient ne respectent pas leurs obligations en la matière.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Ma chère collègue, vous entendez supprimer la progressivité de la sanction pour des entreprises installées en zone de redynamisation urbaine ou de revitalisation rurale.
La commission émet un avis défavorable sur le présent amendement, qui ne présente aucun lien direct avec le projet de loi.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique. Avis défavorable, pour les mêmes raisons.
M. le président. L'amendement n° 965, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Compléter cet article par trois alinéas ainsi rédigés :
L'article L. 242-1-1 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Les rémunérations, versées ou dues à des salariés, qui sont réintégrées dans l'assiette des cotisations à la suite du constat de l'infraction définie aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 du code du travail ne peuvent faire l'objet d'aucune mesure de réduction ou d'exonération de cotisations de sécurité sociale ou de minoration de l'assiette de ces cotisations et sont majorées de 10 %.
« En cas de récidive, la majoration applicable est de 50 %. »
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. L’article L. 242-1-1 du code de la sécurité sociale prévoit qu’un employeur qui tente de dissimuler un salarié afin de ne pas s’acquitter des cotisations sociales ne peut bénéficier de réduction ou d’exonération sur les cotisations qu’il aurait dû normalement payer.
Cette mesure est tout à fait justifiée, et l’on peut même s’étonner qu’il soit besoin de la préciser.
En effet, la personne qui exerce une activité à but lucratif, de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services, ou qui accomplit des actes de commerce en se soustrayant intentionnellement à ses obligations, ne doit pas bénéficier d’exonérations de cotisations sociales, dont le principe est déjà critiquable en temps normal.
Il s’agit évidemment de pratiques très graves, mes chers collègues.
En général, soit le professionnel n’a pas demandé son immatriculation au répertoire des métiers, au registre des entreprises ou au registre du commerce et des sociétés, lorsque celle-ci est obligatoire, soit il a poursuivi son activité après refus d’immatriculation ou postérieurement à une radiation, soit il n’a pas procédé aux déclarations qui doivent être faites aux organismes de protection sociale ou à l’administration fiscale en vertu des dispositions légales en vigueur.
Par le biais du présent amendement, nous proposons d’aller plus loin et de sanctionner les fraudeurs, la fraude en question s’effectuant au détriment de l’intérêt général et de celui des finances de la sécurité sociale.
Nous souhaitons donc que de tels actes ou omissions soient sanctionnés financièrement par une majoration de 10 % du montant total des cotisations dont la personne doit s’acquitter, et que la majoration soit portée à 50 % en cas de récidive.
La finalité est non pas d’infliger une double peine, mais d’instituer une sanction pécuniaire là où rien n’est prévu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Cet amendement, qui vise le travail dissimulé, est étranger aux dispositions de ce projet de loi.
En conséquence, la commission émet un avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Vous nous dites, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, que cet amendement, comme le précédent, ne présente aucun lien avec le projet de loi. Celui-ci porte effectivement sur la réforme des retraites, mais l’article 31 traite, pour sa part, de l’égalité salariale entre les hommes et les femmes. Si l’on suit votre raisonnement, cet article n’a donc, lui non plus, pas grand-chose à voir avec ce texte ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Tout à l’heure, M. Woerth a indiqué qu’on ne pouvait pas résoudre tous les problèmes qui se posent en matière d’égalité salariale au travers d’un texte sur la réforme des retraites, et qu’il conviendrait de revenir sur ce sujet.
Je vous renvoie l’argument : certes, le présent projet de loi ne permettra sans doute pas de régler toutes les difficultés, mais il constitue pour nous une occasion de soulever ces problèmes qui, que vous le vouliez ou non, concourent aux disparités de pensions entre les femmes et les hommes.
L’amendement précédent portait sur les négociations annuelles obligatoires en matière de salaires. Au cours de ces dernières, normalement les niveaux de salaires des hommes et des femmes font l’objet d’une vérification.
L’amendement n° 965, dont l’objet est de lutter contre le travail au noir, peut aussi contribuer à réduire ces inégalités salariales. Il se trouve en effet que, parmi les trop nombreuses victimes de ces mauvais employeurs – rassurez-vous, mes chers collègues, je ne mets pas tous les patrons dans le même panier ! –, on trouve très souvent des femmes.
La lutte contre le travail au noir, parce qu’elle peut contribuer à améliorer le niveau des pensions de nos concitoyens, n’est donc pas étrangère à la réflexion sur la réforme des retraites. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Madame David, dans l’absolu, on peut certes considérer que tout est dans tout…
Nous nous efforçons, pour notre part, de conserver un minimum de cohérence et de logique dans ce texte. Nous nous accordons tous sur la réalité du différentiel de rémunérations entre les hommes et les femmes, et sur le fait que celui-ci explique en grande partie la différence de niveau des pensions. L’article 31 vise précisément à corriger ces inégalités, en instituant un dispositif de sanction.
Vos propositions ne me choquent nullement sur le principe, madame le sénateur, mais elles ne présentent pas un lien aussi étroit avec le texte. Il subsiste certes le lien commun du salariat, mais la logique n’est plus exactement la même.
M. le président. L'amendement n° 966, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Compléter cet article par trois alinéas ainsi rédigés :
I. - Au premier alinéa de l'article L. 242-1-2 du code de la sécurité sociale, le mot : « six » est remplacé par le mot : « dix ».
II. - Après le premier alinéa du même article, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de récidive, le calcul des cotisations et contributions de sécurité sociale visé à l'alinéa précédent est évalué forfaitairement à vingt fois la rémunération mensuelle minimale définie à l'article L. 141-11 du même code en vigueur au moment du constat du délit de travail dissimulé. »
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Je présume que cet amendement va subir le même sort que les précédents…
Mme Nicole Bricq. Ne soyez pas défaitiste ! (Sourires.)
M. Guy Fischer. Nous souhaitons poser le problème de la lutte contre le travail dissimulé.
Nous vivons tout de même une drôle d’époque ! Alors que nous avons inscrit dans la loi le principe de l’égalité salariale et professionnelle entre les hommes et les femmes – une égalité dont la mise en œuvre rencontre bien des difficultés, comme Annie David l’a fort bien démontré –, les entreprises ont encore très fréquemment des comportements délictueux à l’égard du respect des normes sociales.
Rappelez-vous, mes chers collègues, les informations diffusées cet été sur les redressements infligés aux entreprises quant au non-respect des normes sociales : si je me souviens bien, près des deux tiers des entreprises contrôlées avaient subi un redressement. Bien sûr, ce fait est dû à la complexification de la réglementation, mais, en matière de contributions sociales, il y aurait beaucoup à dire.
Loin de nous l’idée d’incriminer toutes les entreprises, mais force est de constater que le travail dissimulé caractérise l’activité de nombreux secteurs, singulièrement la confection, l’hôtellerie et la restauration, qui sont parmi les secteurs les plus employeurs de main-d’œuvre féminine.
La lutte contre l’économie dite « souterraine » se heurte, pour une grande part, à des intérêts spécifiques – je pense notamment au secteur de la confection, où certaines marques et certains réseaux de magasins ont objectivement besoin de recourir au travail dissimulé pour maintenir leur réactivité face aux tendances et au marché – que l’on se refuse à combattre avec les moyens nécessaires.
La pénalisation du travail dissimulé doit donc être renforcée, ne serait-ce que pour permettre aux femmes qui souffrent en raison de conditions de travail et de salaires souvent d’un autre âge de bénéficier d’une véritable prise en compte de leur apport à la société.
L’amendement n° 966 a donc pour objet de renforcer le caractère dissuasif de cette pénalisation, étape nécessaire dans la reconnaissance de la place des femmes dans la société et l’économie en particulier. Nous devons porter ce sujet sur la place publique. À l’instar de l’enquête estivale évoquée précédemment, qui m’avait surpris eu égard au nombre d’entreprises concernées, cette question fait régulièrement l’objet d’enquêtes dans la presse.
Nous ne nous faisons pas d’illusions sur le sort que la majorité réservera à notre proposition. Mais je crois, mes chers collègues, que vous n’échapperez pas, au cours des prochaines semaines, des prochains mois, ou des prochaines années, à un débat incontournable, ne serait-ce que pour assurer un haut niveau à notre protection sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Cet amendement est très proche du précédent.
Nous avons écouté avec attention vos deux argumentaires, mes chers collègues, et il nous semble évident que les manquements au code du travail dont vous avez parlé, en particulier le travail dissimulé, doivent être combattus.
Toutefois, nous débattons d’un texte relatif aux retraites, et vous savez très bien que la pension a une relation directe avec le salaire. Nous devons donc impérativement commencer par améliorer cette disparité salariale de 38 % entre les hommes et les femmes, et les dispositions du projet de loi y concourent.
Nous ne pouvons pas trop nous éloigner de l’article 31. C’est pourquoi la commission émet, de nouveau, un avis défavorable sur l’amendement n° 966.
Mais, comme vous l’avez indiqué, monsieur Fischer, nous devrons encore progresser dans notre lutte contre les manquements que vous avez signalés.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 831, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
L'article L. 242-4-3 du code de la sécurité sociale est abrogé.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Mes chers collègues, je vous entends déjà me dire que cet amendement n’a pas, pour reprendre vos mots, monsieur le secrétaire d'État, « un lien étroit avec le texte ».
M. Nicolas About. Voilà !
Mme Annie David. Cependant, à la lumière de mes explications, vous me donnerez peut-être raison.
Mme Annie David. En effet, comme chacun sait, les hommes et les femmes, à qualification égale, ne perçoivent pas la même rémunération. L’article 31 a d’ailleurs comme finalité la lutte contre ce fait.
Cette situation anormale et injuste est une réalité d'un système économique qui a fait des jeunes et des femmes les victimes désignées de sa course permanente au moins-disant social.
De ce fait, les femmes disposent d’une pension de retraite moins importante que les hommes et elles subissent durement les conséquences de leurs choix de vie, pourtant légitimes, dans leur vie professionnelle.
C’est un peu comme si la maternité, tout de même plus souvent désirée aujourd’hui que par le passé, devenait un handicap dans une carrière professionnelle, reportant la promotion qui devrait découler de l’efficacité et de la compétence.
Confrontées à des rémunérations plus faibles, les femmes sont aussi l’objet fréquent d’expérimentations sur le temps partiel imposé, ou encore sur l’allongement, au-delà de l’âge légal de départ à la retraite, de la durée de la vie professionnelle.
Dans ce contexte, pour se prémunir d’un avenir pas nécessairement florissant eu égard au montant de leur pension, elles peuvent consacrer une partie du montant de leur compte épargne-temps à l’alimentation d’un plan d’épargne pour la retraite collectif, ou PERCO, comme le préconise notre collègue Isabelle Debré. Une fois encore, elles paient le prix de leur sous-rémunération.
Supprimer l’exonération de cotisations sociales sur les PERCO revient à dissuader l’usage de cet outil d’épargne et à proposer au contraire que, grâce aux sommes ainsi épargnées par le biais de la capitalisation, les entreprises puissent rémunérer correctement leurs salariées.
Moins de PERCO, plus de salaires et plus d’égalité salariale : tel est l’objet de l’amendement n° 831, dont les auteurs préfèrent une vraie politique salariale à une politique salariale différée. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Madame David, il est bien sûr tentant d’adhérer à la plupart de vos propos. Vous allez pourtant trop loin lorsque vous proposez d’abroger l’article L .242-4-3 du code de la sécurité sociale, qui vise l’alimentation des PERCO et le financement d’autres prestations de retraite à caractère collectif.
Comme vous le savez – je le répète dans un souci de pédagogie –, nous devons défendre notre système par répartition, qu’il est urgent de réformer.
L’épargne retraite peut constituer un complément à ce régime général, et beaucoup de nos concitoyens y recourent.
Mme Isabelle Debré. Voilà !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Abroger l’article susvisé du code de la sécurité sociale reviendrait à supprimer cette possibilité. C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 831.