M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales. Je voudrais, en préambule, rappeler tout ce qui a été dit lors de la discussion générale sur l’article 27 ter AC de façon claire et synthétique.
Cet article instaure, pour la première fois en France, un dispositif de prise en compte de la pénibilité à effets immédiats, c’est-à-dire de la pénibilité dont les effets sur l’état de santé du travailleur sont observables au moment où celui-ci décide de liquider sa retraite.
La mesure créée est à « double étage ».
Le premier permet aux assurés qui justifient d’une incapacité permanente d’au moins 20 % au titre d’une maladie professionnelle ou d’un accident du travail de partir à la retraite à soixante ans et de liquider leur pension au taux plein.
Le second ouvre la possibilité aux assurés qui justifient d’une incapacité permanente d’au moins 10 % au titre d’une maladie professionnelle ou d’un accident du travail de bénéficier de ces mêmes droits, à condition que leur dossier soit validé par une commission pluridisciplinaire territoriale.
La commission, qui salue cette avancée importante, a donc émis un avis défavorable sur tous les amendements de suppression totale ou partielle de cet article.
Elle insiste néanmoins sur l’importance du décret d’application. Celui-ci – je m’adresse plus particulièrement à Mme Escoffier – devra préciser les modalités de mise en œuvre du second étage du dispositif et veiller notamment à définir une grille de lecture identique à l’ensemble des commissions pluridisciplinaires, afin d’éviter les différences de traitement d’un territoire à l’autre.
Par ailleurs, nous sommes bien conscients qu’un tel dispositif ne peut constituer la seule réponse au problème de la pénibilité du travail. On le sait, il faudra aller beaucoup plus loin dans les années à venir.
M. Roland Courteau. Ah ça oui !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. C’est pourquoi, afin d’ouvrir dès à présent la réflexion sur la pénibilité à effets différés, la commission a chargé le comité scientifique d’évaluer les conséquences de l’exposition à des activités pénibles sur l’espérance de vie, avec ou sans incapacité des travailleurs. En outre, elle a prévu que le rapport sur l’application des dispositions relatives à la pénibilité formule des propositions en vue de prendre en compte la pénibilité à effets différés.
Tels sont les éléments qu’il était, me semble-t-il, utile de rappeler à ce stade de la discussion.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur ces amendements identiques.
Madame Escoffier, je vous précise que la grille de référence sera la grille « AT-MP ». Comme vous l’avez rappelé avec raison, plusieurs grilles existent, notamment les grilles « handicap » et « pension d’invalidité ».
Les travailleurs handicapés peuvent prendre leur retraite à 55 ans, à la condition qu’ils aient été reconnus comme tels pendant vingt-cinq ans. C’est là que réside la différence : d’un côté, le handicap permanent, de l’autre, la constatation, à un moment donné, d’une incapacité.
Peut-être faudra-t-il un jour essayer de rapprocher les différentes grilles. C’est l’objet, me semble-t-il, d’un amendement à venir. En l’espèce, nous sommes bien dans le cadre des accidents du travail et maladies professionnelles.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 365 rectifié, 434 et 1057.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 60 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 335 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 168 |
Pour l’adoption | 152 |
Contre | 183 |
Le Sénat n’a pas adopté.
L’amendement n° 1058, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Par cet amendement, nous vous proposons de supprimer l’alinéa 1 de l’article 27 ter AC.
Cet article entend modifier la section 1 du chapitre Ier du titre V du livre III du code de la sécurité sociale, section qui traite de la condition d’âge pour l’ouverture du droit à la retraite.
Monsieur le ministre, vous avez donc décidé de compléter le code de la sécurité sociale en y intégrant le nouveau mécanisme de compensation de la pénibilité.
Puisque vous prétendez créer un droit, vous feriez mieux de cesser de dire que vous apportez une compensation à la pénibilité subie, alors que, nous en convenons tous, il s’agit d’incapacité.
Nous l’avons déjà souligné, votre mécanisme est mauvais. Il retient une vision purement médicale et individuelle de la pénibilité. Nous ne pouvons que souhaiter qu’il n’entre pas dans le code de la sécurité sociale !
C’est un faux droit que vous affirmez créer.
C’est, de plus, le résultat soit d’une pirouette, soit d’une véritable erreur juridique et médicale, ce qui serait encore plus grave.
Votre mesure restera dans les annales comme un vrai rendez-vous manqué ; un de plus...
Au lieu de refuser directement toute prise en compte de la pénibilité, vous donnez l’apparence de la prendre en compte, ce qui est pire.
Pour pouvoir ne rien faire de concret, vous bottez en touche, en ne vous appuyant que sur l’incapacité et en créant un comité scientifique afin de prouver, une énième fois, que le travail pénible peut nuire à la santé, ce que nous savons tous.
C’est pourquoi nous réaffirmons, une nouvelle fois, notre opposition ferme à une telle approche de la pénibilité. Cet article confond totalement pénibilité et incapacité permanente de travail déjà avérée. Nous demandons donc la suppression de son alinéa 1.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1058.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe UMP. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 61 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 336 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l’adoption | 153 |
Contre | 183 |
Le Sénat n’a pas adopté.
L’amendement n° 1059, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jean-Claude Danglot.
M. Jean-Claude Danglot. Par cet amendement, nous vous proposons de supprimer l’alinéa 2 de l’article 27 ter AC.
Cet alinéa prévoit qu’un assuré pourra éventuellement partir plus tôt à la retraite, si, au moment où il souhaite la prendre, il est déjà atteint d’une incapacité permanente partielle de 20 %.
Comme nous l’avons déjà expliqué, nous rejetons l’approche individuelle et médicale du Gouvernement en matière de pénibilité. Cet article confond totalement pénibilité et incapacité permanente de travail déjà avérée.
Le taux d’incapacité permanente, déterminé par décret, ne prend pas du tout en compte la pénibilité et ses effets différés.
De plus, prévoir que le salarié devra être atteint d’une incapacité permanente partielle de 20 %, cela revient à limiter considérablement le dispositif, qui laissera de côté des milliers de salariés subissant pourtant un travail pénible.
Un taux d’IPP de 20 %, c’est, par exemple, un bras en moins ou un œil en moins : à ce stade, la personne est donc déjà mutilée ! Or c’est à elle, gravement marquée dans sa chair, que le Gouvernement consent de pouvoir partir plus tôt. Quel cynisme !
En permettant à cette personne de continuer de partir à 60 ans, vous lui faites prétendument un cadeau, alors qu’elle n’est plus assez productive. En d’autres termes, elle est cassée.
Mes chers collègues, nous sommes contre cette logique indécente. Nous vous demandons de voter pour notre amendement de suppression de l’alinéa 1.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1059.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que la commission et le Gouvernement ont émis un avis défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 62 :
Nombre de votants | 337 |
Nombre de suffrages exprimés | 335 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 168 |
Pour l’adoption | 153 |
Contre | 182 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 1060, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Par cet amendement, je voudrais rappeler que des formes nouvelles de pénibilité apparaissent, dues à la pression psychique sur les salariés ou au harcèlement moral, et dont les effets ne sont perceptibles qu’après coup, parfois longtemps après, comme pour l’amiante.
C’est pourquoi nous refusons votre approche individuelle et médicale en matière de pénibilité. Vous confondez totalement pénibilité et incapacité permanente de travail déjà avérée.
Vos explications, monsieur le ministre, ne m’ont pas convaincue.
La pénibilité au travail se traduit par l’usure anormale de l’organisme, du fait de l’exposition à un risque professionnel particulier.
Cette pénibilité justifie une cessation anticipée de l’activité pour permettre une restauration de l’état de santé du salarié, éviter la survenue de maladies et lui redonner les mêmes chances d’espérance de vie qu’à ses concitoyens.
Il s’agit de permettre aux salariés d’éviter de devenir malades avant l’heure. En effet, de nombreuses études sur le travail de nuit montrent, par exemple, une altération de l’espérance de vie sans incapacité.
L’incapacité, quant à elle, c’est l’évaluation de séquelles liées à la survenue de la maladie ou de l’accident professionnels. Cette incapacité permet de calculer la réparation financière donnée au salarié dont l’état de santé est définitivement altéré.
La différence est de taille !
Pour tenter de vous convaincre un peu plus, voici quelques chiffres.
Parmi les salariés, 42,8 % sont astreints à une manutention manuelle de charges, selon la définition européenne, soit 7,49 millions de travailleurs ; 7,7 % des salariés, soit 1,35 million de travailleurs, sont astreints à une manutention manuelle de charges au moins vingt heures par semaine ; 71,8 % d’entre eux sont soumis à des contraintes posturales et articulaires, soit 12,57 millions de travailleurs.
L’enquête de surveillance médicale des risques, dite enquête SUMER, de 2003 indique que 16,9 % des salariés doivent répéter dans le travail le même geste ou la même série de gestes à une cadence élevée, soit 2,95 millions de travailleurs. Ce sont encore 6,6 % des salariés, soit 1,15 million de travailleurs, qui sont astreints à ces gestes répétitifs au moins vingt heures par semaine.
Ce sont également 20 % des travailleurs qui sont astreints à un rythme atypique de travail ; plus de trois millions, soit 14,1 % des salariés français travaillent la nuit ; 31,9 % d’entre eux sont exposés à des nuisances sonores, soit 5,58 millions de travailleurs ; 12 % des salariés travaillent en contact avec des machines et des outils vibrants ; 20,7 % des salariés sont exposés à des nuisances thermiques, soit 3,61 millions de travailleurs.
Vous le voyez, monsieur le ministre, il existe déjà beaucoup d’enquêtes. Par respect pour toutes ces personnes et pour que cette réforme ne soit pas une vaste escroquerie, nous vous demandons, mes chers collègues, de voter notre amendement. (M. Guy Fischer applaudit.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 435, présenté par M. Godefroy, Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéas 4 à 8
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Bernadette Bourzai.
Mme Bernadette Bourzai. Cet amendement a pour objet la suppression des alinéas 4 à 8 de l’article 27 ter AC.
Le dispositif d’incapacité partielle permanente que vous proposez à la place d’un dispositif de prise en charge de la pénibilité est à la fois insuffisant et inadapté.
Il est inadapté parce qu’il ne prend pas en compte les pathologies à effet différé.
Les derniers chiffres connus diffusés par la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, donc par les services de votre ministère, monsieur le ministre, font état de deux pathologies majeures en nombre : les troubles musculosquelettiques, qui constituent 78 % des maladies professionnelles, et les affections causées par l’amiante, qui en représentent 15 %.
Parmi les maladies professionnelles reconnues aujourd’hui, 4 % sont des cancers. Ce pourcentage est en croissance constante. Ces affections ont pour caractéristique d’être diagnostiquées après un long délai de latence. Cela signifie qu’elles surviennent bien longtemps après le départ en retraite.
Le défaut majeur de cet article est qu’il ne prend pas en compte ces maladies dont beaucoup sont émergentes. L’examen des maladies professionnelles hors tableau, très peu nombreuses encore – seulement 112 en 2007 –, peut permettre de repérer ces risques professionnels émergents.
En effet, leur reconnaissance repose sur une expertise médicale montrant que ces maladies, assez graves pour avoir infligé à la victime un taux d’incapacité permanente allant jusqu’à 25 %, ou provoqué son décès, sont causées par le travail.
Un quart de ces nouvelles maladies professionnelles hors tableau correspondent à un cancer. Un autre quart est attribuable à des maladies du système ostéo-articulaire et des muscles, principalement des aggravations de troubles musculo-squelettiques.
La véritable prévention de la pénibilité consisterait non seulement à permettre un départ anticipé des salariés exposés, mais aussi à améliorer les conditions de travail. Il conviendrait aussi de réviser le tableau des maladies professionnelles en fonction de l’explosion de ces pathologies.
C’est une double action qu’il faudrait mener. Mais nous n’en voyons rien. Vous êtes beaucoup plus limités et beaucoup plus économes quand il s’agit des deniers des employeurs !
M. Roland Courteau. Oui !
Mme Bernadette Bourzai. Que prévoyez-vous si ce n’est une sorte de système secondaire d’invalidité, fonctionnant à la condition que le travailleur atteint puisse prouver avoir été exposé pendant un certain nombre d’années à des facteurs de risques professionnels ?
De surcroît, il faudra que l’incapacité éventuellement constatée soit en lien direct avec ces facteurs de risques professionnels.
Cela appelle deux observations.
D’une part, vous n’employez jamais le mot « pénibilité », mais les mots « risques professionnels », ce qui prouve bien que vous vous situez dans le champ des accidents du travail et des maladies professionnelles, ainsi que du financement par la branche accidents du travail et maladies professionnelles, dite branche ATMP.
Il n’y a donc aucune reconnaissance de la pénibilité.
D’autre part, il faut vraiment faire semblant de ne pas connaître les conditions d’emploi, la précarité des personnes le plus souvent atteintes par ces problèmes de santé, pour croire qu’il leur sera facile de démontrer le lien entre les emplois occupés et les lésions survenues.
M. Roland Courteau. En effet !
Mme Bernadette Bourzai. Intituler cette mesure « compensation de la pénibilité » relève donc d’un véritable marché de dupes.
C’est pourquoi nous demandons la suppression de ces alinéas.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Avis défavorable.
M. Jean Desessard. Pourquoi ?
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. La France est le pays qui reconnaît le mieux les cancers parmi les maladies professionnelles.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Formidable !
M. Éric Woerth, ministre. Notre système a cette caractéristique, tant mieux, d’ailleurs ! Dans d’autres pays, on reconnaît moins les maladies professionnelles, notamment les cancers d’origine professionnelle, dont la plupart sont d’ailleurs liés à l’amiante.
M. Gérard Longuet. Oui, nous pouvons en être fiers !
M. Éric Woerth, ministre. Notre système va déjà bien au-delà de celui d’autres pays.
Je souhaitais le préciser, parce que, bien souvent, on ne fait pas cette comparaison.
M. Gérard Longuet. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 1061, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Nous avons eu l’occasion de le dire, mais nous continuons à le réaffirmer, nous sommes, pour notre part, partisans d’une appréciation collective de la santé au travail et de la pénibilité.
Cette approche, nous la voulons inscrite en opposition à l’ensemble de votre politique sociale que vous ne voyez plus qu’au travers du prisme de l’individualisme.
Afin de satisfaire les exigences du MEDEF, qui vous demande toujours plus de liberté pour les patrons – exigences qui sont autant de contraintes pour la masse des salariés –, vous avez fait le choix de diviser les salariés, de les opposer entre eux et de supprimer progressivement mais sûrement l’ensemble des protections, des garanties et des droits collectifs.
Vous ne connaissez que trop la force du collectif et avez très bien mesuré combien les convergences de solidarités étaient la seule force des salariés. La force des salariés, qui sont chaque jour soumis au poids des contraintes économiques et sociales qui pèsent sur eux et qui subissent les conséquences du lien de subordination qui caractérise le salariat, ne réside au final que dans le collectif.
C’est la raison pour laquelle vous avez progressivement, mais avec minutie, sans en oublier aucune, supprimé les règles collectives. Et vous continuez ! Ainsi avez-vous tenté de substituer à celles-ci une fausse liberté individuelle : en réalité, le salarié, en tant qu’individu isolé, est bien moins protégé que par un droit social que vous ne cessez de réduire.
Ainsi avez-vous supprimé les horaires collectifs de travail pour les remplacer par le libre choix du salarié, comme si celui-ci était en mesure de s’opposer aux directives du patronat. Vous avez réduit la part fixe des salaires et accru les éléments individuels de rémunération, qui présentent l’avantage d’être variables et opposables aux comportements des salariés eux-mêmes.
M. Roland Courteau. Oui, c’est clair !
M. Guy Fischer. Avec cet article, vous allez encore plus loin avec l’individualisation du droit à la retraite en bonne santé. Or la santé du travailleur, évaluée notamment au regard de la pénibilité, n’est pas, contrairement à ce que vous voudriez faire croire, qu’une question individuelle. Elle est d’abord et avant tout une question de justice sociale et de santé publique.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Guy Fischer. Le drame de l’amiante devrait pourtant éclairer notre réflexion. S’il n’y avait pas eu, à l’étranger, notamment aux États-Unis, des scientifiques pour élaborer des séries statistiques de morbidité des salariés travaillant dans les mines d’amiante, personne n’aurait jamais fait de lien entre le mésothéliome pulmonaire et l’exposition prolongée à l’amiante.
Pendant que nous débattions dans cette assemblée, certains de vos amis ont clairement dit qu’ils ne voulaient pas que ces dispositions soient l’occasion d’instaurer de nouveaux régimes spéciaux. Je l’ai entendu de mes propres oreilles !
Je vois derrière cette déclaration la double volonté de limiter les dépenses sociales, mais surtout de déboucher sur un nouveau mécanisme de protection collective, notion que le Gouvernement comme le patronat exècrent.
Je ne développerai pas plus, mais voudrais citer le sociologue Pierre Bourdieu, qui a décrit mieux que moi, en 1998 déjà, les mécanismes que votre majorité ne cesse de mettre en œuvre. « Je pense », disait-il, « à ce que l’on a appelé "le retour de l’individualisme", sorte de prophétie auto-réalisatrice qui tend à détruire les fondements philosophiques du welfare state et en particulier la notion de responsabilité collective – dans l’accident de travail, la maladie ou la misère – cette conquête fondamentale de la pensée sociale – et sociologique.
Plusieurs sénateurs de l’UMP. Le temps de parole est largement dépassé !
M. Guy Fischer. « Le retour à l’individu, c’est aussi ce qui permet de "blâmer la victime", seule responsable de son malheur, et de lui prêcher le self-help, tout cela sous le couvert de la nécessité inlassablement répétée de diminuer les charges de l’entreprise. » (Manifestations d’impatience de plus en plus vives sur les travées de l’UMP.)
Et vous ne me ferez pas taire ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG. – Rires et exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Sur l’amendement n° 1061, qui propose encore une suppression, l’avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote sur l'article.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous l’avez bien compris, nous voterons contre cet article.
Je crois qu’il faut que les choses soient très claires. Dans le débat, au cas où certains ne l’auraient pas bien entendu, nous avons eu tous les éléments de votre conception de la pénibilité.
En effet, M. Revet, a reconnu qu’il existe des métiers pénibles. Dont acte ! C’est bien ce que nous disons : il y a des métiers qui sont pénibles pour tous ceux qui les exercent, pris collectivement. Cependant, après avoir donné un petit signe à certains salariés qu’il connaît…
M. Charles Revet. Je n’ai rien donné à personne !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … M. Revet est pour ainsi dire rentré dans le rang en ajoutant que cela ne signifiait pas que tous les salariés qui les exercent en sont pénalisés ou malades. Je ne me rappelle plus quelle formule il a employée,…
M. Charles Revet. Je peux vous la donner, la formule !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … mais je n’entrerai pas dans ses propres contradictions !
Il affirmait en outre qu’on ne peut pas évaluer la pénibilité pour chaque salarié. Justement ! On peut l’évaluer collectivement. Pourquoi ? D’abord parce que, comme chacun sait, il se trouve qu’il y a une certaine corrélation entre l’exercice d’un métier collectivement pénible et l’amoindrissement de l’espérance de vie.
Ensuite, parce que, comme vous en conviendrez, il faut prendre un autre facteur en considération : quand les salariés qui ont un métier pénible arrivent à 50 ans et ont le malheur d’être au chômage, ce qui se produit assez souvent, les patrons ne les embauchent pas – ce qui signifie qu’ils considèrent que ces salariés ont de grandes difficultés à exercer leur métier passé un certain âge. Je pourrais également citer les études dont nous avons parlé.
Par ailleurs, vous avez beaucoup parlé de l’avancée que constituerait une évaluation personnelle de la pénibilité. Disons tout de suite qu’il ne s’agit plus de pénibilité, mais d’invalidité ! À ce sujet, l’explication que vous nous avez donnée est tout de même extraordinaire. À propos des 20 %, ou maintenant 10 %, puisque vous avez opportunément décidé – ou, du moins, annoncé – l’abaissement de ce seuil avant le débat au Sénat, sous réserve de passer devant une commission, nous avons entendu le ministre, il me semble, nous dire la chose suivante : « Certes, les caissières ont des troubles musculo-squelettiques ; mais quelle est la part qui tient au métier de caissière ? Ces troubles peuvent aussi être dus aux paquets qu’elles portent pour elles-mêmes, lorsqu’elles font leurs courses ! »
Vu que ce sont souvent les femmes qui font la plupart des courses et qu’elles portent aussi très souvent les enfants, cela signifie que toutes les femmes ont des troubles musculo-squelettiques : les pauvres caissières des grandes surfaces auront du mal à prouver qu’elles subissent une invalidité de 10 % !
On voit bien là toute la subtilité de votre passage de la pénibilité à l’invalidité. C’est à peu près du même genre que ce que nous avons entendu ici il y a quelque temps : les accidents du travail sont de la faute des salariés, parce qu’ils ne font pas attention, ils font exprès de se mettre en danger, ils tombent de l’échelle exprès, ou je ne sais quoi encore !
Il faut qu’une chose soit claire : vous avez substitué l’invalidité à la pénibilité, et vous entendez bien, au travers de votre système, priver nombre de salariés qui exercent des métiers pénibles de la possibilité de partir à la retraite avant 62 ans, ou 67 ans à taux plein. Voilà la réalité ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour explication de vote.