M. Guy Fischer. Le Conseil d’orientation sur les conditions de travail, le COCT, créé par décret du 27 novembre 2008, est censé participer, selon les termes mêmes dudit décret, « à l’élaboration de la politique nationale en matière de protection et de promotion de la santé et de la sécurité au travail, ainsi que d’amélioration des conditions de travail ». Il a un rôle consultatif et peut formuler des recommandations et des propositions en la matière.
Il se compose d’un comité permanent assisté d’un observatoire de la pénibilité, d’une commission générale et de six commissions spécialisées.
L’observatoire de la pénibilité est chargé d’apprécier la nature des activités pénibles dans le secteur public et le secteur privé, en particulier celles qui ont une incidence sur l’espérance de vie. C’est lui qui propose au comité permanent toute mesure de nature à améliorer les conditions de travail des salariés exposés à ces activités pénibles.
À l’Assemblée nationale, comme aujourd’hui au Sénat, la commission saisie au fond a proposé de reconnaître l’existence de cet organisme et de son observatoire de la pénibilité au niveau législatif.
La formule peut paraître étrange, sauf si l’on se penche sur le fonctionnement du COCT. Que constate-t-on ? C’est le ministre du travail qui a la main, c’est lui qui préside à la fois le COCT, le comité permanent et l’observatoire de la pénibilité. Cet observatoire devait être réuni au plus tard au début de l’année 2010. L’a-t-il été ? Nous ne trouvons aucune trace de ses travaux sur le site du ministère du travail ou du COCT, qui ne font qu’un en réalité.
Rien donc sur l’observatoire de la pénibilité alors qu’il est censé « apprécier la nature des activités pénibles dans le secteur public et le secteur privé ».
Dois-je rappeler que, lors de l’installation du COCT en 2009, Brice Hortefeux l’avait présenté comme « l’un des aboutissements concrets de la politique du Président de la République : rénover la démocratie sociale et revaloriser le travail » !
Aujourd’hui, vous créez au sein du COCT un nouveau comité, cette fois scientifique. Mais encore devra-t-il être réuni lui aussi un jour…
J’avoue que la création, sur proposition du Gouvernement, d’un comité scientifique chargé « d’évaluer les conséquences de l’exposition aux activités identifiées comme pénibles par l’observatoire de la pénibilité sur l’espérance de vie avec et sans incapacité des travailleurs » donne finalement raison à notre amendement.
Comme nous le disons depuis le début de ce débat, la notion « d’espérance de vie » n’est pas le bon curseur. En effet, ce critère cache des disparités bien trop grandes. C’est la raison pour laquelle nous préférons lui substituer la notion « d’espérance de vie en bonne santé », c'est-à-dire une espérance de vie sans limitation d’activité ou sans incapacité majeure liée à des maladies chroniques, aux séquelles d’affections aiguës ou de traumatismes, ce second critère évoluant moins vite que le premier.
Voilà pourquoi nous souhaitons que ce texte prenne en compte tous les types de pénibilité, y compris ceux dont les effets sur la santé sont différés. C’est le cas des métiers exercés dans un environnement agressif et des métiers concernés par des rythmes de travail pénibles. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Madame David, je ne comprends pas votre impatience. Nous ne pouvons plus nous contenter de discours incantatoires.
Aujourd'hui, monsieur Fischer, la démocratie sociale est ce qu’elle est ! Elle a ses limites. Nous avons besoin d’un comité scientifique pour évaluer la relation possible entre les facteurs retenus en termes de pénibilité et les risques d’altération de la vie et de l’état de santé des salariés. La création de ce comité scientifique, selon moi, est un point de passage obligé pour prendre en compte la pénibilité différée.
L’adoption de l’amendement n° 877 restreindrait le champ d’étude de l’observatoire de la pénibilité aux seules activités pénibles ayant des conséquences sur l’espérance de vie en bonne santé. La commission ne peut qu’être défavorable à une telle proposition.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Monsieur le rapporteur, vous dites ne pas comprendre mon impatience. Selon vous, le comité scientifique doit être créé et doit pouvoir travailler sur les conséquences de l’exposition aux activités pénibles. Mais enfin, mes chers collègues, des scientifiques ont déjà démontré la nocivité de certaines tâches pénibles ou de certains produits !
N’avez-vous pas été alertés par ce qui s’est passé avec l’amiante ? Allez-vous laisser se reproduire de tels drames ?
Aujourd’hui, nous savons qu’il existe des travaux pénibles dans les entreprises et que l’espérance de vie en bonne santé est fonction de la catégorie socioprofessionnelle à laquelle on appartient. Et vous nous dites qu’il va falloir attendre qu’un comité scientifique étudie les conséquences de l’exposition aux activités identifiées comme pénibles par l’observatoire de la pénibilité du COCT, qui proposera ensuite des mesures !
Monsieur le ministre, combien de fois le fameux observatoire de la pénibilité du COCT s’est-il réuni? Il me semble qu’il ne s’est pas réuni souvent, pour ne pas dire jamais !
Si le comité scientifique se réunit aussi souvent que l’observatoire de la pénibilité, nous ne sommes pas près d’avoir des résultats, je vous le garantis ! En attendant, les salariés continueront à être exposés à des travaux pénibles, dangereux, à inhaler des produits nocifs qui leur provoqueront des cancers à peine arrivés à l’âge de la retraite. Je pense, dans mon département, aux salariés de la plate-forme chimique de Jarrie qui ont été atteints par l’amiante et par les produits classés CMR, cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques. Le nombre de salariés atteints de cancer et morts avant l’âge de 60 ans, monsieur le ministre, devrait vous faire réfléchir.
Mme Raymonde Le Texier. Exactement !
Mme Annie David. Vous venez de dire à M. Longuet qu’il était important pour la productivité des entreprises que les salariés soient en bonne santé. Vous devriez envisager cette question sous cet angle…
Mme Raymonde Le Texier. Ils peuvent entendre cet argument !
Mme Annie David. Tout à fait ! Puisque vous êtes sensible à l’argument de la rentabilité, sachez que la bonne santé des travailleurs participe, évidemment, à la productivité et à la rentabilité des entreprises.
Nous ne sommes pas opposés à la création du comité scientifique, mais, d’une part, nous n’en connaissons pas la composition – elle sera fixée par décret – et, d’autre part, nous ne savons pas quand il se réunira puisque l’observatoire de la pénibilité du COCT ne se réunit jamais. Sur quelles bases ce comité se réunira-t-il ? Quels problèmes étudiera-t-il ? Quelles propositions avancera-t-il ?
Nous connaissons déjà les facteurs de pénibilité. Même le MEDEF est d’accord sur certains d’entre eux, notamment pour les travaux physiques qui nécessitent le maniement de poids et de charges lourdes. Les problèmes liés à l’inhalation de certains produits sont admis, même si le MEDEF a encore du mal à les reconnaître. Le MEDEF est également à peu près d’accord sur les horaires atypiques et décalés. Dans de nombreuses entreprises, il existait des accords que toutes vos mesures vont mettre à bas. Je pense, par exemple, aux accords concernant les salariés, dans la chimie, la papeterie ou l’aluminium, qui font les trois-huit, sept jours sur sept, trois cent soixante-cinq jours par an, jours fériés compris, pour ne pas arrêter l’outil de production. C’est aussi cela la rentabilité !
Nous savons que de telles pratiques nuisent gravement à la santé des travailleurs. Quel besoin y-a-t-il encore de donner du grain à moudre à un comité de scientifiques ?
Toutes ces questions, mes chers collègues, sont réelles et légitimes. C’est pourquoi nous ne sommes pas opposés, sur le principe, à la création d’un comité scientifique. Mais à quoi servira celui-ci par rapport à tous ceux qui existent déjà, sinon à repousser encore un peu plus les mesures nécessaires pour répondre aux besoins urgents des employés en matière de prévention de la pénibilité au travail ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Madame la sénatrice, la bonne santé des personnes au travail n’est pas uniquement importante pour les entreprises. Elle est surtout importante pour les travailleurs eux-mêmes. (Plusieurs sénateurs du groupe CRC-SPG s’esclaffent.)
Mme Annie David. Je suis d’accord avec vous !
M. Éric Woerth, ministre. Vous avez tendance à penser que nous sommes uniquement intéressés par la productivité des entreprises : non, ce qui nous intéresse, c’est que les Françaises et les Français soient en bonne santé !
Mme Annie David. Passez aux actes !
M. Éric Woerth, ministre. C’est justement pour cette raison que nous créons un droit nouveau : la compensation de la pénibilité.
Le comité scientifique est différent de l’observatoire de la pénibilité. Il a pour mission opérationnelle très précise de réaliser des études épidémiologiques afin de rapprocher un facteur de risque de la population qui y est soumise et d’étudier dans quelles conditions cette population est effectivement affectée par ce risque.
Il existe, bien sûr, des études sur le travail de nuit, mais elles sont extrêmement parcellaires. Il suffit d’en discuter avec M. Lasfargues ou avec des spécialistes sur le plan international pour s’en convaincre. Le comité scientifique aura donc pour mission de guider le Gouvernement ou les gouvernements à venir dans l’élaboration des politiques visant à améliorer la prise en compte de la pénibilité,…
Mme Annie David. Ce n’est pas ce qui est écrit !
M. Éric Woerth, ministre. … notamment de la pénibilité différée.
Faute de prendre en compte ces aspects, d’établir réellement le lien entre la pénibilité et la santé ou de clarifier le facteur d’exposition, une énorme injustice se créera entre le salarié qui pourra partir plus tôt à la retraite parce qu’il aura été soumis à de la pénibilité, dans des conditions qui restent à préciser, et celui qui ne le pourra pas.
Tel est le rôle du comité scientifique. C’est un rôle très opérationnel. Évidemment, ce comité se réunira puisqu’un rendez-vous est pris en 2013 pour la remise des travaux.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Nous espérons véritablement, monsieur le ministre, que ce comité scientifique ne suivra pas les traces de l’observatoire de la pénibilité. Nous insistons sur ce point, parce que nous souhaiterions savoir quand cet observatoire a été réuni et quels ont été les résultats de ses travaux. Par ailleurs, le fait que la composition de ce nouveau comité relève d’un décret nous inquiète particulièrement.
Nous disons, quant à nous, que tous les types de pénibilité, immédiate comme différée, doivent être pris en compte dans ce texte. En la matière, la littérature scientifique ne manque d’ailleurs pas et de nombreuses études ont démontré l’existence de la pénibilité à effet différé. C’est donc tout de suite qu’il faut prendre la responsabilité de la traiter et non la renvoyer vers un énième comité, sous peine de voir cette question tomber aux oubliettes !
Le choix du critère de l’espérance de vie ne permet pas d’assurer aux salariés concernés par les métiers pénibles, notamment lorsque leurs effets sont différés, la capacité de vivre une retraite en pleine santé comme les autres salariés. Je rappelle que les femmes ont théoriquement une espérance de vie de 84 ans, mais on retombe à 64 ans pour l’espérance de vie en bonne santé ; pour les hommes, on passe de 77 ans à 63 ans ! Et vous voulez les faire travailler jusqu’à 67 ans !
Au final, vous proposez bien de renoncer au principe le plus fondamental du droit à la retraite : permettre l’épanouissement de chacun après une vie de travail. Cette exigence, nous comptons la défendre avec nos amendements. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 510 rectifié est présenté par M. Gilles, Mlle Joissains, Mme Desmarescaux et MM. P. Dominati, Cambon, Trillard, Revet et Milon.
L’amendement n° 585 est présenté par MM. About et A. Giraud, Mme Payet, M. Vanlerenberghe et les membres du groupe Union centriste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
L’observatoire de la pénibilité du Conseil d’orientation sur les conditions de travail est composé de représentants de l’État, de représentants des organisations d’employeurs les plus représentatives au plan national, de représentants des organisations syndicales de salariés représentatives au plan national interprofessionnel et de personnalités qualifiées.
La parole est à M. Charles Revet, pour défendre l’amendement n° 510 rectifié.
M. Charles Revet. Cet amendement vise à préciser la composition de l’observatoire de la pénibilité, afin de s’assurer de la représentativité de tous les employeurs et syndicats de salariés. Il tend donc à reprendre les critères de composition du Conseil d’orientation sur les conditions de travail pour définir ceux qui détermineront la composition de l’observatoire de la pénibilité créé en son sein.
M. Paul Blanc. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Nicolas About, pour présenter l’amendement n° 585.
M. Nicolas About. Cet amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 493, présenté par M. Milon, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
L’observatoire de la pénibilité du Conseil d’orientation sur les conditions de travail est composé de représentants de l’État, de représentants des organisations d’employeurs les plus représentatives au plan national, de représentants des organisations syndicales de salariés représentatives au plan national interprofessionnel et de personnalités qualifiées. Le décret mentionné à l’alinéa précédent précise la composition et les modalités d’organisation de ce comité.
Cet amendement n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Les amendements nos 510 rectifié et 585 tendent à préciser la composition de l’observatoire de la pénibilité. Ces dispositions relèvent a priori du domaine réglementaire. La commission s’en remet donc à la sagesse du Sénat.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Je souhaite simplement préciser que nous avions rectifié, avant la séance, notre amendement n° 1056 rectifié, afin qu’il porte sur l’alinéa 3 de l’article 27 ter AB actuellement en discussion.
M. le président. Effectivement, mon cher collègue, il convient de rattacher cet amendement à la discussion commune.
J’appelle donc en discussion l’amendement n° 1056 rectifié bis, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
La composition de cet observatoire de la pénibilité devra se faire selon une procédure qui garantit l’objectivité scientifique de ses travaux, la pluralité de ses membres et l’indépendance de cette structure vis-à-vis du politique. Les règles de désignation de ses membres, fixées par décret, s’inspirent de celles du Conseil d’orientation sur les conditions de travail.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cet amendement visait initialement l’alinéa 4, mais, comme M. le rapporteur a déposé un amendement pour supprimer cet alinéa, notre amendement risquait de subir un sort dramatique à nos yeux, en devenant sans objet. Nous l’avons donc rectifié avant la séance pour le rattacher à l’alinéa 3, afin qu’il soit présenté dans la discussion commune.
Cet amendement s’inspire de la même philosophie que les deux amendements identiques précédents : nous demandons, nous aussi, une clarification de la composition de l’observatoire de la pénibilité. J’ai entendu M. le ministre émettre un avis favorable sur ces deux amendements ; le nôtre ne connaîtra vraisemblablement pas le même sort, puisque nous allons un peu plus loin que nos collègues.
Nous souhaitons en effet que la composition de cet observatoire garantisse « l’objectivité scientifique de ses travaux, la pluralité de ses membres et l’indépendance de cette structure vis-à-vis du politique ».
Le mode de nomination des membres de l’observatoire devrait donc s’inspirer – pourquoi pas ? – de celui des membres du COCT. Au moins, nous pourrions être ainsi assurés du pluralisme de sa composition. Si, en plus, des scientifiques indépendants y siègent, les travailleurs dans leur ensemble ne pourront qu’être rassurés quant aux conclusions de ses travaux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 1056 rectifié bis ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. L’adoption des amendements nos 510 rectifiés et 585 devrait donner satisfaction aux auteurs de cet amendement. L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 510 rectifié et 585.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l’amendement n° 1056 rectifié bis n’a plus d’objet.
L’amendement n° 878, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Les conclusions de l’Observatoire de la pénibilité sont rendues publiques.
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.
Mme Marie-Agnès Labarre. Cet article énumère les dispositifs prévus par le texte en matière d’évaluation de la pénibilité du travail selon les secteurs. Ainsi, messieurs les ministres, vous prévoyez que le Conseil d’orientation sur les conditions de travail, dont le rôle sera de participer à l’élaboration de la politique nationale en matière de protection et de promotion de la santé et de la sécurité au travail, sera épaulé, dans sa mission, par un observatoire de la pénibilité, chargé d’apprécier la nature des activités pénibles dans le secteur public et le secteur privé, en particulier lorsqu’elles ont une incidence sur l’espérance de vie.
L’observatoire aura alors pour rôle de proposer au comité de pilotage des régimes de retraite toute disposition visant à prendre en compte la pénibilité au regard de l’âge de départ à la retraite.
L’enjeu lié à la prise en compte de la pénibilité est considérable. Année après année, des centaines de milliers d’hommes et de femmes usent leur santé au travail, vieillissent prématurément et ne bénéficient, de ce fait, que d’une retraite écourtée. Une des priorités d’une réforme juste devrait être l’éradication de ces situations. Or la France est en retard dans ce domaine, parce que l’on a refusé de mettre en place un système de réparation digne de ce nom.
Malheureusement, les mesures que vous proposez ne feront qu’empirer la situation. En faisant de la constatation d’un handicap la condition d’accès au dispositif, le projet gouvernemental actuel ne répond donc pas au problème posé.
En effet, les salariés qui ont dû supporter des dizaines d’années de travaux pénibles ne sont pas, dans la majorité des cas, des malades ou des handicapés, mais des personnes dont l’espérance de vie est écourtée du fait des contraintes de travail subies.
Si le dispositif prévu par cet article met en place un système d’évaluation de la pénibilité par secteur, il semble toutefois trop faible pour répondre au problème de politique publique posé.
D’une part, la composition du comité scientifique de cet organisme sera fixée par décret, ce qui relativise grandement sa nécessaire neutralité ainsi que sa représentativité. D’autre part, et c’est là l’objet de notre amendement, les conclusions et recommandations de l’observatoire de la pénibilité ne sont soumises à aucune condition de publicité et donc, de fait, très peu contraignantes. Il nous paraît donc essentiel de modifier cet article afin de rendre obligatoire la publicité des travaux de l’observatoire de la pénibilité, si l’on veut qu’elles aient une utilité réelle.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Rendre publiques les conclusions de l’observatoire de la pénibilité me semble être une précision utile. La commission a donc rendu un avis de sagesse favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
L’amendement n° 1207, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Je propose une suppression de l’alinéa 4. En effet, la commission a réécrit le titre IV en le divisant en trois chapitres respectivement relatifs à la prévention de la pénibilité, à la compensation de celle-ci et aux dispositions communes. La suppression de cette disposition précède sa réinsertion à un autre niveau du texte.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 662, présenté par M. Vasselle, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé:
Sur la base des travaux du comité scientifique chargé d’évaluer les conséquences de l’exposition aux facteurs de pénibilité, le conseil d’orientation sur les conditions de travail présente au Gouvernement, avant la fin du deuxième semestre 2013, des recommandations sur les situations de pénibilité à effets différés à prendre en considération et pour lesquelles il préconise l’extension du dispositif de compensation prévu par l’article L. 4121-3-1 du code du travail.
Cet amendement n’est pas soutenu.
Je mets aux voix l’article 27 ter AB, modifié.
(L’article 27 ter AB est adopté.)
Chapitre II
Compensation de la pénibilité
[Division et intitulé nouveaux]
Article 27 ter AC (nouveau)
La section 1 du chapitre Ier du titre V du livre III du code de la sécurité sociale est complétée par un article L. 351-1-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 351-1-4. – I. – La condition d’âge prévue au premier alinéa de l’article L. 351-1 est abaissée, dans des conditions fixées par décret, pour les assurés qui justifient d’une incapacité permanente au sens de l’article L. 434-2 au moins égale à un taux déterminé par décret, lorsque cette incapacité est reconnue au titre d’une maladie professionnelle mentionnée à l’article L. 461-1 ou au titre d’un accident de travail mentionné à l’article L. 411-1 et ayant entraîné des lésions identiques à celles indemnisées au titre d’une maladie professionnelle.
« II. – La pension de retraite liquidée en application du présent article est calculée au taux plein même si l’assuré ne justifie pas de la durée requise d’assurance ou de périodes équivalentes dans le régime général et un ou plusieurs autres régimes obligatoires.
« III. – Les I et II sont également applicables à l’assuré justifiant d’une incapacité permanente d’un taux inférieur à celui mentionné au I, sous réserve :
« a) Que le taux d’incapacité permanente de l’assuré soit au moins égal à un taux déterminé par décret ;
« b) Que l’assuré ait été exposé, pendant un nombre d’années déterminé par décret, à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels mentionnés à l’article L. 4121-3-1 du code du travail ;
« c) Qu’il puisse être établi que l’incapacité permanente dont est atteint l’assuré soit directement liée à l’exposition à ces facteurs de risques professionnels.
« Une commission pluridisciplinaire dont l’avis s’impose à l’organisme débiteur de la pension de retraite est chargée de valider les modes de preuve apportés par l’assuré et d’apprécier l’effectivité du lien entre l’incapacité permanente et l’exposition aux facteurs de risques professionnels. La composition, le fonctionnement et le ressort territorial de cette commission ainsi que les éléments du dossier au vu desquels elle rend son avis sont fixés par décret. »
M. le président. La parole est à M. Jacky Le Menn, sur l’article.
M. Jacky Le Menn. Cet article soulève des difficultés de compréhension et d’application dans les domaines d’ouverture de droits concernés. Il présente aussi une intrication avec un dispositif déjà existant : cela aura pour conséquence une inégalité de traitement des assurés sociaux et des coûts pour l’ensemble du système de retraite par répartition.
S’agissant des difficultés de compréhension et d’application dans les domaines d’ouverture de droits concernés, le dispositif de cet article vise les incapacités reconnues « au titre d’une maladie professionnelle mentionnée à l’article L. 461-1 du code de la sécurité sociale ou au titre d’un accident du travail mentionné à l’article L. 411-1 et ayant entraîné des lésions identiques à celles indemnisées au titre d’une maladie professionnelle. »
Dans le cadre des maladies professionnelles listées, certaines peuvent faire référence à des lésions que l’on peut voir reconnaître au titre d’un accident de travail et non d’une maladie professionnelle selon le contexte de survenue.
Cependant, il est à noter que la reconnaissance en maladie professionnelle ne vise pas que les maladies listées. Certaines affections ou lésions peuvent être reconnues en maladies professionnelles, dès lors qu’elles sont stabilisées et que le taux d’incapacité est supérieur à 25 %, comme le prévoit l’alinéa 3 de l’article L. 461-1 du code de la sécurité sociale.
Ce dernier dispositif de reconnaissance est dynamique, sans cesse en voie de construction et d’extension au gré des demandes de reconnaissance instruites par les comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles. Dans ce contexte élargi, tous les types de lésions peuvent faire l’objet de reconnaissance, ce qui soulèvera des difficultés lors de l’application du texte sur la réforme des retraites.
J’en viens à l’intrication avec un dispositif déjà en place. En effet, l’article L. 351-7 du code de la sécurité sociale ouvre déjà la possibilité de bénéficier d’une retraite dès 60 ans avec application du taux plein, malgré l’absence du nombre requis de trimestres ; l’avis sur inaptitude alors relève du médecin conseil. L’appréciation s’effectue en tenant compte de l’ensemble des incapacités lésionnelles, quelle que soit leur origine légale : droit commun, accident de travail, maladies professionnelles, maladies, etc.
Le fait de laisser subsister deux dispositifs visant des taux d’incapacité différents et des critères de reconnaissance différents pour une même finalité, celle de l’inaptitude au travail, posera donc un problème de cohérence.
Tout cela n’est pas sans conséquence en termes d’iniquité de traitement des assurés sociaux.
La coexistence de deux systèmes de reconnaissance d’une même prestation selon des critères différents sera source d’iniquité.
Le maintien d’un seul système visant à reconnaître le droit à la retraite par inaptitude dès lors que des lésions atteignant un taux d’incapacité seraient obtenues uniquement dans le cadre d’une maladie professionnelle serait également inéquitable pour les assurés porteurs de ces mêmes lésions mais apparues dans un cadre différent, accident de droit commun ou simple maladie.
Il paraît également inéquitable d’exclure du dispositif des lésions de tous types n’entrant pas dans le cadre des maladies professionnelles mais relevant de celui des accidents du travail et atteignant des incapacités de même niveau.
L’ensemble de ce constat pourrait faire l’objet d’une saisine du Conseil constitutionnel.
En conclusion – je vous prie de m’excuser pour la technicité de mon intervention –, le nouveau dispositif de retraite par inaptitude que vous nous proposez, monsieur le ministre, nous paraît inachevé, redondant, inéquitable et coûteux.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. le président. La parole est à M. David Assouline, sur l’article.