M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le secrétaire d’État, puisque vous voulez qu’on se comprenne, je vous soumets une interrogation. Elle porte sur votre façon de calculer le 60 % de la cotisation employeur.
Mme Marie-France Beaufils. Lorsqu’on parle de la cotisation employeur dans le secteur privé, on parle de sa cotisation mensuelle sur le salaire du salarié. Là, vous prenez la part prise en charge par l’État pour la totalité des pensions à payer sur l’année.
Nous n’avons pas le même mode de calcul. Je fais du mensuel, vous faites du global. En mathématiques, ce n’est pas la même chose. Vous faites un global général : nous ne sommes pas sur les mêmes modes de calcul.
Faites-moi le calcul sur le salaire mensuel du salarié. Moi, qui ai été détachée de l’éducation nationale et qui ai payé ma cotisation employeur pendant tout le temps de mon détachement, je sais que ce n’est pas du 60 % !
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Mes chers collègues, à ce stade du débat, je voudrais intervenir pour vous dire mon inquiétude.
Le Sénat est un lieu de débat où la parole est traditionnellement respectée.
Mais que devient cette image de raison et de sagesse quand les débats trainent en longueur sans rien apporter de vraiment neuf sur le fond de chaque argument ?
M. Guy Fischer. C’est votre point de vue !
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Beaucoup d’entre vous se sont déjà, aux détours d’une prise de parole, de la défense d’un amendement ou d’une explication de vote, exprimés sur une grande partie du texte bien au-delà des vingt articles déjà adoptés. Je rappelle qu’il y en a 121 !
Notre travail se délite et perd toute saveur et consistance comme un pastis qu’on arrose indéfiniment jusqu’à le noyer. Remarquez, je n’ai jamais bu de pastis, mais j’imagine qu’il puisse, à force, n’avoir plus aucun goût. (Sourires.)
Je ne pense pas que les mêmes arguments développés dix fois soient plus convaincants qu’un bon argument exposé clairement une seule fois. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
Nous avons déjà siégé plus de 68 heures dans l’hémicycle et 17 heures en commission sans compter le temps consacré aux auditions.
Je vois bien que la fatigue qui nous gagne nous amène à des réactions parfois vives, totalement disproportionnées avec leur objet.
J’ai évoqué le sujet avec le président Larcher et lui ai demandé de me soutenir dans cet appel à la raison et à la sagesse que nos concitoyens attendent de leurs sénateurs.
Mes chers collègues, je souhaite avoir été entendue et que nos débats puissent se poursuivre à un rythme plus soutenu et plus conforme à la dignité et au sérieux que le sujet de la réforme des retraites exige. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. L'amendement n° 782, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.
Mme Marie-Agnès Labarre. Cet amendement porte sur la méthodologie suivie pour aboutir, à l’horizon de 2018, à la mise en œuvre du dispositif d’allongement de carrières prévu par l’article 8.
Nous avons d’ores et déjà indiqué à quel point nous étions opposés à ce processus, et ce par le pur parallélisme des formes qui veut que nous étions opposés au contenu de l’article 5 , comme de l’article 6 , qui ont allongé la peine des salariés du privé, en faisant payer aux salariés le prix de la notation accordée à la dette publique française par les agences de notation !
Avouez tout de même, mes chers collègues, qu’un tel degré de soumission aux marchés financiers constitue, d’une certaine manière, une défaite du politique devant la finance ! Une défaite qui met à mal le discours volontariste de la France au moment de la crise financière de l’été et de l’automne 2008 et augure mal de ce que pourra changer la présidence française du G20.
Pour en revenir à la question posée par cet article, j’indique que le rapport pour avis de la commission des finances indique que les catégories de fonctionnaires concernés par la faculté de partir en retraite de manière anticipée ont une espérance de vie globalement identique de celle des autres fonctionnaires. Il précise même : « Or ces avantages résultent principalement de situations historiques. Les conditions de travail de ces professions ont, pour certaines, fortement évolué depuis grâce aux progrès des normes de protection, à l’amélioration des équipements individuels et collectifs ou encore aux modifications de l’organisation du travail. À cet égard, selon les données du ministère du travail, l’espérance de vie des catégories actives est identique à celle des autres fonctionnaires ».
Mais faute d’éléments plus précis – aucune étude précise n’est expressément citée pour étayer cette thèse –, il apporte toutefois une précaution utile : « C’est pourquoi votre rapporteur pour avis souhaite que le débat sur la pénibilité qui, après la présente réforme, sera prise en compte dans le calcul des droits à la retraite des salariés du secteur privé, soit également l’occasion, du côté de la fonction publique, de procéder à un réexamen complet des actuelles catégories actives. Pour chacune d’elles, il conviendrait d’évaluer précisément l’impact sur l’espérance de vie de certains facteurs d’exposition auxquels ces agents peuvent être confrontés pendant leur période d’activité. »
Avant que de nous dire véritablement pourquoi tout cela est mené, il est précisé : « Afin de disposer d’un ordre de grandeur global des économies à attendre d’une révision des catégories actives de la fonction publique, votre rapporteur pour avis a demandé au ministère du travail de simuler les effets résultant de la fermeture dès 2011 de la possibilité de partir en retraite avant 60 ans en catégorie active. La mesure atteindrait son plein effet en 2015 et représenterait une économie globale de 1,2 milliard d’euros. Un réexamen au cas par cas serait bien évidemment nécessaire et réduirait d’autant les économies à attendre de cette mesure. »
Dans ce cadre, la démarche mise en œuvre par le Gouvernement permettrait, dans les faits, par exemple, de couvrir avec cette récupération le surcoût actuel du Fonds spécial de pensions des ouvriers des établissements industriels de l’ État ou une bonne part du décalage actuel de la prise en charge de la retraite des personnels militaires. C’est bien pour refuser cette perspective que nous ne pouvons que vous inviter à adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Monsieur le président, la commission émet un avis défavorable dans la mesure où il s’agit encore d’une suppression, en l'occurrence du dernier alinéa de l’article.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 899, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
.... - Cet article n'est pas applicable aux sapeurs pompiers professionnels dont la dangerosité du métier est reconnue à l'article 67 de la loi n° 2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Avec cet amendement, je voudrais revenir sur la situation des pompiers. Permettez-moi de rappeler les termes de l’un des articles de la loi du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile, déposée à l’époque par M. Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales : « La présente loi reconnaît le caractère dangereux du métier et des missions exercés par les sapeurs-pompiers ».
Permettez-moi de citer également quelques mots extraits de l’exposé des motifs de ce texte : « le caractère dangereux des missions des sapeurs-pompiers justifie une reconnaissance de la Nation envers tous ceux, professionnels et volontaires, civils et militaires, qui se dévouent pour porter secours à leurs concitoyens ».
Chacune, chacun en convient : les sapeurs-pompiers sont particulièrement exposés au danger dans le cadre de leurs missions.
Ils sont aussi, au-delà des dangers qu’ils encourent, confrontés en permanence à l’urgence de situations souvent difficiles. Ils se trouvent sans cesse face à des responsabilités importantes puisque leurs actions ont des conséquences sur la vie de personnes en danger.
Ils pallient d’ailleurs bien souvent la casse du service public de santé, une casse que vous organisez, monsieur le secrétaire d’État, puisque vous et votre Gouvernement considérez la santé, à l’instar de la retraite, comme un marché à offrir au privé.
J’ai souvenir que, lors du débat sur le projet de loi de modernisation de la sécurité civile, un vibrant hommage leur avait été rendu ici-même, dans cet hémicycle. Toutes et tous, dans une belle unanimité, avions alors salué leur compétence, leur courage et leur dévouement.
Cependant, nos collègues de la majorité semblent l’avoir oublié, puisqu’ils n’ont aujourd’hui aucun état d’âme à prolonger la durée de la carrière des sapeurs-pompiers ni aucun égard pour les difficultés et les dangers auxquels ces derniers doivent faire face dans leurs missions quotidiennes.
Pour notre part, nous considérons qu’il serait inacceptable de refuser de prendre en considération la dangerosité de leurs missions, pourtant inscrite dans la loi présentée par M. Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’intérieur.
C’est pourquoi cet amendement a pour objet de maintenir le droit au départ à la retraite dès 55 ans pour les sapeurs-pompiers. Malgré les explications que vous avez bien voulu nous donner tout à l’heure, monsieur le secrétaire d’État, il me semble tout de même que la situation de ces derniers, qui est bien particulière, mériterait d’être mieux prise en compte dans ce projet de loi. Je rappelle que l’on déplore chaque année des morts dans leurs rangs ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat applaudit.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission émet un avis défavorable, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Bernard Vera, pour explication de vote.
M. Bernard Vera. Monsieur le secrétaire d’État, même dans les rangs de la majorité, certains parlementaires s’interrogent sur le bien-fondé de la remise en cause du droit à la retraite à 55 ans pour les sapeurs-pompiers.
À l’Assemblée nationale, Etienne Pinte n’a-t-il pas rappelé qu’il serait juste de « concrétiser la reconnaissance de la Nation vis-à-vis d’une profession particulièrement exposée au danger, comme l’a reconnu à l’article 67 la loi du 13 août 2004 » ?
Les pompiers bénéficient déjà d’un système dérogatoire. Ils partent à 55 ans, mais ils financent eux-mêmes ce départ anticipé par une surcotisation versée tout au long de leur carrière. Pourquoi refuser, à tout le moins, de maintenir ce système ?
De plus, remettre en question la retraite à 55 ans pour cette profession ne manquera pas de poser des problèmes de sécurité pour les intervenants comme pour les usagers du service public qui les sollicitent.
Tout sapeur-pompier, volontaire ou professionnel, est amené à exercer plusieurs fois au cours de sa carrière des missions dangereuses.
L’exposé des motifs de la loi du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile rappelait d’ailleurs les « comportements héroïques » et les « accidents », et notait en outre : « Il convient de ne pas oublier les vingt-cinq sapeurs-pompiers qui ont perdu la vie en 2002 et les quatorze décédés en service en 2003. »
D’ailleurs, il n’est hélas pas besoin de remonter si loin. Chaque année connaît son lot de pompiers morts en service, l’année 2010 comme les autres.
Mme Annie David. Eh oui !
M. Bernard Vera. La représentation nationale doit s’en faire l’écho en confirmant son attachement à la prise en compte de la situation particulière des sapeurs-pompiers. Dans ce métier, toute défaillance physique ou nerveuse peut mettre en danger le sauveteur, ses équipiers ou les personnes secourues.
Il est évident que, dans ces conditions, accroître le nombre d’années de travail pour ceux qui exercent cette profession est évidemment une bien mauvaise solution. Où est ici la reconnaissance de la Nation pour leur dévouement ? Doit-elle se contenter de paroles et se passer d’actes concrets ?
Il est vrai que, déjà en 2004, il avait fallu la mobilisation de plusieurs milliers de sapeurs-pompiers pour obtenir enfin que cette reconnaissance légitime soit inscrite dans la loi.
C’est pourquoi, mes chers collègues, nous vous appelons à maintenir le droit à la retraite à 55 ans pour les pompiers en adoptant cet amendement.
Mme Marie-France Beaufils. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote.
M. Jacques Muller. Monsieur le secrétaire d’État, contrairement à ce que vous affirmiez voilà quelques instants, la difficulté du métier de sapeur-pompier tient non pas à la pénibilité, mais à la pression psychologique et à la dangerosité des situations auxquelles sont exposés ces personnels.
En effet, ils exercent un métier particulièrement contraignant sur le plan psychologique ; ils sont constamment sous pression, avec des horaires aléatoires, et doivent se tenir prêts à intervenir de nuit comme de jour.
Ils ne font pas qu’éteindre des incendies ; ils interviennent dans tous les domaines de la sécurité qui concernent nos concitoyens. Ce stress permanent doit être pris en compte, et ce d’autant plus que des vies humaines sont en jeu.
L’autre aspect de ce métier, c’est qu’il présente des risques évidents. Les interventions exposent les sauveteurs au danger. En témoignent les accidents dont sont victimes les sapeurs-pompiers et qui ont pour conséquence que, au final, l’espérance de vie de ces corps de fonctionnaires est inférieure à la moyenne.
Enfin, je voudrais souligner le paradoxe suivant : le projet de loi en discussion prévoit le recul de l’âge de la retraite des personnels concernés, alors que ces derniers souhaitent que la dangerosité de leur profession soit reconnue.
Il existe bien la loi du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile, qui reconnaît le caractère dangereux du métier. Mais ce texte n’a eu qu’une portée symbolique. La preuve en est que, depuis plusieurs semaines, les corps de sapeurs-pompiers concernés sont en grève tous les mercredis, pour que la loi, tout simplement, soit appliquée et prise en compte. (Murmures sur les travées de l’UMP.)
Je n’ai pas l’habitude d’interrompre les autres. C’est le minimum de la courtoisie. Il me semble que Mme la présidente nous a appelés à un peu plus de sérénité. Monsieur le président, il n’est pas acceptable de se faire interrompre !
M. Alain Gournac. Un peu de calme !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Et nous, que devrions-nous dire, alors ?
M. le président. Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. Jacques Muller. Monsieur le secrétaire d’État, je vous invite à regarder la réalité en face : les sapeurs-pompiers aujourd’hui connaissent un vrai malaise ; en témoignent les mouvements sociaux qui portent sur la reconnaissance effective de la dangerosité de leur métier.
Vous comprendrez que, dans ce contexte, je voterai cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote.
M. Claude Domeizel. L’explication de vote vaudra pour l’article 8. Monsieur le président, soyez rassuré, je serai très bref.
Je souhaiterais dire à M. le secrétaire d’État, afin qu’il dorme en toute quiétude, que nous sommes d’accord sur trois points.
Premièrement, l’espérance de vie des infirmières est identique à celle des femmes en général.
Deuxièmement, il faut nuancer cette affirmation, car, dans le personnel hospitalier, beaucoup de femmes ayant trois enfants bénéficient de la retraite après quinze années de service.
Troisièmement, il est vrai que des infirmières qui ont la possibilité de partir à la retraite dans ces conditions vont dans le privé ou s’installent en libéral.
Cependant, monsieur le secrétaire d’État, pourquoi croyez-vous qu’elles quittent la fonction publique alors qu’elles aiment leur métier ? Elles préfèrent s’en aller tout simplement pour trouver un emploi beaucoup plus souple, temporaire, à mi-temps, qui sera moins pénible. Si elles quittent la fonction publique, c’est donc parce que leur travail dans la fonction publique est pénible.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 899.
J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.
Je rappelle que la commission et le Gouvernement ont émis un avis défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 33 :
Nombre de votants | 337 |
Nombre de suffrages exprimés | 335 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 168 |
Pour l’adoption | 152 |
Contre | 183 |
Le Sénat n'a pas adopté.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
8
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au vendredi 15 octobre 2010 à neuf heures trente, à quatorze heures trente, le soir et, éventuellement, la nuit :
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites (n° 713, 2009-2010).
Rapport de M. Dominique Leclerc, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 733, 2009-2010).
Texte de la commission (n° 734, 2009-2010).
Avis de M. Jean-Jacques Jégou, fait au nom de la commission des finances (n° 727, 2009-2010).
Rapport d’information de Mme Jacqueline Panis, fait au nom de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes (n° 721, 2009-2010).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à minuit.)
Le Directeur adjoint
du service du compte rendu intégral,
FRANÇOISE WIART