Mme Françoise Laborde. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.
M. Hervé Maurey. La plupart des membres du groupe de l’Union centriste voteront l’article 6. Nous ne le ferons pas de gaieté de cœur,…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ne vous faites pas trop mal ! (Sourires sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. Hervé Maurey. … mais nous le ferons parce que nous considérons que nous n’avons pas d’autre choix si nous voulons sauver notre régime de retraite par répartition.
Pour sauver ce régime, il faut en effet porter l’âge légal de départ à la retraite de 60 ans à 62 ans et relever de 65 ans à 67 ans la borne d’âge permettant de bénéficier d’une retraite sans décote.
Tout en adhérant aux propos de Mme Morin-Desailly, j’observe que nous avons obtenu des avancées. De ce point de vue, notre groupe a pleinement joué son rôle. L’amendement du Gouvernement visant à accorder l’annulation de la décote à 65 ans pour les parents d’enfants handicapés a été modifié par un sous-amendement de M. About. L’amendement du Gouvernement concernant les femmes reprend un amendement que nous avions nous-mêmes déposé.
Cela démontre, et je m’en réjouis, que les centristes sont souvent écoutés. À en croire ce que l’on peut lire dans la presse, ils le seront sans doute encore davantage dans un avenir proche, concernant la suppression du bouclier fiscal et de l’ISF… Mais c’est une autre affaire ! (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées de l’UMP.)
Nous avons adopté une attitude responsable. Nous estimons qu’il est de notre devoir de sauver le régime par répartition, ce qui nous impose de prendre certaines décisions difficiles, que nous ne prenons certes pas de gaieté de cœur, je le répète.
Je rappelle que la plupart des pays européens nous ont devancés en reportant l’âge légal de départ à la retraite, en général bien au-delà du seuil que nous avons fixé.
L’article 6 est un premier pas sur la voie de l’amélioration de notre système. Il faudra poursuivre ce travail. Nous souhaitons que soit mieux prise en compte la pénibilité, qu’il convient de distinguer de l’incapacité et de l’invalidité ; nous veillerons à ce toute confusion soit évitée sur ce sujet.
Nous voulons également que l’on s’oriente vers une retraite par points.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Tiens donc !
M. Hervé Maurey. C’est sans doute la seule manière d’avoir un régime de retraite plus équitable, plus transparent et plus souple.
Aujourd’hui, nous faisons une réforme dans l’urgence, pour parer aux déficits que nous connaissons. Mais nous devons d’ores et déjà préparer la réforme suivante qui, selon nous, devrait mettre en place un régime de retraite par points.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bonjour les dégâts !
M. Hervé Maurey. Tels sont les éléments qu’il me paraissait important de souligner.
Je regrette, je le dis sans esprit polémique et avec une grande sérénité, que l’opposition ait fait preuve d’une démagogie et d’une irresponsabilité extraordinaires. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP. – Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Bariza Khiari. Où est la démagogie ?
M. Hervé Maurey. J’ai été stupéfait et affligé d’entendre les responsables du parti socialiste nous expliquer qu’ils rétabliraient la retraite à 60 ans si d’aventure ils revenaient aux affaires. (Rires et exclamations sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
Il est vraiment scandaleux de se moquer ainsi de nos concitoyens.
M. Alain Gournac. Et ils font pis encore !
M. Hervé Maurey. Pas plus que vous n’avez, dans le passé, remis en cause des réformes que nous avions le courage de mettre en œuvre, vous ne reviendrez demain sur celle-ci.
La seule chose que vous ayez su faire dans le passé en matière de retraite, c’est de « pondre » des livres blancs : écrire, c’est bien, mais agir, c’est mieux ! Et c’est ce que nous, ce gouvernement et sa majorité, nous nous efforçons de faire.
Au début de la discussion, le président du groupe socialiste avait dit qu’il n’y aurait pas de tentative d’obstruction. Or c’est bien ce à quoi nous assistons depuis une semaine puisque le Sénat n’a même pas réussi à adopter deux articles. Vous avez usé de tous les artifices de procédure pour retarder le débat, y compris la motion référendaire, pourtant issue d’une révision constitutionnelle que vous avez combattue. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.) Dois-je ajouter que vous vous étiez, dans un passé plus lointain, opposé au général de Gaulle qui souhaitait organiser un référendum sur des sujets d’une autre importance ? (Mêmes mouvements sur les mêmes travées.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Alain Gournac. Il va être brillant !
M. Jean Desessard. Non, je n’aurai pas mon brio habituel, car je suis accablé. (Rires.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il y a de quoi !
M. Jean Desessard. Monsieur le centriste qui venez de parler du bouclier fiscal, vous n’êtes pas le seul à pouvoir dire que vous allez être entendu par le Gouvernement. Nous pourrions, nous aussi, dire que nous allons l’être puisque nous sommes contre le bouclier fiscal depuis sa création ! Et je rappelle que, si les centristes ne l’avaient pas adopté ici, au Sénat, il n’existerait pas ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) C’était à ce moment-là qu’il fallait vous y opposer !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Absolument !
M. Jean Desessard. Qui vous dit que, en votant cet article, vous ne commettez pas encore une grave erreur que vous regretterez plus tard ? Peut-être serez-vous les premiers à la regretter à droite ! Alors, mieux vaudrait ne pas voter le présent projet de loi.
Monsieur Virapoullé, entendez-vous, dans l’île de la Réunion, la souffrance des gens ?
M. Jean-Paul Virapoullé. Bien sûr !
M. Jean Desessard. Entendez-vous la souffrance de ces gens qui en ont marre, qui se demandent s’ils parviendront à payer leur logement, à trouver un travail ; entendez-vous la souffrance de ces jeunes qui ne trouvent pas d’emploi ? Croyez-vous que ces gens-là vont accepter éternellement de subir tout ce qu’on leur fait endurer alors que, par ailleurs, des banques réalisent des profits considérables, que des patrons partent avec des retraites dorées, et que les inégalités s’accroissent ?
Oui, il y a une souffrance sociale ! Oui, il y aura des explosions sociales ! Je ne sais pas quelle forme elles prendront, mais l’on peut craindre que ne se produisent les incidents que vous avez évoqués.
À qui incombe la responsabilité de cette situation ? Tout d’abord, à la précarité ; ensuite, à vous et à vous seuls !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Eh oui !
M. Jean Desessard. Vous refusez le dialogue social. Pour se faire entendre, les syndicats, qui sont opposés à votre réforme, vont encore se mobiliser demain.
Un débat de société aurait permis aux Français de s’exprimer, de donner leur avis. Or, que s’est-il passé ? Vous avez refusé le référendum qui était pourtant une occasion de répondre à des questions majeures :…
M. Robert del Picchia. Démago !
M. Jean Desessard. … quels modes de financement retenir ? Qui va payer ? À quel âge doit-on partir ?
Vous nous reprochez de nous opposer à votre projet Mais nous en avons tout de même le droit !
D’ailleurs, je suis très surpris que le sous-amendement de Mme Panis ait fait l’objet d’un scrutin public. Les sénateurs présents en séance publique discutent des amendements et sous-amendements, mais au moment du vote, un parti, en l’occurrence l’UMP, peut déposer un paquet de cartes dans une urne et s’opposer à un sous-amendement qui émane pourtant de son propre groupe. C’est tout de même un peu fort ! Quand pourrons-nous avoir un avis individuel ? Tout est bloqué, verrouillé par les présidents de groupe, par Matignon et par l’Élysée !
M. Alain Gournac. Ce n’est pas vrai !
M. Jean Desessard. Ce n’est pas cela, la démocratie. Le Sénat, et à travers lui le Parlement, ne joue pas son rôle, car le vote, ainsi verrouillé, est antidémocratique.
M. Alain Gournac. Ce n’est pas vrai !
M. Jean Desessard. C’est formidable ! Depuis une semaine, nous avons l’impression que c’est la droite qui défend les acquis sociaux. (C’est vrai ! sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. Jean-Louis Carrère. Non, c’est nous !
M. Jean Desessard. Mais qui a obtenu les congés payés et les avantages sociaux ? C’est la mobilisation ouvrière ! Évidemment, cela s’est fait contre les représentants de la droite et contre le patronat.
Mme Annie David. Qui n’a pas de représentativité !
M. Jean Desessard. Ce que l’on peut regretter, c’est qu’au XXIe siècle, dans ce pays, on en soit encore à refuser le dialogue social, que les salariés doivent se mobiliser, faire grève, perdre des journées de travail pour obtenir un minimum de garanties sociales.
Monsieur le ministre, vous avez déclaré que les jeunes allaient payer pour les anciens. Mais vous n’avez pas répondu à une question, pourtant essentielle : pourquoi ne pas faire travailler les jeunes qui voudraient bien cotiser dès aujourd’hui, mais qui ne le peuvent pas parce qu’ils sont au chômage ?
M. Marc Daunis. Et voilà !
M. Jean Desessard. Non seulement cela ferait rentrer des cotisations supplémentaires, mais cela permettrait aux anciens de partir plus tôt !
Vous soutenez que la seule solution est de travailler plus. Mais qui doit travailler plus ? Il n’est pas du tout sûr que les seniors trouvent du travail. En revanche, ce dont nous sommes sûrs, c’est qu’il y a, en France, un chômage de masse alors que beaucoup de personnes voudraient travailler.
J’aurais encore bien des choses à dire, mais je vais devoir m’arrêter, faute de temps. Avant de conclure, je tiens à remercier le groupe CRC-SPG de nous avoir montré, avec ses amendements, que certaines professions allaient beaucoup souffrir du passage de la retraite à 62 ans, du report de l’annulation de la décote à 67 ans. Ils nous ont décrit les travaux pénibles qui existent dans notre société. Tous les gens qui font ces travaux-là, monsieur Virapoullé, ils souffrent. Ils n’ont pas envie de travailler deux ans de plus, dans de mauvaises conditions, avec des petits salaires, sans horizon positif à la fin de leur carrière. (M. Guy Fischer applaudit.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Leur horizon, c’est le chômage !
M. Jean Desessard. Les articles 5 et 6 du présent projet de loi sont antisociaux, antiécologiques et antidémocratiques. C’est la raison pour laquelle les sénatrices et sénateurs Verts voteront contre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Chers collègues de la majorité sénatoriale, quelle société êtes-vous en train de nous construire au nom du bon sens et de l’arithmétique ?
M. Robert del Picchia. Notre société, vous êtes en train de la détruire !
M. Pierre-Yves Collombat. Vous raisonnez avec un faux bon sens, en vous fondant sur une arithmétique qui, si j’ai bien compris, ne connaît que deux opérations, l’addition et la soustraction, mais ignore la multiplication et la division. Par multiplication, j’entends la politique économique et par division, la justice.
Quelle société nous construisez-vous alors que, depuis la Libération, la productivité du travail a littéralement explosé, progressant de 150 % à 200 %, sauf erreur de ma part. C’est d’ailleurs ce qui a permis une réduction du temps de travail, aussi bien en termes de durée hebdomadaire que de temps de carrière.
Vous imposez aux Français de travailler plus longtemps alors que, au nom de la compétitivité, les seniors et beaucoup de femmes sont expulsés du marché de l’emploi.
En matière de retraite, la réflexion devrait s’appuyer non pas sur l’arithmétique, mais sur l’économie. Le cœur du problème, c’est votre politique économique qui organise systématiquement le sous-emploi et la sous-activité.
M. Jean-Jacques Mirassou. Eh oui !
M. Pierre-Yves Collombat. D’un côté, vous nous invitez à travailler plus longtemps ; de l’autre, vous laissez littéralement exploser le chômage, au nom, une fois encore, de l’arithmétique, de l’équilibre des comptes, au nom de nos enfants qui sont, à l’avenir, censés payer nos dettes… Mais c’est aujourd’hui que nous devons les payer, nos dettes ! Dans la société que vous organisez pour nos enfants, je ne sais pas de quelle retraite ils pourront bénéficier.
Quel est le fond du débat ? Le Président de la République l’a lui-même indiqué : il faut donner des gages aux marchés. Et pourquoi cela ? Parce que nous finançons notre déficit budgétaire et notre économie en recourant aux marchés et non plus par les moyens dont on disposait avant ces magnifiques réformes néolibérales, et comme cela se fait au Royaume-Uni et dans tous les pays qui ont une banque centrale habilitée à battre monnaie.
Dans la mesure où nous nous sommes mis dans les mains des marchés financiers, il faut bien leur donner des gages. Pour autant, vous le savez parfaitement, cette réforme ne réglera strictement rien, même du point de vue arithmétique, et il faudra recommencer. Mais qu’importe ! Entre-temps, on aura donné des gages aux marchés, donc on pourra continuer à emprunter, à faire semblant de mener une politique positive pour la France.
M. Alain Gournac. C’est intéressant !
M. Pierre-Yves Collombat. Ce n’est pas moins intéressant que ce que vous racontez ! (Rires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Alain Gournac. Vous n’étiez même pas là pendant le débat !
M. Pierre-Yves Collombat. Mais je suis là pour sa conclusion !
Mme la présidente. Poursuivez votre explication de vote, monsieur Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. M. Gournac n’aime pas qu’on le contrarie !
Mme la présidente. Ne vous laissez pas impressionner !
M. Pierre-Yves Collombat. Oh, ce n’est pas lui qui va m’impressionner, madame la présidente !
Vous nous dites que nous sommes nostalgiques du passé. Mais comment pourrait-on aspirer à l’avenir que vous nous préparez ? Souffrez que nous n’en voulions pas, de cet avenir-là !
M. Christian Cambon. C’est la réforme que les socialistes ont faite partout où ils sont au pouvoir en Europe !
M. Pierre-Yves Collombat. Vous nous dites que, si les socialistes revenaient au pouvoir, ils ne changeraient rien à ce que vous faites aujourd'hui, comme ils n’ont rien changé par le passé à ce que vous aviez fait avant.
M. Alain Gournac. Jamais !
M. Pierre-Yves Collombat. Personnellement, c’est vrai, j’ai constaté que nous n’y avions pas changé grand-chose. (Sourires.) Mais le moment est peut-être venu, précisément, de rompre avec cette politique économique qui nous mène dans le mur et qui organise le purgatoire éternel. (Protestations sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
Nos camarades de l’Union centriste… (Rires et exclamations amusées sur les mêmes travées.) J’utilise ce terme parce que je les aime bien ! Je pensais en particulier à Hervé Maurey. (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Louis Carrère. Je croyais qu’il s’agissait du camarade Dassault ! (Nouveaux sourires sur les mêmes travées.)
M. Pierre-Yves Collombat. Il défend ses opinions, ce qui est son droit.
M. Alain Gournac. Chez nous, on parle de compagnons ! (Mêmes mouvements.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous en prie !
M. Pierre-Yves Collombat. Hervé Maurey nous a dit que les centristes allaient voter ce texte la mort dans l’âme. Cela m’a rappelé ce mot d’un gaulliste historique, le général de Larminat, dont j’apprécie les Chroniques irrévérencieuses : « La mort dans l’âme, c’est encore là que la mort fait le moins mal ». (Rires.)
C’est donc la mort dans l’âme que notre collègue Hervé Maurey votera ce texte, comme il l’a fait pour le bouclier fiscal, et comme il le fera probablement à l’occasion de la réforme des collectivités territoriales. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je veux exprimer à mon tour tout le mal que je pense de cet article 6, lequel, combiné à l’article 5, constitue le cœur de cette réforme que nous contestons.
J’aimerais vous redire notre colère face à ce recul de deux ans de l’âge auquel on peut prétendre à un départ à la retraite sans décote. Et vous savez pertinemment, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, quelles seront les principales victimes de cette augmentation.
Ce seront d’abord les femmes. À ce titre, je regrette beaucoup que l’amendement présenté au nom de la délégation aux droits des femmes n’ait pu être adopté.
Ce seront aussi les travailleurs précaires, et notamment les travailleurs seniors qui se retrouveront sans emploi jusqu’à l’âge de la retraite à taux plein et seront de ce fait pénalisés davantage.
Bref, les victimes des articles 5 et 6 seront ces travailleurs que nous avons essayé de défendre dans cet hémicycle tout au long du débat.
J’aimerais redire notre colère face à la surdité que vous avez opposée à des millions de femmes et d’hommes, mais aussi de jeunes. Nous n’avons d’ailleurs pas besoin d’inciter ceux-ci à manifester, comme certains membres de la majorité l’ont affirmé : les jeunes sont suffisamment intelligents et informés pour savoir qu’ils paieront un lourd tribut à cette réforme. Ils savent aussi que vous ne faites pas cette réforme pour eux, mais bien pour vos amis financiers – oui, monsieur Virapoullé ! – et pour l’ensemble des amis du Gouvernement !
J’aimerais vous redire la colère que nous inspire la casse de cet acquis social de la retraite à 60 ans, obtenu de haute lutte par nos aînés. Ces derniers s’étaient réjouis de cette avancée sociale, non pas tant pour eux-mêmes, parce que eux connaissaient le prix à payer pour avoir droit à une retraite, que pour leurs enfants et petits-enfants. Je me souviens qu’alors ils nous ont dit : « Tant mieux pour vous ! À 60 ans, vous pourrez enfin jouir d’une retraite en étant encore en pleine santé. »
Je souhaite vous redire encore notre colère face à votre refus, monsieur le ministre, de mettre en débat le volet financier de cette réforme, car vous n’avez jamais voulu l’aborder. (M. Jean-Louis Carrère applaudit.)
M. Marc Daunis. Voilà !
Mme Annie David. Alors même que vous ne cessez d’insister sur l’importance qui s’attache à l’équilibre financier de cette réforme, il manquera au bas mot 4 milliards d’euros en 2018 : c’est ce qui ressort de vos propos mêmes et de ceux de la présidente de la CNAV.
Vous avez catégoriquement refusé d’ouvrir le débat sur ce sujet et tout autant refusé d’envisager une autre répartition des richesses.
Nous sommes en colère, enfin, face à un manque flagrant de démocratie et de dialogue avec les partenaires sociaux. Vous avez fait mine de les rencontrer, mais vous avez spécifié d’emblée que vous n’accepteriez pas de discuter les points qui constituent le cœur de votre réforme : le recul de l’âge de départ légal à 62 ans, la retraite à taux plein à 67 ans et la durée de cotisation.
Ce manque de démocratie est tout à fait déplorable. Je vous renvoie sur ce point au débat qui s’est tenu, ici même, mardi dernier, sur le dialogue social dans les très petites entreprises. Le prochain texte sur le dialogue social, dont notre collègue Alain Gournac sera peut-être le rapporteur, portera sur la représentativité patronale : on pourra alors mesurer la réelle représentativité du MEDEF dans notre pays, certainement inférieure à ce qu’il pèse aujourd'hui dans les décisions.
Globalement, c’est face à tout ce mépris que nous sommes en colère. Mais nous avons bien compris que le véritable enjeu de cette réforme, pour vous, c’étaient les 230 milliards d’euros d’« or gris » qui échappent à toute contribution au titre de la solidarité et que vos amis veulent placer n’importe où ailleurs que dans les pensions de retraite de nos salariés.
Pour toutes ces raisons, nous voterons résolument contre cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – M. Jacques Mézard applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Panis, pour explication de vote.
Mme Jacqueline Panis. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous voici arrivés, au terme de très longs débats, au moment de nous prononcer sur cet article par un vote très attendu par les Français.
Monsieur le ministre, j’ai salué à plusieurs reprises les avancées qui ont été réalisées. Cependant, je suis déçue qu’elles n’aient pas été plus importantes. De ce fait, en cohérence avec mes votes précédents, je m’abstiendrai sur l’article 6. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Françoise Laborde applaudit également.)
M. Jean-Louis Carrère. C’est respectable !
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Cartron, pour explication de vote.
Mme Françoise Cartron. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je ne doute malheureusement pas que, dans quelques instants, va être adopté un article prévoyant le recul de l’âge du départ en retraite pour un très grand nombre de nos concitoyens. Je ne suis pas sûre que ce vote soit très attendu : je crois plutôt qu’il est très redouté.
Il est très redouté par tous ces salariés qui devront travailler plus pour, peut-être, profiter moins de leur retraite. Ils seront en effet usés par les tâches que leur imposent des métiers difficiles, et qui les exposent bien souvent à des dangers ou à des souffrances. Ces citoyens-là, qui aspirent à une retraite bien méritée, ne pourront plus, après le vote de cette réforme, jouir de ce temps de repos auquel ils aspirent après une vie de labeur intense.
Ce vote est très redouté, aussi, par les nombreuses femmes qui se verront pénalisées par votre réforme. Vous nous dites que cela est lié à leur situation dans le monde du travail, caractérisée par de nombreuses injustices. Serait-ce donc parce que ces femmes subissent le temps partiel, parce qu’elles perçoivent des salaires plus maigres et se retrouvent seules pour élever des enfants dans conditions difficiles, que, l’heure de la retraite venue, elles devraient se voir infliger une double peine ? Notre société ne se doit-elle pas d’introduire un peu plus de justice envers ceux qui, tout au long de leur carrière, ont souffert et peiné pour enrichir notre pays ?
Vous prétendez qu’une majorité de Français vous soutient. Je pense au contraire qu’une majorité de travailleurs et de travailleuses, de citoyens et de citoyennes, lorsqu’ils apprendront, ce soir ou demain matin, que l’âge de la retraite est désormais relevé, exprimeront leur colère dans la rue parce qu’ils n’auront pas été entendus. Dans cette France qui produit tant de richesses mais qui, dans le même temps, génère tant d’inégalités, où l’on exhibe l’argent facile avec tant d’indécence, les femmes, les travailleurs pauvres, les salariés effectuant des travaux pénibles sauront que leur avenir promet d’être encore plus difficile et leur sort, encore plus injuste.
Pour toutes ces raisons, je ne voterai pas ce texte.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Je tiens à dire quelques mots à l’issue de ce débat extrêmement riche. Oui, riche, car, même si des sénateurs et des sénatrices ont déclaré qu’ils n’avaient pas eu droit à un véritable débat, je suis persuadé du contraire. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n’est pas un débat !
Mme Annie David. Vous êtes le seul à parler !
M. Éric Woerth, ministre. Nous sommes dans cet hémicycle depuis dix heures du matin et nous avons discuté de ce seul article pendant près de douze heures ! Nous discutons de cette réforme depuis le mois d’avril dernier avec les syndicats, et la position du Gouvernement a changé et évolué au fur et à mesure des discussions. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Vous pouvez vous offusquer, mais vous n’avez pas fait la moindre réforme des retraites ! Vous n’avez aucune expérience dans ce domaine ! (Mêmes mouvements sur les mêmes travées.)
Mme Christiane Demontès. Ça suffit, ce refrain !
M. David Assouline. Allez-y, continuez à nous attaquer !
M. Éric Woerth, ministre. Vous avez toujours essayé d’éviter ce sujet parce que vous n’avez pas le courage de vous y atteler ! Telle est la réalité ! Nous avons donc, nous, établi un dialogue sur les retraites comme il n’y en avait jamais eu auparavant. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.) Et ce dialogue continue au Sénat.
Dans la vie politique, mesdames, messieurs les sénateurs de gauche, on n’est pas uniquement là pour faire des choses faciles. C’est d’ailleurs pour cela que certains préfèrent ne rien faire. (Vives protestations sur les mêmes travées.)
M. David Assouline. Vous tournez en rond !
M. Éric Woerth, ministre. Lorsque l’on est obligé d’affronter des situations difficiles, on n’a pas d’autre choix que d’y répondre. Mais on n’a pas toujours l’agrément de la population. Bien sûr, c’est compliqué de dire aux Français qu’ils vont devoir travailler plus longtemps ! Ça n’est pas électoraliste, comme position ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.) C’est plus difficile que d’annoncer des réformes des retraites financées par la fiscalité, en expliquant : « Ne vous inquiétez pas, c’est votre voisin qui va payer, qui va voir sa pension diminuer, mais vous, vous ne serez pas touché ! »
M. David Assouline. Non ! Ce sont ceux qui ont les moyens !
Mme Christiane Demontès. C’est bien ce que vous faites !
M. Éric Woerth, ministre. … mais il est plus difficile d’en demander à l’ensemble d’une population ! (Brouhaha sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.) C’est cette dernière solution que nous avons choisie, parce que nous sommes à la hauteur de ce débat !
Je connais deux personnes, à gauche, qui sont à la hauteur de ce débat. Il y a M. Strauss-Kahn, d’abord, qui a dit sur le plateau de France 2 qu’il ne pouvait pas y avoir de réforme des retraites sans relèvement de l’âge de la retraite.
M. Jean-Louis Carrère. C’est votre idole ?
M. David Assouline. La ficelle est un peu grosse !
M. Jean-Louis Carrère. Il ne vous envoie pas ses amitiés !
M. Éric Woerth, ministre. Moi, je ne cherche pas l’amitié de tel ou tel, je souhaite faire avancer le débat sur le fond !
Interrogé hier sur la question de savoir s’il fallait faire cette réforme des retraites M. Rocard a répondu : « Mais absolument ! Je désapprouve tous ceux qui considèrent que l’on ne peut pas toucher à l’âge de la retraite. » (Vifs applaudissements sur les travées de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. David Assouline. Un argument sur le fond, s’il vous plaît, monsieur le ministre !