M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Nous sommes d’accord avec Mme Borvo Cohen-Seat sur un point : oui, depuis 1945, le monde a changé. L’idéologie à laquelle elle se réfère depuis des années s’est effondrée, comme le modèle économique du même nom.
M. René-Pierre Signé. Anticommunisme primaire !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bravo ! Votre interprétation de 1945 est édifiante !
M. Philippe Dallier. Chère collègue, je ne prendrai pas de leçons de la gauche car si cette époque a vu s’accomplir de grandes choses, au sein même de cet hémicycle, sous l’égide du général de Gaulle, ce n’est pas la seule gauche qui a fait avancer la France dans le domaine social ; vous devriez vous en souvenir...
Je tiens à relever un point intéressant de l’intervention du président Bel. Il semble que nous soyons parvenus à un tournant du débat, puisque nous sommes tous d’accord pour faire une réforme. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Louis Carrère. Nous le disons depuis longtemps !
M. Philippe Dallier. C’est ce que j’ai retenu des propos de M. Bel.
Cette réforme est nécessaire, car notre système de retraite par répartition est en danger.
Mme Catherine Tasca. Il faut la négocier !
M. Philippe Dallier. Certes, nous divergeons sur la manière de procéder. Nous considérons, pour notre part, qu’il faut reculer l’âge de départ à la retraite et trouver des financements complémentaires.
Vous avez dit, monsieur Carrère, que cette réforme était déséquilibrée et loin d’être financée. Or elle est équilibrée à l’horizon 2018 ! (C’est faux ! sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. Guy Fischer. Il manque 4 milliards !
M. Robert del Picchia. Vous n’en savez rien !
M. Philippe Dallier. D’ici là, nous devons effectivement trouver 60 milliards d’euros.
Vous, vous dites, aujourd’hui aux Français : « On ne touche pas aux mesures d’âge, nous pouvons trouver les financements ailleurs ». Je n’ai pas le sentiment que, dans l’opinion publique, tout le monde ait bien compris cela.
C’est là où vous pourriez peut-être faire œuvre de pédagogie parce que beaucoup de nos concitoyens pensent encore, se fondant sur les débats, tel qu’ils ressortent de nos enceintes, qu’effectivement il y a, d’un côté, le Gouvernement qui prône la réforme, et, de l’autre, ceux qui disent qu’il ne faut toucher à rien.
Certes, le débat avance, mais j’aimerais que, les uns ou les autres, animés de bonne volonté, nous contribuions un peu plus à faire comprendre à nos concitoyens qu’il faut effectivement faire une réforme. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes d’accord pour reconnaître la nécessité d’un débat sur le financement, et ce débat aura lieu lors de l’examen du PLF et du PLFSS ; nous avons prévu des financements nouveaux. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est maintenant qu’il faut en débattre, avant de décider le passage à 65 ans !
M. Éric Woerth, ministre. Nous avons apporté à peu près 4,2 milliards d’euros de financement avec les mesures nouvelles que nous avons prises. Il y a donc bien des mesures de financement, mais il faut aussi des mesures d’âge tendant à repousser l’âge légal de la retraite.
M. Jean-Louis Carrère. C’est votre analyse !
M. Éric Woerth, ministre. Quoi que vous disiez, lorsque l’on veut modifier, changer, faire évoluer un système de retraite parce qu’il ne fonctionne plus, comme c’est le cas dans beaucoup d’autres pays, il faut aussi, à un moment donné, avoir un peu de courage, juste un peu de courage, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition.
Mme Annie David. Du courage pour les autres, pour ceux qui travaillent dur !
M. Éric Woerth, ministre. Il est sûr et certain que l’opinion publique préfère que l’on ne touche pas à l’âge de la retraite. En même temps, il est dans l’intérêt des Français qu’à un moment donné on élève de façon responsable et raisonnable l’âge de la retraite. Tous les autres pays l’ont fait et donc nous devons le faire. Il faut juste un peu de courage.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le courage de décider pour les plus modestes !
M. Éric Woerth, ministre. C’est sûr que ce courage n’est pas partagé sur tous les rangs. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Nous, nous avons le courage de le faire, même si c’est difficile.
J’ai apprécié ce que M. Sueur a dit sur les travailleurs et l’entreprise, car c’est une évolution idéologique digne d’être signalée ! Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, on vous entend trop souvent taper sur l’entreprise pour ne pas être un peu étonné quand vous dites que « les travailleurs et l’entreprise, c’est la même chose ». Je suis assez d’accord, les gens qui travaillent dans les entreprises et les entrepreneurs, c’est un peu la même chose.
Mme Annie David. Et les retraites chapeaux, c’est pour tout le monde ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La retraite d’un employé de Carrefour, c’est cent mille euros par an ?
M. Éric Woerth, ministre. S’il n’y a plus d’entreprise, il n’y a plus d’emploi. C’est aussi simple que cela. Diaboliser les entreprises, comme vous le faites systématiquement, considérer que, dans l’économie, l’entreprise, c’est le diable, l’horreur absolue, cela ne correspond pas tout à fait à notre façon de voir. Nous pensons, évidemment, que les bonnes entreprises font les beaux emplois.
C’est donc une évolution idéologique que je salue ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
Reste que, jusqu’à présent, vous ne nous avez toujours pas dit, en ce qui concerne le financement, ce que fait le monde du travail, entreprises et salariés.
Vous avez toujours soutenu que les salariés, les travailleurs, « supportaient » 85 % du financement.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est bien ça !
M. Éric Woerth, ministre. Je vous ai déjà dit que ce n’était pas exact, que nombre de mesures sont supportées par les ménages aisés, au travers des revenus du capital.
Mme Annie David. Vous oubliez le bouclier fiscal !
M. Éric Woerth, ministre. Beaucoup de mesures sont supportées par les entreprises elles-mêmes et non par les salariés.
J’ai tenté de vous montrer que les salariés au sens large du terme, donc y compris les commerçants et les artisans, sont au cœur du financement d’un régime par répartition. Il faut bien l’admettre.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est faux !
M. Éric Woerth, ministre. Ce régime a été créé comme cela, et c’est probablement sa force. Nous appelons à de la fiscalité nouvelle pour financer des mesures supplémentaires dans le domaine de la solidarité. Ce sont les 30 milliards dont je parlais. La répartition, ce n’est pas la fiscalisation ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 1185.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 1186.
M. Guy Fischer. Nous voulions présenter le sous-amendement n° 1186, monsieur le président. Certes, la commission et le Gouvernement ont émis un avis défavorable, mais nous sommes dans l’impossibilité d’expliciter nos propositions financières. Nous y reviendrons très régulièrement, car, aujourd’hui, le problème du financement, qui est au cœur du débat, on vient de le voir, montre bien que la réalité est totalement différente de ce qu’en dit le Gouvernement. Il s’agit bien de faire supporter cette réforme par le plus grand nombre, c’est-à-dire les retraités, les salariés, les chômeurs, les femmes, qui connaissent des difficultés grandissantes.
Ce n’est pas d’hier que la fiscalité a été utilisée pour financer les régimes de retraite. Sans vouloir rappeler à nos collègues de la majorité sénatoriale qu’ils seront amenés très prochainement à débattre et sans doute à soutenir un projet de budget contenant des mesures d’augmentation des impôts destinées à financer en partie la réforme des retraites, on peut en effet remonter dans le temps pour faire apparaître cette antériorité de la fiscalisation des prestations sociales. Vous venez de dire que vous n’êtes pas pour la fiscalisation, monsieur le ministre, pourtant, c’est ce qui se prépare !
Ainsi, par exemple, une fois constatée la non-adhésion des agriculteurs au régime général des salariés pour la sécurité sociale, il a bien fallu trouver autre chose, et le principal outil qui fut utilisé pour alimenter le régime agricole fut celui de la fiscalité : une fiscalité dédiée, d’une part, et une part grandissante soit dit en passant, au fil de la chute continue de la part du financement du régime supportée directement par les agriculteurs eux-mêmes, et une fiscalité indirectement attribuée au même régime par versement d’une subvention d’équilibre tirée du budget du ministère de l’agriculture.
Il est même arrivé - j’en prends à témoin ceux qui ont quelques années de mandat parlementaire, et ils sont relativement nombreux ici - que l’on vote des budgets de l’agriculture où la subvention au budget annexe des prestations sociales agricoles, devenu depuis le FFIPSA, était le premier poste des crédits du ministère et où le BAPSA lui-même obéissait à la règle des trois tiers : un tiers de subvention d’équilibre, un tiers de fiscalité dédiée et le reste réparti entre concours de la compensation inter-régimes et contribution propre des assurés eux-mêmes. Ce sont autant de manifestations du régime général vers la solidarité, notamment pour les agriculteurs.
On pourrait revenir aussi sur l’ISF pour agir sur l’élément le plus dynamique des bases fiscales existant dans notre pays, je parle du patrimoine des plus riches dont le nombre ne cesse d’augmenter et dont la richesse ne cesse de croître, crise financière ou pas.
Nous aurons certainement l’occasion d’y revenir, l’accroissement des inégalités en termes de répartition de la richesse est le cœur de nos préoccupations sur cette réforme. Il est là, le problème !
Nous sommes face à un enjeu politique : celui du financement pérenne et durable des retraites. Et cet enjeu s’accompagne d’un défi de court terme, que nous devons relever sous peine de mettre en péril notre régime de retraite solidaire, je veux parler du déficit de trésorerie.
S’y ajoutent les problèmes des bas salaires et du chômage, qui ne font pas que des malheureux. Cela nourrit la rémunération du capital et favorise le gonflement du patrimoine. Il est donc légitime que l’on augmente l’ISF, dont la base constitue une image imparfaite.
La majorité laisse penser que nous irons à la suppression du bouclier fiscal à condition que l’on supprime l’ISF. Sur ce point aussi, il y aura des débats très intéressants, auxquels nous ne manquerons pas de participer.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je pense que le journal Libération a eu raison de titrer ce matin : « Les bobards faussent le débat ».
Monsieur le ministre, dans votre dernière intervention, vous vous êtes étonné des propos que j’ai tenus sur l’entreprise, car vous aviez compris que nous étions contre l’entreprise. Mais enfin, monsieur le ministre, nous sommes pour l’entreprise ! (Protestations sur les travées de l’UMP.) Nous sommes pour qu’il y ait plus d’entreprises dans ce pays et nous disons cela depuis des décennies ! Nous voulons même que davantage de nos concitoyens puissent créer des entreprises, les développer, les faire prospérer pour qu’elles exportent et pour que nous puissions lutter contre la désindustrialisation que nous connaissons aujourd’hui.
Merci de ne pas nous renvoyer des caricatures, de surcroît complètement archaïques, qui n’ont strictement aucun rapport avec ce que nous pensons et avec ce que notre parti, en particulier, développe depuis très longtemps. Vous le savez très bien, et cela ne grandit absolument pas le débat.
Nous vous le redisons, quand les entreprises paient des cotisations pour la sécurité sociale ou pour les retraites, ces cotisations sont payées avec le fruit du travail de tous ceux qui travaillent dans ces entreprises. C’est donc la contribution du monde du travail au financement. Et il n’est pas besoin de nous renvoyer des positions caricaturales auxquelles nous n’avons jamais adhéré – en tout cas, moi je n’y ai jamais adhéré.
Je suis en total désaccord avec ceux qui sont contre l’entreprise. Nous voulons beaucoup d’entreprises, mais nous voulons qu’elles fonctionnent autrement, que les revenus soient répartis autrement. Nous voulons une autre politique industrielle. Certes, nous voulons que les droits de chacune et de chacun soient respectés dans l’entreprise, et nous l’avons montré, mais nous sommes pour l’entreprise. Alors, oui, merci de ne pas nous renvoyer ces archaïsmes ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 1186.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 1198.
Mme Nicole Bricq. Chers collègues de la majorité, si vous prenez la peine de le lire, vous verrez que c’est un sous-amendement de repli certainement, mais surtout de compromis entre votre proposition et la nôtre. Donc, ne venez pas parler d’obstruction. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Je n’ai pas l’impression que cela vous convainc…
Mais, monsieur le ministre, si vraiment vous aviez voulu, comme vous le prétendez, sauver le système par répartition, il eût fallu l’annoncer dès le programme du candidat Président, parce que le sujet était d’importance, reconnaissez-le, et une fois le candidat élu lancer une grande négociation avec les partenaires sociaux. À la fin du cycle des négociations, la loi eût sanctionné, positivement ou négativement, ces discussions. Ce n’est pas le choix que vous avez fait.
Par ailleurs, vous avez trop souvent mis en avant les déficits causés par la crise financière et économique pour que l’on vous croie quand vous vous dites le sauveur du système par répartition.
Quant à l’argument rabâché qui tient, d’après vous, à l’absence de projet du parti socialiste, permettez-moi de vous dire qu’il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre ! Le président Bel vient encore à l’instant de vous résumer notre projet dans ses grandes lignes.
Il aurait été intéressant que vous le critiquiez, que vous contestiez tel ou tel passage, comme nous le faisons pour votre projet de loi quand nous vous disons qu’il n’est pas durable, puisqu’un nouveau rendez-vous est déjà prévu, et qu’en plus il n’est pas financé totalement.
Il y a un autre argument que vous utilisez, monsieur le ministre, depuis une semaine. Vous posant en Superman de la répartition, vous prétendez que finalement, par irresponsabilité, la gauche ne voudrait pas sauver le système par répartition. (M. Nicolas About s’exclame.)
Vous aurez beaucoup de mal, monsieur le président About, à en convaincre l’opinion, si j’ai bien entendu ce qu’elle réclame quand elle est dans la rue ou quand elle est au travail.
M. Jean-Louis Carrère. Votre nez s’allonge tel celui de Pinocchio !
Mme Nicole Bricq. Finalement, à vous entendre, la gauche serait pour la capitalisation ! Je rappelle tout de même que l’une des premières décisions du gouvernement de Lionel Jospin a été de demander l’abrogation de la loi Thomas, qui introduisait les fonds de pension en France. Par conséquent, vous aurez du mal à faire croire à l’opinion que la gauche serait favorable à la retraite par capitalisation ! Non, monsieur le ministre, vous n’êtes pas le sauveur de la retraite par répartition ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 1198.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 1187.
Mme Annie David. Je voudrais, à ce moment, exposer l’une des mesures contenues dans notre proposition de loi garantissant le financement du droit à la retraite à 60 ans.
M. le ministre nous le disait voilà un instant, le financement d’un système par répartition s’appuie sur la perception de cotisations sociales. Or notre proposition de loi comporte précisément des mesures propres à accroître cette ressource, notamment en supprimant les exonérations de cotisations sociales aujourd’hui consenties aux entreprises, dont le coût pour l’État, et donc pour notre protection sociale, atteint quelque 30 milliards d’euros par an.
Pour notre part, nous souhaitons établir un lien étroit entre le travail et le financement des retraites. En effet, si la sécurité sociale, au-delà du seul système de retraite, est aujourd’hui confrontée à un déficit de cotisations, c’est à cause de votre politique systématique d’exonérations et en raison d’un manque criant de cotisants. Sur ce point, vous invoquez sans cesse un problème démographique, monsieur le ministre, mais nous observons surtout que de plus en plus d’entreprises délocalisent leur production, même quand elle est destinée à notre pays.
Pour satisfaire le MEDEF, qui exige toujours plus de flexibilité, vous et vos amis n’avez eu de cesse d’amoindrir les protections collectives, de faciliter les licenciements et le recours aux contrats atypiques, lesquels, dans certaines entreprises ou secteurs d’activités, sont devenus la norme. Nous préconisons donc une majoration de 10 % des cotisations sociales assises sur la masse salariale des entreprises qui emploient dans une mesure excessive des salariés temporaires, par le biais de CDD ou de contrats d’intérim.
Monsieur le ministre, vous nous disiez tout à l’heure que nous avions une drôle de vision des entreprises. Nous souhaitons simplement qu’elles participent à hauteur de ce qu’elles gagnent au financement de notre protection sociale. En réalité, malgré vos dénégations, la part de la valeur ajoutée affectée à la rémunération du travail, c'est-à-dire aux cotisations sociales et aux salaires, a été réduite de près de 10 %, au profit de la rémunération du capital.
Nous sommes bien conscients que sans entreprises, il n’y a pas d’emplois, mais, à l’inverse, sans salariés, les entreprises ne feraient pas de bénéfices ! On peut reprocher aux entreprises leur manque de responsabilité sociale. C’est un grand sujet, dont l’un de vos prédécesseurs, M. Xavier Bertrand, nous avait abondamment parlé, nous promettant un texte de loi qui aurait prévu, pour les entreprises, certaines obligations en la matière. En effet, si, aujourd’hui, les entreprises se targuent volontiers d’assumer leur responsabilité environnementale, elles ne mettent pas autant d’ardeur à faire preuve de responsabilité sociale au bénéfice de leurs salariés, qui sont souvent sous-payés et mal reconnus.
Pour avoir participé à la mission d’information sur le mal-être au travail, je peux vous garantir que les conditions de travail dans nos entreprises sont parfois dramatiques. Selon moi, la responsabilité sociale devrait faire l’objet d’un accord national interprofessionnel, qui pourrait être décliné dans un projet de loi. Cela permettrait d’améliorer les conditions de travail des salariés.
Notre proposition de loi garantissant le financement du droit à la retraite à 60 ans visait à accroître les recettes de notre système de retraite par répartition. Malheureusement, nous n’avons pas pu la présenter et faire valoir nos arguments ; je ne peux que le regretter, et je vous invite, mes chers collègues, à prendre connaissance de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 1187.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 1190.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. M. Longuet a déclaré que, selon lui, le Parlement ne disposait plus de marge de manœuvre sur ce texte. Cette affirmation n’a pas de quoi réjouir les parlementaires que nous sommes !
Mme Christiane Demontès. Circulez, il n’y a rien à voir !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Sans doute attendez-vous, chers collègues de la majorité, une annonce du Président de la République, mais en tout cas vous ne servez donc à rien ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.) Pour notre part, nous poursuivons le débat, n’en déplaise à M. Longuet.
Accomplissant notre mission de parlementaires, nous proposons au Sénat d’adopter le présent sous-amendement, qui vise à interdire l’attribution de stock-options.
Cette pratique aujourd’hui répandue, permettant aux entreprises de gratifier, parfois dans une mesure très importante, leurs principaux dirigeants, constitue en réalité purement et simplement une méthode de contournement de la législation sociale. Si elle était intégrée au salaire, cette forme de rémunération serait soumise à cotisations sociales, ce qui rapporterait, selon la Cour des comptes, plusieurs milliards d’euros.
Qu’est-ce qu’une attribution de stock-options ? C’est la possibilité, accordée à une minorité de salariés, d’acheter une action à un prix donné, quel que soit son cours. Prenons l’exemple d’un P-DG qui bénéficie de stock-options à 20 euros l’une. Si le cours de l’action est de 50 euros, il peut « exercer son option », c’est-à-dire acheter des actions au prix de 20 euros, puis empocher une plus-value de 30 euros pour chacune d’entre elles en les revendant immédiatement. Certes, depuis trois ans, la législation sociale a évolué, mais ces éléments de rémunération continuent à se voir appliquer un taux de cotisation différent de celui qui vaut pour les salaires. Ce système permet donc d’éviter de payer l’intégralité des cotisations sociales.
M. Jean-Louis Carrère. Pour les amis, c’est la défiscalisation !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Absolument !
En outre, cette pratique est toxique pour l’économie, car le bénéficiaire de stock-options a tout loisir de revendre bien plus cher, parfois dans la même journée, les actions qu’il a achetées à vil prix : ce mécanisme contribue à nourrir une bulle financière déconnectée de la réalité économique et pervertit la relation entre les dirigeants et leur entreprise. En effet, les P-DG se soucient moins de l’intérêt à long terme de celle-ci que de leurs propres intérêts particuliers de court terme. Une telle situation nuit aux investissements et aux salaires, bref à la bonne marche des entreprises.
M. Jean-Louis Carrère. Voilà !
M. Jacky Le Menn. Très bien ! Très pertinent !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Qui défend l’entreprise ? Pas ceux qui détournent l’argent pour leur profit personnel ! C’est une drôle de façon de motiver les cadres dirigeants que de dissocier ainsi leurs intérêts de ceux de l’entreprise !
Pour améliorer le financement du système de retraite par répartition, il faut mettre fin au développement de tels éléments de rémunération au détriment des salaires et, par suite, des cotisations. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 1190.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 1199.
Mme Christiane Demontès. Pour que les choses soient bien claires, je rappelle que la commission s’en remet à la sagesse du Sénat sur ce sous-amendement de repli par rapport aux positions que nous défendons s’agissant de l’amendement n° 1182 du Gouvernement.
Monsieur le ministre, deux des conditions que vous posez pour le maintien de la retraite à taux plein à 65 ans au bénéfice des assurés nés entre le 1er juillet 1951 et le 31 décembre 1955 et ayant eu au moins trois enfants suscitent notre inquiétude.
Tout d’abord, les personnes concernées doivent avoir interrompu ou réduit leur activité professionnelle après la naissance ou l’adoption d’au moins un de leurs enfants, pour se consacrer à l’éducation de ce ou de ces enfants. Cette condition vise à écarter du dispositif les personnes ayant eu ou adopté leurs enfants alors qu’elles n’exerçaient pas d’activité professionnelle, soit parce qu’elles étaient très jeunes, soit parce qu’elles étaient au chômage.
Ensuite, les personnes concernées doivent avoir validé, avant cette interruption ou réduction de leur activité professionnelle, un nombre minimal de trimestres. Quel sera donc ce minimum ? Je vous le demande solennellement, monsieur le ministre, car nous ne pouvons pas rester dans le flou sur un point aussi important, qui conditionnera notre vote sur votre amendement.
M. le président. La parole est à M. Jacky Le Menn, pour explication de vote.
M. Jacky Le Menn. Monsieur le ministre, depuis le début de ce débat, votre tactique est de remettre complètement en cause les acquis, avant de concéder quelques petites avancées, sans donner d’explications sérieuses, fondées et exhaustives.
Ainsi, comme vient de le dire Mme Demontès, l’amendement du Gouvernement ne précise aucunement le nombre minimal de trimestres qui devront avoir été validés avant l’interruption ou la réduction de l’activité professionnelle : on est en plein brouillard ! Chaque fois que l’on essaie de comprendre la logique qui vous anime, on s’enfonce un peu plus, comme si l’on marchait dans les marais de la Dobroudja.
Les deux amendements que vous avez déposés soudainement voilà quelques jours étaient censés résoudre tous les problèmes, mais en fait ils ne règlent rien.
Nous l’avons déjà vu dans la nuit de vendredi dernier, quand nous avons débattu de l’amendement relatif aux personnes handicapées : il était supposé constituer une avancée, mais son dispositif était en fait très restrictif. Votre stratégie est, à l’évidence, de faire des propositions vides de tout contenu.
Il en va de même pour les femmes : seules seront concernées par le dispositif de votre amendement celles qui ont eu au moins trois enfants et qui sont nées entre 1951 et 1955. Là encore, vous faites une annonce dont la générosité apparente masque bien mal la misère de votre proposition…
De surcroît, votre mesure est imprécise, ce qui a amené Mme Demontès à vous interpeller à propos du nombre minimal de trimestres devant avoir été validés avant interruption ou réduction de l’activité professionnelle.
Nous sommes peut-être simplistes, mais nous avons du moins le mérite d’être clairs. Notre sous-amendement vise à supprimer un membre de phrase dans votre amendement pour clarifier un tant soit peu les choses. La commission semble avoir estimé que notre suggestion n’était pas absolument sotte, puisqu’elle a émis un avis de sagesse. Monsieur le ministre, essayez pour une fois d’être objectif, et cessez d’affirmer que les socialistes ne proposent rien et n’ont rien fait lorsqu’ils étaient au pouvoir. Prenez en considération nos apports pour bâtir un dispositif qui réponde a minima aux attentes de la population.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Monsieur le ministre, ne méprisez pas l’opposition ! Au travers de notre sous-amendement, nous vous posons une question simple : qu’entendez-vous par « un nombre de trimestres minimum » ? Si la commission des affaires sociales a émis un avis de sagesse sur notre sous-amendement, c’est bien parce qu’elle a un doute et qu’elle attend du Gouvernement des explications. Fixerez-vous ce minimum par la voie réglementaire ? Si telle est votre intention, je suppose que vous allez nous le dire ; vous pourrez alors prendre l’attache de la commission pour préciser les choses. Il me semble que ce serait un bon exemple de coproduction législative, pour reprendre une expression chère au président du groupe UMP de l’Assemblée nationale.
Ce n’est pas tant pour notre propre information que nous sollicitons ces réponses que pour celle des millions de femmes qui ne manqueront pas de s’interroger. Contribuer à les éclairer fait aussi partie de notre mission.