M. Jean-Louis Carrère. Très juste !
M. David Assouline. Je le souligne, parce que les commentateurs se sont parfois laissés prendre par le matraquage : oui, il existe d’autres solutions, bien que vous affirmiez, contrariant ainsi une idée qui a été défendue par l’actuel Président de la République, que l’on ne peut que de jouer sur l’âge légal ! Vous soutenez que le mandat n’est pas impératif. Même si l’on vous prenait au mot, vous devriez vous expliquer sur ce sujet.
Que s’est-il donc passé ? Pourquoi ne pas avoir cherché d’autres sources de financements ? Vous ne l’avez pas fait, parce que vous êtes prisonniers de ceux pour qui vous voulez aujourd'hui gouverner contre vents et marées, contre la majorité des Français, à savoir ceux qui détiennent le capital, …
Mme Raymonde Le Texier. Absolument !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Plus c’est gros…
M. David Assouline. … ceux qui appartiennent à vos cercles de financement ! Dès lors, vous perdez tout réalisme. Vous êtes contraints, si vous n’allez pas chercher une contribution du côté du capital, de la trouver du côté des salariés et des retraités.
Et M. Woerth ose nous dire, du haut de cette tribune, que les Français savent qu’il faut faire un effort ! Les Français savent, bien sûr, qu’un effort est nécessaire. La plupart d’entre eux savent, depuis qu’ils sont nés, que pour gagner leur vie, joindre les deux bouts, il faut faire des efforts. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste.) Et c’est vrai aujourd’hui encore plus qu’hier ! Et on vient leur dire qu’ils doivent faire un effort supplémentaire pour les retraites, alors que les bonus et les stock-options continuent d’être distribués, que les banques sont réapprovisionnées sur l’argent du contribuable sans contrepartie ! Pour les Français, c’est scandaleux et révoltant ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
M. René-Pierre Signé. Très bien !
M. David Assouline. Je tiens à rappeler que, sur les 14 millions de retraités que compte notre pays, quatre millions vivent avec moins de 900 euros par mois, seuil de pauvreté retenu par l’Union européenne. Ces Français, ils ne font pas d’efforts ?
M. René-Pierre Signé. Et la moitié ne touche que 700 euros !
M. David Assouline. Dans la tranche supérieure, située à peine en dessous de 1 100 euros, on compte encore quelques millions de retraités. Ces Français, ils ne font pas d’efforts ?
Par ailleurs, en relevant l’âge de départ à la retraite, le niveau des pensions, déjà très bas, va automatiquement baisser.
Mme Fabienne Keller. Mais non !
M. David Assouline. Nous pouvons en faire la démonstration économique.
J’en viens à la seconde question que soulève la déclaration de Nicolas Sarkozy.
Certes, il n’y a pas de mandat impératif. Mais lorsque le Président de la République, après avoir pris, devant les Français, l’engagement de ne pas toucher à l’âge légal de départ à la retraite, revient sur sa position, ce qui devient impératif, c’est d’instaurer un dialogue social, d’écouter ceux qui expriment leur désaccord. Lorsque François Mitterrand est devenu Président de la République, trois mois après son élection, il a fait voter à l’Assemblée nationale des dispositions concrétisant les engagements qu’il avait pris durant sa campagne.
Heureusement, nous avons des responsables syndicaux comme on en trouve peu dans le monde. Ils ont fait preuve d’un grand sens des responsabilités, malgré l’ampleur de l’attaque qu’ils subissaient. Ils ont su garder leur sang-froid jusqu’à la limite de ce qu’il est possible de supporter pour un syndicaliste lorsqu’il est attaqué sur un point fondamental de notre pacte social. MM. Chérèque et Thibault disent eux-mêmes qu’il n’y a jamais eu de négociation, ni même de réelle concertation.
Le Gouvernement a déposé son texte au début de l’été, pendant les vacances ; on pouvait s’attendre à ce qu’il laisse le Parlement s’exprimer. Or, à l’Assemblée nationale, le débat a été écourté. Il est donc de la responsabilité du Sénat de sauver la parole démocratique, la confiance du peuple envers sa représentation nationale. Comme l’a souligné Jean-Pierre Bel, c’est au Sénat…
M. Bruno Sido. Une anomalie démocratique !
M. David Assouline. … que revient l’honneur de relever ce défi.
Mesdames, messieurs les sénateurs de l’UMP, essayez d’être à la hauteur de l’honneur qui nous est fait dans cet hémicycle. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Bruno Sido. Votre temps de parole est épuisé ! (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
M. David Assouline. Je conclus, mes chers collègues !
Les journalistes ne sont pas les seuls à s’interroger sur la radicalisation du mouvement, sur la tension sociale. Je le dis ici avec solennité : la façon de gouverner de Nicolas Sarkozy n’est plus viable pour notre pays. Lorsque l’on pousse les gens à bout, lorsqu’on les méprise à ce point, on prend la responsabilité de provoquer un conflit social majeur et de casser la paix sociale !
Afin d’éviter d’en arriver là, il faut voter la motion référendaire et rejeter la réforme des retraites proposée par le Gouvernement ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. Nous passons à la discussion de l’article unique de la motion référendaire.
Article unique
En application de l'article 11 de la Constitution et des articles 67 et suivants du règlement, le Sénat propose au Président de la République de soumettre au référendum le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites (n° 734, 2009-2010).
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix cet article, je donne la parole à M. Jean-Louis Carrère, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Carrère. Monsieur le ministre, il est illogique de contester l’appel au référendum lorsque l’on est membre d’un gouvernement qui a tenté de promouvoir cette procédure ; il est pitoyable de le faire en s’abritant derrière le refus d’une partie des élus de voter cette procédure référendaire.
Dans une démocratie, il y a de l’espace pour une majorité et pour une minorité.
Nous ne contestons pas le fait que ce texte a été promu par une majorité. Nous vous demandons simplement de le mettre en œuvre pour que nous puissions l’appliquer.
Mais il y a la lettre, et il y a l’esprit. Vous nous dites qu’il n’est pas possible de l’appliquer, qu’il est encore prématuré d’y avoir recours et que, dans ces conditions, on ne peut soumettre ce texte à référendum.
Mes chers collègues, c’est faire fi de l’esprit de la révision constitutionnelle. Même si nous n’y étions pas favorables, nous sommes bien obligés aujourd'hui d’en tenir compte. C’est dans l’esprit de cette révision votée par la majorité que nous vous demandons d’adopter cette motion référendaire.
Dans sa brève intervention, en passager un peu fugace, le président du groupe UMP, Gérard Longuet, nous a dit tout à l’heure que voter cette motion, c’était nier le pouvoir des parlementaires, c’était démissionner. J’ignore quelle est votre origine politique, cher collègue, mais il me semble que certains des membres de votre groupe viennent du gaullisme. Or la procédure référendaire était l’un des éléments fondateurs de la consultation populaire. Je suis donc très étonné des arguments que vous avancez. Je les considère spécieux, pour ne pas dire un petit peu douteux !
Pour le reste, monsieur le ministre, il y a plus sérieux encore ! La réforme des retraites que vous avez engagée touche au pacte social. À l’heure où elle est contestée avec force par l’opinion publique de notre pays, et ce jusque dans vos rangs, il me semble qu’il est tout à fait possible et envisageable de consulter le peuple.
Certes, la question sera complexe à formuler, mais cela ne doit pas constituer un obstacle. Une commission qui prendrait le temps de la réflexion serait sans aucun doute en mesure d’élaborer une question et de la proposer au Président de la République.
Tous ces arguments étant balayés, un peu de quiétude ! Bien sûr, nous ne demandons pas à parvenir à une réforme aboutie par voie référendaire. Non ! Nous souhaitons simplement savoir si le peuple considère que le Gouvernement s’est conduit comme il attendait qu’il se conduise pour mener à bien cette réforme. Si la réponse est « non », il faudra reprendre les travaux à zéro. Voilà ce que nous vous demandons ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Guillaume.
M. Didier Guillaume. Dans son intervention, le président Bel a critiqué votre réforme, monsieur le ministre, et fait des propositions. Et il vous l’a dit : les propositions du parti socialiste sont cohérentes et financées. En retour, monsieur le ministre, vous ne nous avez opposé que cynisme, caricatures et mensonges. Vous n’avez tenu compte de rien !
Alors, ce débat sert-il ? En tout cas, il ne sert pas la démocratie ! En effet, nous n’assistons pas dans cet hémicycle à un débat serein : ce que nous voyons, c’est un Gouvernement aux abois et des parlementaires qui essaient de faire avancer leurs propositions sans obtenir aucune réponse.
Vous nous dites, monsieur le ministre, que nous sommes contre la réforme. Non, nous sommes pour ! (M. le ministre s’exclame.)
Monsieur le ministre, si nous demandons aux Français par référendum : « Voulez-vous que les impôts augmentent ? », ils répondront : « Non ! » En revanche, si nous leur demandons : « Voulez-vous une réforme des retraites juste et équitable ? », ils répondront : « Oui ! » (Rires et exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Gérard Longuet. On ne voit pas pourquoi ils répondraient autre chose !
M. Didier Guillaume. Si nous leur demandons : « Voulez-vous conserver la retraite à soixante ans ? », ils répondront : « Oui ! » Si nous leur demandons : « Voulez-vous que les revenus du capital contribuent à financer les retraites, et pas uniquement les revenus du salariat ? », là encore ils répondront : « Oui ! »
M. René-Pierre Signé. Eh oui !
M. Didier Guillaume. Voilà ce que nous souhaitons leur demander.
Oui, nous voulons une réforme des retraites, mais, non, monsieur le ministre, nous ne voulons pas de la vôtre ! Nous n’en voulons pas tout simplement parce que vous culpabilisez les citoyens, parce que vous culpabilisez les salariés, parce que vous culpabilisez celles et ceux qui ont le moins, celles et ceux qui souffrent, celles et ceux qui ont des métiers pénibles, celles et ceux qui arrivent à soixante ans cassés, fourbus.
La réforme de la retraite que vous nous présentez est injuste socialement et inefficace économiquement.
M. René-Pierre Signé. Elle est inhumaine !
M. Didier Guillaume. Elle n’est pas financée sur la durée. Vous savez très bien qui aura à en souffrir.
Vous ne souhaitez pas discuter, monsieur le ministre. Vous avez dit au président Bel que nous manquons de courage, que nous ne voulons rien faire, que nous ne voulons pas que la représentation nationale soit qualifiée. Or, c’est vous, monsieur le ministre, qui êtes en train de disqualifier la représentation nationale en refusant de discuter avec l’opposition. La représentation nationale est là pour porter la voix des citoyens, de ceux qui l’ont élue.
Aujourd'hui, plus de 70 % de nos concitoyens trouvent que votre réforme est injuste. Vous ne discutez pas avec eux, vous ne discutez pas avec les syndicats, vous ne discutez pas avec le Parlement. Après l’échec du « travailler plus pour gagner plus », vous nous proposez aujourd'hui de « travailler plus longtemps pour gagner moins qu’avant ». La voilà la réalité de ce que vous nous proposez aujourd'hui !
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que notre pays n’arrive pas à intégrer ses jeunes, que 25 % des moins de vingt-cinq ans sont au chômage, de même que plus de 400 000 seniors, vous pouvez retourner le problème dans tous les sens, les mesures que vous nous proposez ne régleront pas ces problèmes.
M. René-Pierre Signé. Eh non !
M. Didier Guillaume. Monsieur le ministre, vous qualifiez cette réforme d’avancée, nous considérons, comme l’a très bien dit Christiane Demontès tout à l’heure, qu’elle va conduire à un recul social, recul que nous cherchons à empêcher.
Lorsque le peuple est dans la rue, lorsque les parlementaires veulent débattre, monsieur le ministre, il faut leur donner la parole. Avec cette motion référendaire, nous voulons tout simplement permettre à nos concitoyens de prendre la parole afin qu’ils disent clairement ce qu’ils veulent. Tel est le sens de cette motion.
Le groupe socialiste regrette vraiment que les propositions constructives, efficaces et cohérentes que le président Bel a présentées tout à l’heure aient été foulées au pied. Nous déplorons que l’on nous ait opposé les mêmes litanies que celles que nous entendons depuis des semaines.
Finalement, c’est clair, nous n’avons pas la même conception de la vie politique et de la démocratie que vous, monsieur le ministre. Nous voulons nous appuyer sur les corps intermédiaires, sur les syndicats, sur la société, discuter avec tout le monde. Vous voulez discuter entre vous. C’est bien regrettable !
J’espère que cette motion référendaire sera adoptée afin que le peuple puisse donner son avis. Si, comme nous le pensons, comme nous le craignons, tel n’est pas le cas, il y aura d’autres rendez-vous.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, il ne faut jamais gouverner contre le peuple. S’il ne faut certes pas verser dans le populisme, il faut aussi éviter l’autisme. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.
M. Jean-Jacques Mirassou. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à situation exceptionnelle, solution exceptionnelle ! Force est de constater que c’est à la fois le Gouvernement et ceux qui le soutiennent qui sont responsables des conditions – elles ont été rappelées à l’instant – qui nous ont conduits à réclamer une procédure référendaire : une parodie de débat, un débat tronqué à l’Assemblée nationale, un Président de la République qui tourne le dos à ses propres engagements et, enfin, un Gouvernement et une majorité qui refusent d’écouter et de comprendre ce que disent les millions de salariés, jeunes et moins jeunes, qui s’expriment dans la rue et qui sont déterminés à être entendus.
Alors que l’article 1er A entend graver dans le marbre le principe de la retraite par répartition pour les générations futures, ce principe est puissamment bafoué dans le reste du texte. Il faut donc lever cette ambigüité.
La question qui se pose est simple : une société aboutie comme la nôtre a-t-elle les moyens, à l’aube du XXIe siècle, de mettre en œuvre un système de retraite basé sur les fondamentaux inscrits dans le pacte républicain issu de 1945, tout en l’adaptant, bien sûr, aux nouvelles conditions économiques et sociétales ? En ce qui nous concerne, nous avons la prétention de penser que c’est possible. Nous aurons d’ailleurs l’occasion, au cours de ce débat, comme l’ont fait tout à l’heure Jean-Pierre Bel et d’autres, de démontrer la faisabilité des mesures que nous avons l’honneur de revendiquer.
Nous avons l’impression qu’un blocage a lieu ici aussi : chaque fois que nous essayons de faire progresser le débat, le Gouvernement, répondant en cela aux injonctions du Président de la République, tente de l’accélérer, de l’empêcher. Ce faisant, jour après jour, heure après heure, on s’aperçoit que le Gouvernement tourne le dos aux ambitions qu’il affiche pourtant dans son texte.
Comme vient de le déclarer excellemment mon collègue Didier Guillaume, en cas de blocage, il ne faut pas avoir peur de faire appel au peuple pour sortir par le haut. Il sera très facile de formuler une question qui permette au peuple d’être enfin écouté et, nous l’espérons, entendu. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. René-Pierre Signé. Écoutez la voix du peuple !
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.
Mme Marie-Agnès Labarre. Lors de chacune des journées de mobilisation organisées par l’intersyndicale depuis la rentrée, près de 3 millions de personnes ont manifesté contre le projet du Gouvernement sur les retraites. Il y a un rejet massif de votre politique, monsieur le ministre, toutes les enquêtes d’opinion le prouvent. Ce sont les jeunes en particulier – pour 80 % d’entre eux – qui s’opposent à votre projet de loi. Vous avez pourtant déclaré, monsieur le ministre : « Je veux dire aux jeunes de vingt ans que c’est justement pour eux que nous faisons cette réforme ».
Mme Marie-Agnès Labarre. Votre propagande grossière a échoué, et le peuple s’est retourné contre vous !
Le mouvement se durcit, les appels à la grève reconductible se multiplient, en particulier dans les secteurs des transports et de la pétrochimie. Et, contrairement à ce que peut dire l’UMP, notamment Jean-François Copé, il s’agit là d’une attitude responsable. La retraite à soixante ans relève de l’intérêt général. Voilà pourquoi nous vous ferons plier !
Pour répondre à M. Longuet, je précise que les syndicalistes n’ont pas demandé le débat parlementaire qui a lieu actuellement. Ils ont demandé aux parlementaires de les entendre.
Mme Isabelle Pasquet. Eh oui ! C’est différent !
Mme Marie-Agnès Labarre. En effet, rien ne justifie de reculer l’âge légal du droit à la retraite à soixante-deux ans. Rien ne justifie non plus de porter l’âge de la retraite à taux plein à soixante-sept ans et d’allonger une nouvelle fois la durée de cotisation.
La France est plus riche que jamais. Si moins de personnes travaillent proportionnellement au nombre de retraités, elles produisent plus de richesses. Tout le problème est que celles-ci sont accumulées par quelques privilégiés, de façon indécente, comme en témoigne l’affaire Bettencourt.
Le Gouvernement veut faire payer deux fois par les salariés l’allongement de la durée de vie : d’abord en reculant l’âge du départ à la retraite, qui entraînera une baisse des pensions, laquelle fait le lit de la capitalisation ; ensuite en rendant obligatoire l’assurance-dépendance. Dans les deux cas, les grands gagnants seront les sociétés privées d’assurance.
M. Jean-Louis Carrère. Absolument !
Mme Marie-Agnès Labarre. Il y a d’autres moyens de financer les retraites, y compris en revenant sur les lois Balladur-Fillon, comme le démontre la proposition de loi déposée à l’Assemblée nationale par les députés du Front de Gauche.
Sarkozy n’a aucune légitimité pour imposer ce recul ! C’est la raison pour laquelle nous avons déposé cette motion référendaire.
La retraite à soixante ans, ce sont les Français qui l’ont voulue. Ils ont voté pour elle. Elle figurait dans le programme de l’Union de la Gauche quand les électeurs ont donné la majorité à cette dernière en 1981, après neuf ans de débats acharnés avec la droite sur ce sujet.
Après l’adoption de la retraite à soixante ans, jamais la droite n’a osé proposer devant les électeurs de la remettre en cause. Et surtout pas le candidat Sarkozy ! Lors de la dernière présidentielle, il affirmait sans ambigüité dans son programme : « Le droit à la retraite à 60 ans doit demeurer ». Alors qu’on lui demandait s’il reviendrait sur ce droit, il déclarait le 27 mai 2008 sur RTL : « J’ai dit que je ne le ferai pas […]. Je n’en ai pas parlé pendant ma campagne présidentielle. Ce n’est pas un engagement que j’ai pris devant les Français. Je n’ai donc pas de mandat pour faire cela. Et ça compte, vous savez, pour moi. » On ne peut mieux dire...
En passant en force, le Gouvernement contraint les salariés à de coûteux jours de grève. Malgré une mobilisation massive contre le texte, il refuse pourtant de le retirer, arguant que ce n’est pas à la rue de décider.
Alors chiche ! Donnons la parole au peuple ! En démocratie, seul le vote du peuple peut défaire ce que le vote du peuple a fait. Il appartient donc aux Français de décider s’ils veulent ou non de la réforme injuste que leur propose le Gouvernement.
Un référendum constituerait une issue démocratique et pacifique au conflit actuel sur les retraites. Il suffirait pour cela que Nicolas Sarkozy accepte d’y soumettre son projet.
En démocratie, le vote devrait être la règle, et non pas l’exception mendiée. D’ailleurs, si la dernière modification de la Constitution était passée en loi organique, nous pourrions proposer une pétition pour un référendum d’initiative populaire. Ce droit est prévu par l’article 11 de la Constitution, modifié par la réforme du 23 juillet 2008.
Il permet de soumettre un projet de loi à référendum si un cinquième des parlementaires, soutenu par un dixième des électeurs inscrits, le demandent. Par conséquent, si un référendum n’est pas organisé, c’est bien parce que nous sommes sous le régime du coup de force permanent, qui prévaut depuis la forfaiture initiale de l’escamotage du « non » au référendum de 2005.
Apparemment, vous n’avez pas le courage de vous en remettre à notre souverain, le peuple. Pis encore, vous le méprisez. Hier, nous entendions M. About comparer le projet à une potion amère que des enfants seraient contents d’avoir bu lorsqu’ils seraient guéris…
M. Nicolas About. C’est la France qui doit absorber la potion !
Mme Marie-Agnès Labarre. Non, monsieur About, des millions de manifestants, ce ne sont pas des enfants. Non, monsieur About, le peuple qui aujourd’hui s’oppose à votre politique est clairement conscient de l’injustice de cette politique.
Pour nous, élus de la République, ce mépris du peuple souverain est une faute impardonnable : si vous refusez la mise en place d’un référendum, c’est la rue qui vous châtiera. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – M. Robert Tropeano applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Je souhaiterais simplement faire quelques remarques.
Oui, messieurs les ministres, chers collègues, j’ai voté la retraite à 60 ans, et je suis fier de l’avoir fait car elle répondait – et elle répond toujours – à une exigence de justice sociale. Si vous la remettez en cause aujourd’hui, ce n’est pas seulement pour des raisons de financement. Non ! C’est aussi par idéologie. Reconnaissez-le : chaque fois que la gauche a été à l’origine d’une conquête sociale, il vous a fallu la remettre en cause ou tenter de le faire, par un moyen ou par un autre. C’est donc une revanche sociale que vous cherchez aujourd’hui à prendre !
M. Jean-Louis Carrère. Très bien !
M. Roland Courteau. Par ailleurs, vous n’avez pas le droit de vous asseoir sur les engagements pris par le candidat Sarkozy à l’élection présidentielle, lequel avait annoncé qu’il ne reviendrait pas sur la retraite à 60 ans… ou alors, c’est que de telles promesses n’étaient en fait que de simples slogans publicitaires.
Certains nous invitent à faire preuve de courage, mais de quel courage s’agit-il ? Est-ce du courage que de demander à des personnes ayant commencé à travailler à 18, 19 ou 20 ans de continuer à le faire bien au-delà de 60 ans ? Est-ce du courage que de demander à des hommes et des femmes usés ou brisés par une vie de travail de continuer à le faire alors que leur espérance de vie est déjà des plus réduites ?
Je vais vous dire ce que serait faire preuve de courage en la matière : ce serait de mettre vraiment à contribution le capital, ce que vous ne faites pas. (Approbations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Le courage, ce serait aussi de consulter le peuple par référendum.
Monsieur le ministre, l’âge légal actuel du départ à la retraite constitue le bouclier social des citoyens les plus modestes. Il est le bouclier social de celles et de ceux qui ont travaillé jeunes, de celles et de ceux qui ont été brisés par une vie de labeur. Quand donc comprendrez-vous que des ouvriers et des employés qui, leur vie durant, ont travaillé dur préfèrent aujourd’hui partir à la retraite à 60 ans, serait-ce avec une décote ?
Et vous voulez les faire travailler deux ans de plus ! Mais combien de temps leur restera-t-il à vivre en bonne santé, ou même à vivre tout court ? La réforme que vous proposez est en réalité tournée tout entière contre le peuple, et vous voulez nous faire croire que c’est pour le peuple que vous l’avez conçue !
La réforme des retraites fait partie des problèmes majeurs qui, dans ce pays, nécessitent un vrai consensus. Les grands principes inscrits dans la Constitution et plus particulièrement notre modèle social – l’État-providence, la Sécurité sociale – commandent que des enjeux comme celui des régimes de retraite fassent l’objet d’un consensus national, car nos régimes de retraite sont au cœur de notre modèle collectif.
Pour aboutir à un consensus national sur la réforme, au cœur de la méthode, il eût fallu la négociation, la vraie négociation, laquelle n’a rien à voir avec la simple consultation et le simulacre de discussion que vous avez mis en œuvre. Vous n’avez pas cherché à réaliser le pacte social qui aurait bénéficié du soutien le plus large des Français, par-delà leurs opinions. Vous avez préféré le scénario du bras de fer et le passage en force, quitte à dresser une France contre une autre.
Face à un tel enjeu, nous avions besoin, pour les décennies suivantes, d’un gouvernement rassembleur. Au lieu de quoi, nous n’avons que le plus grand commun diviseur ! Quelle est donc cette gouvernance, qui consiste en permanence à dresser une partie de la France contre une autre ?
Clairement, massivement et à plusieurs reprises, les mouvements sociaux ont indiqué au Gouvernement que sa réforme était inacceptable. Que demandent-ils, sinon l’ouverture de vraies négociations ? Mais vous préférez, et le Président de la République en tête, nier l’ampleur de la mobilisation. Il est vrai que ce ne sont pas des habitués du Fouquet’s qui défilent dans la rue !
Bref, contrairement à ce que la majorité prétend, l’alternative n’est pas entre cette réforme et le chaos, mais entre une réforme injuste et inefficace, d’une part, et une autre réforme possible, juste, équilibrée et durable, d’autre part : celle que nous proposons, celle qu’a présentée Jean-Pierre Bel. C’est pourquoi nous soutenons et voterons cette motion référendaire. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – M. Robert Tropeano applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Daudigny.
M. Yves Daudigny. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce projet de loi est très révélateur d’une méthode de Gouvernement dont il est facile de distinguer les trois phases.
La première phase, c’est ce qu’on appelle la surdramatisation. Évidemment, les faits démographiques sont incontestables… Mais leurs conséquences sont connues et identifiées depuis longtemps ! Ils ne justifiaient donc aucunement une procédure d’urgence pour ce projet de loi. Au contraire, c’est de la crise économique qu’il aurait fallu traiter en priorité ! Au lieu de considérer celles et ceux qui en portent la responsabilité, au lieu de considérer celles et ceux qui sont les plus favorisés de notre société, le Gouvernement a visé les salariés les plus humbles, pourtant déjà victimes de la récession. En s’attaquant à leur retraite, il leur a imposé la double peine. La retraite est un droit acquis et non un avantage social !
La deuxième phase, c’est celle du clivage, devenu spécialité du Président de la République, clivage entre le public et le privé, clivage entre les générations ou encore entre les groupes sociaux.
Enfin, la troisième phase réside dans le projet lui-même, qui multiplie les écrans de fumée. Deux d’entre eux retiennent particulièrement l’attention : le pillage du FRR, déjà plusieurs fois évoqué, et la prolongation de la CADES, que même les députés de la majorité ont récemment refusée !
Il en résulte un projet pris en otage par le MEDEF – nous l’avons déjà longuement exposé –, par les marchés financiers, par les agences de notation, et enfin par les amis du Président de la République.
Cette situation exige manifestement que soit aujourd’hui demandé l’avis de l’ensemble des citoyens de notre pays. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – M. Robert Tropeano applaudit également.)