M. Jean Besson. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, j’associerai à mes propos mon collègue Didier Guillaume, avec qui j’ai préparé cette intervention.
Cet article 1er est au cœur du nouveau dispositif prévu pour cette nouvelle organisation du marché de l’électricité. De notre point de vue, il s’agit ni plus ni moins de libéraliser le secteur de l’énergie ; il s’agit de procéder à une nouvelle dérégulation d’un secteur que nous croyions tous, voilà peu encore, à l’abri des marchés.
Nous voilà confrontés à une nouvelle étape dans la déstructuration du secteur énergétique, et cette perspective que vous nous offrez concernant l’avenir du secteur de l’énergie constitue à nos yeux un point de rupture.
Nous sommes radicalement opposés à ce projet. Qui peut sincèrement penser ici que l’énergie est une industrie comme une autre ?
Comme d’habitude, la toile de fond utilisée pour légitimer la démarche est toujours la même : Bruxelles !
Vis-à-vis de l’Europe, je note avec attention que le Gouvernement a recouvré l’ouïe : il entend parfaitement ce que Bruxelles demande à demi-mot quand il s’agit de libéraliser un nouveau marché !
Mais de quoi s’agit-il exactement ? En réalité, 25 % de la production d’énergie nucléaire de base d’EDF serait vendue, jusqu’en 2025, à des concurrents de cette entreprise, et ce à des prix défiant toute concurrence.
Ce droit de tirage sur le parc nucléaire français d’EDF serait le seul moyen de faire d’une pierre deux coups : préserver les tarifs réglementés de vente d’électricité pour les ménages, d’une part, tout en permettant aux gros consommateurs de continuer à bénéficier de la compétitivité du parc de production électrique français, d’autre part.
Les industriels qui bénéficient aujourd’hui du TARTAM pourront continuer, grâce à l’ARENH, à bénéficier d’une électricité à un prix inférieur à celui du marché de gros.
L’étude d’impact vient confirmer la thèse gouvernementale, le tour est joué, mais nous ne partageons pas cet enthousiasme.
Comment pouvons-nous être sûrs que les comportements parasitaires et court-termistes ne vont pas se multiplier ? Comment pouvons-nous être sûrs que les fournisseurs alternatifs ne vendront pas aux industriels, après 2015, quand la clause de complément de prix ne jouera plus, de l’énergie nucléaire à des prix bien supérieurs à celui de l’ARENH ?
Voulons-nous que ces fournisseurs puissent réaliser de confortables marges en profitant de la rente nucléaire ? Voilà notre crainte : que la rente nucléaire soit empochée par les industriels et non plus par les consommateurs !
Et le prix de l’ARENH dans tout cela ? À quel prix sera fixé l’accès à la base ? Allons-nous brader la valeur patrimoniale d’EDF ? Le nouveau président d’EDF considère que, en dessous de 42 euros le kilowattheure, cela « ressemble à du pillage ». Du côté des concurrents d’EDF, on ne cesse de réclamer que ce droit d’accès soit le moins coûteux possible, certains d’entre eux estimant que le tarif de l’ARENH devrait être fixé à 35 euros le kilowattheure.
Il reviendra, vous le savez, à l’autorité administrative de fixer ce tarif de l’ARENH.
Incertitude, questionnements : nous n’avons aucune visibilité à moyen terme.
Dans le cadre législatif et réglementaire actuel, les consommateurs d’électricité sont peu exposés à la volatilité et à la hausse des prix du marché de gros. La loi NOME risque précisément d’accroître fortement leur exposition aux risques de volatilité propres aux marchés de gros. Or cette volatilité est particulièrement préjudiciable aux investissements à long terme.
De la NOME voulue par le Gouvernement, nous sommes passés à la MOME. Je veux parler ici non pas d’une performance cinématographique récemment oscarisée (Sourires), mais d’une nouvelle abréviation plus adaptée à la réalité : ce projet de loi, c’est la Mauvaise Organisation du Marché de l’Électricité. (Nouveaux sourires.)
« Je vais rendre l’électricité si bon marché que seuls les riches pourront se payer le luxe d’utiliser des bougies », disait Thomas Edison, un des pionniers du développement de l’électricité. Eh bien, finalement, il avait tort, et les vendeurs de bougies peuvent se frotter les mains : l’augmentation des prix de l’électricité en pleine crise économique et sociale fera plonger bon nombre de nos concitoyens dans un état de précarité énergétique.
De notre point de vue, il semble évident que l’enjeu n’en vaut pas la chandelle. (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. François Fortassin. Je demande la parole, monsieur le président.
M. le président. Je vous la donne, mon cher collègue, quoique vous n’ayez pas été inscrit sur l'article. Je pense que vous apprécierez la complaisance de la présidence. (Sourires.)
M. François Fortassin. Je vous remercie, monsieur le président.
Les propos de notre collègue Jacques Muller, que j’ai par ailleurs fort appréciés, m’amènent à apporter quelques précisions.
D’abord, ce projet de loi ne se présente pas sous les meilleurs auspices dans la mesure où ne sont pas posés les vrais problèmes et où les consommateurs français risquent de subir une double peine : après avoir financé, grâce à leurs impôts, l’ensemble du parc nucléaire français…
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. François Fortassin. … et bénéficié, à ce titre, d’un tarif quelque peu préférentiel, ils devront désormais, avec l’ouverture à la concurrence et la disparition de ce tarif réglementé, payer en tant qu’usagers.
M. Roland Courteau. Voilà ! Ils vont payer deux fois !
M. François Fortassin. Cela dit, je voudrais attirer votre attention sur un point, mes chers collègues.
Je souhaiterais que nous n’imitions pas l’Allemagne, qui, après s’être opposée au nucléaire, sous les applaudissements d’un certain nombre de personnes en Europe, continue d’acheter de l’électricité d’origine nucléaire.
M. Gérard Le Cam. À l’étranger ! Tout à fait !
M. François Fortassin. Incontestablement, c’est une hypocrisie sans nom !
En ce qui concerne l’éolien, il faut être réaliste. La question n’est pas de savoir si les éoliennes sont inesthétiques ou non, si elles présentent un danger pour la santé. Balayons ces arguments, qui ne sont pas irréfutables. En revanche, il est incontestable que, comme aurait dit M. de La Palice, pour faire tourner les éoliennes, il faut du vent ! Or les moments de grands froids ou de grosses chaleurs coïncident généralement avec des phénomènes de hautes pressions et, partant, d’absence de vent, à des périodes où la demande en électricité est la plus forte.
M. Roland Courteau. Oui, mais en d’autres endroits, il y a du vent !
M. François Fortassin. Aussi, plutôt que de défendre les éoliennes, je préférerais que l’on défende l’hydroélectricité. Parce que l’eau est la seule ressource qu’on puisse stocker, elle seule permet de produire de l’électricité au moment où l’on en a besoin.
Nous pourrions nous retrouver sur des arguments de bon sens.
Ainsi, même si elle peut être particulièrement intéressante, l’énergie solaire soulève un certain nombre de problèmes, car les panneaux nécessaires à sa production doivent être d’une superficie très importante, ce qui peut être préjudiciable sur le plan environnemental.
Certes, un barrage peut être agressif pour les paysages, mais, après tout, il est une chaîne de montagnes que j’aime, les Pyrénées, qui, bien qu’elle soit fort bien pourvue en équipements hydroélectriques, n’en demeure pas moins très belle.
Avec un peu d’imagination, on pourrait donc développer encore l’hydroélectricité, dont il ne faut pas oublier qu’elle représente presque 15 % de notre production électrique. Ce n’est pas en faisant disparaître les barrages – dût-on employer le terme très choisi de « arasement » – qu’on réglera ces problèmes.
Grâce à la politique énergétique mise en place voilà plus de trente ans, notre pays avait acquis une certaine avance dans ce domaine. Mais les atermoiements des uns et des autres, et surtout l’attitude sectaire à l’égard de telle ou telle forme d’énergie me font craindre qu’on ne perde beaucoup de temps. En tout cas, je ne crois pas, moi non plus, aux vertus de la concurrence pour faire baisser les prix de l’énergie.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 49 rectifié est présenté par MM. Courteau, Raoul, Botrel, Bourquin, Daunis, Guillaume et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Rainaud, Repentin, Teston, Bérit-Débat, Berthou et Besson, Mme Bourzai, MM. Guérini, Jeannerot, Mazuir, Sergent, Muller et les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 153 est présenté par M. Danglot, Mmes Didier, Schurch et Terrade, M. Le Cam et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l’amendement n° 49 rectifié.
M. Roland Courteau. Cet article est au cœur du dispositif de la nouvelle organisation du marché de l’électricité. Il est sans doute aussi le plus important du projet de loi puisqu’il permettrait de répondre aux exigences de Bruxelles, qui considère que le secteur énergétique français n’est pas encore suffisamment concurrentiel.
L’accroissement de la concurrence passerait par un droit d’accès transitoire, jusqu’en 2025, des concurrents d’EDF à 25 % de sa production d’énergie nucléaire de base. Selon le Gouvernement, ce droit de tirage sur le parc nucléaire français d’EDF serait le seul moyen de préserver et de conforter les tarifs réglementés de vente d’électricité pour les ménages, tout en permettant aux gros consommateurs de continuer à bénéficier de la compétitivité du parc de production électrique français.
Or rien n’est moins sûr. Certains économistes en doutent fortement, comme par exemple François Lévêque, professeur d’économie à l’École des mines de Paris, dont j’ai eu l’occasion d’exposer les arguments au cours de la discussion générale d’hier.
Ajoutons que ce projet de loi risque de générer un surplus d’incertitudes pour tous les acteurs. Ce n’est bon ni pour l’opérateur historique, qui ne sera pas incité à investir, ni pour les industriels, qui ont besoin d’une certaine visibilité à moyen et à long termes, notamment pour déterminer les prix qu’ils pratiqueront compte tenu de leurs coûts de production, au premier rang desquels ceux de l’électricité.
Avec ce dispositif, on a du mal à voir qui seront les gagnants, sinon les fournisseurs qui pourront bénéficier d’une électricité à prix coûtant.
Monsieur le secrétaire d'État, il fallait tenir face à Bruxelles, il ne fallait pas céder face aux exigences ultralibérales de Neelies Kroes, qui considère que la France doit abandonner ses tarifs réglementés au profit des prix de marché, dont on sait qu’ils sont non seulement plus élevés, mais également plus volatils.
Car, au final, qu’a obtenu le Gouvernement ? La seule préservation des tarifs réglementés pour les petits consommateurs ! Et encore, si, dans quelques années, les hausses prévues pour ces tarifs doivent conduire à leur alignement sur les prix de marché, cela n’a plus vraiment de sens !
Voilà pourquoi nous proposons de supprimer cet article.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Danglot, pour présenter l'amendement n° 153.
M. Jean-Claude Danglot. L’article 1er du projet de loi oblige l’entreprise publique EDF à vendre une partie de la production d’électricité tirée de son parc nucléaire.
En dépit des précautions oratoires qui entourent la présentation du dispositif d’accès « régulé et limité » que le texte prévoit de mettre en place « à titre transitoire », les choses sont simples : la loi organise un hold-up au profit d’intérêts privés. Ce constat a été fait très en amont par les syndicats et, si les mots sont forts, ils sont entièrement justifiés.
En effet, alors que le marché de l’électricité est déjà ouvert à la concurrence, le Gouvernement et la Commission européenne dressent l’affreux constat de l’échec de leur politique commune : la concurrence ne fonctionne pas, elle est incapable de faire baisser les prix de l’énergie. Le prix de l’électricité en France est « trop bas » pour que la concurrence puisse se développer.
Alors que certains de nos concitoyens connaissent des difficultés majeures pour payer leur facture énergétique – n’en déplaise à notre collègue M. Masson – et qu’EDF a, une fois encore, procédé à une augmentation de ses tarifs cet été, le Gouvernement et les instances communautaires s’entendent pour mettre en place un dispositif qui va faire enchérir artificiellement le prix de l’électricité.
Rappelons les bons résultats du marché concurrentiel de l’énergie. À l’échelle européenne, entre 2005 et 2007, on a assisté à une hausse générale des coûts de l’énergie : plus 18% pour le gaz domestique et plus 14% pour l’électricité domestique.
La déréglementation du secteur ne profite ni aux usagers ni aux salariés ; elle constitue en revanche une véritable aubaine financière pour les actionnaires.
Or, si le prix de l’électricité en France est historiquement plus faible que dans les autres pays européens, c’est en raison de la stratégie industrielle qui a été adoptée, à savoir la volonté de développer le parc nucléaire. Celui-ci fournit aujourd’hui 80 % de la consommation française.
Ce sont les Français qui ont financé cet investissement par leurs factures. Aujourd’hui, le choix est de détourner une partie de ce retour sur investissement au profit des intérêts privés et des dogmes européens.
Dans son document d’octobre 1998 exposant sa stratégie pour EDF, document intitulé « Vers le client, le compte à rebours européen », repris dans un récent rapport parlementaire, le président d’EDF, M. François Roussely, indiquait que la production d’électricité nucléaire représente près de la moitié de la valeur ajoutée de l’entreprise et les trois quarts de sa capacité d’autofinancement. Cela « constitue pour deux décennies notre principal avantage. Patrimoine essentiel d’EDF, il l’est aussi pour la Nation ».
C’est ce patrimoine-là que nous défendons en déposant cet amendement de suppression. Et nous le défendons au nom de l’intérêt général, au nom de la sécurité des approvisionnements, au nom de la défense de l’indépendance énergétique et au nom du droit à l’électricité pour tous.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Ces deux amendements de suppression sont bien sûr contraires à la position de la commission, qui émettra donc à leur sujet un avis défavorable.
Je ferai toutefois quatre observations.
Première observation : le dispositif de l’ARENH, contrairement à ce qui est écrit, n’est pas « issu d’un accord entre le Premier Ministre et la commissaire européenne à la concurrence » ; le Gouvernement a élaboré ce texte en toute indépendance après avoir créé la commission Champsaur et écouté les conclusions de cette dernière.
Il est vrai que M. Fillon a eu la sagesse de s’assurer par avance que ce dispositif serait accepté par la Commission européenne, qui de ce fait suspendrait les deux contentieux ouverts avec la France.
Deuxième observation : la Commission européenne a, sans aucune ambiguïté, admis le principe de ce que vous appelez la « clause de destination » et qui correspond tout simplement au fait que les fournisseurs alternatifs n’auront droit à l’ARENH que s’ils vendent sur le territoire français à des clients français. Le Gouvernement s’est même prononcé d’une manière plus explicite et a fait valoir de manière très ferme que notre pays n’avait pas vocation à fournir à un prix réduit grâce à notre équipement nucléaire de l’électricité au reste de l’Europe.
Troisième observation : en ce qui concerne les éventuels contentieux communautaires auxquels vous faites allusion, la seule certitude est que, si nous ne faisons rien, nous serons condamnés. Je vous rappelle simplement que 3 500 entreprises françaises, qui représentent près de 15 % de la consommation d’électricité, sont facturées au TARTAM, le tarif réglementé transitoire d’ajustement du marché, et qu’elles risquent de payer cher si la procédure de contentieux est menée jusqu’à son terme.
Quatrième et dernière observation : le dispositif de l’ARENH n’a évidemment pas pour objectif d’affaiblir l’opérateur historique, quoi qu’en disent certains. (Exclamations dubitatives sur les travées du groupe CRC-SPG.) Il ne s’agit pas de donner l’électricité ni de la brader. Il s’agit – je vous renvoie au VI de l’article 1er – de faire payer l’électricité à un coût qui sera l’addition de toute une série d’éléments – l’énumération est très précise – et qui inclura les coûts de production, les coûts de transport, les coûts de commercialisation, les coûts de traitement des déchets nucléaires et les coûts des travaux nécessaires pour prolonger la durée de vie des centrales.
Il est vrai que ce n’est pas nous qui fixerons ce coût une fois la loi adoptée. Tous les membres de la commission ont entendu les opérateurs principaux. M. Proglio, le président-directeur-général d’EDF, pour sa part souhaite que ce prix soit fixé à 42 euros au minimum ; M. Gérard Mestrallet, quant à lui, estime qu’il n’y aura pas de concurrence en France si le prix est supérieur à 35 euros. (M. Roland Courteau approuve.) Les autres fournisseurs que j’ai auditionnés ont tenu des propos similaires.
Mes chers collègues, souvenez-vous, lorsque M. Proglio s’est présenté devant la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, il a également affirmé – j’ai trouvé cela très responsable de sa part – que le projet de loi était préférable à la situation d’incertitude dans laquelle se trouve son entreprise à l’heure actuelle.
Monsieur le secrétaire d’État, la dernière tâche sera évidemment la plus difficile : il s’agira de fixer le prix de l’électricité cédée en application de l’article 1er. Je pense néanmoins qu’avec la liste précise dressée dans le cadre de cet article, les précautions ont été prises pour qu’EDF ne soit pas bradée.
Je voudrais redire en cet instant que la défense de cette entreprise, fleuron de l’industrie française, n’est pas l’apanage de certaines travées de cet hémicycle.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Nous avons tous le souci de défendre EDF. Nous nous réjouissons que cette entreprise aille gagner des parts de marché à l’étranger et souhaitons que cela continue. Nous nous réjouissons qu’elle puisse offrir aux Français un tarif régulé et souhaitons que cela continue. Pour autant, nous ne souhaitons pas que cette entreprise soit condamnée.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Le Gouvernement est également opposé à la suppression de l’article 1er, qui constitue le cœur du texte.
Je tiens à rappeler que l’objectif de ce projet de loi consiste à faire bénéficier le consommateur français du prix le plus compétitif qui soit, à savoir celui du nucléaire historique.
M. Roland Courteau. Cela risque d’échouer !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Je tiens également à réaffirmer, à l’instar du rapporteur il y a quelques instants, que nous souhaitons défendre le champion français qu’est EDF, à l’exportation comme sur le territoire national, de la même façon que nous souhaitons défendre les petits consommateurs, les PME et les industries qui consomment de l’énergie.
Pas de procès d’intention, de grâce ! Comme vous, mesdames, messieurs les sénateurs, nous souhaitons que le consommateur français, qu’il soit particulier ou professionnel, continue de bénéficier des prix les plus compétitifs qui soient,…
M. Roland Courteau. Ce n’est pas le cas !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. … et ce grâce au nucléaire historique français.
Je souhaiterais revenir un instant sur la « clause de destination », qui a été évoquée à plusieurs reprises. Cette clause ne figure pas dans le texte !
M. Roland Courteau. Il me semble que si, au contraire !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Non ! Il y a ce que l’on appelle « une clause de complément de prix », ce qui n’est pas du tout la même chose !
M. Roland Courteau. Non, ce n’est pas la même chose !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. La clause de destination signifierait que celui qui achète des électrons à EDF ne pourrait pas les vendre à l’étranger.
M. Roland Courteau. C’est ça !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Mais ce n’est pas ce qui est écrit dans le texte de loi ! Et d’ailleurs, entre nous, comment voulez-vous contrôler la vente d’électrons à l’étranger ? C’est impossible !
Ce que nous mettons en place, c’est une clause de complément de prix : un fournisseur demandera à acheter une certaine quantité d’électrons au prix de l’ARENH pour les vendre en France ; nous vérifierons à la fin de l’année s’il a bien vendu une telle quantité aux Français. En fonction du solde entre quantité achetée au prix de l’ARENH et quantité vendue en France on appliquera ou non le complément de prix.
Cette clause de complément de prix sera validée par l’Union européenne, ce qui ne serait pas le cas d’une clause de destination. Acceptons donc que l’Union européenne entérine les principes contenus dans ce projet de loi et n’agitons pas des chiffons rouges qui ne reflètent pas la réalité !
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Monsieur le secrétaire d’État, éclairez-moi : l’ARENH est-elle bien destinée aux consommateurs finals résidant sur le territoire métropolitain ? Ai-je bien lu l’article 1er ? Cela signifie clairement que l’on ne doit pas l’exporter. C’est donc une clause de destination, ce qui n’est pas compatible avec le droit européen. Vous vous exposez aux foudres de Bruxelles. Regardez bien le texte !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Je vais ajouter quelques précisions pour éclairer tout le monde. (Sourires.)
Nous sommes d’accord sur un point : l’objectif est que le prix de l’ARENH bénéficie aux consommateurs français ; vous venez de le rappeler, monsieur Courteau. Mais entre un objectif et des principes juridiques précis, il y a une nuance.
Je vous le répète : il n’y a pas de clause de destination puisqu’il n’y a pas d’interdiction faite aux fournisseurs alternatifs de vendre leurs électrons à l’étranger. En termes juridiques, cette disposition n’apparaît pas dans le texte.
M. Roland Courteau. Mais ça y ressemble !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Ça y ressemble peut-être de votre point de vue, monsieur Courteau, mais le droit positif français tel qu’il sera issu de ce texte ne contiendra aucune interdiction formelle pour les nouveaux entrants sur le marché de l’électricité de vendre les électrons achetés au prix de l’ARENH à l’étranger.
Cependant, à la fin de l’année, nous ferons le solde entre la quantité de mégawatts qu’un fournisseur aura acheté au prix de l’ARENH pour ses clients français et la quantité qu’il aura effectivement vendue aux consommateurs français, quand bien même il aurait d’autres clients à l’étranger – là c’est son problème ! C’est à partir de ce calcul que sera appliqué le dispositif de complément de prix. En tout cas, il n’y a pas de clause de destination.
M. Roland Courteau. C’est ce que vous dites aujourd’hui, mais ce sont les textes qui restent !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 49 rectifié et 153.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 154, présenté par M. Danglot, Mmes Didier, Schurch et Terrade, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Avant le 30 décembre 2010, un rapport contradictoire est remis au Parlement, afin d'étudier les différentes modalités de constitution d'un pôle public de l'énergie.
Ce rapport analyse également la plus-value que peut constituer un tel outil pour répondre aux objectifs de la politique énergétique en termes d'indépendance énergétique, de sécurité et sûreté des installations et des réseaux.
La parole est à M. Jean-Claude Danglot.
M. Jean-Claude Danglot. Il s’agit d’un amendement récurrent puisque nous demandons une nouvelle fois que soit examinée la possibilité de constituer un pôle public de l’énergie.
Cette solution n’a jamais fait l’objet d’études sérieuses. Depuis maintenant près de dix ans, des lois successives n’ont visé qu’au démantèlement du service public énergétique, et ce sans qu’aucun bilan soit jamais réalisé. Ces lois ont pourtant conduit de manière très claire au déclin manifeste du service offert aux usagers, en rendant, au nom de la « concurrence libre et non faussée », de plus en plus précaire le droit d’accès de tous à ce bien de première nécessité.
Il en est résulté une hausse exponentielle des tarifs de l’électricité et du gaz, tandis que s’est trouvée mise en péril la sécurité d’approvisionnement puisque les contrats à long terme ont été démantelés au profit d’un approvisionnement sur les marchés spot.
Les lois successives ont changé le statut des opérateurs historiques, permis aux capitaux privés d’investir dans ces entreprises, privatisé GDF. Et voilà maintenant que l’on veut obliger EDF à vendre à prix coûtant son énergie nucléaire !
Nous poserons donc une seule question : à qui profite le crime ?
Nous constatons, et cela sonne comme une réponse, que les nouveaux entrants que sont Poweo ou Direct Énergie se frottent déjà les mains en prévision des profits qu’ils vont réaliser !
Pour notre part, nous continuons de penser que l’accès à l’énergie est un droit, que la production, le transport et la distribution de ce bien de première nécessité constituent un service public. C’est pourquoi nous n’avons jamais souscrit à la guerre fratricide qui oppose aujourd’hui EDF et GDF. Nous avons toujours considéré que les contraintes communautaires ou financières pouvaient être levées en vue de la constitution d’un pôle public de l’énergie bâti autour d’EDF et de GDF. Rien n’empêche en effet le gouvernement français d’investir certaines entreprises d’une mission de service public et, à ce titre, de les doter d’un financement spécifique.
La création de ce grand groupe mondial de l’énergie s’inscrirait dans le mouvement de concentration et de création de champions énergétiques capables de proposer une offre multiénergie. Un tel groupe serait en mesure d’affronter la concurrence à la suite de l’ouverture totale des marchés, tout en assurant des missions de service public.
Rien ne s’oppose donc à cette option, qui seule peut garantir durablement, dans le cadre de la maîtrise publique de la politique énergétique, un service public de qualité pour les usagers, la sécurité de l’approvisionnement, l’indépendance énergétique de la France, ainsi qu’un niveau élevé de sûreté, indispensable dans le domaine nucléaire.
Sur le fond, au regard des défis énergétiques à venir, tant en termes d’investissements que de réduction des émissions de gaz à effet de serre, nous estimons nécessaire de renforcer la maîtrise publique sur ce secteur.
Nous proposons donc que la possibilité de regrouper l’ensemble des entreprises du secteur dans un pôle public fasse l’objet d’une étude sérieuse, remise au Parlement avant le 30 décembre 2010, date d’entrée en vigueur de la loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Cher Jean-Claude Danglot, cet amendement, que vous qualifiez avec honnêteté de récurrent, est en effet le jumeau de l’amendement que nous a présenté Yannick Botrel voilà un instant puisqu’il vise en fait à fusionner et à nationaliser EDF et GDF.
M. Jean-Claude Danglot. Je n’ai pas parlé de fusion !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Certes, mais vous voulez créer un grand pôle public de l’énergie. Yannick Botrel nous a expliqué tout à l’heure de quoi il s’agissait.
M. Jean-Claude Danglot. C’est beaucoup plus qu’une simple fusion d’EDF et de GDF.
M. Ladislas Poniatowski. Le résultat est le même. La commission est opposée à ce souhait et c’est pourquoi elle a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 50, présenté par MM. Courteau, Raoul, Botrel, Bourquin, Daunis, Guillaume et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Rainaud, Repentin, Teston, Bérit-Débat, Berthou et Besson, Mme Bourzai, MM. Fichet, Guérini, Jeannerot, Mazuir, Sergent et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi le début de cet alinéa :
« Art. - 4-1. - I. - Sous réserve d'une étude d'impact préalable transmise aux commissions compétentes du Parlement sur le niveau d'investissement pour l'entretien, la maintenance et le développement des réseaux et afin d'assurer la liberté...
La parole est à M. Teston.