M. Robert Tropeano. Cet amendement vise à rappeler que l’électricité n’est pas un bien comme les autres ; c’est un bien de première nécessité.
Il peut paraître superfétatoire d’affirmer une telle évidence. Cependant, lorsqu’il s’agit de distribuer un bien de première nécessité – et l’électricité en est un –, nous avons intérêt à préciser les choses dans la loi française.
En effet, le projet de loi remet en cause ce principe fondamental. C’est la raison pour laquelle nous éprouvons le besoin de rappeler qu’il doit être respecté à chaque étape de chaque nouvelle organisation du secteur de l’électricité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je considère que le Parlement gagnerait beaucoup à faire du nettoyage dans nos différents codes plutôt que d’ajouter de nouvelles dispositions. Nous ne sommes pas assez vigilants : chaque fois que nous adoptons un texte de loi, nous oublions de supprimer ce qui pourrait l’être dans les textes antérieurs.
Je voudrais répondre à Roland Courteau et Robert Tropeano, qui ont fait référence à la loi du 10 février 2000 présentée par le gouvernement Jospin et qu’eux-mêmes ou leurs prédécesseurs ont votée.
Cette loi est largement suffisante, car le quatrième alinéa de l’article 1er dispose : « Matérialisant le droit de tous à l’électricité, produit de première nécessité, le service public de l’électricité est géré dans le respect des principes d’égalité, de continuité et d’adaptabilité, et dans les meilleures conditions de sécurité, de qualité, de coûts, de prix et d’efficacité économique, sociale et énergétique. »
Mes chers collègues, tout est dit ; il est inutile de reprendre tel ou tel petit morceau de cet alinéa dans chacun de nos textes qui ont trait à l’électricité.
Donc, la commission est tout à fait défavorable à ces deux amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.
M. Didier Guillaume. Ces deux amendements s’inscrivent dans une vraie logique.
On parle d’un marché énergétique européen. Or celui-ci ne pourra exister que s’il existe préalablement une cohérence à l’échelle européenne.
M. Blanc s’interrogeait tout à l’heure sur l’action de nos amis socialistes dans les pays qui sont gouvernés par eux. Même si ces pays sont peu nombreux en Europe, nous pouvons en parler. Eh bien, ils ont la même position que nous, tout en étant ouverts à la concurrence et à la discussion.
J’entends toujours arguer du fait que les tarifs de l’électricité en France sont les moins élevés d’Europe. C’est vrai, et alors ? Ce n’est pas une raison pour « se lâcher » et pour les augmenter de 10 % ou de je ne sais combien après l’adoption de ce projet de loi.
Aujourd’hui, comme l’a très bien évoqué tout à l’heure Martial Bourquin dans son intervention à la tribune, nous allons nous trouver dans une situation de plus grande précarité énergétique. Ceux de nos concitoyens qui sont, dans cette période de crise, en grande difficulté ne pourront pas se permettre de payer des tarifs d’énergie toujours plus élevés. Tel est le sens de notre amendement, qui est selon nous très important.
Ce n’est ni de l’intégrisme intellectuel ni du manichéisme. Nous voulons faire prendre conscience à la représentation nationale – et je suis sûr que, sur toutes les travées de cette assemblée, nous pouvons nous retrouver sur ce sujet –, de l’intérêt de cet amendement, qui indique que l’accès à l’électricité est une valeur indispensable pour nos concitoyens.
La situation commence à être compliquée depuis l’augmentation des tarifs au mois d’août. Avec le projet de loi NOME, nous savons parfaitement que cette hausse des prix de l’énergie est inéluctable et que certains de nos concitoyens auront du mal à payer la facture. Voilà la réalité !
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Didier Guillaume. Si je me permets d’insister après l’intervention de mon collègue, c’est parce que nous pouvons tous nous accorder sur ce point : la précarité énergétique, la difficulté, pour certains ménages, de régler la note sera de plus en plus prégnante.
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.
M. Jean Louis Masson. Nous nous trouvons actuellement dans un système où, si nous continuons, les gens auront des droits dans tous les domaines mais n’auront aucune obligation. À ce moment-là, tout sera gratuit pour les ménages qui n’ont pas toujours les moyens de faire face à leurs dépenses. On sait où on commence, on ne sait pas où on s’arrête !
Si des problèmes de précarité se posent, nous y remédierons par le biais d’aides et de soutiens spécifiques, et non pas en vendant l’électricité à un prix trois ou quatre fois moins cher que son prix de revient.
M. Didier Guillaume. Ce n’est pas ce que nous avons dit !
M. Jean Louis Masson. C’est un vrai problème, et il n’est pas très responsable de faire des Français une génération d’assistés ! (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Par ailleurs, je peux vous assurer qu’à partir du moment où les gens auront l’assurance de pouvoir obtenir de l’électricité gratuitement, quoi qu’il arrive, ils achèteront des écrans plasma au lieu de payer leurs factures. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.) Ce n’est pas du tout une plaisanterie ; c’est fréquent !
À partir du moment où vous n’êtes plus obligés de payer votre loyer, l’eau ou l’électricité, vous faites des arbitrages dans votre consommation, et ce n’est pas satisfaisant. Il faut aider les gens qui ont des problèmes, mais il ne faut pas certainement pas les dispenser de payer. Chaque bien a un coût, et ce n’est pas cohérent pour la collectivité…
M. Jean-Jacques Mirassou. Il ne s’agit pas de les dispenser de payer !
M. Jean Louis Masson. Chacun a sa propre analyse sur ce point. Moi, j’estime que ce n’est pas cohérent pour la collectivité d’accorder un droit au logement ou à l’électricité, quoi que l’on fasse. À un moment donné, il faut responsabiliser les gens.
Mme Bariza Khiari. C’est scandaleux !
M. Yves Chastan. Caricature !
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
M. Martial Bourquin. Monsieur Masson, je suis vraiment très surpris – et je vous le dis franchement, c’est un euphémisme – de vous entendre parler de la sorte !
Je suis maire d’une ville de 15 000 habitants qui compte, après la crise, plus de 1 400 personnes au chômage. Elles n’ont pas demandé à être dans cette situation. Les équipementiers, par exemple, ont parfois perdu 30 % de leurs effectifs.
Nous pourrions, vous et moi, nous retrouver au chômage. On ne peut pas parler de ces personnes qui sont en difficulté comme vous l’avez fait ! Ces chômeurs ne sont pas des assistés ; ils voudraient bien travailler. N’oubliez jamais qu’il y a 4,2 millions de personnes inscrites à Pôle emploi.
N’est-ce pas la moindre des choses, pour une personne seule ou une famille, d’avoir accès à l’électricité ? Nous ne vous demandons pas une électricité bradée ; nous souhaitons juste que le pacte nucléaire, qui est un acquis du Conseil national de la Résistance, soit respecté. Dans la mesure où tous les contribuables ont déjà payé les centrales nucléaires, l’électricité doit leur être vendue à des prix bas.
Monsieur Masson, votre tirade sur l’assistanat est totalement déplacée. Quel rapport a-t-elle avec ce débat ? Nous nous trouvons face à une tradition française ; faisons en sorte qu’elle soit respectée. J’ai peur que ce ne soit plus le cas demain avec le vote de ce projet de loi NOME.
Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il faut faire en sorte que nous ayons une électricité à prix bas, parce que, je le répète, les contribuables ont déjà payé les centrales nucléaires. C’est la moindre des choses, on ne va pas les faire payer deux fois !
Il faut avoir la volonté de faire de ce pacte énergétique une chance pour la France et non un boulet à traîner. J’aime la France ouverte, pas la France offerte !
Lorsque nous nous sommes rendus à Saint-Jean-de-Maurienne il y a peu, les industriels nous ont également fait part de leurs inquiétudes à propos de l’augmentation du prix de l’électricité.
Savez-vous combien coûte le coulage de l’aluminium ou du silicium en Chine ? Vingt-deux fois plus en énergie ; cette énergie, le charbon, se traduit d’ailleurs par des rejets de CO2 extraordinaires dans l’atmosphère.
De quoi parle-t-on aujourd’hui ? Des ménages. Nous sommes les élus de la nation, et nous devons tendre la main aux personnes en difficulté, qui ne sont pas des assistés.
En outre, si nous voulons garder nos entreprises, si nous voulons un socle industriel fort, le pacte énergétique que nous avons est une chance pour la France et non un boulet à traîner.
Je suis surpris que le Gouvernement ou le Parlement, avec les rapports qui nous sont présentés, montrent ce pacte nucléaire comme une obligation d’introduire de la concurrence, non pour faire baisser les prix, mais au contraire pour les augmenter ! Quelle est cette trouvaille ?
Il fallait justement avoir un débat solide avec Mme Kroes et lui dire que nous voulons garder notre spécificité française. Ce n’est pas le moment de nous désarmer, à l’heure de la mondialisation, alors que nos entreprises peinent et que les questions liées à l’emploi ont pris une importance qu’elles n’ont jamais eue auparavant.
Mes chers collègues, ayons un débat de fond et abstenons-nous de toute intervention comme celle qui vient d’être faite concernant les personnes en difficulté.
Ce ne sont pas les banquiers ni les traders qui payent la crise ! Ils ne se sont jamais si bien portés. Dans cette société, ce sont toujours les mêmes qui payent et qui sont mis sur le banc des accusés. De telles interventions sont inadmissibles ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Je souhaiterais m’adresser à M. Masson pour lui rappeler brièvement quelques chiffres.
Savez-vous, monsieur Masson, quelle part de son revenu un foyer modeste consacre à l’énergie : 16°% ! Savez-vous quelle part de son revenu un ménage aisé consacre à l’énergie : 6°% ! Ces chiffres nous dispensent de tout commentaire.
Combien de ménages en situation de précarité énergétique comptons-nous aujourd’hui en France : 3,5 millions ! Nous parlons d’hommes et de femmes qui n’ont pas les moyens de se chauffer et de s’éclairer. Combien y a-t-il de personnes sans-emploi ? M. Martial Bourquin vient de le dire : 4,2 millions ! Et combien comptons-nous de personnes en fin de droits ? Combien y a-t-il de personnes sans aucune ressource ? Toutes ces personnes auront bientôt des difficultés pour se chauffer et s’éclairer.
Je n’en ajouterai pas davantage, mais, monsieur Masson, sachez que je suis profondément choqué par vos propos. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 43 et 258 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 44, présenté par MM. Courteau, Raoul, Botrel, Bourquin, Daunis, Guillaume et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Rainaud, Repentin, Teston, Bérit-Débat, Berthou et Besson, Mme Bourzai, MM. Guérini, Jeannerot, Mazuir, Sergent et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Toute nouvelle organisation du marché de l'électricité ne doit ni fragiliser ni remettre en cause les principes d'égalité, de continuité, d'adaptabilité et de sécurité sur lesquels repose le service public de l'électricité.
La parole est à M. Marcel Rainaud.
M. Marcel Rainaud. Rappeler la nécessité de respecter les quatre principes fondamentaux du service public que sont la continuité, l’égalité de traitement, l’adaptabilité et l’universalité peut aujourd’hui sembler une évidence. Malheureusement, on peut s’inquiéter de ce que l’instauration de la concurrence à tout crin par ce projet de loi aboutisse rapidement à une fragilisation du service public de l’électricité.
Se contenter comme vous le faites du rappel de l’article 1er de la loi du 10 février 2000 ne suffit plus à convaincre, tant la libération du marché de l’énergie et la concurrence imposée par la loi NOME accentueront la tentation pour EDF de préférer la conquête ou la défense de marchés à la qualité du service public ou l’entretien du parc nucléaire et du réseau de distribution existant. Cette définition doit aujourd’hui être confortée en toute logique au niveau européen : l’électricité, comme le gaz et comme tout secteur contribuant à un service public, doit être reconnue en tant que bien public européen.
Seul ce statut permettra de surmonter, par exemple, les déficiences actuelles du réseau d’infrastructure européen dans le domaine de l’énergie. La libération à outrance ne fait que morceler et déconstruire aujourd’hui ce réseau, risquant à terme de condamner la réalisation des objectifs européens en matière de sécurité de l’approvisionnement et de politique industrielle.
Or, seule la mise en commun des moyens au niveau européen permettra de remédier aux défauts de coordination et de collection des réseaux, que dénonce même le rapport Charpin. Une stratégie énergétique européenne ne pourra pas être crédible sans s’appuyer sur les ressources et les atouts d’un service public européen reconnu dans le domaine de l’énergie.
À défaut de l’attachement à faire respecter les principes fondamentaux du service public, nous observons de votre part une persévérance dans l’effort accompli pour réduire à peau de chagrin ce même service public.
M. le président. L'amendement n° 257 rectifié bis, présenté par MM. Collin, Alfonsi, Barbier, Baylet et Detcheverry, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Toute nouvelle organisation du marché de l'électricité ne doit pas fragiliser les principes d'égalité, de continuité, d'adaptabilité et de sécurité sur lesquels repose le service public de l'électricité.
La parole est à M. Robert Tropeano.
M. Robert Tropeano. Cet amendement est la suite logique de l’amendement n °258 précédemment défendu. Il prévoit que toute nouvelle organisation du marché de l’électricité qui renforce la concurrence entre les opérateurs ne doit pas aboutir à fragiliser le service public et ses usagers.
Cet amendement est donc conforme à l’esprit des normes européennes, qui disposent que, pour les secteurs relevant des services d’intérêt économique général, sont appliquées les règles de concurrence « dans les limites où l’application de ces règles ne fait pas échec à l’accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Ce que proposent ces deux amendements figure déjà très clairement et très complètement dans l’article 1er de la loi de février 2000, présentée par le gouvernement Jospin et votée par une majorité de gauche. Il me semble donc inutile de reprendre un élément de cet article et de le faire figurer dans tous les textes de loi qui concernent l’électricité. La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Les dispositions prévues par ces deux amendements, à l’instar des deux précédents, existent déjà dans la loi française. Bien que la répétition puisse souvent faire œuvre de pédagogie, il me semble que le Sénat, reconnu pour sa qualité de législateur, s’abaisserait à reproduire dans plusieurs lois consécutives exactement les mêmes textes !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 257 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 45, présenté par MM. Courteau, Raoul, Botrel, Bourquin, Daunis, Guillaume et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Rainaud, Repentin, Teston, Bérit-Débat, Berthou et Besson, Mme Bourzai, MM. Guérini, Jeannerot, Mazuir, Sergent et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'application des règles de concurrence ne fait pas échec à l'accomplissement en droit de la mission particulière qui est impartie aux entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général.
La parole est à M. Martial Bourquin.
M. Martial Bourquin. Cet amendement est l’occasion de rappeler que l’électricité est un bien de première nécessité, qui relève d’une mission particulière, définie par l’article 106 du nouveau traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne. M. Robert Tropeano vient d’en lire un alinéa. Les opérateurs sont soumis aux règles prévues par les traités, notamment en matière de concurrence, dans la limite où leur application « ne fait pas échec à l’accomplissement - en droit ou en fait - de la mission particulière qui leur a été impartie. Le développement des échanges ne doit pas être affecté dans une mesure contraire à l’intérêt de l’Union ».
Nous l’avons rappelé, l’électricité est pour nous un bien de première nécessité, un bien commun essentiel. Les missions de service public qui lui sont liées relèvent bien d’une mission particulière.
Les premières analyses juridiques du nouveau traité, issu du traité de Lisbonne, confirment bien que cet article encadre l’application des règles de concurrence, afin de permettre l’exercice plein et entier des missions de service public, comme celles imparties à EDF, et, dès lors que cette mission particulière est clairement définie et implique des dérogations proportionnées aux règles du traité, en particulier en matière de concurrence et de marché, elle doit prévaloir.
Je conçois que l’on puisse avoir, comme M. Lellouche à l’Assemblée nationale, une autre lecture du traité, et affirmer que « le peuple français n’est pas le gardien des traités ». Cependant, il sait encore les lire ! Et nous ne sommes pas prêts à tous les sacrifices au nom d’une caricature de mise en conformité avec les directives européennes qui conduirait au démantèlement de notre patrimoine et à la mise en danger de notre indépendance énergétique.
Nous demandons donc un moratoire sur l’application des directives 2003-54-CE et 2009-72-CE, relatives à la libéralisation du marché de l’électricité, dans l’attente d’une relecture de leurs objectifs et dispositions à la lumière de l’article 106 du traité de fonctionnement de l’Union européenne. C’est cela que le Gouvernement devait négocier avec Mme Kroes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Cet amendement ne fait que rappeler les principes de droit communautaire qui concilient à la fois l’application des règles de concurrence et le fonctionnement des services d’intérêt économique général. Je pense sincèrement, mes chers collègues, qu’il n’est pas utile de procéder à ce rappel dans le projet de loi NOME. La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
M. Martial Bourquin. Je suis désolé que M. le secrétaire d’État ne nous fournisse pas de plus amples explications. J’ai l’impression que toute la charge de la défense de ce projet de loi revient au rapporteur, qui, il faut le souligner, s’en acquitte brillamment.
M. Martial Bourquin. Mais un ministre ne saurait être la simple doublure d’un rapporteur !
M. Martial Bourquin. Il me semble que vous pourriez être plus prolixe sur un aspect essentiel du débat qui nous occupe. En effet, la question est de savoir si l'électricité est, ou non, un bien d'intérêt général, tant dans sa production, sa consommation que dans son déplacement. Il me semble que cette question n'a pas été abordée avec toute l'attention requise. C'est pourquoi j’ai défendu tout à l'heure la motion de renvoi du texte à la commission. En effet, si nous arrivions à nous mettre d'accord sur cette question, nous pourrions plaider l'exception française.
L'exception française, ce serait en l'occurrence un pacte énergétique reposant sur des centrales nucléaires produisant une électricité moins onéreuse, ce qui est une bonne chose tant pour les consommateurs, qui ont payé les installations, que pour nos entreprises. Nous savons pertinemment que le coût de l’énergie peut porter préjudice à la compétitivité. Cette question est essentielle, monsieur le secrétaire d’État ! Il serait nécessaire que vous vous exprimiez sur ce sujet.
M. le rapporteur prétend qu'il n'y a plus rien à discuter, que tout est déjà négocié, que tout a été réglé entre M. Fillon et Mme Kroes ! Je réponds que le Parlement est là pour contrôler le Gouvernement ! Tel est le cœur de notre mission parlementaire ! Non seulement c’est notre droit, mais c’est également notre devoir ! Nous savons pertinemment que des millions de ménages pâtiront demain d'une hausse des prix de l'électricité d'au moins 10°%. Mais en outre, cette hausse sera une prime à la délocalisation dans de nombreux secteurs, notamment dans ceux qui sont fortement consommateurs d'énergie électrique !
Chers collègues, il serait opportun que nous ayons une discussion approfondie sur ces questions, que l'on ne peut pas balayer d'un revers de la main en faisant jouer facilement la majorité ! Car, quand la loi sera appliquée, la situation risquera d'être très difficile pour les ménages qui paieront plus cher leur électricité. Je redoute que, demain, notre assemblée ne déplore les délocalisations qu'elle aura elle-même préparées. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois, pour explication de vote.
M. Daniel Dubois. Je voudrais réagir aux propos tenus par notre collègue M. Bourquin. Depuis qu’il prend la parole, il nous explique que ce texte est une forfaiture et que les prix vont augmenter, plongeant ainsi les ménages et les entreprises dans des situations extrêmement difficiles. Je lui répondrai que ce texte est imposé par une décision de justice et non pas uniquement par des directives. J'irai même plus loin : je me demande si la réponse que nous apportons n'est pas insuffisante et si nous ne courons pas le risque d'une condamnation !
Il est facile d'expliquer, trompettes à l'appui, que les tarifs vont finalement augmenter ! Je souhaite simplement dire que les tarifs ne sont pas libérés. Ils demeurent sous contrôle. La CRE émet un avis et le Gouvernement décide du tarif. La réponse du gouvernement français pour assurer un certain contrôle des tarifs est plutôt astucieuse.
Par ailleurs, vous annoncez que ce tarif ne sera plus compétitif pour les entreprises. Mais nous n'avons pas le choix, nous devons évoluer ! Je le répète, le montage préconisé ici, qui n'est pas des plus simples, je le reconnais, est la seule façon d'assurer des tarifs tout à fait concurrentiels aux entreprises ainsi qu'aux habitants de notre territoire.
Vous ne cessez de répéter que, grâce au Conseil national de la Résistance, l'électricité française constitue un avantage concurrentiel. Eh bien, je pense que nous faisons tout ce qui est possible pour préserver cet acquis malgré les décisions de justice prises à notre encontre.
On ne peut pas continuer d’expliquer sans cesse que le prix de l’électricité va augmenter de 10 %, à cause de ce texte.
M. Martial Bourquin. C’est Mme Lagarde qui a dit cela !
M. Daniel Dubois. Vous savez très bien, mon cher collègue, qu’aujourd’hui le prix de l’électricité n’est pas à la hauteur des engagements et des investissements qu’EDF doit réaliser pour, à la fois, son parc nucléaire et le renouveler. L’entreprise n’a d’ailleurs pas cessé de s’en plaindre.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Je veux saisir cette occasion pour rappeler que l’article 106 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, que j’ai cité dans le détail au cours de la discussion générale, prévoit, à quelque chose près, que tous les services relèvent des règles de la concurrence, sauf ceux qui exercent une mission particulière. (M. Martial Bourquin opine.)
Le Gouvernement pourrait se saisir de cet article 106 pour amorcer la discussion et tenter éventuellement de renégocier certaines directives afin d’exclure des règles de la concurrence les services de l’électricité qui accomplissent – qui peut me dire le contraire ? – une mission particulière.
L’électricité est-elle, oui ou non, un bien comme un autre ? (Non ! sur les travées du groupe socialiste.)
Est-ce une marchandise comme une autre ? (Non ! sur les travées du groupe socialiste.)
Est-ce un bien « stockable » ? (Non ! sur les travées du groupe socialiste.)
Est-ce comparable à des tomates ? (Non ! sur les travées du groupe socialiste.)
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Il n’existe pas de loi sur l’organisation du marché de la tomate, monsieur Courteau… (Sourires.)
M. Roland Courteau. Du côté de mon groupe en tout cas, nous sommes unanimes à reconnaître que l’électricité n’est pas un bien comme un autre, et que le service de l’électricité constitue bel et bien une mission particulière.
Cet amendement m’aura permis d’attirer votre attention sur cet article 106, qui est passé totalement inaperçu, et qui mériterait pourtant d’être remis à l’ordre du jour pour faire en sorte que le service public de l’électricité soit exclu des règles de la concurrence. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.
M. Jean Louis Masson. Au moment où l’on discute de l’avenir d’un grand secteur de l’économie française, je regrette que beaucoup d’arguments avancés relèvent du misérabilisme – on se croirait revenu au temps de Victor Hugo… (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Tout le monde peut trouver des exemples pour faire pleurer dans les chaumières et dire qu’il connaît à tel endroit quelqu’un qui ne mange pas à sa faim !
Mais si l’on veut dynamiser l’économie française, il faut déjà commencer par gérer convenablement.
On nous dit que notre système électrique hérité de la Résistance est excellent et qu’il fait figure d’exemple. Ne mélangeons pas tout. S’il y a une chose remarquable, c’est bien l’avance que nous avons en matière nucléaire. Elle n’est toutefois pas due au Conseil de la Résistance, mais à des choix courageux qu’a faits le gouvernement de Pierre Messmer, à une époque où les amis de ceux qui sont en train de protester dans cet hémicycle gesticulaient et votaient contre le développement de l’industrie nucléaire. (Nouvelles protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Gérard Longuet. Exact !