Mme Nicole Bricq. Il a disparu !
Mme Christine Lagarde, ministre. Non, puisqu’il a été prorogé !
…. est alimenté par un prélèvement sur les communes dont le potentiel financier est supérieur de 25 % à la moyenne ainsi que par un prélèvement sur les communes et sur les EPCI pour lesquels le ratio entre la base d’imposition de la taxe professionnelle et le nombre d’habitants est trois fois supérieur à la moyenne nationale.
La répartition est effectuée en fonction d’un indice de ressources – le potentiel financier – et de charges – la taille de la population, le nombre de logements sociaux, le revenu moyen par habitant et le nombre de bénéficiaires de l’APL, l’aide personnalisée au logement.
Sur le reste du territoire, les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle, les FDPTP, ont différentes sources : un écrêtement des bases de taxe professionnelle des communes sur lesquelles étaient implantés des établissements très importants de type industrie, centrales nucléaires, un prélèvement sur les recettes de taxe professionnelle de certains EPCI, une allocation de l’État, un écrêtement des bases des magasins de grande surface.
Compte tenu de la suppression de la taxe professionnelle et de son remplacement par la CET, les mécanismes en place ne peuvent plus fonctionner en l’état et doivent donc être profondément réformés.
L’an dernier, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez opté pour une solution sage consistant à geler les montants du FSRIF et du FDPTP à leur niveau antérieur et à renvoyer à 2010-2011 l’adoption d’un nouveau mécanisme.
Ce renvoi était légitime. En effet, compte tenu de l’existence d’une période de transition, la péréquation communale ne jouera pour la première fois qu’en 2013, sous l’empire du nouveau système de fiscalité locale. Il était donc préférable de repousser l’adoption des nouveaux mécanismes de péréquation afin de mesurer au préalable les effets concrets de la réforme.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !
Mme Christine Lagarde, ministre. Ce choix, expressément prévu par les articles 76 et 78 de la loi de finances pour 2010, ne nous empêche pas d’agir dès à présent. Il présente même l’avantage de nous permettre d’instituer une réforme progressive, qui pourrait comporter deux étapes : la première, qui correspond au projet de loi de finances pour 2011, serait celle de la définition d’un cadre général ; la seconde, qui serait mise en œuvre tout au long de l’année 2011 et finalisée dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012, serait celle du calage le plus fin possible des paramètres de la péréquation.
C’est cette démarche en deux temps que je vous propose de suivre. Ainsi, le projet de loi de finances pour 2011 fixera plusieurs grandes lignes.
Premièrement, en 2011, les FDPTP bénéficieraient d’une garantie de ressources sous la forme d’une dotation de compensation des reversements aux communes défavorisées. Cette DCRCD serait reversée, sur décision des conseils généraux, aux seules communes défavorisées.
Deuxièmement, les FDPTP seraient remplacés à compter de 2012 par un nouveau mécanisme de péréquation, avec un objectif chiffré de péréquation à l’horizon de 2015 correspondant à 2 % des recettes fiscales des communes et des EPCI. Sachez que nous y arrivons progressivement. Tout d’abord, les principes seront discutés à l’occasion du projet de loi de finances pour 2011. Ensuite, l’année 2011 sera l’occasion d’un cadrage et d’un paramétrage très fins, qui nous permettront de parvenir à un chiffrage précis dans le projet de loi de finances pour 2012.
Troisièmement, ce mécanisme de péréquation pourrait être alimenté par un prélèvement sur les recettes des EPCI à fiscalité propre et des communes en fonction de leur potentiel fiscal ainsi que par une dotation versée par l’État.
Quatrièmement, les ressources du fonds seraient réparties entre les EPCI à fiscalité propre et les communes isolées au regard de l’insuffisance de leurs ressources fiscales et de critères de charges qui seraient définis conjointement avec le Parlement.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les grandes lignes du débat que nous vous proposerons à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 2011. L’année prochaine sera également l’occasion d’une mise en pratique et d’un examen précis des paramétrages, avant une mise en œuvre de la réforme en 2012.
Si vous acceptez le principe de l’adoption d’un texte-cadre, qui permettrait d’orienter les travaux, il reviendra ensuite au Gouvernement de proposer des modalités d’application et d’en débattre avec vous. Concrètement, le projet de loi de finances pour 2011 prévoira l’établissement d’un rapport, auquel sera joint l’avis du Comité des finances locales, et dans lequel figureront des propositions sur les conditions d’application de ce nouveau dispositif afin qu’il puisse entrer en vigueur le plus rapidement possible.
En conclusion, je tiens à souligner que le Gouvernement entend donner à la « clause de réexamen » toute sa portée, tant dans sa lettre que dans son esprit.
Le Gouvernement appliquera la lettre de la clause de réexamen en vous proposant, comme il s’y était engagé, un ensemble de mesures d’ajustement visant à adapter le dispositif législatif issu de la réforme. Comme je vous l’ai déjà indiqué tout à l’heure, il s’agira, premièrement, de s’assurer que le mode de calcul de la VAE permet de valoriser l’industrie ; deuxièmement, d’élargir l’assiette de l’IFER et de faire en sorte que, combinée à la réglementation de l’ARCEP, elle n’entraîne pas une refacturation mécanique aux opérateurs concurrents de France Télécom ; troisièmement, de corriger le taux de l’IFER sur les éoliennes ; quatrièmement, de modifier un certain nombre des critères et des paramètres de la péréquation départementale et régionale en prenant en compte l’ensemble des missions de chacune des collectivités territoriales ainsi que les écarts entre les « plus riches » et les « moins riches » d’entre elles.
Enfin, pour l’échelon communal, nous vous proposerons que les grands principes soient fixés dans le projet de loi de finances pour 2011. La « mise en musique » du dispositif interviendra avec l’identification du paramétrage dans le projet de loi de finances pour 2012. Le dispositif sera donc applicable à compter du 1er janvier 2013, conformément au calendrier prévu dans le texte visant à supprimer la taxe professionnelle et à la remplacer par la contribution économique territoriale. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Madame la présidente, madame le ministre, mes chers collègues, avec ce débat thématique, nous entamons la séquence budgétaire. Demain matin, se réunira le Comité des finances locales, qui va débattre non seulement des sujets que nous évoquons aujourd'hui, mais aussi d’autres questions susceptibles de nous intéresser au cours des prochaines semaines. Mercredi, le Conseil des ministres adoptera le projet de loi de finances pour 2011 et, dans la foulée, votre collègue François Baroin et vous-même, madame le ministre, serez auditionnés par la commission des finances du Sénat.
Cet après-midi, nous nous intéressons donc à la trajectoire de la réforme de la taxe professionnelle. En d’autres termes, nous examinons les conditions de mise en œuvre des dispositions votées l’an dernier, que le Sénat avait très profondément transformées, en y incluant, notamment, la clause de réexamen, que vous avez citée à plusieurs reprises, madame le ministre.
À l’occasion de ce débat, que nous avons souhaité, sur les mécanismes de péréquation et de répartition des ressources des collectivités territoriales, reconnaissons au préalable que la péréquation verticale, c'est-à-dire le jeu de la répartition des dotations de l’État, sera assurément difficile à court terme. (M. François Marc s’exclame.) Nous le savons, les contraintes de la politique d’assainissement des finances publiques conduiront à geler en euros courants l’ensemble des dotations que l’État verse aux collectivités territoriales. Il faut en effet accepter que les collectivités territoriales ne soient ni mieux ni moins bien traitées que les services de l’État lui-même : ce gel n’a pas d’autre signification.
Toutefois, il ne faut pas faire entrer la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle dans l’enveloppe gelée des dotations de l’État. Vous nous en avez donné l’assurance, madame le ministre, et celle-ci a été réitérée à plusieurs reprises : la DCRTP doit être une véritable mesure de périmètre.
Nous le savons donc, même si des ajustements sont toujours utiles, le système de répartition des dotations de l’État ne pourra pas être, compte tenu de cette contrainte macroéconomique, un outil significatif de péréquation. (M. François Marc s’exclame.) Il va donc falloir réfléchir davantage en termes de péréquation horizontale. Nous touchons ici aux mécanismes qui sont la suite naturelle de la création de la contribution économique territoriale.
La commission des finances – vous vous en souvenez, mes chers collègues – a mis en place au premier semestre un dispositif de suivi de la mise en œuvre de la réforme. Celui-ci a débouché sur la publication d’un rapport d’information et sur l’organisation d’un débat, le 28 juin dernier, lequel s’est conclu, pour la première fois depuis la révision constitutionnelle, par l’adoption d’une proposition de résolution.
Mes propos s’inscrivent dans le droit fil de cette résolution et des positions déjà prises par le Sénat.
J’évoquerai tout d’abord les fonds de péréquation de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises pour les régions et les départements.
Lors de l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire, nous avions adopté plusieurs amendements présentés par le Gouvernement tendant à instaurer quatre fonds de péréquation de la CVAE, deux pour les départements, deux pour les régions. Aucune simulation de leurs effets réels pour les collectivités territoriales n’avait alors pu être faite.
Le récent rapport du Gouvernement conclut au faible effet péréquateur de ces quatre fonds et à la grande complexité de leur fonctionnement. Nous devrons donc nous attacher à les simplifier et à les renforcer. En attendant, ce rapport propose de les fusionner et d’en faire un dispositif de péréquation sur « flux cumulé ». Nous aurons l’occasion de revenir sur cette nouvelle terminologie et sa signification concrète.
Un tel schéma aurait l’avantage du réalisme, car je persiste à penser que la seule manière efficace de faire de la péréquation est de la faire petit à petit, de la façon la moins douloureuse possible pour les collectivités contributrices.
Nous devrons naturellement attendre les simulations – nous en sommes dépendants – de ce que proposera le Gouvernement afin d’ajuster les dispositifs.
Lorsque nous entrerons dans le détail, mes chers collègues, il faudra cependant nous rappeler que nous avions choisi, lors de l’examen de la réforme de la taxe professionnelle, de répartir le produit de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises entre les départements en fonction d’un système dit macroéconomique, c’est-à-dire en fonction des charges réelles des départements. Vous vous souvenez sans doute du « quatre-quarts » que j’avais proposé à la Haute Assemblée et que nos collègues députés ont préféré remplacer par la répartition microéconomique, qui convenait fort bien, en revanche, pour le bloc communal.
J’évoquerai ensuite un point de votre propos, madame le ministre, à savoir le Fonds de péréquation départemental des droits d’enregistrement, qui a été créé sur l’initiative de l’un de nos collègues députés lors de la discussion budgétaire.
Nous souhaitons que ce fonds entre effectivement en action et que les premiers prélèvements et reversements aient lieu dès l’année 2011. D’ailleurs, la conjoncture s’y prête en raison de la reprise du marché immobilier. En outre, si l’on peut travailler sur des flux en croissance, la péréquation en sera facilitée.
Comme pour tous les dispositifs de péréquation, nous devrons veiller à son équilibre en évitant, par exemple, les effets pervers où seuls quelques départements seraient contributeurs. En effet, en ce domaine, la péréquation est à la fois intra-départementale et interdépartementale. N’oublions pas non plus que les DMTO sont, par nature, une ressource volatile. Il nous faudra donc travailler ensemble et faire preuve de technicité et d’imagination afin que ces dispositifs soient opérationnels dès l’année 2011.
Évoquant les départements, je ne peux passer sous silence leurs difficultés spécifiques.
On ne saurait attendre de la péréquation qu’elle règle la question fondamentale de la couverture des dépenses sociales, plus particulièrement la compensation des trois principales prestations qui pèsent sur les budgets départementaux : le revenu de solidarité active, la prestation de compensation du handicap et l’allocation personnalisée d’autonomie.
Nous le savons bien, il peut exister, au moins pour certaines collectivités, un problème structurel. Il doit être traité, mais en tenant compte de la diversité des situations et des modes de gestion. Reste qu’il est difficile d’avancer sur ce terrain avant de connaître la teneur du projet de loi sur le cinquième risque, que nous appelons depuis déjà un certain temps de nos vœux, et qui sera le prochain grand chantier après la réforme des retraites.
J’en viens aux communes et aux intercommunalités.
Notre objectif de maintenir une péréquation à ce niveau demeure. Vous l’avez vous-même rappelé, madame le ministre, la clause de réexamen prévoyait que les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle et le Fonds de solidarité des communes de la région d’Île-de-France seraient remplacés, à terme, par des dispositifs de péréquation de même ampleur.
Mme Nicole Bricq. Au moins !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Ces mécanismes sont aujourd’hui figés aux montants qui étaient les leurs avant la réforme. On ne fait pas moins de péréquation qu’avant la réforme ; on n’en fait pas encore davantage.
Mme Nicole Bricq. Pourtant, il le faut !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Certes !
Toutefois, il faut prendre le temps en ce domaine afin de ne pas renouveler certaines erreurs que nous avons pu critiquer dans le passé, de connaître les ressources fiscales réelles servant d’alimentation à la péréquation et, surtout, de ne pas construire de nouveaux outils sur la base de simples simulations reposant sur des hypothèses qui peuvent toujours être sujettes à caution. Dès lors, madame le ministre, je souscris à votre proposition de maintenir les FDPTP dans leur état actuel pour une année supplémentaire, en 2011.
Mes chers collègues, en matière de péréquation, nous devons éviter de nous payer de mots et d’appeler à un Grand Soir tout à fait illusoire. Des réformes concrètes peuvent en revanche être décidées pour faire avancer cette question. Je pense, par exemple, au financement des services départementaux d’incendie et de secours, que j’évoquais il y a quelques jours avec le président de l’Assemblée des départements de France. Les contingents communaux pèsent-ils du même poids sur toutes les communes ? Je laisse à chacun le soin d’analyser cette situation dans son département : les communes ou intercommunalités mises à contribution payent-elles les mêmes charges par habitant ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Non !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Dès lors que cette situation varie d’un département à l’autre, dans une fourchette plus ou moins large, ne serait-il pas utile que les départements et le législateur trouvent une solution pour assurer une convergence progressive ? Cette réflexion, parmi d’autres, bien entendu, serait une façon concrète de travailler dans le sens d’une péréquation réelle.
D’autres pistes de même nature pourraient être explorées. S’agissant de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance, par exemple, avons-nous la garantie que son produit est réparti de façon totalement égalitaire entre les collectivités concernées ? Pour ma part, je ne le crois pas. Il existe donc là une marge de progression que nous pourrions explorer et qui serait susceptible de constituer une nouvelle avancée concrète vers davantage de péréquation.
En ce qui concerne la péréquation communale et intercommunale, la récente résolution que nous avons adoptée souhaite l’inscription dans le projet de loi de finances du « cadre du dispositif de péréquation entre les communes et les intercommunalités ». La commission des finances a proposé des pistes en ce domaine : assiette des ressources « péréquées », périmètre de la péréquation, et bien d’autres paramètres.
Parmi les choses à faire, figure en particulier la mise à jour des notions de potentiel fiscal et de potentiel financier. Ces indicateurs joueront en effet un rôle important dans la répartition des dotations de l’État et, par conséquent, dans la mise en œuvre d’un système de répartition plus juste, permettant ainsi de cheminer un peu plus loin et un peu plus vite vers une situation plus satisfaisante en matière de péréquation.
Enfin, j’évoquerai en quelques mots, à votre suite, madame le ministre, le toilettage de certaines dispositions issues de la réforme de la taxe professionnelle. Trois aspects, en particulier, me semblent devoir être soulignés.
Premièrement, si nous avons effectivement raisonné à droit constant, ce principe, parfois pour des raisons de coordination technique, n’a pas toujours été respecté. La commission des finances s’efforce donc de dresser l’inventaire de ces situations et proposera en temps utiles – au cours de la discussion budgétaire – des initiatives.
Deuxièmement, l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau mérite d’être revisitée, en particulier pour l’énergie éolienne. À cet égard, nous sommes très ouverts à vos propositions, madame le ministre. Nous aurons certes besoin de simulations, mais qu’il s’agisse de l’augmentation du taux par mégawatt ou du principe de la répartition entre communes et intercommunalités, il n’y a pas de raison que nous soyons en contradiction avec ce que vous nous avez indiqué.
Troisièmement, la décision du Conseil constitutionnel ayant abouti à réduire de 800 millions d’euros la charge fiscale potentielle des professions libérales, la commission des finances sera à la recherche de gages, c’est-à-dire de mesures visant à compenser cet élément spécifique qui est venu déséquilibrer un peu plus, au détriment du budget de l’État, la mise en œuvre de la réforme de la taxe professionnelle.
Comme vous le voyez, mes chers collègues, tous ces ajustements sont à la marge. Pour avoir « parcouru » ces temps-ci un assez grand nombre d’assemblées de maires, je crois que les craintes qui s’exprimaient sur la réforme de la taxe professionnelle se sont beaucoup relativisées.
M. François Marc. Cela dépend des endroits !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Le maintien garanti des ressources est maintenant perçu non seulement comme un message, mais également comme une réalité dans la gestion de chaque budget local. Il me semble que, pour être bien compris, nous devons éviter – même si tout ce que l’on fait est toujours critiquable – de remettre en cause les aspects essentiels de la réforme votée l’année dernière et nous en tenir aux ajustements qui seront strictement nécessaires.
Madame le ministre, l’examen du projet de loi de finances promet d’être très constructif. La commission des finances, comme à son habitude, abordera nos débats dans un esprit pragmatique et j’espère que nous saurons faire preuve de toute la pédagogie indispensable pour mener cette réforme à bon port et la compléter. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, en remplacement de M. Alain Lambert, président de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation.
M. Jacques Mézard, en remplacement de M. Alain Lambert, président de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, intervenant au nom de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, je m’efforcerai de respecter les orientations qu’elle a dégagées. Il appartiendra donc à l’ensemble de nos collègues d’examiner si celles-ci sont en adéquation avec les nouvelles orientations que le Gouvernement vient d’exposer.
Au XVIIIe siècle, Samuel Johnson disait : « Il vaut mieux que certains soient malheureux plutôt que personne ne soit heureux, ce qui serait le cas si l’égalité était générale ». Je ne saurais totalement faire mienne cette analyse, car il nous revient de relever le défi, non pas de l’égalité entre les collectivités – nous connaissons le danger d’une chimère –, mais au moins de la péréquation, principe inscrit dans notre loi fondamentale et visant à l’équilibre des chances pour tous les territoires.
Aujourd’hui, la taxe professionnelle n’existe plus : elle a été remplacée par de nouvelles impositions. À partir du budget pour 2011, nos collectivités devront se contenter de dotations budgétaires de l’État égales en valeur à leur niveau de 2010 afin de participer à l’effort d’assainissement de nos finances publiques, selon ce qu’avait annoncé le Président de la République.
Ces « événements » – c’est un euphémisme – pour nos finances locales sont l’occasion de poser la question de l’avenir de la péréquation et, surtout, de la nécessité de définir un système de péréquation qui soit réellement efficace.
Mme Nicole Bricq. Et juste !
M. Jacques Mézard, au nom de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Parler de péréquation, c’est louable. Mettre en œuvre une politique de péréquation efficace, c’est indispensable, mais beaucoup plus difficile !
Cependant, et je tiens à le souligner, si les dispositifs de péréquation constituent un instrument parmi d’autres de rééquilibrage de nos territoires, ils ne peuvent pas remplacer à eux seuls une véritable politique d’aménagement du territoire.
Au mois de janvier dernier, notre jeune délégation nous a confié, à notre collègue Rémy Pointereau et à moi-même, le soin de réfléchir aux contours que pourrait prendre la prochaine réforme de la politique de péréquation. Nous l’avons fait à la lumière de notre connaissance des réalités locales, très disparates dans notre pays, et, tout en cherchant à être audacieux dans nos propositions, à l’aune de deux principes qui devraient toujours guider le législateur : le pragmatisme et le réalisme.
Nos réflexions nous ont conduits à formuler un constat, peut-être surprenant : malgré le nombre important de dispositifs de péréquation, il n’existe pas aujourd’hui de définition claire des objectifs de cette politique. C’est pourquoi nous avons estimé qu’un effort de clarification en la matière était indispensable avant de recenser les pistes envisageables destinées à rénover et à renforcer les dispositifs de péréquation, qui reposent largement sur des constructions empiriques.
C’est donc au nom du pragmatisme que nous avons formulé quatre questions.
Première question : la péréquation a-t-elle pour objectif de garantir un niveau de ressources suffisant pour financer les seules dépenses obligatoires des collectivités territoriales, celles que la loi leur assigne, ou, plus largement, pour financer les besoins des citoyens ?
Deuxième question : la péréquation doit-elle garantir à un territoire les conditions de son développement économique, social et environnemental ?
Une réponse affirmative à cette question bouleverserait la philosophie actuelle des dispositifs de péréquation, car nous passerions d’une logique de stocks à une logique de flux. En d’autres termes, toute dotation de péréquation devrait être considérée non plus comme un acquis, mais uniquement comme un outil temporaire destiné à atteindre un niveau économique à définir. Dans ce cadre, les dispositifs de péréquation agiraient non comme une aide budgétaire pérenne, mais bien comme un apport transitoire.
Mme Nicole Bricq. Eh oui !
M. Jacques Mézard, au nom de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Troisième question : la péréquation doit-elle garantir le niveau actuel des ressources de toutes les collectivités territoriales ?
Un tel choix aurait pour conséquence de figer les inégalités entre collectivités territoriales d’une même strate démographique. Or ce n’est pas plus souhaitable que de mettre en place des dispositifs pénalisant les territoires les plus dynamiques, contributeurs aux dispositifs de péréquation.
Quatrième et dernière question : quel est le montant optimal d’un dispositif de péréquation ? Autrement dit, existe-t-il, d’une part, un seuil minimal à partir duquel une politique péréquatrice serait vraiment efficace et, d’autre part, un seuil maximal au-delà duquel on risquerait de connaître d’éventuels effets pervers, comme l’installation dans une position d’assistanat ou une désincitation pour les collectivités contributrices au développement de leurs territoires, car elles se sentiraient pénalisées ?
Au nom du réalisme, il nous est apparu difficile d’apporter une réponse univoque à cette question. Nous avons néanmoins fait le choix de limiter notre réflexion au niveau optimal de la péréquation, réalisée dans le cadre de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, en la considérant comme une donnée désormais incontournable.
C’est pourquoi la première piste que nous proposons consiste à porter à 33 % la part péréquatrice du produit de la CVAE, et non à 25 %, comme cela est prévu par la loi de finances pour 2010. Cette piste nous est apparue fondamentalement novatrice, car elle vise à développer une péréquation fondée sur des ressources fiscales en lieu et place de dotations budgétaires et de concours financiers de l’État
Notre deuxième piste a trait aux critères sur lesquels pourraient reposer les nouveaux dispositifs de péréquation. Aujourd’hui, le potentiel fiscal intervient dans la répartition de toutes les dotations de péréquation. Or ce critère est mis à mal, d’une part, par la suppression de la taxe professionnelle et, d’autre part, par le développement des nouvelles dotations de compensation liées à cette suppression.
Par conséquent, nous devons redéfinir l’un des critères centraux de répartition de la péréquation. Je souhaite appeler votre attention sur deux critères qui pourraient remplacer le potentiel fiscal et rendre les futurs dispositifs de péréquation plus efficaces.
Le premier critère que notre collègue Rémy Pointereau et moi-même proposons est celui du revenu global des habitants. La prise en compte de ce critère dans de nombreux pays européens, comme l’Allemagne, a permis un fort équilibrage des ressources des collectivités territoriales. C’est pourquoi nous estimons que l’assiette fiscale la plus pertinente, celle qui permettrait de prendre en compte la quasi-globalité des ressources des contribuables, est celle de la contribution sociale généralisée, et non celle de l’assiette de l’impôt sur le revenu, car les trop nombreuses exonérations fausseraient l’évaluation des richesses des territoires.
Le second critère s’appuie sur la prise en compte de la population. De nombreuses études montrent le lien entre accroissement des charges des collectivités et évolution démographique.
Les deux facteurs qui peuvent expliquer ce constat sont, d’une part, la distorsion d’attribution de certaines dotations au titre de la DGF et, d’autre part, le décalage entre la croissance démographique et sa prise en compte dans le calcul des dotations de la DGF basée sur la population.
Cependant, nous devons considérer un tel critère avec prudence. Comme le démontrent les études économétriques réalisées par les services de Bercy, le critère d’augmentation des charges des départements est non pas, comme on pourrait s’y attendre, la dépense sociale ou la croissance démographique, mais la part des personnes de plus de soixante ans dans la population du territoire départemental. Ainsi, le critère de population s’apprécierait différemment selon le niveau de collectivités territoriales.
Nous considérons toutefois que son maintien, voire son renforcement comme critère de répartition, est nécessaire. En effet, il apparaît bien souvent que, si les critères actuels de répartition des dotations étaient pondérés par la population, leur efficacité péréquatrice serait plus importante. Mais ce critère ne doit pas conduire à aggraver la situation des territoires à faible densité.