M. Jean-Luc Fichet. Nous en mesurons chaque jour les terribles conséquences dans nos territoires ruraux, mais certaines zones périurbaines sont tout aussi abandonnées, des populations n’ayant plus accès aux soins. Les médecins généralistes sont devenus rares.
Nous vous avions mise en garde en 2009. Aujourd’hui, on constate amèrement l’absence d’offre médicale et de permanence des soins sur une bonne partie du territoire français. La mise en place du contrat santé-solidarité, avec l’obligation, pour les médecins, de déclarer leurs absences, a été lâchement abandonnée, en catimini, par le biais d’une décision gouvernementale de dernière minute.
Tant dans les zones rurales que dans les zones périurbaines, l’urgence se fait de plus en plus sentir. Les faits sont là, accablants, connus de tous : les médecins vieillissent et ne trouvent pas de remplaçant, leur moyenne d’âge atteignant aujourd’hui 56 ans dans certains cantons du Finistère ; la permanence des soins n’est plus assurée ; les hôpitaux sont engorgés, particulièrement les services des urgences ; les délais pour accéder aux soins mettent en danger les patients.
Madame la ministre, que préconisez-vous ?
L’augmentation du numerus clausus ? C’est très bien, mais, en l’absence de mesure coercitive, rien ne destine les médecins à s’installer sur les territoires les plus en difficulté.
La reconnaissance de la médecine générale comme spécialité ? Cette mesure est hors sujet face à l’urgence.
Certes, ce problème n’est pas nouveau, mais il fait malheureusement chaque jour l’actualité dans nos territoires, sans qu’aucune solution concrète soit apportée par le Gouvernement. La demande de service public est pourtant en forte hausse. Limiter le nombre d’hôpitaux ou favoriser la concentration des médecins est un mauvais calcul. Qui paie les fort coûteux transports d’urgence en hélicoptère ou les trajets en ambulance ?
Devant ces manquements majeurs de l’État en matière de santé, les maires, que vous stigmatisez quotidiennement au motif qu’ils seraient de mauvais gestionnaires, sont contraints de prendre des initiatives en investissant dans les maisons médicales, ce qui n’est absolument pas dans leurs moyens, ni dans leurs compétences.
Madame la ministre, à défaut de mesure concrète de votre part, il nous faudra, en ultime recours, déposer pour certains territoires une demande de classification des médecins en tant qu’espèce protégée… (Sourires.) Quelles actions immédiates envisagez-vous pour mettre fin à cette situation intenable ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la santé et des sports.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Monsieur le sénateur, imputer à la loi du 21 juillet 2009 les problèmes de démographie médicale dans notre pays me paraît relever d’une vision des choses politicienne et polémique. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Ces problèmes viennent de loin, même si la France est sans doute mieux dotée que d’autres pays européens. C’est justement pour y remédier que nous avons déployé, avec la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, un certain nombre de solutions. Sans être exhaustive, j’en rappellerai quelques-unes.
D’abord, nous avons créé un corps d’étudiants boursiers, avec un contrat d’engagement de service public. D’ores et déjà, nous proposons 400 bourses d’un montant de 1 200 euros par mois avec une durée d’engagement de service public correspondant à la durée de versement de la bourse. Ces étudiants médecins seront à la disposition des agences régionales de santé pour être affectés dans les zones sous-denses. (M. Serge Lagauche s’exclame.)
Ensuite, parce que ceux qui assurent un maillage du territoire, ce sont les médecins généralistes, nous avons revalorisé la filière universitaire de médecine générale. Nous recueillons déjà les fruits de cette politique : 49 % des internes choisissent aujourd’hui la filière de médecine générale, contre 37 % en 2006.
Oui, il faut créer des maisons de santé pluridisciplinaires,…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On les ferme !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. … parce que les jeunes médecins ne veulent plus exercer de façon isolée. Je sais d’ailleurs, monsieur le sénateur, qu’à Lanmeur, commune dont vous êtes le maire, une maison de santé pluridisciplinaire a été créée, regroupant des médecins, des chirurgiens-dentistes et d’autres professionnels de santé.
M. Bernard Vera. Qui finance ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Oui ! Qui paye ?
M. Jean-Luc Fichet. La commune !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Nous soutenons cette démarche en finançant 250 maisons de santé pluridisciplinaires. Brice Hortefeux, Michel Mercier et moi-même avons demandé qu’une cellule spéciale soit créée au sein des agences régionales de santé pour que ces projets soient examinés dans les meilleures conditions.
Nous avons maintenu le supplément d’honoraires de 20 % pour les médecins qui s’installent en zones sous-denses et nous sommes en train d’étudier avec les médecins la création d’un contrat santé-solidarité, qui permettra à certains d’entre eux d’aller exercer dans ces zones.
Le Gouvernement considère que les problèmes de démographie médicale méritent toute notre attention. Nous avons mis en place un certain nombre de mesures qui porteront leurs fruits ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
politique de sécurité
M. le président. La parole est à M. Bernard Saugey. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Bernard Saugey. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales et concerne la lutte contre l’insécurité. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Lors du discours qu’il a prononcé à Grenoble le 30 juillet dernier, le chef de l’État a réaffirmé la détermination totale du Gouvernement à lutter contre l’insécurité, qui constitue une atteinte grave à la liberté individuelle.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On est en plein dans le débat !
M. Guy Fischer. Il aurait mieux fait de se taire !
M. Bernard Saugey. Cette politique de fermeté, qui répond aux aspirations de la plupart de nos concitoyens, est « une affaire d’intérêt général », a-t-il observé.
Depuis 2002,…
M. David Assouline. Oui, depuis huit ans !
M. Bernard Saugey. … le nombre des crimes et des délits a diminué de 17 %. Parallèlement, le taux d’élucidation des affaires a augmenté d’un tiers, grâce notamment à l’action de la police scientifique. En outre, 93 % des meurtriers sont maintenant identifiés, interpellés et déférés devant la justice. Sous votre conduite, le taux de croissance du nombre de faits de violences et de menaces a enfin reculé de manière significative au cours des douze derniers mois. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. David Assouline. Ce n’est pas vrai !
M. Bernard Vera. Tout va très bien !
M. Bernard Saugey. C’est l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales qui le dit, mes chers collègues !
M. David Assouline. Il faut voir ce qu’est cette instance !
M. Bernard Saugey. La mobilisation voulue par le chef de l’État et l’action courageuse des forces de l’ordre ont permis ces progrès et un retour partiel à l’ordre républicain.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est faux !
M. David Assouline. Alors pourquoi cette déclaration de guerre ?
M. Bernard Saugey. Malgré ces résultats encourageants, nous déplorons toujours des actes inacceptables, dont la violence et le caractère gratuit choquent autant qu’ils contreviennent aux règles du « vivre ensemble ». De nouvelles formes de délinquance apparaissent également, facilitées, encouragées même, par l’usage de l’internet, comme le rappelait encore avant-hier notre collègue Catherine Dumas.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer quelles nouvelles mesures vous entendez prendre pour protéger les plus faibles de nos concitoyens et quels sont, à court terme, vos objectifs en matière de lutte contre la nouvelle délinquance et la nouvelle criminalité ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Toujours plus !
M. le président. Avant de vous donner la parole, monsieur le ministre de l’intérieur, je voudrais souligner que vous n’avez pu participer à nos travaux de ce matin parce que vous assistiez aux obsèques d’un jeune policier décédé dimanche dernier dans les conditions dramatiques que l’on sait. Le Sénat unanime tient à lui rendre hommage et s’incline devant la mémoire des quinze gendarmes et policiers qui, au cours de l’année écoulée, ont fait le sacrifice de leur vie, au service de la sécurité de nos concitoyens et de notre nation.
Vous avez la parole, monsieur le ministre.
M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Monsieur le président, j’ai en effet assisté ce matin aux obsèques de Nicolas Debarge, ce jeune policier dont vous venez de saluer la mémoire. Plusieurs membres de la Haute Assemblée, toutes tendances politiques confondues, ont d’ailleurs également participé à la cérémonie.
Ce jeune homme de 25 ans, qui était sapeur-pompier volontaire et dont le père est lui-même policier, est décédé alors qu’il essayait de sauver de la noyade un individu très vraisemblablement en état d’ébriété. En agissant comme il l’a fait, il est allé au-delà de son devoir, et je tiens à rendre hommage à son héroïsme devant la Haute Assemblée. Ce drame me donne l’occasion de rappeler une vérité simple : si le rôle de la police est, naturellement, de lutter contre toutes les formes de délinquance, il est aussi de secourir nos concitoyens.
Monsieur le sénateur Bernard Saugey, vous avez raison de souligner que des résultats importants ont été enregistrés en matière de lutte contre les bandes, notamment grâce à la mise en œuvre du texte ad hoc que certains membres de cette assemblée avaient voté, ce dont je les remercie. Des résultats spectaculaires ont également été obtenus dans la lutte contre les trafics de stupéfiants, les cambriolages, les meurtres et homicides. Dans ce dernier domaine, les chiffres sont à leur niveau le plus bas depuis une décennie, et le taux d’élucidation atteint montre que, dans notre pays, un meurtrier n’a aucune chance de s’en sortir !
Je suis très étonné que M. Assouline ait semblé mettre en doute les statistiques de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales. Il s’agit d’une instance indépendante, dirigée par un responsable très compétent, puisqu’il a rédigé un ouvrage en collaboration avec un parlementaire socialiste ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et alors ?
M. Brice Hortefeux, ministre. Je ne comprends donc pas comment vous pouvez mettre en cause cet observatoire, selon lequel la hausse du nombre des atteintes à l’intégrité physique, qui constituent le point noir de toute société développée, a été enrayée. Lorsque la gauche était au pouvoir, la progression avait été de 55 % ; sur les sept derniers mois, elle n’a été que de 1 %. C’est encore trop, je vous le concède, mais la comparaison est éloquente ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
En conclusion, monsieur Saugey, le Gouvernement est entièrement mobilisé autour d’une ambition simple : assurer la sécurité et la tranquillité de nos compatriotes ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
situation des étudiants en guyane
M. le président. La parole est à M. Jean-Étienne Antoinette.
M. Jean-Étienne Antoinette. Ma question s'adresse à Mme la ministre chargée de l'outre-mer.
La rentrée de 2010 est la dernière qui verra les étudiants ultramarins bénéficier tous d’un billet d’avion gratuit pour aller suivre leurs études en métropole, dès lors que la filière qu’ils ont choisie n’existe pas dans leur département d’origine.
Le nouveau décret relatif à la continuité territoriale en cours d’examen concernera uniquement les étudiants dont les parents ne sont pas imposés sur le revenu au-delà de la première tranche du barème.
Ainsi, vous justifiez, sous couvert d’une mesure d’aide aux plus démunis, le dévoiement du principe de continuité territoriale, dont le fondement est géographique, au profit d’une logique purement budgétaire.
Cette année, dans tous les départements d'outre-mer, le nombre de nouveaux dossiers a chuté. En Guyane, par exemple, 140 dossiers ont été traités depuis juin 2010, contre 521 l’an dernier, alors que le nombre global d’étudiants ne cesse d’augmenter.
Cette diminution s’expliquerait par la création de nouvelles filières universitaires, mais nombreux sont les étudiants qui restent sur place par défaut, choisissant une filière non par goût mais en raison de contraintes financières. Les plafonds de ressources élimineront 10 % des étudiants encore éligibles au dispositif.
Enfin, le nombre de jeunes étrangers ayant effectué toute leur scolarité en Guyane et souhaitant suivre des études en métropole augmente. Or, depuis l’origine, le dispositif est exclusivement réservé aux étudiants de nationalité française, et le nouveau décret n’envisage pas de remédier à cette discrimination évidente, s’agissant souvent de jeunes ne connaissant que la Guyane.
Madame la ministre, alors que la rentrée sociale s’annonce difficile, le nouveau dispositif pour l’outre-mer renie le principe de continuité territoriale tel que le consacre l’article 87 du Traité de Rome.
En effet, comment comprendre que l’aide de l’État soit inversement proportionnelle à la distance à parcourir ou que les conditions de ressources deviennent de plus en plus draconiennes, quand le critère géographique devrait primer ?
Par ailleurs, comment faire comprendre à deux amis de même origine sociale, scolarisés ensemble, que l’un obtiendra une bourse et un billet d’avion, tandis que l’autre, tout aussi méritant mais d’origine étrangère, ne pourra pas en bénéficier ? N’est-il pas concevable d’améliorer réglementairement ce dispositif, compte tenu de la réalité de la composition démographique de nos régions ?
Enfin, à l’heure où les départements d'outre-mer ont besoin d’une jeunesse formée, performante et compétitive, que ferez-vous pour que ce dispositif incite réellement à la mobilité et non au choix par défaut d’une filière sur place ? Il est urgent que les principes républicains d’équité et de continuité territoriale trouvent une réelle traduction concrète dans nos régions. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre chargée de l’outre-mer.
Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer. Monsieur le sénateur, vous appelez mon attention sur la question de la dotation de continuité territoriale, qui a fait l’objet d’un long débat lors de la discussion de la loi pour le développement économique des outre-mer.
Vous le savez tout aussi bien que moi, l’ancien dispositif était mal encadré. C’est pourquoi le Gouvernement a souhaité que l’aide attribuée notamment aux étudiants soit transparente et équitable.
Tout d’abord, il faut que cette aide puisse être allouée à ceux qui en ont le plus besoin. C'est la raison pour laquelle nous avons introduit des critères sociaux. Ainsi, le dispositif du passeport-mobilité profite aujourd'hui à 93 % des familles qui peuvent y prétendre compte tenu du niveau de leurs revenus.
Par ailleurs, s’agissant de l’aide à la continuité territoriale, qui s’adresse aussi à des étudiants ne pouvant bénéficier du passeport-mobilité, nous avons voulu, dans un souci d’équité, faire en sorte que le taux d’effort, qui est de 20 % à 40 %, soit identique pour tous les territoires ultramarins.
Enfin, vous le savez, j’ai à cœur de permettre aux jeunes ultramarins de poursuivre leurs études et d’acquérir la qualification dont ils ont besoin, en particulier en Guyane, où le taux de chômage est important. À cette fin, il est prévu que le dispositif puisse être complété par celui qui est mis en place par les collectivités locales. C'est la raison pour laquelle nous proposons la constitution, dans chaque territoire, d’un groupement d’intérêt public qui permettra de mettre en œuvre une action coordonnée, dans l’intérêt de notre jeunesse. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
réforme des retraites
M. le président. La parole est à M. Dominique Leclerc.
M. Dominique Leclerc. Ma question s’adressait à M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique, mais je remercie par avance M. le secrétaire d’État chargé de la fonction publique de me répondre.
Mes collègues et moi-même saluons le courage et la détermination du Président de la République et du Gouvernement à mener jusqu’à son terme la réforme des retraites. Le retour à l’équilibre financier dès 2018 repose sur deux piliers : la fixation de l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans et celle de l’âge ouvrant droit au taux plein à 67 ans.
Le Président de la République et le Gouvernement ont tenu leur engagement réitéré de prendre en compte la pénibilité et les carrières longues.
Nous nous félicitons des améliorations présentées par M. Éric Woerth. Elles correspondent à la volonté de la majorité présidentielle d’élaborer une réforme juste et équitable. Nous saluons en outre la très importante avancée que constitue la prise en compte de la pénibilité, y compris dans le monde agricole.
Le Gouvernement a assoupli les modalités d’extinction du dispositif de départ anticipé pour les agents publics parents de trois enfants au moins et ayant accompli quinze ans de service.
Dans le même esprit, la majorité a également à cœur de prendre en considération le cas des polypensionnés. La réalité du monde du travail et la flexibilité qu’elle induit aujourd’hui conduisent en effet nombre de nos concitoyens à partager leur carrière entre le public et le privé, et par conséquent à cotiser à plusieurs systèmes de retraite au cours de leur vie professionnelle. Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous indiquer ce que le Gouvernement envisage de faire pour eux ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de la fonction publique.
M. Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique. Monsieur Leclerc, c’est avec le plus grand plaisir que, au nom d’Éric Woerth, je répondrai à votre question. Je vous prie à nouveau de bien vouloir excuser l’absence de M. le ministre du travail, retenu à l’Assemblée nationale par la discussion du projet de loi portant réforme des retraites.
Monsieur le sénateur, vous connaissez si bien le sujet que je ne sais pas si mon propos sera aussi synthétique que le vôtre. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nicole Bricq. Alors ne dites rien !
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Concernant cette réforme, j’aborderai trois points principaux.
Tout d’abord, la préservation de notre système par répartition impose que soient prises des mesures d’âge, comme l’ont fait depuis longtemps déjà tous nos voisins. Nous entendons éviter que la charge du rétablissement de l’équilibre de notre système de retraites ne pèse sur les ménages et les entreprises, par le biais de la fiscalité.
Ensuite, nous voulons que le dispositif soit juste.
M. Bernard Frimat. C’est mal parti !
M. Georges Tron, secrétaire d'État. C’est la raison pour laquelle nous prenons en compte, bien entendu, la situation de ceux qui peuvent contribuer davantage : 4 milliards d’euros seront assis sur une fiscalité additionnelle. Dans cet esprit, nous tenons également compte des carrières longues, dont le dispositif est amélioré pour éviter l’effet de seuil, ainsi que de la pénibilité, qui concernera aussi le monde agricole, comme vous l’avez très justement rappelé, et sera déterminée de façon objective par un conseil dont l’avis portera en particulier sur la traçabilité et les effets différés. J’ajoute que le seuil d’incapacité a été abaissé de 20 % à 10 %.
Enfin, toujours dans un souci d’équité, nous entendons assurer la convergence entre le secteur public et le secteur privé en matière de retraites.
À cet égard, la discussion à l’Assemblée nationale des mesures que nous avons présentées est tout à fait intéressante : en effet, personne ne conteste ouvertement le principe de la convergence, mais l’opposition critique toutes nos propositions visant à le mettre en œuvre.
Les modalités de fermeture du dispositif permettant à des agents publics ayant effectué quinze ans de service et parents de trois enfants au moins de prendre une retraite anticipée à taux plein avec jouissance immédiate ont été effectivement assouplies afin que les personnes se trouvant à moins de cinq ans de l’âge d’ouverture des droits à la retraite ne soient pas exclues du bénéfice de la mesure.
M. Guy Fischer. C’est ce qu’on verra !
M. Georges Tron, secrétaire d'État. En ce qui concerne les polypensionnés qui ont travaillé un peu moins de quinze ans dans la fonction publique et qui relèvent donc du régime général et de l’IRCANTEC, nous allons alléger les formalités administratives et faire en sorte qu’ils n’aient plus à acquitter de surcotisations pour compenser la différence de niveau de cotisation entre secteur public et secteur privé.
Cette réforme, juste, équitable, efficace, entrera prochainement en application si le Parlement en décide ainsi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
l’observatoire du « fabriqué en france »
M. le président. La parole est à Mme Catherine Dumas.
Mme Catherine Dumas. Ma question s'adresse à M. le ministre chargé de l'industrie.
M. Guy Fischer. On craint le pire !
Mme Catherine Dumas. Monsieur le ministre, j’ai eu le plaisir de participer à vos côtés, la semaine dernière, au lancement à Bercy de l’Observatoire du « fabriqué en France ».
Mme Nicole Bricq. Quel bonheur !
Mme Catherine Dumas. Vous avez souhaité la création de ce nouvel outil qui nous permettra de faire chaque année le point sur l’état de l’industrie française, notamment en mesurant la part des produits fabriqués en France, à partir d’indicateurs statistiques.
Les chiffres que vous nous avez présentés sont révélateurs à cet égard. Ils indiquent en particulier que, en dix ans, entre 1999 et 2009, la part des composants français dans les produits fabriqués en France est passée de 75 % à 69 %. Autrement dit, le « fabriqué en France » serait de moins en moins fabriqué en France…
Mme Mireille Schurch. Eh oui !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quel échec !
Mme Catherine Dumas. Les travaux de cet observatoire vont nous permettre de comprendre la réalité de la désindustrialisation dans laquelle s’est enfermé notre pays depuis la fin des années quatre-vingt-dix.
Monsieur le ministre, la concurrence internationale est chaque jour plus féroce, et il faut regarder en face les difficultés que peuvent rencontrer nos entreprises.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le coût du travail, bien sûr !
Mme Catherine Dumas. Nous devons donc identifier les handicaps dont elles souffrent et surtout agir pour les surmonter.
M. Guy Fischer. Il faut accorder des exonérations supplémentaires !
Mme Catherine Dumas. Je salue votre initiative, qui s’inscrit dans la politique ambitieuse que conduit la majorité présidentielle pour préparer cette France d’après-crise dont nous appelons tous de nos vœux l’émergence.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer quelles mesures vous comptez prendre pour enrayer les évolutions que j’ai évoquées et renouer avec la vocation industrielle de notre économie et de nos territoires ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Guy Fischer. C’est du cinéma !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Encore des exonérations de charges !
M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de l’industrie.
M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. Madame Dumas, je vous remercie de votre participation, au nom du Sénat, aux réunions des comités stratégiques de filière.
Pourquoi avoir créé l’Observatoire du « fabriqué en France » ?
C’est la première fois qu’une telle initiative est prise dans notre pays pour garantir la transparence des chiffres. Depuis 1999, la France a perdu, faut-il le rappeler, 550 000 emplois industriels, parce que les grands groupes industriels n’ont pas joué le jeu de la solidarité avec les PME et les sous-traitants de notre pays, préférant favoriser les délocalisations.
M. Guy Fischer. C’est le CAC 40 !
M. Christian Estrosi, ministre. Cela a entraîné une diminution progressive de la part des composants français dans la plupart des produits industriels fabriqués chez nous.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quelle surprise ! C’est stupéfiant !
M. Christian Estrosi, ministre. En garantissant la transparence, c’est un défi que nous relevons, avec le Président de la République. Nous mettons en place une culture du résultat : l’efficacité de notre action dans le domaine industriel et des vingt-trois mesures annoncées par le Président de la République le 4 mars dernier à Marignane, à l’issue des états généraux de l’industrie, sera jugée sur les chiffres des prochains mois et des prochaines années.
Pour prolonger les propos tenus voilà quelques instants par Mme Lagarde sur l’amélioration de notre compétitivité, je puis d’ores et déjà vous indiquer que, au cours du premier semestre de cette année, une hausse de 11 % des commandes industrielles a été enregistrée. Cela révèle notamment que notre production a déjà rattrapé plus du tiers de la perte liée à la crise et que, contrairement à tous ses voisins européens, qui continuent à perdre des parts de marché, la France connaît une inversion de tendance. Ainsi, nos parts de marché ont progressé de 1 % par rapport à l’Allemagne, de 7 % par rapport à l’Italie, de 8 % par rapport à l’Espagne.
M. Guy Fischer. Nous faisons mieux que l’Allemagne ? En voilà une nouvelle !
M. Christian Estrosi, ministre. Grâce au « fabriqué en France » et aux onze comités stratégiques de filière que j’ai mis en place hier à Bercy, nous imposerons que les relations entre grands groupes industriels et sous-traitants s’inscrivent dans un esprit de responsabilité et reposent sur le principe « gagnant-gagnant ».
M. Guy Fischer. Les salariés de Molex apprécieront !
M. Christian Estrosi, ministre. Il faut sortir des relations de domination pour en arriver à des relations de clients à fournisseurs. Par exemple, un grand groupe industriel tel que Renault, dont l’État est le premier actionnaire, doit fabriquer en France – et non en Turquie, comme c’est le cas pour la Clio 4 – et à partir de composants fournis par des entreprises françaises les voitures qu’il vend dans notre pays.
M. Guy Fischer. C’est de l’affichage !
M. Christian Estrosi, ministre. La part des composants français utilisés dans la fabrication des véhicules est en train de remonter très fortement. Cela démontre la pertinence de la politique du « fabriqué en France » que nous sommes en train de remettre à l’ordre du jour. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Bernard Frimat.)