M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement vise à rendre obligatoire l’information des personnes faisant l’objet d’une enquête pour cause de mort inconnue, ainsi que les personnes ayant fait l’objet d’une disparition inquiétante.
En l’état du droit, les données personnelles sont effacées quand la personne disparue est retrouvée. L’amendement est donc sans objet dans cette hypothèse, et encore plus, naturellement, lorsque la personne est décédée ou ne peut être retrouvée.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Les dispositions de cet amendement sont pour le moins originales !
Il s’agit, dans le cadre juridique fixé par l’alinéa 14 de l’article 10, d’informer les personnes – à peine de nullité de la procédure, précise-t-on – de l’enregistrement dans un fichier d’antécédents judiciaires d’informations les concernant.
Or quelles sont les personnes visées par l’alinéa 14 de l’article 10 ? Celles qui font l’objet d’une enquête pour recherche des causes de la mort ou d’une disparition.
En résumé, les auteurs de cet amendement demandent à la police et à la gendarmerie d’informer des morts et des disparus ! (Sourires.)
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Fischer, l'amendement n° 121 est-il maintenu ?
M. Guy Fischer. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 312 rectifié, présenté par MM. Collin et Alfonsi, Mme Escoffier, MM. Mézard, Baylet et Detcheverry, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 15, deuxième phrase
Supprimer les mots :
lorsque la personne concernée la demande
La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Mme Anne-Marie Escoffier. Cet amendement vise à lutter contre le maintien d’informations qui seraient erronées dans les fichiers d’antécédents judiciaires.
L’alinéa 15 du présent article 10 prévoit que la rectification du fichier pour requalification judiciaire n’est de droit que dans le cas où la personne concernée en fait la demande. Or nous considérons que ce n’est pas au justiciable de demander cette rectification, mais à l’autorité judiciaire qui a commis l’erreur de qualification de la corriger automatiquement.
Vous le savez, monsieur le secrétaire d'État, la connaissance qu’ont les justiciables de leur droit à demander la rectification d’un fichier pour requalification juridique est, bien souvent, loin d’être évidente aujourd'hui. C’est donc pour protéger ces personnes que nous voulons les dispenser de demander une telle requalification.
Tel est l'objet de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Aux termes de cet amendement, l’autorité judiciaire devrait rectifier le fichier pour requalification judiciaire même lorsque l’intéressé ne l’a pas demandé.
Il s’agit d’une précision utile. La commission émet donc un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Le Gouvernement est lui aussi favorable à cet amendement, pour les mêmes raisons.
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 206, présenté par MM. Anziani, Peyronnet, Bel et C. Gautier, Mmes Klès et Boumediene-Thiery, MM. Sueur, Yung, Michel, Frimat et Repentin, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Mahéas, Collombat, Sutour, Tuheiava, Collomb, Courteau, Guillaume, Berthou et Daunis, Mmes Ghali, M. André et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 15, quatrième à septième phrases
Remplacer ces phrases par deux phrases ainsi rédigées :
En cas de décision de relaxe ou d'acquittement devenue définitive, de décision de non-lieu et de classement sans suite, les données personnelles concernant les personnes mises en cause sont effacées, sauf si le procureur de la République en prescrit le maintien pour des raisons liées à la finalité du fichier, auquel cas elle fait l'objet d'une mention. Lorsque le procureur de la République prescrit le maintien des données personnelles visées ci dessus, il motive sa décision et en avise la personne concernée.
La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Puisse cet amendement avoir le même sort que celui qui vient d’être présenté ! En effet, mes chers collègues, si nous nous opposons parfois pour des raisons politiques et si nous avons des points de vue différents, ce que chacun peut comprendre d'ailleurs, il s'agit ici, me semble-t-il, d’une question de bon sens.
Ce texte prévoit que, en cas de relaxe ou d’acquittement, les données personnelles seront effacées, sauf si le procureur de la République s’y oppose. En revanche, en cas de non-lieu ou de classement sans suite, elles seront conservées, sauf si le procureur de la République le demande, et encore le dispositif est-il un peu plus complexe que cela.
Pour ma part, je n’y comprends rien ! Mes chers collègues, imaginons que l’un d’entre vous fasse l’objet d’une plainte, que celle-ci repose sur des charges suffisantes, que le juge d’instruction considère que l’affaire doit être renvoyée devant le tribunal correctionnel et que ce dernier vous relaxe, parce que vous avez un bon avocat. (Sourires.) Dans ce cas, on efface tout.
À l’inverse, si, pour la même plainte qui vous vise et qui porte sur les mêmes faits, le juge d’instruction chargé de l’affaire considère qu’il n’y a pas lieu de vous renvoyer devant le tribunal correctionnel et prononce un non-lieu, ou encore si le procureur de la République estime que le dossier n’est pas suffisamment consistant et procède à un classement sans suite, on conservera vos données personnelles, alors même qu’il n’y a pas eu de procédure devant le tribunal, alors même qu’il n’y a pas eu d’affaire judiciaire à proprement parler ! Je n’y comprends rien ! Le contraire aurait été justifié, mais là, franchement, on marche sur la tête.
M. Roland Courteau. C’est vrai !
M. Alain Anziani. De grâce, faisons preuve de bon sens, monsieur le secrétaire d'État. Ce dispositif est tout à fait contradictoire, il vaudrait presque mieux en inverser les termes, ou alors garder le principe de l’effacement automatique et prévoir que le procureur de la République, pour diverses raisons, peut s’y opposer s’il le juge nécessaire.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Alain Anziani. Toutefois, ne traitez pas de façon différente la relaxe, le non-lieu, le classement sans suite et l’acquittement, d’autant que, ici, à chaque fois, le régime le plus favorable s’applique à ceux sur lesquels pèsent les charges les plus lourdes.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 123, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 15, quatrième à sixième phrases
Remplacer ces phrases par une phrase ainsi rédigée :
En cas de décision de relaxe, d'acquittement devenue définitive, de non-lieu ou de classement sans suite, les données personnelles concernant les personnes mises en cause sont effacées.
Cet amendement a déjà été défendu.
L'amendement n° 313 rectifié, présenté par MM. Collin et Alfonsi, Mme Escoffier, MM. Mézard, Baylet, Detcheverry et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 15, quatrième phrase
Supprimer les mots :
, sauf si le procureur de la République en prescrit le maintien pour des raisons liées à la finalité du fichier, auquel cas elle fait l'objet d'une mention.
II. – Alinéa 15, cinquième phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Je reprendrai l’argumentation de notre collègue Anziani. Ici, nous avons atteint le summum ! Je dirai même que maintenir cette disposition dans sa rédaction actuelle disqualifie le projet de loi lui-même.
Indiquer dans un tel article que « en cas de décision de relaxe ou d’acquittement devenue définitive, les données personnelles concernant les personnes mises en cause sont effacées, sauf si le procureur de la République en prescrit le maintien pour des raisons liées à la finalité du fichier » est tout de même particulièrement grave. Je ne comprends pas que l’on s’arc-boute sur le maintien d’un tel texte !
Cette disposition est contraire à tous nos principes : il est véritablement scandaleux que, quand une personne est relaxée ou acquittée devant le tribunal correctionnel, le procureur de la République puisse s’opposer à l’effacement de ses données en raison de la finalité du fichier. C’est l’arbitraire absolu !
M. Roland Courteau. Exactement !
M. Jacques Mézard. Ce n’est plus agir dans l’intérêt de la justice, c’est laisser dans les fichiers des traces de poursuites d’une procédure qui a été annihilée par une décision définitive des magistrats ! Je ne comprends pas, monsieur le secrétaire d'État, que le Gouvernement puisse, d'une part, proposer un tel texte, et, d'autre part, maintenir ce soir sa position.
M. Roland Courteau. Il va se raviser !
M. le président. L'amendement n° 314 rectifié, présenté par MM. Collin et Alfonsi, Mme Escoffier, MM. Mézard, Baylet et Detcheverry, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 15, sixième phrase
Remplacer cette phrase par deux phrases ainsi rédigées :
Les données concernant des personnes ayant fait l'objet de décisions de non-lieu ou de classement sans suite sont effacées de droit. Tant que la décision de non-lieu n'est pas devenue définitive, le procureur de la République peut en prescrire le maintien pour des raisons liées à la finalité du fichier.
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Cet amendement est du même ordre que le précédent.
M. Bernard Frimat. M. Mézard est déchaîné !
M. Jacques Mézard. Non, je ne vais pas me déchaîner, même si je suis en effet outré par le texte de cet article 10. Nous voulons remplacer la sixième phrase de l’alinéa 15, qui dispose que « Les décisions de non-lieu et, lorsqu'elles sont motivées par une insuffisance de charges, de classement sans suite font l'objet d'une mention, sauf si le procureur de la République ordonne l'effacement des données personnelles. »
Cette disposition est tout de même extraordinaire, et je m’adresse ici à vous tous, mes chers collègues : il est terrible que l’on puisse inscrire dans ce projet de loi que les décisions de non-lieu et celles de classement sans suite motivées par une insuffisance de charges feront l’objet, par principe, d’une mention, sauf si le procureur de la République ordonne l’effacement des données personnelles !
M. Roland Courteau. Incroyable !
M. Jacques Mézard. En outre, avec cette disposition, qui est incohérente avec le système créé par la quatrième phrase de l’alinéa, vous allez toujours dans le même sens, monsieur le secrétaire d'État !
Ainsi, des citoyens qui viennent de bénéficier d’une décision de non-lieu ou d’une mesure de classement sans suite – dont l’existence est tout de même la moindre des choses dans un État de droit –, c'est-à-dire dont on considère qu’il n'y a pas lieu de les renvoyer devant un tribunal en raison de l’insuffisance des charges qui pèsent sur eux, feront l’objet d’une mention dans les fichiers, sauf si le procureur de la République en ordonne l’effacement !
Monsieur le secrétaire d'État, cela n’est pas normal, c’est contraire à tous les principes et c’est donner à ce texte une connotation véritablement sécuritaire,…
M. Guy Fischer. C’est le moins que l’on puisse dire !
M. Jacques Mézard. … pour ne pas employer un mot plus désagréable. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. L'amendement n° 207, présenté par Mme Boumediene-Thiery, MM. Anziani, Peyronnet, Bel et C. Gautier, Mme Klès, MM. Sueur, Yung, Michel, Frimat et Repentin, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Mahéas, Collombat, Sutour, Tuheiava, Collomb, Courteau, Guillaume, Berthou et Daunis, Mmes Ghali, M. André et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéas 15 à 17
Remplacer les mots :
procureur de la République
par les mots :
juge des libertés et de la détention
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Cette disposition sur le contrôle des fichiers est cohérente avec celle qu’a défendue M. Mézard.
L’article 10 du projet de loi organise les modalités d’effacement et de rectification des données enregistrées dans les fichiers d’antécédents, en confiant à un magistrat référent ainsi qu’au procureur de la République le soin de veiller sur ces opérations.
Le régime envisagé confie une compétence concurrente à ces deux magistrats. Aussi, ils ont le même rôle, à une différence près, qui est tout de même importante : le procureur de la République ne présente pas les garanties d’indépendance nécessaires à l’égard du pouvoir !
Ce duo est pour le moins curieux.
En effet, confier une même mission à deux magistrats, l’un indépendant tandis que l’autre ne l’est pas, me semble tout de même assez scandaleuse.
De plus, selon quelles modalités sera saisi le procureur de la République ? Par une requête ? Par un simple courrier ? Toutes ces questions ne sont pas tranchées. Aucune réponse. C’est le vide complet.
Nous estimons que le contrôle du traitement des données nominatives doit être confié de manière exclusive à un magistrat du siège. Si la création d’un magistrat référent est une bonne chose, elle n’est pas suffisante.
C’est pourquoi cet amendement vise à confier le contrôle des fichiers au juge des libertés et de la détention. Ce dernier dispose en effet de compétences en matière d’enquêtes de police, notamment en ce qui concerne les autorisations pour certaines mesures telles que les écoutes téléphoniques ou les perquisitions de nuit.
En sa qualité de garant des libertés individuelles, le juge des libertés et de la détention se verrait donc conférer le pouvoir de contrôler le traitement des données à caractère personnel, étant entendu que le magistrat référent créé par l’article 230-9 ne pourra pas assurer à lui seul la mission de suivi de la mise en œuvre et de la mise à jour des traitements automatisés.
C’est la raison pour laquelle, par notre amendement, nous souhaitons confier ce contrôle des fichiers au juge des libertés et de la détention.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. L’amendement n° 206 a deux objets.
Premièrement, il prévoit que les données personnelles sont effacées en cas de décision de non-lieu ou de classement sans suite, sauf décision contraire du procureur de la République. Ainsi, il inverse le principe actuel.
Deuxièmement, il impose la motivation des décisions du procureur de la République lorsque celui-ci prescrit le maintien des données.
Cet amendement remet en cause les dispositions qui figurent déjà dans le droit en vigueur et que la LOPPSI ne fait que codifier. Ces dispositions garantissent un équilibre satisfaisant entre le droit des personnes et les exigences liées à la recherche des auteurs d’infraction.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Il en est de même pour l’amendement n° 123.
L’amendement n° 313 rectifié supprime la possibilité donnée au procureur de la République de prescrire le maintien des données personnelles en cas de décision de relaxe ou d’acquittement devenue définitive pour des raisons liées à la finalité du fichier. Cette possibilité qui figure déjà dans notre droit peut être utile. Il faut distinguer de nouveau le rôle conféré à ces fichiers de celui qui est assigné au casier judiciaire. La commission émet par conséquent un avis défavorable.
Il en est de même pour l’amendement n° 314 rectifié.
L’amendement n° 207 prévoit que le magistrat référent chargé du contrôle des fichiers doit être un magistrat du siège, au motif que cette responsabilité doit revenir à l’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle.
Il importe de rappeler aux auteurs de l’amendement, comme l’a d’ailleurs souligné la jurisprudence du Conseil constitutionnel, que les membres du parquet sont des magistrats qui, comme leurs collègues du siège, représentent l’autorité judiciaire. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les cinq amendements, pour les raisons qui ont été évoquées par M. le rapporteur.
Je me permets simplement de revenir un instant, en complément du propos de M. Mézard vers qui je me tourne, sur l’amendement n° 206.
M. Mézard, qui m’écoute d’ailleurs attentivement et qui connaît l’estime que je lui porte, m’a paru tout de même très excessif, presque un peu donneur de leçons dans son propos. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Roland Courteau. Pas du tout !
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Je voudrais simplement clarifier les choses, puisqu’il le souhaite.
L’alinéa 15 de l’article 10 du projet de loi, sur ce point, ne fait que reprendre le droit existant et prévoit, pour les fichiers d’antécédents judiciaires, deux règles d’effacement différentes selon les cas. Je vais les rappeler.
L’effacement est le principe en cas de relaxe ou d’acquittement au moment du jugement, mais le procureur de la République peut demander le maintien des données.
La conservation des données est le principe en cas de non-lieu ou de classement sans suite à l’issue de l’enquête ou de l’instruction, mais le procureur de la République peut demander l’effacement en cas de non-lieu ou lorsque le classement sans suite est motivé par une insuffisance de charges.
L’amendement proposé, sous prétexte de clarifier le régime d’effacement des données, vise en réalité à tout aligner sur le régime d’effacement applicable à la relaxe et à l’acquittement.
Un tel élargissement serait préjudiciable, et même très préjudiciable, à l’élucidation des affaires judiciaires et compromettrait la finalité même des fichiers d’antécédents. En effet, il est nécessaire de ne pas priver pour l’avenir les services enquêteurs de telles informations, contenues dans les fichiers STIC ou Judex et susceptibles de permettre l’identification ultérieure d’auteurs de nouvelles infractions.
Je citerai deux exemples.
Premièrement, pourquoi faudrait-il se priver de la mémoire d’une affaire de violence intrafamiliale, quand bien même celle-ci aurait été classée sans suite au motif du désistement du plaignant, ce qui, comme vous le savez, est, hélas ! souvent le cas ?
Deuxièmement, pourquoi les policiers et le parquet devraient-ils ignorer qu’un individu a été interpellé en possession de produits stupéfiants, quand bien même il n’aurait pas été poursuivi mais aurait fait l’objet d’une injonction thérapeutique ?
Voilà, je crois, une différence d’approche, qui ne met pas en cause des principes auxquels nous sommes tous attachés.
Je remercie M. Mézard de m’avoir écouté aussi attentivement que je l’avais fait moi-même tout à l’heure, dans le profond respect que je lui porte – il le sait –, et je pense que c’est réciproque.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Avec tout le respect et l’estime que je porte à M. le secrétaire d’État, je crois qu’il ne faut pas confondre les choses.
Le texte vise en particulier les classements sans suite pour insuffisance de charges. Or, monsieur le secrétaire d’État, vous venez de nous présenter un exemple concernant des violences intraconjugales pour lesquelles une plainte aurait été retirée. Ce n’est pas la même chose qui est indiquée dans le texte.
Vous affirmez également que le texte reprend des dispositions déjà existantes en droit, mais il s’agit d’une formulation de principe. Si cela existe déjà dans le droit, c’est-à-dire dans le code de procédure pénale, pourquoi rédiger quatorze nouveaux articles, les articles 230-6 à 230-19 ? Je ne suis pas du tout convaincu de cette existence, en tout cas sous une telle formulation.
Ce sujet est extrêmement important puisqu’il concerne tous nos concitoyens. Je rappelle que l’on dénombre 850 000 gardes à vue par an. Avec un tel système, chaque année, 850 000 personnes…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il y a des personnes qui sont placées plusieurs fois en garde à vue !
M. Jacques Mézard. Effectivement, monsieur le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il y a des habitués !
M. Jacques Mézard. Néanmoins, même s’il y en a qui y sont plusieurs fois, avec 850 000 gardes à vue par an, une grande majorité de nos concitoyens va se retrouver dans ces fichiers. Tout le monde, ou au moins une grande majorité, va y passer un jour ou l’autre, compte tenu de l’espérance de vie située entre 75 et 83 ans. Voilà quelle est la réalité !
Maintenir ainsi ces données, malgré des décisions de relaxe, d’acquittement ou des classements sans suite, c’est tout à fait grave.
Je rappelle aussi à l’ensemble de nos collègues que des centaines de milliers de gardes à vue et de dossiers d’enquête ne connaissent strictement aucune suite, pas même un classement sans suite. C’est la réalité !
M. Roland Courteau. C’est vrai !
M. Jacques Mézard. De grâce, je veux bien comprendre des arguments sur lesquels certains essaient de s’arc-bouter et qui visent à permettre d’utiliser ces fichiers, certainement à des fins louables, je n’en disconviens pas.
Je suis sûr que vous êtes très attachés, comme nous tous, aux libertés individuelles. Cependant, certains processus peuvent devenir dangereux et tout le monde doit en être conscient.
M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.
M. Alain Anziani. Je reprends les propos de mon collègue très estimé, Jacques Mézard.
Je ne comprends toujours pas, monsieur le secrétaire d’État.
Vos explications n’apportent aucune réponse. Deux cas de figure se posent toujours.
Dans le premier, un juge d’instruction, qui connaît bien son dossier, décide, en raison d’insuffisances de charges, de ne pas renvoyer le prévenu devant le tribunal correctionnel. Vous nous dites que la police est peut-être mieux informée que le juge d’instruction et que l’on pourrait alors conserver les données.
Ce mécanisme est dénué de toute logique car, à l’inverse, dans le second cas, si le juge d’instruction renvoie le prévenu devant le tribunal correctionnel et que ce dernier le relaxe, les données sont effacées. Dans ce cas aussi, la police pourrait prétendre détenir des éléments supplémentaires.
Ainsi, les données sont effacées si le tribunal correctionnel prononce la relaxe, alors qu’elles sont conservées si le juge d’instruction considère que les charges sont insuffisantes et qu’il n’est pas nécessaire de renvoyer le prévenu devant le tribunal correctionnel. C’est fou !
M. Roland Courteau. Voilà !
M. Alain Anziani. Ce que vous êtes en train de faire est une folie ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Roland Courteau. Bonne explication !
M. le président. L'amendement n° 122, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 15
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de refus ou de silence du procureur de la République à l'issue du délai d'un mois, la personne concernée pourra saisir dans chaque juridiction pénale une commission, composée de trois magistrats et présidée par un magistrat du siège, qui réexaminera sa demande.
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement prévoit un recours contre les décisions prises par le procureur de la République en matière d’effacement ou de rectification de données.
Il est vrai qu’il n’existe pas de recours contre les décisions du procureur de la République. Cependant, le système proposé dans l’amendement, à savoir l’institution d’une commission composée de trois magistrats, apparaît lourd et de nature à allonger les délais de traitement des demandes de rectification. Enfin, l’intéressé a toujours la possibilité de contester la décision finale prise par le gestionnaire du fichier.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 124, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 18
Après le mot :
magistrat
Insérer les mots :
du siège
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 125, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 19
Après la deuxième phrase, insérer une phrase ainsi rédigée :
À l'issue de ce délai, en cas de refus ou de silence du magistrat, la personne concernée peut saisir une commission, composée de trois magistrats de la Cour de cassation et présidée par un magistrat du siège, qui réexamine sa demande.
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 315 rectifié, présenté par MM. Collin et Alfonsi, Mme Escoffier, MM. Mézard, Baylet et Detcheverry, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 19, troisième phrase
Supprimer les mots :
pour requalification judiciaire
La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Mme Anne-Marie Escoffier. Cet amendement a la même finalité que celui sur lequel le Gouvernement a donné un avis favorable et qui a été adopté voilà quelques instants.
Compte tenu des effets négatifs que peut engendrer la présence de son nom sur les fichiers d’antécédents judiciaires, il est du devoir de l’autorité judiciaire de faire en sorte que les données qui y figurent soient parfaitement exactes.
C’est la raison pour laquelle la rectification, quel que soit son fondement, doit toujours être de droit.