M. Gérard Longuet. Très bien !
Mme Nicole Bricq. Non, pas « très bien » !
M. François Baroin, ministre. Cela permettra d’éviter des dépenses supplémentaires qui pèsent sur les budgets locaux.
Pour renforcer, dans la durée, la maîtrise des dépenses, il doit être clair que le message français ne vaut pas pour un seul exercice budgétaire. Nous sommes dans l’esprit d’une programmation triennale ; je rappelle que le budget français doit franchir une marche importante l’année prochaine et que notre objectif pour 2013 est de revenir au niveau de déficit que nous connaissions avant la crise. Il n’est d’autre solution que d’inscrire cette maîtrise des finances publiques dans la durée. Christine Lagarde est très attachée à ce message et elle se bat énormément sur les fronts européen et international pour le faire valoir.
À cet égard, les conclusions de la commission présidée par M. Michel Camdessus et mise en place par la conférence nationale sur le déficit public méritent d’être rappelées. Le principe de cette règle constitutionnelle d’équilibre des finances publiques a été souhaité par le Président de la République le 20 mai dernier, à l’occasion de cette même conférence.
Nous avons d’ores déjà un certain nombre de motifs de satisfaction.
D’abord, il existe un large consensus à propos d’importantes mesures de gouvernance dont nos finances publiques ont aujourd’hui indiscutablement besoin. Je pense en particulier à la proposition visant à confier le monopole des dispositions relatives aux recettes fiscales et sociales aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale. Cette règle serait particulièrement utile pour garantir une approche cohérente de l’évolution des recettes de l’État et de la sécurité sociale.
La commission Camdessus propose également d’inscrire dans la Constitution le principe d’une loi-cadre de programmation des finances publiques. Cette loi s’imposerait juridiquement aux projets de loi de finances et aux projets de loi de financement de la sécurité sociale, sous le contrôle du Conseil constitutionnel. Serait ainsi fixée une trajectoire impérative de réduction des déficits. La durée couverte par les lois-cadres et la date de retour à l’équilibre pourraient être arrêtées par le législateur.
Sur les bases de ce rapport, le Premier ministre engagera prochainement les consultations avec les forces politiques, pour déterminer plus précisément les contours d’une réforme consensuelle.
J’insisterai sur la partie politique de cette révision constitutionnelle. Il n’a échappé à personne qu’en 2012 doit avoir lieu un rendez-vous de respiration démocratique sur les grands choix qui engageront le pays, mais je suis absolument convaincu que, en prenant le temps nécessaire, d’ici à l’été prochain, nous pouvons trouver avec l’opposition les moyens de définir une révision constitutionnelle qui soit acceptable par tous. C’est en tout cas le chemin que le Gouvernement s’efforcera d’emprunter et de vous proposer à la rentrée.
Ainsi que vous l’avez annoncé tout à l'heure, monsieur le président, le présent débat sera suivi d’un vote au titre de l’article 50-1 de la Constitution.
Je le répète, notre objectif est de ramener en 2011 les déficits publics à 6 %. Peut-être l’ai-je trop dit, mais je ne le dirai probablement jamais assez. Cette détermination est solide. Il nous faut garder confiance en notre capacité de rebond, d’autant que la confiance est évidemment la racine de la croissance à long terme. Ce qui est fait là pour réduire notre endettement est aussi de nature à rassurer les Français, car nous leur montrons que nous nous saisissons très énergiquement de ce problème majeur qui est pour eux une source d’angoisse.
À terme, cela permettra de libérer une part de l’épargne pour la consommation et donc d’amener notre économie vers un rebond de croissance.
C’est l’esprit de responsabilité qui nous anime, Christine Lagarde et moi-même, dans les missions qui nous sont confiées. C’est également la responsabilité de l’État que d’œuvrer pour transmettre aux générations futures un système de redistribution à la française, qui est un modèle social absolument exceptionnel, mais aussi de préserver notre pays d’un endettement excessif, ennemi de la souveraineté, pour réussir cette inflexion vers la maîtrise de la dépense.
Je sais que je peux compter sur notre majorité. Je prends donc rendez-vous avec elle pour le vote, à l’automne, de la loi de finances pour 2011. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre. (Applaudissements sur les mêmes travées.)
Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, madame la présidente de la commission des affaires sociales, messieurs les rapporteurs généraux, mesdames, messieurs les sénateurs, je commencerai et je finirai mon propos par l’Europe.
En effet, ce débat d’orientation des finances publiques françaises s’inscrit dans un contexte grave concernant l’Union européenne.
Je vous rappelle que, au cours de la nuit du 9 mai, l’Union européenne a décidé de serrer les rangs, pour faire face aux attaques incessantes contre la zone euro, et de mettre en place un plan pour garantir la solidité de l’Union européenne et celle de la zone euro.
Ce plan est doté de 750 milliards d’euros, soit près de mille milliards de dollars. Vous y avez contribué à l’occasion des débats sur la récente loi de finances rectificative. Cela nous a permis d’apporter la garantie de l’État à un véhicule constitué sous l’empire du droit luxembourgeois. Grâce à la mobilisation de ces 750 milliards d’euros nous pourrons faire face à des attaques éventuelles contre l’Europe.
C’est dans ce contexte que notre politique économique et budgétaire s’inscrit, dans le cadre des accords passés avec l’ensemble de nos partenaires, et au regard de la responsabilité que nous prenons vis-à-vis des générations futures, pour maintenir cette souveraineté financière dont François Baroin faisait l’éloge à juste titre.
Le 20 mai dernier, vous vous en souvenez, le Président de la République a réuni pour la deuxième fois la conférence sur les déficits publics. Des engagements très importants ont été pris en matière de maîtrise des finances publiques. Cette maîtrise est partagée entre l’État, les organismes de sécurité sociale et les collectivités territoriales, dont certaines étaient représentées.
Ce plan visant à redresser nos finances publiques est l’un des grands objectifs que nous poursuivons dans le cadre de notre politique économique.
J’ai perçu l’enthousiasme que suscite chez certains une politique volontaire de réduction des niches fiscales et, chez d’autres, dont nous ne sommes pas, une préférence marquée pour une hausse des prélèvements, au nom de la vertu budgétaire.
J’ai la conviction que nous ne devons pas substituer la hausse des recettes à la baisse des dépenses.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Il faut faire les deux !
Mme Christine Lagarde, ministre. C’est une politique qui a été menée pendant longtemps : on négligeait toujours la baisse des dépenses, mais on cherchait systématiquement à augmenter les recettes.
En contrepartie, quels que soient le policy mix ou l’importance que nous accordons à la réduction des dépenses, nous devons être très attentifs à ne pas étouffer la croissance, qui reste très clairement le moteur principal de nos recettes fiscales et de leur augmentation.
Nous avons déjà annoncé un train de mesures fiscales équilibré de 3,7 milliards d’euros, dans le cadre de la réforme des retraites. Pour le financement de la dette sociale, nous avons prévu 3,2 milliards d’euros de réductions complémentaires. Cela représente déjà 6,9 milliards d’euros de prélèvements supplémentaires.
Dans le cadre de la loi de finances qu’a évoquée François Baroin, d’autres pistes nous permettront d’atteindre un chiffre bien plus élevé.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ça n’aura d’effet qu’en 2012 !
Mme Christine Lagarde, ministre. Outre la réduction des déficits publics et le redressement de nos finances, l’autre objectif que nous poursuivons et que nous devons poursuivre avec ardeur est celui de l’amélioration de la situation de l’emploi : elle reste une priorité absolue.
Je vous donne un exemple du travail accompli pour réduire la dépense de la manière la plus ciblée, graduée et efficace : les crédits de l’emploi progresseront légèrement en 2011 par rapport à 2010, se montant à 10,65 milliards d’euros contre 10,5 milliards. C’est là, vous l’aurez noté, une petite progression au regard de l’importance de l’objectif.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Oui !
Mme Christine Lagarde, ministre. Le maintien de ces moyens et leur décroissance, en revanche, sont prévus à partir de 2012.
Je vous entends déjà, monsieur le rapporteur général, considérer qu’une légère augmentation n’est probablement pas souhaitable.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. C’est l’efficacité qui importe !
Mme Christine Lagarde, ministre. Ce que nous avons souhaité, monsieur le rapporteur général, c’est faire porter l’effort, et donc la réduction du budget approprié, sur 2012. Nous espérons en effet que les politiques que nous mettons en œuvre seront de nature à revigorer l’emploi et à réduire le chômage qui affecte actuellement notre économie.
Parallèlement, nous ne devons pas éviter le débat sur la pertinence et l’efficacité d’un certain nombre de mesures, de niches et de dépenses fiscales.
Nous avons d’abord visé les réductions ou les suppressions de dispositifs d’exonérations de cotisations sociales dont l’efficacité n’est pas pleinement démontrée. J’en suis sûre, vous en conviendrez, l’exonération de l’avantage en nature constitué par les repas des salariés du secteur des cafés, hôtels, restaurants doit probablement être supprimée.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Certainement !
Mme Christine Lagarde, ministre. Je pense également à la suppression de l’exonération de quinze points de charges sociales des particuliers employeurs et du régime spécifique des structures agréées dans le domaine des services à la personne.
Voilà un exemple de volontarisme en la matière.
S’agissant de cette mesure, j’insiste sur le fait que nous proposons, en revanche, de préserver les avantages pour les personnes fragiles et de maintenir l’avantage fiscal de 50 %.
J’ai utilisé volontairement l’exemple des services et des particuliers employeurs. Maîtriser la dépense publique ne doit pas nous empêcher de maintenir notre soutien ciblé à certains secteurs économiques, pour poursuivre l’autre objectif de notre politique économique : restaurer l’emploi.
Je souhaite maintenant tracer quelques perspectives économiques pour la France pour 2010 et 2011, en rappelant d’abord les grandes caractéristiques de l’environnement international, avent d’indiquer les trois grands principes de la stratégie économique que nous entendons suivre pour l’économie française de l’après-crise.
Le contexte international de l’année 2010 est très varié si l’on en juge par les études menées au sein de l’OCDE ou par le Fonds monétaire international, qui a institué un véritable observatoire des situations économiques à travers le monde.
Les États-Unis tireront profit, comme certains de leurs partenaires, de mesures budgétaires très lourdes qui ont été mises en place à la fin de 2009, alors que nous-mêmes avons fait porter l’effort sur le début de l’année 2009. Le plan américain, entré en vigueur assez tard en 2009, se poursuit en 2010. Le taux de chômage, anormalement élevé pour ce pays, entre 9 % et 10 %, restera ainsi stable cette année.
La croissance devrait s’accélérer un peu en fin d’année. L’INSEE prévoit, pour les États-Unis, un rythme de croissance trimestrielle de l’ordre de 0,4 %, comme au premier trimestre 2010. Cela correspond à un rythme de croissance annuelle de 2,9 %.
Les pays émergents, tirés en particulier par l’Inde et surtout par la Chine, compte tenu d’un plan de relance massif, mis en place dès le début de l’année 2009, mais aussi des pays auxquels on pense moins, comme l’Indonésie et le Mexique, qui font partie du deuxième groupe de pays émergents à croissance forte – je pense également à la Turquie – deviendront les moteurs de la croissance mondiale.
Dès 2011, voire dès la fin de 2010, la Chine passera au deuxième rang des puissances économiques. Bien entendu, compte tenu de l’« assiette », cela ne signifie pas pour autant que son produit intérieur brut par habitant avoisinera celui des pays développés, mais, sa puissance économique globale va se traduire désormais par cette deuxième place.
Dans la zone euro, la hausse de l’activité est plus contenue. Le rythme de croissance trimestriel de la zone euro se situe aux environs de 0,2 %. De l’aveu même du directeur général du FMI, il est difficile d’expliquer pourquoi la croissance de la zone euro est plus modérée que celle des pays à niveau de développement à peu près équivalent, tels les États-Unis.
L’activité en zone euro devrait se redresser un peu au deuxième trimestre, soutenue par le rebond du commerce mondial. Elle serait toujours caractérisée par une grande hétérogénéité entre les zones. Ainsi l’Allemagne et la France sont susceptibles de bénéficier d’un rebond plus important, alors que l’activité en Espagne, en raison de son modèle de développement économique, devrait stagner au cours de toute l’année 2010.
La demande intérieure hors stock de la zone euro se tasserait un peu après l’été, selon l’INSEE, contrairement à ce qui devrait se passer en France, où la demande intérieure est susceptible d’accélérer. Je me fie, en cela, aux chiffres publiés par l’INSEE au mois de juin.
L’examen de ces chiffres confirme donc que la France traverserait le début de l’après-crise plutôt mieux que le reste de la zone euro, tout comme elle avait plutôt mieux traversé la période de crise que l’ensemble de la zone euro, sortant de la récession dès le deuxième trimestre de 2009 et bénéficiant d’un taux moyen de croissance de l’économie de l’ordre de 0,3 % au cours de la dernière année, étant entendu que des variations sensibles peuvent être enregistrées d’un trimestre à l’autre : c’est ainsi que la croissance a été de 0,6 % au quatrième trimestre de 2009 et de 0,1 % au premier trimestre de 2010.
Quand on analyse en détail les différents postes de la croissance du produit intérieur brut français, on s’aperçoit que cette évolution s’explique, à l’évidence, par la décrue de la prime à la casse, d’autant que, si celle-ci a connu un grand succès en France, elle a aussi été appliquée dans un certain nombre d’autres pays.
En tout cas, pour ma part, je préfère retenir, pour déterminer la croissance tendancielle, que le PIB de la France a augmenté de 0,3 % par trimestre depuis un an.
Pour le reste de l’année 2010, le cadrage macroéconomique que nous avons retenu dans le programme de stabilité de février dernier a efficacement anticipé les prévisions de l’INSEE qui ont été rendues publiques en juin dernier.
Ainsi, l’investissement des entreprises serait en légère progression sur l’année, de l’ordre de 0,6 %. Cette hausse est modérée, me direz-vous, mais elle constitue un grand progrès par rapport à l’année dernière : vous vous en souvenez, l’investissement des entreprises avait été très affaibli pendant l’année de la crise – il avait diminué de 8 % –, ce qui avait considérablement « plombé » notre croissance.
L’investissement logement des ménages s’améliorerait tout particulièrement à la fin de l’année 2010, et cela avant tout pour deux raisons : d'une part, la politique du crédit est soutenue par des taux d’intérêt qui demeureront bas pendant le reste de l’année 2010 ; d'autre part, certains outils que nous avons mis à la disposition des ménages font sentir leurs effets, notamment le dispositif Scellier et le doublement du PTZ, le prêt à taux zéro, qui permet aux particuliers de s’endetter pour acquérir un bien immobilier.
En outre, la réduction du déstockage soutiendrait la croissance au cours des prochains trimestres.
Par ailleurs, mais, pour auditionner régulièrement des chefs d’entreprises, vous le savez aussi bien que moi, la baisse de l’euro, en particulier par rapport au dollar et au yen, sera de nature à stimuler les exportations. Elle bénéficiera à nos entreprises dont les bases de coûts se situent sur le territoire français.
Dans le domaine de l’emploi, nous constatons quelques éléments de stabilisation.
Le premier trimestre a vu la création de 23 900 nouveaux emplois, contre 7 300 destructions de postes au quatrième trimestre de 2009. Le taux de chômage est resté stable à 9,5 %. Ces résultats justifient parfaitement notre objectif de créer des emplois dans notre pays.
Sur l’ensemble de l’année 2010, le produit intérieur brut français est susceptible de croître de 1,4 %. Cette estimation est conforme à nos prévisions antérieures, mais aussi à celles, qui ont été révisées, du Fonds monétaire international, dont les derniers chiffres seront publiés aujourd'hui même, me semble-t-il. En revanche, elles sont légèrement inférieures aux prévisions de l’OCDE, qui s’établissent à 1,7 %.
En 2010, nous resterons donc dans le cadre des prévisions que nous avions formulées : l’économie française sera passée d’un recul du PIB de 2,6 % en 2009 à une croissance de 1,4 % en 2010.
Je le rappelle, les hypothèses d’inflation que nous avions retenues étaient de 1,2 % en moyenne annuelle. Quant aux prélèvements obligatoires, ils se stabiliseront à 41,5 % du produit intérieur brut, soit à peu près au même taux que l’année dernière, ce qui signifie que nous ne soutiendrons pas plus – mais pas moins ! – l’activité en 2010 qu’en 2009. D’ailleurs, le déficit structurel serait pratiquement le même, puisqu’il se réduirait seulement de 0,1 %.
Il s'agit là d’une décision délibérée : nous avons choisi de ne pas accélérer la politique de réduction des déficits à la fin de l’année 2010, mais d’engager celle-ci de manière extrêmement ferme et déterminée dès le début de l’année 2011.
J’en viens, justement, à l’année 2011. La poursuite du rebond cyclique amorcé en 2010 devrait nous permettre d’atteindre un rythme de croissance proche de la tendance de long terme de l’économie française.
Je sais parfaitement, et je comprends ce point de vue, que la prévision de croissance que nous formulons pour l’année 2011 est l’objet de doutes. Toutefois, je persiste à penser qu’elle n’est pas irréaliste, bien qu’elle soit ambitieuse et même audacieuse.
Premièrement, nous nous sommes efforcés de procéder par analogie, en observant ce qui s’était passé lors d’une autre crise grave, en 1993. Cette année-là, le PIB de la France recula de 0,9 %, mais l’année suivante fut marquée par un net rebond puisque l’augmentation de la richesse nationale, dont on prévoyait qu’elle serait de 1,4 %, fut de 2,2 %, l’économie française rejoignant son potentiel de croissance.
Traditionnellement, le rebond économique est aussi fort que le choc a été brutal. Il n’est donc pas totalement inepte de penser que, après une crise aussi grave que celle que nous avons subie pendant l’année 2009, nous puissions fortement rebondir et rejoindre, cette fois encore, notre potentiel de croissance.
M. Guy Fischer. Cela ne va pas être facile !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Le potentiel est aujourd'hui de 2 % !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Et encore, c’est ambitieux !
Mme Christine Lagarde, ministre. Je sais que vous contesterez cette prévision, monsieur le rapporteur général. Toutefois, je développe mes arguments non pas pour vous convaincre, mais pour vous expliquer pourquoi, je le répète, cette proposition n’est pas irréaliste.
Deuxièmement, nous espérons favoriser une certaine stabilisation du marché du travail à travers des politiques de l’emploi ciblées, un renouveau de la formation professionnelle et la mise en place d’outils efficaces.
En outre, un certain rattrapage des salaires, que l’on ne peut exclure après le ralentissement que nous avons connu en 2009 et en 2010, tout simplement parce qu’une telle évolution est dans la nature des relations sociales, serait favorable à la croissance. (M. le rapporteur général de la commission des finances manifeste son scepticisme.)
Une certaine baisse du chômage et une éventuelle hausse des salaires seraient de nature à dynamiser les revenus d’activité, pour permettre au taux d’épargne de revenir à son niveau d’avant la crise, ce qui signifierait davantage de consommation.
Troisièmement, je le répète, nous observons la fin du déstockage.
Depuis le début de l’année, les rentrées fiscales, s'agissant de la TVA mais surtout de l’impôt sur les sociétés, sont conformes aux prévisions du Gouvernement et confirment que l’économie française entre dans une dynamique favorable.
Quatrièmement, l’activité économique devrait tirer partie des réformes que nous avons engagées depuis trois ans – telle était leur finalité, d'ailleurs ! –, surtout si elle est soutenue par un rebond de la demande mondiale adressée à notre pays, rebond qui serait, selon les prévisions du Fonds monétaire international, de 4,5 %. Ainsi, l’économie française devrait mieux réagir qu’elle ne le faisait avant ces réformes.
C’est bien pour cette raison que nous avons soumis au Parlement la loi de modernisation de l’économie, que nous avons pris des mesures pour soutenir l’investissement, que nous avons substitué à la taxe professionnelle la contribution économique territoriale, que nous avons réformé le crédit d’impôt recherche et que nous favorisons les dépenses d’avenir.
En outre, en 2011, la réforme des retraites sera évidemment un accélérateur de croissance, comme je le monterai dans un instant.
Cette prévision de croissance pour 2011, qui s’établit jusqu’ici à 2,5 %, est certes ambitieuse, mais je me suis efforcée de vous montrer sur quels arguments nous la fondions.
En outre, je le rappelle, le projet de loi de finances pour 2011 suivra son calendrier habituel. Les informations qui seront progressivement disponibles, comme le chiffre de la croissance du deuxième trimestre, que nous connaîtrons à la mi-août de cette année, et les indications dont nous disposerons sur la situation de nos partenaires, notamment l’Allemagne et la Grande-Bretagne, nous permettront de savoir si cette prévision de croissance était trop audacieuse, ou juste assez.
Pour mémoire, j’indique que nous avons utilisé comme paramètre de référence pour nos prévisions un taux de change de 1 euro pour 1,48 dollar, ce qui nous offre, là encore, une certaine marge de manœuvre. Nous le savons, la monnaie européenne s’est considérablement dépréciée au cours des dernières semaines, et nous n’avons aucune raison de penser que le rapport de change antérieur se rétablira de manière brutale dans les mois qui viennent.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. C’est un élément positif !
Mme Christine Lagarde, ministre. J’en viens aux trois principes stratégiques sur lesquels nous souhaitons fonder le développement de l’économie française et permettre aux acteurs de remplir leur rôle en la matière.
Je précise d’abord une nouvelle fois que nous entendons mettre en œuvre un mélange de redressement des finances publiques, de réformes structurelles et de soutien aux investissements et à l’innovation.
Par boutade, j’ai évoqué la « rilance ». Ce mot-valise, que certains trouvent ridicule et dont d’autres discutent la pertinence, a au moins le mérite de rappeler que nous n’entendons pas nous consacrer au seul redressement des finances publiques, sans avoir le moindre égard pour les perspectives de croissance. Si nous voulons impérativement mettre en œuvre ce rétablissement financier, si celui-ci constitue bien notre objectif principal, nous souhaitons agir de manière suffisamment subtile, graduée et défensive pour que la croissance française ne soit pas étranglée et que nous ne nous retrouvions pas en récession.
Les réformes structurelles destinées à soutenir durablement la croissance et à accompagner la réduction du déficit sont plus que jamais nécessaires, d’autant que l’évolution de la population active et la situation démographique de notre pays nous amènent à nous interroger sur la productivité de l’économie française.
Si nous comparons les chiffres des vingt dernières années, nous voyons clairement que l’économie française a régressé dans ce domaine : les gains de productivité sont passés de 1,8 % par an au cours de la période 1991-2001 à 1,2 % par an dans les années 2003-2007.
Cette situation ne s’explique donc pas seulement par une baisse des investissements au cours de l’année 2009. Elle est bien plutôt le reflet du vieillissement de notre population, dont nous devons tenir compte.
Depuis trois ans, la politique économique du Gouvernement est inspirée par trois principes fondamentaux, qui continueront d’être déterminants.
Premièrement, nous avons agi sur le volume de travail dans l’économie.
Ainsi, nous avons libéré le temps de travail grâce à la détaxation des heures supplémentaires. Nous avons lutté pour l’emploi, notamment en créant le revenu de solidarité active, en transformant en profondeur le service public de l’emploi – grâce à la fusion des ASSEDIC et de l’ANPE, qui a donné naissance à Pôle emploi –, enfin en réformant la formation professionnelle, afin d’augmenter la quantité et la qualité du travail dans notre économie.
Nous avons aussi engagé la réforme des retraites, qui vise avant tout à préserver le système par répartition,…
M. Guy Fischer. Bien sûr ! (Sourires sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Mme Christine Lagarde, ministre. … mais qui doit également permettre de favoriser la croissance.
En effet, le relèvement graduel de l’âge de la retraite va augmenter mécaniquement l’effectif de la population active, donc la production de valeur. Cette réforme prouve que la maîtrise des dépenses publiques ne s’oppose nullement à la croissance.
En augmentant le nombre des actifs, nous tablons sur un supplément de croissance moyen d’environ 0,3 % par an pendant toute la décennie. En outre, nous obtiendrons, à partir de l’année 2013, une réduction du déficit public de 0,5 %.
Deuxièmement, nous agissons sur la compétitivité des entreprises.
Nous souhaitons renforcer l’investissement, notamment privé, dans la recherche et le développement. Nous estimons que ces mesures auront un effet favorable sur la croissance, de l’ordre de 0,1 % par an au cours des dix prochaines années.
Par ailleurs, nous investissons massivement dans l’enseignement supérieur et la recherche. Lorsque l’on examine la répartition des dépenses financées par ce que l’on a appelé le « grand emprunt », que pour ma part je préfère qualifier d’investissements d’avenir, on constate qu’un peu plus d’un tiers d’entre elles est consacré à l’enseignement supérieur et aux campus d’excellence.
Selon les ordres de grandeur avancés par le Conseil d’analyse économique, et en tenant compte des mécanismes de dotations en capital, qui favorisent les partenariats avec le secteur privé, l’effet de cette action représenterait près de 0,1 % de PIB par an en moyenne sur la décennie.
Comme vous vous en souvenez sans doute, mesdames, messieurs les sénateurs, puisque nous en avons longuement débattu dans cet hémicycle et que vous avez en profondeur modifié et adapté ce mécanisme, nous avons réformé la taxe professionnelle pour cibler davantage l’investissement sur le secteur industriel, au service des petites et moyennes entreprises, permettant ainsi une réduction du coût des investissements en équipements et biens mobiliers de l’ordre de 20 %.
Enfin – vous vous en souvenez également –, nous avons triplé le crédit impôt recherche, qui fait de la France une terre d’accueil des investissements et des centres de recherche.