M. Guy Fischer. Voilà la vérité !
Mme Éliane Assassi. Effectivement !
M. Nicolas About. Pourquoi avoir proposé une telle disposition dans un projet de loi de réforme des collectivités territoriales et, plus précisément, au sein d’un chapitre consacré aux conseillers territoriaux, alors qu’elle concerne bel bien les conseillers généraux, singulièrement ceux qui seront élus en 2011 lors des prochaines élections cantonales ?
M. Guy Fischer. Ils préparent 2011 !
M. Nicolas About. Nous ne sommes d’accord ni sur le fond ni sur la forme.
Sur le fond, nous sommes opposés à cet article, car ce nouveau seuil ne nous paraît pas pertinent ; sur la forme, ses dispositions n’ont pas leur place dans le texte que nous examinons aujourd'hui.
M. Guy Fischer. Très bien !
M. Bernard Vera. Tout à fait !
M. Nicolas About. C’est pourquoi je vous demande, mes chers collègues, d’adopter notre amendement de suppression afin de maintenir le seuil actuel.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. La commission des lois a émis un avis favorable sur la disposition visant à fixer un seuil de 12,5 % introduite, sur l’initiative de M. Perben, par l'Assemblée nationale. En l’espèce, la commission n’envisage pas de changer d’avis et émet donc un avis défavorable sur ces quatre amendements identiques de suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Marc Daunis, pour explication de vote.
M. Marc Daunis. Mes chers collègues, vous aurez sans doute maintenant compris notre refus de créer le conseiller territorial ; après que le président de notre groupe l’a rappelée tout à l'heure, je ne reviendrai pas sur la geste, sur l’épopée du mode de scrutin pour l’élection du conseiller territorial.
Toutefois, à la suite des propos qui viennent d’être tenus, je tiens à attirer votre attention sur un point qui me semble extrêmement grave.
En dehors de toute autre considération, la manière dont nous est présentée cette disposition en fait typiquement un cavalier !
Mme Éliane Assassi. Absolument !
M. Marc Daunis. Cet article, loin d’être l’expression d’un appel au bon sens des parlementaires pour faciliter, ici ou là, la vie de nos concitoyens ou la bonne gestion des élus, a été introduit par simple opportunité politicienne, pour répondre à des intérêts strictement partisans. Voilà qui est profondément choquant.
Aucune autre explication réelle ne peut être avancée pour justifier un tel relèvement du seuil pour le second tour, un tel alignement d’un mode de scrutin local sur un mode de scrutin national.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Nous tenons beaucoup à la suppression de l’article 1er B.
Ici, c’est le bal des hypocrites !
À la lecture du rapport de notre excellent rapporteur, on apprend que cet article a été introduit par l'Assemblée nationale sur l’initiative de M. Perben, indiquant que, avec un tel seuil – applicable dès les cantonales de 2011, et on se demande bien pourquoi ! –, « la probabilité est forte que la personne élue obtienne finalement plus de 50 % des suffrages exprimés ».
Effectivement, une fois que l’on aura éliminé tous les candidats susceptibles de se maintenir au second tour à l’exception de deux – et pourquoi pas, demain, un seul ? –, il est évident que le vainqueur sera élu avec plus de 50 % des suffrages exprimés !
En réalité, il s’agit d’empêcher certains partis d’être qualifiés pour le second tour !
Chers collègues de l’opposition, vous avez balayé d’un revers de main notre sous-amendement visant à abaisser à 8 % le seuil de maintien au second tour du mode de scrutin uninominal majoritaire ! Je regrette que Mme Blandin ne soit pas présente parmi nous en cet instant, car je me serais fait un plaisir de répondre aux propos tout à fait désagréables et injustes qu’elle a tenus à l’égard de notre groupe, …
M. Yvon Collin. Très bien !
M. Jacques Mézard. … alors que ce seuil de 8° % aurait permis de maintenir la diversité de la vie démocratique dans la République.
Si les amendements de suppression de cet article ne sont pas adoptés, cette diversité sera balayée ! Voilà qui contentera nos collègues socialistes, ainsi que ceux de l’UMP, qui se retrouveront entre eux ! Mais je ne sais pas si c’est un bien pour notre vie démocratique !
M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly, pour explication de vote.
M. Gérard Bailly. Chers collègues, certes, nous ne pouvons pas être tous d’accord en permanence, mais ici, tout de même… Aujourd'hui, avec des seuils bas, quatre, voire cinq candidats peuvent rester en lice au second tour.
M. Pierre-Yves Collombat. Mais non !
M. Gérard Bailly. Le vainqueur est donc élu avec moins de 30 % des voix,…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Dans les partielles, vous ne crachez pas dessus !
M. Gérard Bailly. Madame, lorsque vous avez la parole, je vous laisse parler ! Ne m’interrompez pas ! Je peux avoir un point de vue différent du vôtre, tout de même !
Pour ma part, j’estime qu’il ne faut pas qu’un trop grand nombre de candidats restent dans la course pour le second tour ! L’élu doit recueillir 50 % des suffrages exprimés pour avoir, sur son territoire, une vraie légitimité. (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG.) C’est mon avis, chers collègues ! Certes, ce n’est pas le vôtre, mais permettez à la majorité d’avoir des positions qui sont tout aussi justifiables que les vôtres ! (Applaudissements sur quelques travées de l’UMP.)
Mme Marie-Thérèse Hermange. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. À la suite de l’intervention de notre collègue Jacques Mézard, je tiens à préciser que le groupe socialiste a également déposé un amendement de suppression de l’article 1er B et a demandé un scrutin public. Nous n’avons donc aucunement l’intention de fortifier un quelconque duopole ! Nous sommes, nous aussi, très attachés à la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à M. Nicolas Alfonsi, pour explication de vote.
M. Nicolas Alfonsi. Nous raisonnons en chiffres, en pourcentages, sans jamais tenir compte de la fluidité du corps électoral, notamment de l’abstention.
Or, pour l’expression d’une sensibilité politique, un seuil de 10 % n’a pas la même réalité lorsque le taux de participation est de 80 % ou de 40 % ! Il faut, me semble-t-il, prendre en compte cet élément.
M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.
M. Christian Cointat. Pour ma part, je suis très attaché au scrutin majoritaire, qui a pour but, comme son nom l’indique, de dégager une majorité. Or, et je suis désolé de devoir vous le dire, chers collègues, les triangulaires et les quadrangulaires dégagent non pas des majorités, mais des minorités ! (Rires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Gérard Bailly. Exactement !
M. Christian Cointat. Et une minorité n’est pas représentative !
M. Pierre-Yves Collombat. Alors, vous empêchez les minorités de se présenter !
M. Christian Cointat. Personnellement, j’aurais souhaité que seuls les deux candidats arrivés en tête puissent se maintenir au second tour.
M. Pierre-Yves Collombat. Cela n’a aucun sens !
M. Christian Cointat. C’est ce que j’aurais souhaité ! Mais on a fixé un seuil. De grâce, ne l’abaissez pas, sinon le scrutin majoritaire n’aura, là, plus aucun sens ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Pierre-Yves Collombat. Arrêtez ! Actuellement, le seuil est fixé à 10 % !
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Je profite de cette occasion pour dire que j’ai toujours été surpris que certains partis politiques fanfaronnent quand leur candidat n’a réussi à se faire élire qu’avec, quelquefois, 20 % ou 30 % des inscrits du pays, du département ou du canton ! Quelle légitimité un élu peut-il avoir lorsqu’il ne représente que 20 % ou 25 % des inscrits ? Aucune !
À cet égard, je pense que nous aurions intérêt à conduire ultérieurement une réflexion sur nos modes de scrutin afin de mieux prendre en compte les abstentionnistes. En effet, lorsque les abstentionnistes sont nombreux, c’est qu’ils ont un message à délivrer ! Quand un candidat n’a pas réussi à recueillir un minimum de voix par rapport au nombre d’électeurs inscrits, il n’a, me semble-t-il, aucune légitimité pour siéger dans une collectivité ou une institution, quelle qu’elle soit !
Certes, il est plus facile de le dire que de mettre en œuvre de nouvelles règles, mais ce que nous sommes en train de vivre en ce moment met en cause les fondements de notre démocratie. Cela exige de notre part que nous engagions, tous partis politiques confondus, une réflexion sur cette question.
L’article 1er B ne règle pas le problème de l’abstentionnisme, qui tend à croître de scrutin en scrutin. C’est un véritable problème.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je partage assez les propos de M. Vasselle. C’est un fait, le scrutin uninominal à deux tours nuit au pluralisme. C’est pourquoi nous sommes favorables à la proportionnelle. Empêcher ou limiter le pluralisme n’est tout simplement pas une bonne chose pour la démocratie.
Chers collègues, l’un d’entre vous a-t-il jamais refusé d’être élu à l’issue d’une partielle marquée par un taux d’abstention de 80 % ?
À mes yeux, ce qui est grave, c’est qu’il y ait 80 % d’abstention ! Mais ne nous dites pas que les candidats qui ne sont pas élus avec 60 % des voix sont mal élus ! Sinon, nombreux sont ceux qui, parmi vous, auraient dû depuis longtemps renoncer à être élus !
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Il est tout de même étonnant que ceux de nos collègues qui, dans cet hémicycle, faisaient il n’y a pas si longtemps l’éloge du mode de scrutin majoritaire à un tour s’offusquent aujourd’hui qu’un candidat soit élu sans avoir atteint la majorité absolue !
M. Christian Cointat. Je suis contre le scrutin à un tour !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur Cointat, vous êtes mal placé !
Mme Éliane Assassi. Avec combien de voix avez-vous été élu ?
M. Pierre-Yves Collombat. Comme mon collègue l’a souligné tout à l'heure, on ne règle pas le problème en empêchant des candidats de se présenter et, de ce fait, en interdisant aux électeurs de voter pour les candidats qui répondraient à leurs attentes. (Protestations continues sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Quand mes collègues en auront terminé avec ce pugilat interne, je pourrai redire, après M. Vasselle que, lorsque l’électeur ne trouve pas chaussure à son pied, il s’abstient ! Pour l’élection présidentielle, cela a un sens d’éviter que plus de deux candidats ne se présentent au second tour. Mes chers collègues, l’inflation de candidats au premier tour de la dernière élection présidentielle a été telle que le scrutin s’en est trouvé complètement obscurci !
Faites preuve de sagesse et accordez une certaine respiration au mode de scrutin proposé, en maintenant le seuil actuel de 10 % !
M. le président. La parole est à M. Robert del Picchia, pour explication de vote.
M. Robert del Picchia. Madame Borvo Cohen-Seat, vous n’avez sans doute pas dû comprendre ce qu’a dit tout à l'heure notre collègue Alain Vasselle.
Mme Éliane Assassi. Mais oui, nous avons bien compris !
M. Robert del Picchia. Il n’a pas dit qu’il voterait pour les amendements identiques de suppression : notre collègue vote contre, si j’ai bien compris !
M. Alain Vasselle. Tout à fait, mon cher collègue !
M. Robert del Picchia. Je tenais à apporter cette précision, monsieur le président !
Mme Éliane Assassi. Mais il avait des choses à dire sur les abstentionnistes !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 86 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, 328 de M. Pierre-Yves Collombat, 482 rectifié de M. Yvon Collin, et 552 de M. Nicolas About, tendant à supprimer l’article 1er B.
J’ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe CRC-SPG, l’autre, du groupe socialiste.
Je rappelle que la commission a émis un avis défavorable, de même que le Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 257 :
Nombre de votants | 333 |
Nombre de suffrages exprimés | 332 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 167 |
Pour l’adoption | 183 |
Contre | 149 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, l'article 1er B est supprimé. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG, du groupe socialiste, du RDSE et de l’Union centriste.)
M. Jean-Pierre Sueur. C’est un troisième camouflet pour le Gouvernement ! Celui-ci va-t-il enfin comprendre qu’il faut arrêter ?
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le secrétaire d’État, il faut arrêter les frais ! De camouflet en camouflet, il ne restera rien du texte !
Articles additionnels après l'article 1er B
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 244 rectifié, présenté par MM. Pointereau, Cornu, Pinton, Laurent, Doublet et B. Fournier, Mme Rozier et MM. Lecerf, Trillard, Mayet et Pierre, est ainsi libellé :
Après l'article 1er B, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La délimitation des cantons peut dépasser les limites des circonscriptions législatives afin de tenir compte des spécificités territoriales.
L'amendement n° 245 rectifié, présenté par MM. Pointereau, Cornu, Lecerf, Pinton, Mayet, Laurent, Doublet et Pierre, Mme Rozier et MM. B. Fournier et Trillard, est ainsi libellé :
Après l'article 1er B, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La délimitation des cantons peut dépasser les limites des circonscriptions législatives afin de tenir compte des spécificités territoriales, dans la limite de 10 % de la population de la circonscription législative.
La parole est à M. Rémy Pointereau, pour présenter ces deux amendements.
M. Rémy Pointereau. Les amendements nos 244 rectifié et 245 rectifié visent à mieux répondre aux réalités administratives des bassins de vie qui possèdent une spécificité rurale ou de montagne.
L’élection des conseillers territoriaux étant complètement différente de l’élection des députés, elle doit refléter les réalités des « territoires ».
Par ailleurs, cet amendement est parfaitement cohérent avec la position de la commission des lois. En effet, à l’alinéa 3 de l’article 1er AA, il est précisé que le territoire « est une circonscription électorale dont les communes constituent un espace géographique, économique et social homogène ».
En inscrivant dans la loi la possibilité de dépasser les limites des circonscriptions, nous pourrons obtenir un découpage beaucoup plus cohérent.
On me dit toutefois que le Conseil constitutionnel ne serait pas forcément d’accord avec une telle proposition. Je sais également que l’Assemblée nationale y est farouchement opposée.
Selon moi, le Sénat doit ici jouer son rôle de représentant des collectivités locales. À ce titre, je regrette que nous n’ayons pas pu trouver un accord sur le mode de scrutin pour l’élection du conseiller territorial, car, finalement, c’est l’Assemblée nationale qui va maintenant prendre la main ! (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Monsieur Pointereau, l’article 2 de la loi n° 2009-39 du 13 janvier 2009 relative à la commission prévue à l'article 25 de la Constitution et à l'élection des députés, qui habilitait le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour délimiter les circonscriptions législatives, prévoit que tout canton dont la population est inférieure à 40 000 habitants est « entièrement compris dans la même circonscription pour l’élection d’un député d’un département ». Par symétrie, il paraît nécessaire de prévoir que les limites des futurs territoires respectent celles des circonscriptions législatives.
Par conséquent, la commission des lois a émis un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly, pour explication de vote sur l'amendement n° 244 rectifié.
M. Gérard Bailly. Malgré les explications fournies, je suis un peu déçu de la position défendue par la commission et par le Gouvernement.
Monsieur le rapporteur, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je prends l’exemple de deux communes de mon département, qui, depuis 1898, soit cent vingt-deux ans, demandent à changer de canton. Je peux vous montrer leurs premières délibérations. Elles n’ont jamais été autorisées à le faire, et ce malgré l’unanimité des conseils municipaux et des maires des communes du canton de départ comme du canton d’accueil.
Ces deux communes appartiennent à une communauté de communes, laquelle, pour la grande majorité des communes qui la composent, relève d’une circonscription législative différente.
Étant précisé qu’une telle décision ne concernerait que deux cent quarante habitants, il me semble absurde que l’opération soit impossible ! On frise le ridicule !
Pouvez-vous au moins, monsieur le secrétaire d’État, prendre l’engagement que le Gouvernement, dans les années qui viennent, examinera ce type de propositions, dont l’adoption n’introduirait qu’une modification minime des limites des circonscriptions ? Pour ne pas faire évoluer ces limites, on avait auparavant opposé la loi, qui interdit cette modification quand la population du canton que la ou les communes souhaitent quitter est moins importante que la population moyenne des cantons du département. On ne se souciait guère du fait que le canton d’accueil avait une population encore plus faible ! Le souhait de ces communes allait pourtant dans le sens d’un meilleur équilibre démographique.
Monsieur le secrétaire d’État, il y a longtemps que nous travaillons sur ce dossier. Je ne voudrais pas que la situation actuelle perdure encore des décennies, voire des siècles ! Je le répète, ces deux communes, partie intégrante d’une communauté de communes dont elles partagent les intérêts, sont bien éloignées du chef-lieu de leur canton. Il existe d’ailleurs d’autres cas similaires.
Pour cette raison, je souhaite que des solutions soient trouvées. Il n’est en effet pas possible de laisser perdurer une telle absurdité, laquelle, d’ailleurs, ne concerne qu’une infime partie de la population.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, nous avons eu l’occasion de régler des cas marginaux similaires, les populations y attachant une certaine importance. Ces modifications ont concerné, si mes souvenirs sont exacts, de petites communes de l’Isère, de la Haute-Saône et de l’Yonne. Malheureusement, votre problème ne nous a pas été signalé. (M. Gérard Bailly s’exclame.) J’en suis désolé, car nous aurions essayé de le traiter.
Ces questions relèvent du domaine législatif et ne peuvent être réglées au cas par cas. Je vous propose donc de nous retrouver lors du prochain découpage électoral. Pour ma part, je souhaite que l’on n’attende pas vingt-six ans. (M. Bernard Frimat s’exclame.) Il s’agit tout simplement de respecter la loi, qui prévoit que ce découpage doit intervenir à l’issue de deux recensements successifs. On pourrait d’ailleurs accélérer encore la procédure, les recensements étant désormais permanents, depuis la loi Jospin-Vaillant de 2002. La carte électorale serait ainsi mise à jour de façon beaucoup plus régulière, par exemple tous les cinq ans, ce qui éviterait le travail de Romains que nous avons dû assumer, la carte n’ayant pas été révisée depuis 1986. (M. Bernard Frimat s’exclame de nouveau.)
Le Gouvernement s’engage donc – ce n’est certainement pas moi qui m’en occuperai ! –, à régler ces cas marginaux, qui empoisonnent souvent l’atmosphère locale.
Quoi qu’il en soit, monsieur Bailly, je regrette que vous ne nous ayez pas présenté votre dossier en temps utile. J’aurais essayé de vous donner satisfaction.
M. le président. La parole est à M. Paul Blanc, pour explication de vote.
M. Paul Blanc. Monsieur le secrétaire d’État, vous venez d’affirmer que cette question relevait de la loi. Cela tombe bien, car, autant que je sache, justement, le législateur, c’est nous ! Or je souhaite que la loi évolue, pour mettre fin aux aberrations que l’on peut observer dans les zones de montagne.
Permettez-moi de vous donner, à mon tour, un exemple. Je connais un canton de mille cinquante habitants qui possède deux communautés de communes, tournées chacune vers deux circonscriptions différentes.
Or, si tout le canton doit être compris dans une seule et même circonscription, certaines communes de montagne se retrouveront à plus de soixante kilomètres de leur chef-lieu de canton. Cette situation, aberrante – je suis désolé d’avoir à vous le dire –, concerne à peine trois cents habitants.
Aujourd’hui, nous avons justement l’occasion de changer la loi. La proposition d’encadrer cette évolution dans la limite de 10 % de la population de la circonscription législative me paraît tout à fait raisonnable.
Bien entendu, il n’est pas souhaitable de modifier profondément les circonscriptions, ce qui reviendrait à transférer des populations nombreuses d’un canton à un autre.
Cette évolution est importante pour les zones de montagne ; elle relève d’ailleurs du simple bon sens.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mes chers collègues, ce n’est pas ce soir que nous réglerons ces problèmes locaux, si intéressants soient-ils ! Ce n’est même plus du travail de commission, ce sont des discussions de sous-préfecture ! (Protestations sur diverses travées.)
M. Paul Blanc. Non !
M. Jean-Pierre Raffarin. Ce n’est pas déshonorant !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Lorsque nous avons procédé au redécoupage des circonscriptions législatives, nous avons dû veiller – c’était une règle posée par le Conseil constitutionnel – à ce qu’aucun canton ne soit partagé entre deux circonscriptions.
M. Gérard César. Oui !
M. Guy Fischer. Il y a eu des charcutages !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous devons aussi respecter cette exigence pour la délimitation des territoires.
Comme vous, j’aurais préféré que les députés laissent de côté cette question, qui aurait dû être débattue sereinement lors de l’examen du projet de loi n° 61 relatif à l’élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale. Le présent projet de loi a vocation à proposer une nouvelle organisation des collectivités territoriales.
Cela dit, je reconnais que des situations exceptionnelles peuvent se présenter. D’ailleurs, je rappelle que nous avons accepté de fractionner des cantons qui comptaient plus de 40 000 habitants. Soyez donc rassurés, mes chers collègues : les cantons de 1 000 habitants auront de toute façon disparu !
En tout état de cause, quand bien même le conseiller territorial n’aurait pas vu le jour, il eût été nécessaire de revoir la carte des cantons, car il n’aurait pas été envisageable que subsistent entre eux de telles disparités démographiques.
M. Paul Blanc. Bien sûr !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Franchement, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, je regrette que l’Assemblée nationale ait introduit cette disposition, source de grandes difficultés.
M. Pierre-Yves Collombat. C’était un amendement du Gouvernement !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Peu importe, mais si le Gouvernement est tombé dans ce piège, c’est encore pire !
Il aurait fallu conserver au présent projet de loi sa vocation organisationnelle plutôt que d’y insérer des dispositions électorales.
Mes chers collègues, dans la mesure où le projet de loi n° 61 a été déposé sur le bureau du Sénat, rien n’interdit à la commission des lois d’entamer ses travaux et de préparer la rédaction de son rapport. À moins que le texte que nous examinons aujourd’hui ne soit adopté de façon définitive antérieurement, rien ne nous empêchera de revenir sur la question qui nous occupe présentement lorsque nous examinerons le projet de loi n° 61.
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
M. Bruno Sido. La situation est assez cocasse.
Si mon amendement n° 10 rectifié bis avait été adopté, je comprendrais votre raisonnement, monsieur le président de la commission des lois, mais nous avons maintenu à la fois le canton en tant qu’entité administrative et le territoire. Dans la mesure où il n’est pas question de celui-ci dans la loi, je ne vois pas comment le Conseil constitutionnel pourrait interdire qu’un territoire soit partagé entre plusieurs circonscriptions !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais si ! C’est pareil !
M. Bruno Sido. Non, ce n’est pas pareil ! La preuve en est, monsieur le président de la commission des lois, que vous avez tenu à maintenir le canton sous sa forme actuelle, tout en créant le territoire, nouvelle couche du millefeuille. Par conséquent, rien n’empêche qu’un territoire s’étende sur deux circonscriptions législatives : CQFD ! (Applaudissements sur certaines travées de l’UMP.)
M. le président. Monsieur Pointereau, les amendements nos 244 rectifié et 245 rectifié sont-ils maintenus ?
M. Rémy Pointereau. Monsieur le président, je retire l’amendement n° 244 rectifié, mais, sous la pression bienveillante de mes amis, je maintiens l’amendement n° 245 rectifié, qui, je le rappelle, vise à prévoir que les limites des cantons puissent dépasser celles des circonscriptions législatives, afin de tenir compte des spécificités territoriales, à concurrence de 10 % de la population de la circonscription législative au maximum.
M. le président. L'amendement n° 244 rectifié est retiré.
La parole est à M. Jean-Pierre Raffarin, pour explication de vote sur l’amendement n° 245 rectifié.
M. Jean-Pierre Raffarin. Je voudrais simplement dire à M. le président de la commission des lois, avec tout le respect que je lui dois, que, dans cette enceinte, les débats de sous-préfecture sont les bienvenus ! (M. Nicolas About acquiesce.) Pour ma part, je me bats pour les sous-préfectures !
Nous sommes en train d’instituer des territoires, appelés à remplacer les cantons, dont la création est antérieure à la République. Cet échelon territorial, ressort d’élection du nouveau conseiller, a vocation à durer. C’est une entité d’avenir, qu’il ne convient certainement pas de construire selon les seules règles du passé : il faut aussi tenir compte des bassins de vie, de l’organisation socioéconomique, etc. Évitons donc de nous imposer trop de contraintes, par exemple celle de ne pas dépasser les limites des circonscriptions législatives. Le territoire doit correspondre à une réalité humaine plutôt qu’administrative. J’admets que l’on cherche à respecter autant que possible les limites des circonscriptions législatives, mais gardons-nous des contraintes excessives ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)