M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 281 rectifié, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Bel, Anziani, Bérit-Débat et Berthou, Mme Blondin, MM. Botrel et Boutant, Mmes Bonnefoy, Bourzai et Bricq, M. Caffet, Mme Cartron, MM. Daunis, Daudigny et Domeizel, Mme Durrieu, MM. Fichet, Frimat, Guillaume et Jeannerot, Mmes Khiari et Klès, MM. Krattinger, Le Menn, Lozach, Marc, Mauroy, Mazuir, Miquel et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Patriat, Povinelli, Rebsamen, Repentin, Ries, Signé, Teston et Teulade, Mme Voynet et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant le chapitre Ier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La réforme territoriale a notamment pour objectif d'atteindre un aménagement du territoire plus équilibré.
La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Cet amendement pose la question essentielle de l’aménagement du territoire. En effet, force est de constater que ce sujet est le grand absent du présent projet de loi, alors qu’il devrait être une ardente obligation.
L’un des pères de la décentralisation, M. Olivier Guichard, avait, dès 1965, précisé que l’aménagement du territoire consiste à faire en sorte que la richesse sociale soit mieux répartie, que l’expansion profite autant au citadin qu’au rural, à l’ouvrier qu’au paysan, aux habitants d’une région qu’à ceux d’une autre.
Il est indispensable, en cet instant, de rappeler cette obligation.
M. le président. L'amendement n° 293, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Bel, Anziani, Bérit-Débat et Berthou, Mme Blondin, MM. Botrel et Boutant, Mmes Bonnefoy, Bourzai et Bricq, M. Caffet, Mme Cartron, MM. Collombat, Daunis, Daudigny et Domeizel, Mme Durrieu, MM. Fichet, Frimat, Guillaume et Jeannerot, Mmes Khiari et Klès, MM. Krattinger, Le Menn, Lozach, Marc, Mauroy, Mazuir, Miquel et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Patriat, Povinelli, Rebsamen, Repentin, Ries, Signé, Teston et Teulade, Mme Voynet et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant le chapitre Ier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La réforme territoriale a notamment pour objectif d'atteindre un aménagement du territoire plus équilibré. Cela passe notamment par un accroissement de la part de la péréquation au sein des dotations de l'État aux collectivités territoriales.
La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Cet amendement, qui complète en quelque sorte le précédent, porte sur la part de la péréquation au sein des dotations de l’État aux collectivités territoriales.
L’article 72, alinéa 2, de la Constitution dispose que « la loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l’égalité entre les collectivités territoriales ». Rappeler la nécessité de la péréquation est la moindre des choses au Sénat.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. De tels amendements visant à poser de grands principes sont dénués de toute portée normative. Leur rédaction comporte beaucoup de « notamment »…
Mme Nathalie Goulet. Ce n’est pas bon !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. En effet ! La commission des lois a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot, pour explication de vote sur l'amendement n° 281 rectifié.
M. Claude Jeannerot. J’entends bien l’objection que l’on nous fait : cet amendement n’aurait pas de caractère normatif. Convenez cependant avec moi qu’un texte législatif a vocation aussi, et peut-être d’abord, à donner le sens.
De notre point de vue, une réforme des collectivités territoriales n’a de sens et de justification que si elle permet de préserver un aménagement du territoire équilibré. En particulier, les conseils généraux jouent un rôle incontestable pour maintenir un équilibre entre l’urbain et le rural. Voilà ce que nous voulons réaffirmer d’emblée.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, pour explication de vote.
Mme Nicole Bonnefoy. Nous abordons une série d’amendements du groupe socialiste qui ont pour objet de rappeler quelques fondamentaux mis à mal ces derniers mois.
En effet, le Gouvernement a placé sa réforme territoriale sous le signe du dénigrement de nos collectivités, qui seraient mal gérées, et des élus locaux, qui coûteraient trop cher.
Pourtant, nous le savons tous, la réalité est tout autre.
La décentralisation est une force pour notre pays. Elle a grandement participé à l’amélioration de la vie quotidienne de nos concitoyens, tout en contribuant au développement de notre pays ! Les collectivités territoriales jouent un rôle prépondérant dans la mise en œuvre des politiques publiques et sont indispensables au dynamisme local.
D’ailleurs, ne réalisent-elles pas 73 % de l’investissement public, avec une dette dix fois moins importante que celle de l’État ? N’ont-elles pas investi 54 milliards d’euros pour la relance, contre seulement 24 milliards d’euros engagés par l’État ? Ne créent-elles pas, directement ou indirectement, des centaines de milliers d’emplois ?
Elles remplissent donc parfaitement leur rôle, en participant au développement local, en soutenant des projets économiques et sociaux, en somme en créant de l’activité, du dynamisme, de la solidarité, du lien social dans nos territoires.
De la même façon, les élus locaux sont loin de coûter trop cher : 70 % d’entre eux ne touchent aucune indemnité ! Pour les 30 % restants, leur coût représente seulement 0,4 % du budget des collectivités.
Il semble donc évident que, sous couvert d’une réduction des dépenses de l’État et d’une simplification du fonctionnement de nos institutions, le Gouvernement s’attaque, en réalité, à toutes les formes de contre-pouvoir local ! En effet, si son souhait était réellement de faire des économies, il aurait dû commencer par revenir sur les avantages fiscaux consentis ces dernières années, notamment sur le bouclier fiscal, qui coûte beaucoup plus cher à la communauté que n’importe quel élu local. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Patrice Gélard. Il y avait longtemps qu’on n’en avait pas parlé !
Mme Nicole Bonnefoy. Après la suppression de la taxe professionnelle, le texte que nous examinons aujourd’hui prévoit de supprimer la clause générale de compétence. En somme, le Gouvernement commence par asphyxier financièrement les collectivités, avant de réduire considérablement leur marge de manœuvre, tout en divisant par deux le nombre d’élus locaux. C’est près de trente ans de décentralisation qui sont remis en cause !
Nous sommes face à une réforme recentralisatrice, archaïque et électoraliste. En affaiblissant les régions remportées par la gauche et en préparant la suppression des départements, le Gouvernement cherche à se donner les pleins pouvoirs ! J’en veux pour preuve la création du conseiller territorial, décriée à droite comme à gauche. L’institution de ce nouvel élu à deux têtes est en totale contradiction avec les attentes des Français.
Alors que nous traversons une crise de confiance indéniable entre nos compatriotes et le monde politique, il semble tout à fait inopportun de créer un élu qui sera inévitablement déconnecté de ses administrés ! En effet, soumis à une charge de travail écrasante, ce conseiller territorial sera coupé des réalités locales. Il devra naviguer de réunion en réunion, en essayant tant bien que mal de couvrir son territoire. Son lien avec sa collectivité et ses administrés se distendra inévitablement pour, à terme, se rompre.
En somme, cet élu sera condamné à « papillonner » sur sa circonscription et s’apparentera plus à un élu fantôme qu’à un élu local. Or, les Français attendent d’un élu local qu’il vienne à leur rencontre, qu’il dialogue directement avec eux et qu’il soit, tout simplement, en phase avec les réalités du terrain.
Vous l’aurez compris, ce sont nos politiques de solidarité et notre démocratie locale qui sont en jeu avec cette réforme. Pour conclure, je tiens à préciser que celle-ci ne renforce en rien le couple département-région, comme le Gouvernement l’a annoncé. Bien au contraire, elle organise la confusion entre deux mandats bien distincts.
En dépit de ce que certains voudraient nous faire croire, ce texte est bien le préalable à la suppression de l’échelon départemental et s’inscrit totalement dans la politique de recentralisation massive des pouvoirs et des services publics que le Gouvernement mène depuis quelques années.
Après la suppression de la taxe professionnelle, la réforme de La Poste, des tribunaux, des hôpitaux et d’une bonne partie de nos services publics de proximité, le Gouvernement s’attaque désormais aux compétences des collectivités territoriales et aux élus locaux.
Mes chers collègues, je vous invite tous à voter les présents amendements du groupe socialiste et à vous opposer à cette réforme inique, critiquée à droite comme à gauche depuis plusieurs mois. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Évelyne Didier applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous sommes tout à fait d’accord avec les principes énoncés au travers de ces amendements du groupe socialiste. Je ne sais pas si l’on peut dire qu’ils sont dénués de portée normative, mais, en tout cas, les lois comportent très souvent des dispositions de ce genre.
Quoi qu’il en soit, si ces bons principes figuraient en exergue de la présente réforme, il est vrai que la contradiction avec la teneur du texte serait flagrante ! Il conviendrait donc, avant d’adopter de tels amendements, de modifier celle-ci en profondeur…
M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.
M. Alain Anziani. Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, votre réponse est très décevante !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cet amendement ne mérite pas mieux !
M. Alain Anziani. Comment peut-on affirmer d’emblée, dans ce débat, que l’aménagement du territoire n’a pas sa place dans un pareil texte ? C’est une contre-vérité totale, et même un non-sens !
Bien sûr, vous vous placez sur le plan de la technique législative, en nous objectant que notre amendement n’aurait pas de valeur normative.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Oui !
M. Alain Anziani. Mais lisez l’alinéa 4 de l’article 1erAA : « Le découpage territorial du département respecte sa diversité géographique, économique et sociale. » Cela est très bien, mais quelle est la valeur normative d’une telle disposition ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. C’est une définition qui oblige : il n’y a pas de « notamment » !
M. Alain Anziani. Elle n’est pas plus évidente que celle de l’amendement que je viens de soutenir !
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 282 rectifié, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Bel, Anziani, Bérit-Débat et Berthou, Mme Blondin, MM. Botrel et Boutant, Mmes Bonnefoy, Bourzai et Bricq, M. Caffet, Mme Cartron, MM. Daunis, Daudigny et Domeizel, Mme Durrieu, MM. Fichet, Frimat, Guillaume et Jeannerot, Mmes Khiari et Klès, MM. Krattinger, Le Menn, Lozach, Marc, Mauroy, Mazuir, Miquel et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Patriat, Povinelli, Rebsamen, Repentin, Ries, Signé, Teston et Teulade, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant le chapitre Ier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La réforme territoriale a notamment pour objectif d'accroître l'autonomie des collectivités territoriales.
La parole est à M. Gérard Miquel.
M. Gérard Miquel. Le mouvement de décentralisation amorcé en 1982 a pour premier principe l’autonomie des collectivités territoriales. Il est nécessaire que l’ensemble des lois relatives aux collectivités territoriales reprennent ce principe, qui semble être mis en péril par le présent projet de loi.
Le principe de libre administration permet aux collectivités territoriales d’être gérées par des conseils élus, disposant d’un pouvoir réglementaire pour l’exercice de leurs compétences. Aucune d’entre elles ne peut dicter à une autre la manière dont elle doit agir. Le pouvoir de contrôle de l’État ne peut s’exercer qu’a posteriori.
De plus, l’autonomie financière de la collectivité lui garantit de ne pas dépendre majoritairement des dotations de l’État. Elle doit avoir des ressources propres et pouvoir en disposer librement. L’autonomie financière des collectivités territoriales, qui semble être menacée par la suppression de la taxe professionnelle, la baisse des dotations et les transferts de charges de l’État, doit être réaffirmée.
Le principe d’autonomie des collectivités territoriales est au fondement même de la décentralisation. Il est inscrit à l’article 72 de la Constitution. La présente réforme doit en tenir compte et le respecter. Cet amendement vise à réaffirmer ce principe, pour lutter contre le spectre de la recentralisation !
M. le président. L'amendement n° 283 rectifié, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Bel, Anziani, Bérit-Débat et Berthou, Mme Blondin, MM. Botrel et Boutant, Mmes Bonnefoy, Bourzai et Bricq, M. Caffet, Mme Cartron, MM. Daunis, Daudigny et Domeizel, Mme Durrieu, MM. Fichet, Frimat, Guillaume et Jeannerot, Mmes Khiari et Klès, MM. Krattinger, Le Menn, Lozach, Marc, Mauroy, Mazuir, Miquel et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Patriat, Povinelli, Rebsamen, Repentin, Ries, Signé, Teston et Teulade, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant le chapitre Ier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La réforme territoriale a notamment pour objectif d'accroître les libertés locales.
La parole est à M. Gérard Collomb.
M. Gérard Collomb. Monsieur le ministre, je ne défendrai pas beaucoup d’amendements ce soir, mais je pense que celui-là mérite votre attention. Vous connaissant un peu, j’ai cru pouvoir m’engager, auprès de mon groupe, sur le fait que, à coup sûr, vous l’accepteriez. (Sourires.)
Vous avez été l’un des promoteurs, localement, du grand mouvement de décentralisation amorcé en 1982.
M. Gérard Collomb. Comme vous le savez, cette décentralisation a pour objectif essentiel d’accroître les libertés des collectivités territoriales. Il est évidemment nécessaire que le présent projet de loi en tienne compte. Les principes de libre administration, de non-tutelle d’une collectivité territoriale sur une autre et de contrôle a posteriori de l’État, auquel vous êtes tant attaché, doivent être respectés. Il est nécessaire de les réaffirmer, face à quelques-uns de vos collègues du Gouvernement qui, peut-être, ont une moins grande expérience que vous de la gestion des collectivités locales.
M. Gérard Collomb. L’autonomie financière des collectivités territoriales, comme vous le savez, a été récemment mise à mal.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Elle l’est depuis longtemps !
M. Gérard Collomb. Elle a été mise en péril par une réforme de la taxe professionnelle qui n’était pas tout à fait adaptée… Cela vous causera d’ailleurs un certain nombre de problèmes en tant que président de conseil général. Par exemple, votre directeur général des services a produit récemment un excellent rapport,…
M. Gérard Collomb. … mettant en évidence les difficultés que seront amenés à rencontrer les conseils généraux. Je ne crois pas, monsieur le ministre, que vous puissiez être en contradiction avec le rapport de votre directeur général des services !
Mme Évelyne Didier. Ils ne sont pas à ça près !
M. Gérard Collomb. En conséquence, je ne doute pas que vous allez vous engager à nos côtés en acceptant notre amendement.
Par ailleurs, nous l’avons tous compris, l’organisation de conférences sur les déficits publics était l’occasion, pour le Gouvernement, d’accuser à tort les collectivités territoriales d’être responsables de la dette française.
Monsieur le ministre, quand j’examine votre gestion du département…
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Gérard Collomb. Oui, monsieur le président. J’essaie simplement de montrer à M. le ministre à quel point sa gestion est bonne ; il ne peut que m’en louer ! (Sourires.)
M. le président. Nous en sommes certains, mais il faut conclure !
M. Gérard Collomb. Dès lors, monsieur le ministre, il faut réaffirmer ce principe.
Imaginez que, demain, vous ne puissiez plus subventionner l’Opéra de Lyon, ou la Maison de la danse,… (Marques d’impatience sur les travées de l’UMP.)
M. François Trucy. Cela suffit !
M. le président. Il faut conclure, monsieur Collomb ! Réservez-vous pour la suite du texte !
M. Gérard Collomb. … vous en seriez navré ! Vous devez donc absolument faire adopter cet amendement. Je me suis engagé auprès du groupe socialiste à ce que vous lui donniez un avis favorable, que je suis sûr d’obtenir de vous. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. L'amendement n° 284 rectifié, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Bel, Anziani, Bérit-Débat et Berthou, Mme Blondin, MM. Botrel et Boutant, Mmes Bonnefoy, Bourzai et Bricq, M. Caffet, Mme Cartron, MM. Daunis, Daudigny et Domeizel, Mme Durrieu, MM. Fichet, Frimat, Guillaume et Jeannerot, Mmes Khiari et Klès, MM. Krattinger, Le Menn, Lozach, Marc, Mauroy, Mazuir, Miquel et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Patriat, Povinelli, Rebsamen, Repentin, Ries, Signé, Teston et Teulade, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant le chapitre Ier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La loi assure le respect de la libre administration des collectivités territoriales et garantit leur autonomie financière.
La parole est à M. Claude Jeannerot.
M. Claude Jeannerot. À travers cet amendement, nous voulons affirmer la libre administration et l’autonomie financière des collectivités territoriales, garanties à l’article 34 de la Constitution, aux termes duquel il appartient au législateur de déterminer les principes fondamentaux « de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources. »
En outre, l’article 72 précise en son alinéa 3 que les collectivités « s’administrent librement par des conseils élus ». Ce principe de rang constitutionnel s’impose donc au législateur et à toutes les autorités administratives. Il est d'ailleurs repris à l’article L. 1111-1 du code général des collectivités territoriales.
La libre administration des collectivités territoriales a été qualifiée de « liberté fondamentale » par le Conseil d'État dans un arrêt Commune de Venelles du 18 janvier 2001.
Enfin, à travers plusieurs décisions, le Conseil constitutionnel a précisé que le législateur ne pouvait porter atteinte à l’élection des assemblées ni à leur pouvoir de décision, éléments constitutifs de la décentralisation territoriale.
La libre administration implique que les collectivités territoriales puissent décider du recrutement et de la gestion de leurs agents. Elles jouissent aussi d’une autonomie en matière fiscale, qui est prévue, notamment, par l’article 72-2 de la Constitution.
Cet amendement tend à insérer un article additionnel qui, en quelque sorte, guiderait la réforme territoriale. Il vise à réaffirmer une règle fondamentale de la décentralisation de l’État, tout en respectant les principes d’indivisibilité de la République et d’égalité, ainsi que les exigences de l’intérêt national.
Mes chers collègues, je vous invite donc à voter cet amendement. D'ailleurs, monsieur le ministre, en tant que responsable d’un territoire départemental, vous ne pouvez qu’être incité à défendre cette autonomie financière.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. L’amendement n° 282 rectifié est dénué de toute portée normative. La commission émet donc un avis défavorable.
En ce qui concerne l’amendement n° 283 rectifié, en tant que rapporteur, je suis obligé d’indiquer que la commission a émis le même avis défavorable, car cette disposition, elle aussi, est dépourvue de contenu normatif. Toutefois, à titre personnel, comme je me rends compte qu’il s'agit ici d’un débat purement local entre le président de la communauté urbaine de Lyon et le président du conseil général du Rhône, je me rangerai à l’avis du Gouvernement, que j’attends avec impatience. (Rires sur les travées du groupe socialiste.)
L’amendement n° 284 rectifié vise à reprendre une disposition de la Constitution. Mes chers collègues, vous comprendrez bien que nous ne pouvons répéter systématiquement la Constitution dans les textes de loi ! La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, ministre. Ces trois amendements qui viennent d’être magnifiquement défendus par leurs auteurs peuvent recevoir un avis global, me semble-t-il.
Tout d'abord, monsieur Collomb, je vous remercie des éloges flatteurs dont vous avez bien voulu me gratifier. J’en suis encore abasourdi, car c’est la première fois que vous tenez de tels propos aussi brillamment et aussi longuement ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Raffarin. Il faut s’en méfier !
M. Jean-Pierre Raffarin. C’est un cadeau empoisonné !
M. Michel Mercier, ministre. Enfin, j’ai constaté que M. le rapporteur faisait preuve, à la fin de son avis, d’un centrisme exacerbé. (Nouveaux sourires.)
Quoi qu'il en soit, il n’existe pas pour les collectivités locales de meilleure protection que la Constitution, qui est la mère de toutes les règles en la matière.
L’article 72 de la Constitution organise les libertés locales, l’autonomie des collectivités territoriales et la libre administration de ces dernières. Nous devons veiller ensemble au respect de cette disposition constitutionnelle, que l’adoption de ces amendements, tels qu’ils sont rédigés, aurait pour effet de limiter.
En conséquence, afin de maintenir la plénitude de l’autonomie des collectivités locales (Mme Évelyne Didier manifeste son scepticisme.), telle qu’elle est prévue par l’article 72 de la Constitution, j’émets un avis défavorable sur ces trois amendements.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote sur l’amendement n° 282 rectifié.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le ministre, vous affirmez que l’autonomie des collectivités locales est inscrite dans la Constitution, et je souscris à vos propos, parce qu’ils sont exacts.
Toutefois – nous avons été un certain nombre à le souligner, au cours de la première lecture de ce projet de loi, mais aussi tout à l'heure, en défendant les motions de procédure –, votre réforme contrevient précisément à l’article 72 de la Constitution, ce qui pose tout de même problème !
Vous arguez que nous ne devons pas répéter dans la loi une disposition qui figure dans la Constitution. Néanmoins, nous nous rendons compte, malheureusement, que la liberté des collectivités sera considérablement réduite. D'une part, elles subiront une forte contrainte financière, puisque leurs ressources propres passeront de 30 % environ à 10 % de leur budget. D’autre part, la tutelle que certaines collectivités exerceront sur les autres bridera complètement leur autonomie.
M. Patrice Gélard. Non ! Ce n’est pas prévu dans ce texte !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les populations ne seront pas consultées si la structure de leur collectivité est modifiée, ce qui est encore une façon d’empêcher l’exercice de cette autonomie.
Enfin, prévoir que des élus siégeront en même temps dans les assemblées délibérantes de deux collectivités distinctes, c’est évidemment porter atteinte à l’autonomie de chacune de ces dernières.
Peut-être pourrions-nous formuler autrement ces principes, afin de ne pas répéter purement et simplement la Constitution ? En tout cas, je crois nécessaire de les inscrire dans le projet de loi : il nous reste à discuter ou à réexaminer un nombre non négligeable d’articles, et bien des dispositions pourraient être considérablement améliorées si nous les envisagions à cette aune, sans même évoquer les autres angles sous lesquels nous pourrions les considérer, d'ailleurs. C’est le cas, par exemple, de la consultation des populations, que nous avions votée et que l’Assemblée nationale a supprimée.
Je crois qu’il est positif de voter des principes quand on y croit et quand on entend les respecter ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-François Voguet. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Mirassou. Je partage tout à fait les préoccupations que vient d’exprimer notre collègue. Quand bien même la liberté d’administration des collectivités serait inscrite dans le projet de loi, le texte proposé aujourd'hui contredit ce principe constitutionnel, à cause du mélange des genres découlant de l’absorption des départements par les régions, mais aussi à cause de l’asphyxie financière à laquelle seront conduites un certain nombre de collectivités, qui ne pourront, de fait, administrer librement leurs territoires.
D'ailleurs, quand bien même on inscrirait dans la Constitution qu’il ne doit plus pleuvoir, la pluie continuerait de tomber ici ou là !
Mes chers collègues, je vous invite donc, dans un souci de prudence et, en quelque sorte, de prophylaxie, afin que la Constitution, précisément, ne soit pas bafouée, à voter cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.
M. Alain Anziani. Monsieur le ministre, vous venez de faire l’éloge du principe de la libre autonomie des collectivités territoriales. Évidemment, nous souscrivons sur ce point à vos propos.
Toutefois, comment ne pas percevoir cette magnifique contradiction : d’une part, vous affirmez l’autonomie des collectivités territoriales, et, d'autre part, vous instituez un conseiller territorial qui niera celle-ci !
En effet, vous allez créer un conseiller territorial qui, en siégeant à la fois au conseil régional et au conseil général, sera soit sous l’emprise de la région au détriment du département, soit sous la dépendance du département aux dépens de la région !
Il est bon d’avoir des principes, mais il est mieux de faire preuve de cohérence et il serait encore préférable de renoncer à ce conseiller territorial que vous ne savez même pas comment élire ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot, pour explication de vote.