M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot.
M. Claude Jeannerot. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens d’abord à saluer le travail de la délégation et à rendre hommage à son président, Alain Lambert, pour son engagement consensuel.
Ce débat sur l’optimisation des moyens des collectivités territoriales semble d’une brûlante et cruelle actualité pour l’ensemble de celles-ci, et tout particulièrement pour les départements. C’est du moins ce qui apparaît en première analyse, au regard du contexte. Toutefois, si la mutualisation des moyens est sans doute une voie à explorer, elle est loin de constituer une réponse aux problèmes d’aujourd’hui.
Permettez-moi, mes chers collègues, d’évoquer la situation du département dont je préside le conseil général, le Doubs. À bien des égards, j’en ai la conviction, sa situation est en effet emblématique des risques et des difficultés que connaissent actuellement nos territoires départementaux.
Jusqu’à l’apparition de la crise, mon département a su faire face tant bien que mal, comme les autres, à ses dépenses obligatoires ressortissant au champ des solidarités sociales. Depuis, la chute des recettes et la hausse exponentielle des dépenses rendent l’équation impossible.
Pourtant, les trois allocations individuelles – APA, PCH, RSA – dont le versement incombe aux départements relèvent à l’évidence d’un enjeu de solidarité majeur et sans doute préalable à tous les autres puisque ces allocations conditionnent le minimum vital des personnes les plus fragiles. C’est pourquoi chacun s’accorde à reconnaître le caractère nécessairement national – j’insiste sur ce point – de cette solidarité. Elle est en effet au fondement de notre pacte républicain ! Or son financement repose aujourd’hui de plus en plus sur les contributions du contribuable local.
Puisqu’on veut évoquer la mutualisation comme une solution possible pour les finances locales, le premier devoir de mutualisation ne serait-il pas d’organiser au niveau national les conditions de cette solidarité plutôt que de la transférer sans moyens correspondants à des collectivités qui seront bientôt complètement exsangues ?
Au-delà du caractère par définition injuste et inéquitable du système – c’est évidemment suffisant pour le condamner –, les conséquences de cette situation sont désastreuses pour les territoires. Ces conséquences, vous les connaissez : les inégalités se creusent aussi bien en termes sociaux qu’en termes territoriaux et il devient de plus en plus difficile d’assurer l’entretien de nos collèges ou de nos routes. Et que dire de nos compétences facultatives, qui remplissent pourtant une fonction décisive, au service de la cohésion sociale ou du développement économique de nos territoires ?
J’illustrerai mon propos de deux chiffres significatifs concernant le département du Doubs : en 2009, la charge nette des trois allocations de solidarité pour le département a été de l’ordre de 55 millions d’euros ; depuis 2005, l’écart cumulé représente 150 millions d’euros, soit l’équivalent de huit collèges neufs !
Pourtant, avec Jean-Pierre Raffarin, la décentralisation semblait avoir franchi une étape irréversible lorsque avait été gravé dans la Constitution le principe de la compensation à l’euro près des charges transférées : aux termes de l’article 72-2, « tout transfert de compétences entre l’État et les collectivités territoriales s’accompagne de l’attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice ».
Or le transfert des compétences sociales aux départements s’est affranchi de ce principe constitutionnel. Plus personne ne conteste l’asphyxie financière de nos départements. Ce constat dépasse aujourd’hui les clivages politiques et fait consensus. Le président du conseil général de Haute-Loire, Gérard Roche, a d’ailleurs souligné qu’il s’agissait non pas d’un combat entre la droite et la gauche, mais d’un combat contre un État central qui a voté des lois qu’il est incapable de financer. Comment ne pas être d’accord avec lui ?
Quelles sont donc les solutions proposées face à l’asphyxie des finances locales ? La mutualisation constitue-t-elle une réponse ? À l’évidence, non. La mutualisation la plus efficace et la plus radicale, c’est celle qui garantit, outre l’optimisation, les conditions de l’équité et de l’efficacité sociale, c’est-à-dire la péréquation entre les territoires. Réalisons d’abord les conditions de cette justice préalable : il sera bien temps, ensuite, de rechercher les voies de progrès en direction d’une mutualisation plus effective.
Au service de cette justice de base, je propose, à titre de contribution, deux voies. La première, je l’ai indiqué, passe par une refonte des règles de la solidarité nationale. La seconde – je n’aurai pas le temps de l’exposer en cet instant, mais j’y reviendrai dans la suite du débat – passe par une réflexion sur les conséquences de la suppression de la taxe professionnelle, suppression qui se traduit par l’abolition de toute autonomie fiscale pour nos collectivités.
Mes chers collègues, oui, les voies de la mutualisation méritent d’être empruntées dès lors qu’elles permettent optimisation et efficacité renforcée. Mais cela n’aura de sens que si des prérequis sont satisfaits, à savoir l’organisation d’une justice élémentaire dans la répartition des ressources. À défaut, cette affaire de mutualisation risque fort de devenir un leurre, aussi dérisoire qu’inutile. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l’intérieur et aux collectivités territoriales. Monsieur le président, monsieur le président de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, messieurs les rapporteurs, monsieur Hervé – permettez-moi de citer votre nom, même si vous n’avez pas souhaité être rapporteur –, mesdames, messieurs les sénateurs, l’initiative de ce débat est particulièrement heureuse puisqu’elle intervient quelques semaines après les conclusions de la conférence sur les déficits publics, quelques jours avant la deuxième lecture par votre assemblée du projet de loi de réforme des collectivités territoriales et quelques jours aussi avant le débat d’orientation budgétaire.
Ce débat se tient également dans un contexte particulier pour nos finances publiques, qui nécessite un effort partagé de maîtrise des dépenses.
À l’évidence, la question de l’optimisation des moyens des collectivités territoriales est d’une actualité particulière et appelle un éventail de réponses concrètes. Je vous remercie d’ailleurs d’avoir pris l’initiative de ce débat, qui va permettre, j’en suis persuadé, de progresser dans cette voie prometteuse. J’ai du reste enregistré beaucoup de propositions positives ce matin ; bien entendu, le Gouvernement s’efforcera d’en tenir le plus grand compte.
J’ai délibérément parlé d’éventail de réponses concrètes, car les moyens des collectivités territoriales présentent de multiples formes, qui appelleront des solutions spécifiques. C’est pourquoi je souhaiterais d’abord évoquer avec vous la question des ressources, avant d’en venir à la mutualisation, sur laquelle le rapport de votre délégation apporte un précieux éclairage.
Une réflexion sur l’optimisation des moyens doit nécessairement aborder la question des ressources financières. À cet égard, je rappelle très brièvement les apports du groupe de travail sur la maîtrise de la dépense locale, coprésidé par Gilles Carrez, député, rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale, et le préfet Michel Thenault, qui ont conclu leur rapport en formulant plusieurs constats marquants.
Premièrement, hors décentralisation, les dépenses locales ont augmenté plus vite que le produit intérieur brut jusqu’au milieu des années quatre-vingt-dix et, par la suite, à un rythme plus proche du PIB.
Deuxièmement, s’agissant toujours des dépenses, les disparités sont importantes au sein d’un même niveau de collectivités. Par exemple, le ratio de la dépense par habitant varie de 1 à 3 entre les 10 % de communes les moins dépensières et les 10 % les plus dépensières.
Troisièmement, il existe surtout une forte corrélation entre le niveau de ressources d’une collectivité et sa dépense par habitant. Ainsi, 62 % des écarts de dépenses entre deux communes s’expliquent par des écarts de niveau de recettes, les écarts de charges et les différences de choix politiques venant après.
À la lumière de ce rapport, il y a donc manifestement des marges de réduction de la dépense locale, mais celles-ci ne vont pas sans certaines conditions.
C’est dans ce contexte que la conférence sur les déficits publics s’est conclue sur la nécessité de prendre plusieurs mesures majeures pour les prochaines années.
Tout d’abord, comme le préconisent les auteurs de ce rapport, les concours financiers de l’État aux collectivités locales seront gelés en valeur à partir du budget triennal 2011-2013. Parallèlement, la péréquation sur les dotations de l’État sera renforcée.
Ensuite, la dynamique des dépenses sociales dans les départements ruraux devra être traitée par un renforcement de la péréquation et sera examinée en priorité dans le cadre de la réforme de la dépendance.
Enfin, et je réponds là à M. Dufaut, un moratoire sera appliqué immédiatement sur les normes réglementaires concernant les collectivités locales, en dehors d’éventuelles normes internationales d’application obligatoire. À cet effet, le rôle de la commission consultative d’évaluation des normes, la CCEN, sera renforcé. Voilà qui est de nature à rassurer M. Fortassin. Je profite d’ailleurs de cette occasion pour rendre hommage à Alain Lambert, qui joue, en tant que président de la CCEN, un rôle éminent dans cette instance, très importante pour l’avenir des finances de nos collectivités territoriales.
Il est clair que ces mesures vont non seulement contribuer à l’optimisation des ressources, mais également répondre à certaines contraintes de gestion des collectivités territoriales. Toutefois, il faut aller plus loin et doter les collectivités territoriales d’outils performants de gestion mutualisée.
C’est toute l’ambition du rapport d’information sur la mutualisation des moyens des collectivités territoriales. J’ai pris connaissance avec beaucoup d’intérêt des propositions que vous avez collectivement formulées en matière de mutualisation de moyens et de services, en particulier dans le cadre intercommunal, mais aussi au niveau des conseils généraux.
Comme la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, le Gouvernement souhaite agir, et agir vite, que ce soit pour élargir les possibilités de mutualisations dites « verticales », au sein du bloc communal, entre les EPCI et leurs communes membres, pour favoriser entre les départements et entre les régions le recours à des mutualisations conventionnelles de type horizontal, pour élargir les mutualisations aux domaines des services fonctionnels au-delà des compétences exercées, ou encore pour sécuriser le développement des mutualisations au regard des exigences communautaires.
Croyez bien que le Gouvernement sera à vos côtés pour apporter aux collectivités territoriales les outils nécessaires. Vous le voyez, cher Alain Lambert, nous sommes loin d’avoir une attitude timorée en la matière.
Je crois cependant nécessaire de clarifier ce que nous souhaitons s’agissant de la mutualisation intercommunale. Je lis dans le rapport d’information, sous la plume de MM. Détraigne et Mézard, que « la mutualisation doit compléter l’intercommunalité, elle ne doit ni la concurrencer, ni s’y substituer ». Voilà qui plaide, à mon avis, en faveur d’une mutualisation menée de préférence au niveau de la structure intercommunale.
Cette ambition partagée de progresser dans la mutualisation, nous allons la mettre en œuvre très concrètement.
Le Premier ministre a souhaité lancer un travail concerté avec l’Assemblée des départements de France sur la question de la situation financière des départements. Un groupe de travail traitera de la question des mutualisations, une question que Pierre Jamet, directeur général des services du conseil général du Rhône, a particulièrement développée dans le rapport qu’il a remis au Premier ministre.
Là encore, les pistes sont multiples ; je mentionnerai les mutualisations de fonctions support entre les départements et les SDIS ainsi qu’entre les SDIS eux-mêmes, point qu’a évoqué notamment M. Vestri.
La volonté du Premier ministre est de faciliter la mise en œuvre de ces préconisations. Je suis donc convaincu que nous trouverons collectivement des réponses concrètes au diagnostic posé par votre collègue Bruno Sido sur la mutualisation des moyens des conseils généraux.
Nous allons aussi et surtout développer la mutualisation grâce à la réforme des collectivités territoriales. Vous le savez, plusieurs articles ont été introduits à cette fin dans le projet de loi, parfois ici même.
Nous nous sommes fixé trois objectifs : sécuriser la mise à disposition de services, favoriser la gestion unifiée de services et organiser la mutualisation de moyens.
Ainsi, l’article 33 du projet de loi de réforme des collectivités territoriales vise à régulariser, pour être en conformité avec le droit communautaire de la concurrence, les conventions de mise à disposition de services entre les EPCI et leurs communes membres. Il a été notamment proposé d’encadrer les conditions de remboursement des frais de fonctionnement pour éviter qu’ils ne soient considérés comme la contrepartie d’une prestation de service.
Quant aux articles 34 et 34 bis A, ils définissent le cadre d’une mise en commun de services au profit des couples communes-intercommunalité et départements-région. Le Sénat a, là aussi, joué un rôle majeur dans l’élaboration de ce texte.
S’agissant du couple communes-intercommunalité, le Gouvernement a souhaité créer expressément, afin de garantir la sécurité juridique des initiatives locales et d’inciter à ces bonnes pratiques, le régime de mutualisation de services hors champ de compétences transférées à l’intercommunalité. Le service commun ainsi créé sera rattaché à l’intercommunalité. L’article 34 permet même à une structure intercommunale, afin de susciter des économies d’échelle, d’acquérir des biens qui seront mis à la disposition des communes pour exercer des compétences qui n’ont pas été transférées ; il s’agit là d’une mesure importante.
Par ailleurs, l’article 34 bis A, d’origine sénatoriale, autorise le couple départements-région à se doter de services communs et à conclure des conventions pour assurer en commun leurs missions de service public. Ces conventions ne sont pas soumises au droit commun de la concurrence, car elles respectent les critères jurisprudentiels définis par la Cour de justice de l’Union européenne en matière de marchés publics.
Vous le voyez, les modalités d’optimisation des moyens des collectivités territoriales seront mises en place très promptement et elles contribueront à répondre au souhait de cohérence territoriale émis par nombre d’entre vous, notamment par Pierre Hérisson.
D’ailleurs, le rapport de la délégation sénatoriale nous montre que ces nouvelles voies devront être mises en œuvre avec une grande célérité. C’est une obligation à la fois eu égard à la trajectoire de nos finances publiques, au regard de l’exigence de qualité des services publics locaux et vis-à-vis du citoyen.
Monsieur le président Lambert, nous serons très attentifs aux évolutions de notre droit interne. Vous avez évoqué une question tout à fait essentielle en abordant la notion de bonus-malus. Cette piste mérite d’être explorée, conformément aux conclusions de la récente conférence des déficits publics, présidée par le chef de l’État.
Permettez-moi maintenant de répondre succinctement, pour respecter le temps qui m’a été imparti, mais de manière aussi complète que possible, aux différents orateurs qui se sont exprimés.
Monsieur le sénateur Détraigne, vous proposez d’autoriser une partie des communes membres d’un EPCI à mutualiser des moyens pour exercer des compétences non transférées à l’EPCI. Je pense ne pas trahir votre pensée si je dis que nous pourrions ainsi avoir, au sein d’un même EPCI, deux régimes différents : d’une part, une mutualisation « verticale », réalisée au niveau de l’EPCI pour des compétences transférées et, d’autre part, une mutualisation « horizontale », au niveau de quelques communes volontaires pour des compétences non transférées.
Tout en comprenant l’intérêt de cette proposition, notamment pour ce qui concerne les compétences non structurantes à l’échelon intercommunal, telles que le fleurissement, je crois qu’il faut prendre garde aux freins éventuels que celle-ci pourrait constituer pour le développement des projets communautaires, tout particulièrement pour l’évolution vers un exercice plus intégré des compétences communales au sein des EPCI, source d’économies d’échelle à moyen terme.
Pour ma part, je suis persuadé que la réflexion peut et doit se poursuivre, notamment avec votre assemblée, afin que nous trouvions ensemble le bon équilibre.
Mme Beaufils craint que la mutualisation ne conduise à la « disparition » des petites communes, dont les services seraient dissous au profit de mutualisations à l’échelon intercommunal.
Au contraire, l’article 34 du projet de loi de réforme des collectivités territoriales prévoit que les intercommunalités pourront acquérir des biens qui seront ensuite mis à disposition de leurs communes membres pour l’exercice de leurs propres compétences, comme ce pourrait être le cas, en matière de viabilité hivernale, avec l’acquisition de chasse-neige. Mon département est particulièrement concerné par ce problème important, mais je ne savais qu’il y avait autant de neige en Indre-et-Loire ! (Sourires.)
Mme Jacqueline Gourault. Cela arrive, tout comme dans le Loir-et-Cher !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Pour ce qui est de la compensation financière des transferts de compétence, le principe en est inscrit à l’article 72-2 de la Constitution.
Les modalités de fixation de cette compensation, qui sont prévues par la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, la loi LRL, répondent à quatre principes cardinaux : une compensation intégrale ; une compensation concomitante ; une compensation contrôlée, dans la mesure où la commission consultative sur l’évaluation des charges donne son avis préalablement à tout transfert de charge ; une compensation conforme au principe constitutionnel d’autonomie financière.
La compensation financière a principalement pris la forme de transferts d’impôts.
Je rappelle que les compensations au titre de la loi LRL représenteront, en 2010, 6,3 milliards d’euros : près de 2,8 milliards d’euros pour les départements ; pratiquement 3,3 milliards d’euros pour les régions ; 124 millions d’euros pour les régions d’outre-mer, qui ne perçoivent pas de TIPP ; 27 millions d’euros pour les communes et les EPCI ; enfin, 127 millions d’euros pour le Syndicat des transports d’Île-de-France. Avec les compensations versées au titre du RMI, de l’APA et de la PCH, le total atteindra 18,5 milliards d’euros.
Pour ce qui concerne l’effort financier de l’État en faveur des collectivités territoriales, je rappellerai trois ordres de grandeur.
L’enveloppe dite « normée » des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales s’élève à 57 milliards d’euros, soit 676 millions d’euros de plus qu’en 2009. Elle progresse au rythme de l’inflation.
Si l’on prend en compte les subventions des différents ministères et la contrepartie des dégrèvements législatifs, cet effort atteint 78 milliards d’euros.
Enfin, si l’on considère la fiscalité transférée, l’effort financier total consenti par l’État est massif puisqu’il représente cette année 97,5 milliards d’euros. J’avais l’habitude de dire que c’était l’équivalent du budget de la Belgique, mais, depuis les élections de dimanche dernier dans ce pays, je crois que je vais devoir trouver une autre référence, en choisissant un pays européen un peu plus stable ! (Sourires.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Prenez l’Andorre ! (Nouveaux sourires.)
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. J’évoquerai brièvement le FCTVA, le Fonds de compensation pour la TVA, et le plan de relance.
Plus de 19 500 collectivités ont signé l’an dernier une convention avec l’État pour bénéficier du remboursement anticipé du FCTVA. Cette mesure a donc rencontré un vrai succès. Je saisis d’ailleurs l’occasion qui m’est donnée aujourd’hui pour en remercier une nouvelle fois les collectivités.
Pour l’État, cette mesure a représenté un effort supplémentaire de 3,8 milliards d’euros en 2009. M. le Premier ministre a proposé de la proroger en 2010, afin que les collectivités territoriales qui ne s’étaient pas engagées ou qui n’avaient pas pu s’engager l’an dernier puissent en bénéficier. À ce stade, 2 500 conventions supplémentaires ont été signées.
À MM. Adnot et Jeannerot, tous deux éminents présidents de conseil général, je souhaite apporter quelques éléments de prospective, car le Gouvernement n’est pas resté inactif face à la situation financière dégradée des départements.
Les conclusions du rapport de M. Pierre Jamet sur la situation financière des départements ont été discutées, le 1er juin dernier, entre le Premier ministre et le président de l’Assemblée des départements de France. Plusieurs groupes de travail seront lancés, je l’ai dit, afin d’étudier les pistes de mutualisation, d’économies, d’amélioration de l’organisation des services des conseils généraux.
Un dispositif de suivi sera mis en place ; les départements qui s’estimeraient en grande difficulté pourraient s’engager dans un contrat de stabilité, grâce auquel ils recevraient éventuellement une avance, moyennant un programme de stabilisation de leurs dépenses. Ainsi que M. Alain Dufaut l’a rappelé, le Premier ministre a même parlé de dotations financières complémentaires et exceptionnelles pour les départements les plus en difficulté.
Par ailleurs, la réforme de la dépendance, qui concerne directement l’APA, sera lancée d’ici à la fin de l’année. Il sera notamment question de son financement.
Enfin, un effort particulier sera mené en faveur de la péréquation, dont les départements les plus pauvres devraient, bien sûr, bénéficier.
Je souhaite apporter une touche d’optimisme : depuis le début de l’année, les DMTO, les droits de mutations à titre onéreux, qui représentent une recette importante pour de nombreux départements, ont augmenté, en moyenne – c’est dire que cela ne concerne pas seulement les départements les plus urbanisés –, de plus de 40 %, ce qui va tout de même dans le bon sens !
Monsieur le sénateur Edmond Hervé, vous avez précisé, de façon très pertinente, que la mutualisation pouvait revêtir des formes diverses, suivre des scénarios très différents, et qu’elle ne dépossédait pas les collectivités territoriales. Votre proposition de « conférence de la mutualisation » me paraît également fort intéressante. Enfin, comme vous, je suis très attaché au rôle et à la mission des chambres régionales des comptes, ainsi qu’à leur caractère de proximité.
En ce qui concerne la clarification des compétences des collectivités territoriales, le Gouvernement a souhaité améliorer l’efficience de l’action des départements et des régions dans le cadre du projet de loi de réforme des collectivités territoriales. Dans cette optique, il a été proposé de leur dédier des compétences exclusives et, à titre exceptionnel, des compétences partagées. Dans ce dernier cas, un chef de file sera désigné pour coordonner les actions communes.
Le pendant de cette démarche est bien évidemment la suppression de la clause de compétence générale des départements et des régions. Cependant, pour permettre à ces deux collectivités d’intervenir ponctuellement, par exemple en cas de catastrophe naturelle, telle la tragédie que connaît aujourd’hui le Var, il est prévu de les doter d’une « capacité d’initiative », dès lors qu’il existe un intérêt public local et que nulle autre collectivité territoriale n’est compétente pour agir, l’État continuant, bien sûr et de manière tout à fait légitime, d’apporter son aide.
Madame la sénatrice Jacqueline Gourault, vous avez, à juste titre, rappelé l’importance des deux formes de la mutualisation possible entre l’intercommunalité et les communes membres : la mutualisation « descendante », de l’intercommunalité vers les communes membres, qui est plus traditionnelle et dont il convient de confirmer la pratique ; la mutualisation ascendante, qui semble être – je dis bien : « semble être » –désormais autorisée par la jurisprudence européenne. Le projet de loi de réforme des collectivités territoriales renferme d’ailleurs des dispositions pour valoriser cette dernière forme de mutualisation.
Vous avez également soulevé trois questions concrètes.
Premièrement, nous devons poursuivre, comme je l’ai indiqué à M. Détraigne, la réflexion sur les champs qui pourraient être couverts par les mutualisations horizontales, sans toutefois remettre en cause l’intégration communautaire.
Deuxièmement, le code des marchés publics permet, depuis décembre 2008, de constituer des groupes de commandes, aussi bien entre les collectivités territoriales qu’entre celles-ci et leurs groupements, ou encore entre l’État, les collectivités territoriales et leurs groupements. Sans doute une telle possibilité devra-t-elle encore être encouragée.
Troisièmement, la notion de service non économique d’intérêt général relève de la jurisprudence communautaire, extrêmement restrictive sur la notion d’activité non économique. Mais le juge communautaire sait aussi être sensible à la notion d’intérêt général ou encore de service d’intérêt général. Nous avons donc bon espoir de voir les choses évoluer dans un sens favorable. Quoi qu’il en soit, nous serons prêts à « enfoncer les portes » à Bruxelles, comme cela nous a été demandé. Soyez certains de la détermination du Gouvernement dans ce domaine.
Monsieur le sénateur François Fortassin, j’ai bien entendu votre message concernant les PER, les pôles d’excellence rurale. Comme vous le savez, pour les PER dits de deuxième génération, le résultat de l’appel d’offres est actuellement examiné par la DATAR. Je ne manquerai pas de signaler à mon collègue Michel Mercier, qui est en charge de ce dossier, la situation des Hautes-Pyrénées, où je me suis rendu voilà quelques semaines ; je conserve d’ailleurs un excellent souvenir de ce déplacement.
Je rappelle que 379 pôles d’excellence rurale ont été labellisés à ce jour, la plupart dans des départements ruraux. Les PER de deuxième génération viendront confirmer la priorité que nous accordons au développement économique de nos territoires ruraux. Il s’agit en effet d’un nouvel instrument de développement essentiellement destiné au monde rural et à ses territoires.
Monsieur le sénateur René Vestri, vous avez relayé la proposition visant à inscrire l’examen d’un schéma de mutualisation des services dans le débat annuel d’orientation budgétaire. Je suis, pour ma part, tout à fait favorable à cette idée, qui a d’ailleurs trouvé une traduction concrète dans le projet de loi de réforme des collectivités territoriales lors de son examen par l’Assemblée nationale en première lecture.
En effet, l’article 34 bis AA, qui résulte de l’adoption par les députés d’un amendement déposé par le rapporteur et rédigé en concertation avec le Gouvernement, prévoit l’établissement, après chaque renouvellement général des conseils municipaux, d’un rapport relatif aux mutualisations entre les services de l’EPCI à fiscalité propre et ceux des communes membres. Ce rapport comportera un projet de schéma de mutualisation des services. Il sera soumis à l’avis des communes membres, puis approuvé par l’organe délibérant. Chaque année, un bilan de l’état d’avancement du schéma sera dressé.
Cet article, monsieur Vestri, me semble donc répondre parfaitement à votre légitime préoccupation.
Monsieur le sénateur Bérit-Débat, vous avez évoqué le désengagement massif de l’État pour ce qui concerne l’aide apportée aux collectivités territoriale, en particulier en matière d’urbanisme. Je souhaiterais tempérer ce constat en rappelant que les plus petites communes bénéficient toujours de l’assistance technique fournie par les services déconcentrés de l’État (Protestations sur les travées du groupe socialiste) depuis la loi de 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier, notamment en matière d’aide à la gestion de la voirie et à la décision en matière de politique de l’habitat.
J’ai connu une époque, monsieur le sénateur, où vous et vos amis considériez que, par le biais de ces services techniques, des pressions étaient exercées sur les collectivités territoriales ; j’y reviendrai dans un instant.
Monsieur le sénateur Pierre Hérisson, vous avez abordé la question de la mutualisation fiscale et j’ai été sensible à votre argumentation. Comme vous le savez, le projet de loi de réforme des collectivités territoriales s’est enrichi d’un article 34 quinquies, qui permettra de procéder à une harmonisation des taux des impôts ménages, tout comme la taxe professionnelle unique a entraîné celle des taux de taxe professionnelle. Cette unification sera mise en œuvre sur délibération concordante de l’EPCI et des communes concernées.
Monsieur Fichet, monsieur Bérit-Débat, ne faites pas un procès d’intention au Gouvernement ! Ne sont-ce pas vos amis politiques qui avaient parlé, à une certaine époque, de « tutelle technique des services de l’État », en se référant notamment aux subdivisions de la DDE ?
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. Il n’y en a plus !