M. Guy Fischer. Mais si ! À qui voulez-vous faire croire le contraire ?
M. Éric Woerth, ministre. Même avec un âge légal de départ à la retraite porté à 62 ans, compte tenu de l’amélioration de l’espérance de vie, dont nous nous félicitons tous, les Français passeront trois ans de plus à la retraite qu’en 1980, trois ans de plus que du temps de François Mitterrand ! (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Annie David. En se tuant au travail !
M. Guy Fischer. Nos pères sont morts entre 50 ans et 55 ans. Ce n’est possible d’entendre cela !
Mme Annie David. Non, ce n’est pas possible !
M. Éric Woerth, ministre. Enfin, fixer l’âge légal du départ à la retraite à 62 ans en 2018 est un choix efficace parce qu’il nous permettra d’économiser près de 19 milliards d’euros en 2018 et nous donnera donc les moyens de revenir à l’équilibre. La somme est considérable ! Elle permettra de financer 50 % des déficits.
Certains désapprouvent le choix de reporter l’âge légal de départ à la retraite et nous conseillent d’agir uniquement sur les cotisations. Or, pour obtenir le même rendement, car c’est ainsi qu’il faut calculer, la durée de cotisation devrait tout simplement être portée à 47 ans, ce qui serait insupportable !
Ce report de l’âge légal que nous proposons sera juste parce que ceux qui sont usés par leur travail continueront de pouvoir partir à la retraite à l’âge de 60 ans. Je pense notamment au dispositif « carrières longues », destiné aux personnes qui ont commencé à travailler très tôt.
M. Guy Fischer. Elles devraient partir avant 60 ans ! Elles sont usées !
M. Éric Woerth, ministre. Ce dispositif, qui constitue une avancée sociale considérable de la réforme Fillon, que vous n’avez pas votée, mesdames, messieurs les sénateurs de gauche, sera poursuivi et même élargi aux salariés qui ont commencé leur activité professionnelle à 17 ans. Concrètement, tous les salariés qui ont commencé leur vie professionnelle avant 18 ans continueront donc de partir en retraite à 60 ans, et même dès 58 ans pour ceux qui ont commencé à 14 ans ou à 15 ans.
Le maintien de cette possibilité de départ anticipé représente un effort financier très important, puisque 50 000 personnes seront ainsi exclues du dispositif de départ à la retraite à 62 ans et 90 000 personnes en 2015. Cet effort est sans équivalent en Europe.
M. Roland du Luart. C’est vrai !
M. Éric Woerth, ministre. Conformément à certaines préconisations formulées par votre rapporteur, les assurés dont l’état de santé est dégradé à la suite d’expositions à des facteurs de pénibilité, non seulement garderont la retraite à 60 ans, mais auront, en plus, une retraite à taux plein, quel que soit leur nombre de trimestres.
Mme Annie David. Ils n’arriveront pas à l’âge de 60 ans !
M. Éric Woerth, ministre. Il s’agit d’un droit nouveau dans le système de protection sociale français et d’une avancée sociale majeure.
Ainsi, tous les salariés qui ont une incapacité égale ou supérieure à 20 % ayant donné lieu à l’attribution d’une rente pour maladie professionnelle – ou pour accident du travail provoquant des troubles de même nature – auront deux avantages au titre de la retraite : d’abord, pour ces assurés, l’âge de la retraite restera fixé à 60 ans ; ensuite, ces salariés ne subiront aucune décote et partiront au taux plein même s’ils n’ont pas tous leurs trimestres.
Nous avons construit ce dispositif afin de pouvoir prendre en compte la pénibilité de façon immédiatement opérationnelle, équitable et maîtrisable. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. Guy Fischer. Non !
Mme Annie David. Pas du tout !
M. Éric Woerth, ministre. Pour respecter ces objectifs, nous avons refusé de céder à la démagogie et fait deux choix importants.
Nous avons, d’abord, fait le choix de la justice : les salariés qui bénéficieront du dispositif « retraite pour pénibilité » seront ceux qui souffrent d’un affaiblissement physique avéré au moment du départ à la retraite.
M. Guy Fischer. Voilà ! La chose est dite : il faut être malade !
M. Éric Woerth, ministre. Sinon, comment faire ? Cela signifie concrètement que nous n’avons pas ouvert le dispositif à des salariés dont la santé n’est pas altérée, mais risquerait de l’être plus tard. Pour avoir des dispositifs justes, en effet, il faut des mesures ciblées. Cela suppose, en l’occurrence, que la pénibilité ne soit pas présumée, mais que la preuve puisse en être apportée. (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG.) Or nous ne disposons aujourd’hui d’aucun moyen pour apprécier de façon rigoureuse à partir de quel seuil d’exposition à un risque la probabilité d’être malade devient une quasi certitude. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mais renseignez-vous, mesdames, messieurs les sénateurs de gauche, cela n’existe dans aucun pays au monde ! Ce que nous mettons en place est tout simplement une avancée sociale majeure ! Et vous devriez applaudir, car vous ne l’avez jamais fait ! (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Nous avons, ensuite, fait le choix d’accorder ce droit de manière individuelle. Nous refusons l’approche qui consisterait à fixer par avance une liste de métiers réputés pénibles. Cette approche collective aurait été injuste, car elle aurait laissé de côté certains salariés qui n’exercent pas ces métiers, mais qui sont cependant usés par leur travail.
Cette mesure bénéficiera, après montée en charge, à 10 000 personnes par an.
M. Guy Fischer. C’est bien peu !
M. Éric Woerth, ministre. Au total, en ajoutant le dispositif « carrières longues », ce sont 60 000 personnes par an dont la vie professionnelle aura été particulièrement dure qui pourront partir à la retraite avant les autres en 2011, et 100 000 à partir de 2015.
Je pense cependant qu’à l’avenir la meilleure réponse à la pénibilité - j’imagine que nous pourrons nous accorder au moins sur ce point - sera l’amélioration des conditions de travail. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Guy Fischer. Parlez-en à France Télécom !
M. Éric Woerth, ministre. C’est d’ailleurs un axe majeur de l’action que je mène à la tête de ce ministère, avec les partenaires sociaux. Nous allons donc renforcer la prévention.
M. Guy Fischer. Parlez de la pénibilité avec le MEDEF !
M. Éric Woerth, ministre. Dans ce but, les expositions aux risques professionnels seront désormais obligatoirement enregistrées dans un carnet de santé individuel au travail.
En outre, la médecine du travail sera réformée. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Nous poursuivrons notre mobilisation en faveur de l’emploi des seniors. Là encore, il me semble que nous répondons largement aux préconisations de la MECSS du Sénat.
La France est dans la moyenne européenne pour le taux d’emploi des Français âgés de 50 ans à 59 ans.
C’est à partir de 60 ans que ce taux est plus faible qu’ailleurs en Europe, essentiellement, d’ailleurs, parce que l’âge légal y est l’un des plus bas d’Europe.
M. Alain Vasselle, président de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale. À partir de 60 ans, nous sommes les derniers de la classe !
M. Guy Fischer. Oh là là !
M. Éric Woerth, ministre. L’augmentation de l’âge légal va permettre d’améliorer le taux d’emploi des seniors. (On le conteste sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.) À partir du moment où l’horizon de la retraite recule, les entreprises sont incitées à considérer autrement leurs seniors.
Cela fait trente ans que les seniors s’entendent dire qu’ils n’ont plus leur place dans l’entreprise.
M. Guy Fischer. Ce sont les patrons qui les mettent dehors !
M. Éric Woerth, ministre. Il faut, au fond, encourager un changement culturel et inciter les entreprises à considérer les seniors autrement.
En complément des nombreuses mesures prises ces dernières années – surcote, libéralisation du cumul emploi-retraites –, la réforme prévoit donc deux autres mesures pour encourager l’emploi des seniors : une aide à l’embauche pour les chômeurs de plus de 55 ans, à laquelle s’ajoute le développement du tutorat, pour assurer une transmission des savoirs au sein de l’entreprise et favoriser une fin de carrière plus valorisante pour les seniors.
Notre réforme permettra de renforcer l’équité et la solidarité de notre système de retraite.
Mme Annie David. Ben dis donc !
M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement avait clairement écrit, dans son document d’orientation, que la réforme marquerait une nouvelle avancée en matière d’équité et de solidarité. Comme les autres, cet engagement sera respecté.
En complément des mesures d’âge, le Gouvernement a décidé de prélever 3,7 milliards d’euros de recettes nouvelles, soit 4,4 milliards d’euros en 2018, principalement sur les hauts revenus, sur les revenus du capital et sur les entreprises.
M. Guy Fischer. Tu parles !
M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement a résolument écarté le raisonnement erroné selon lequel la meilleure réponse au vieillissement démographique, et la seule, serait l’impôt. Je le dis depuis plusieurs mois, il n’a jamais renoncé, cependant, à l’idée d’injecter des ressources nouvelles dans le système, au nom de l’équité et pour alimenter, notamment, le Fonds de solidarité vieillesse, le FSV.
Plusieurs mesures de recettes, qui me semblent très proches de vos propositions, concerneront, en conséquence, spécifiquement les hauts revenus.
La tranche la plus élevée de l’impôt sur le revenu sera augmentée de un point et passera donc de 40 % à 41 %. Cette hausse ne sera pas prise en compte dans le bouclier fiscal. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Guy Fischer. Cela ne va même pas les faire tousser !
M. Alain Vasselle, président de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale. Vous devriez être content, monsieur Fischer ! Cela vous donne satisfaction !
M. Éric Woerth, ministre. Le rendement immédiat de cette mesure sera de 230 millions d’euros.
Les stock-options seront davantage taxées. La contribution sociale payée par le bénéficiaire sera triplée et portée à 8 %. En outre, la contribution versée par l’employeur passera de 10 % à 14 %. Ces mesures rapporteront 70 millions d’euros en 2011.
M. Guy Fischer. Oh là là !
M. Éric Woerth, ministre. Les retraites chapeaux seront davantage taxées, ce qui apportera un supplément de recettes de 110 millions d’euros dès 2011. Une contribution salariale au taux de 14 % sera notamment créée.
Les revenus du capital seront également mis à contribution. Les prélèvements forfaitaires sur les revenus du capital et du patrimoine seront augmentés d’un point, pour atteindre un rendement de 265 millions d’euros en 2011.
Les dividendes perçus par les actionnaires seront davantage taxés. Cette mesure devrait rapporter 645 millions euros dès 2011.
Enfin, les plus-values de cession d’actions et d’obligations seront désormais taxées à l’impôt sur le revenu quel que soit le montant des cessions réalisées. Cette mesure rapportera 180 millions d’euros en 2011.
M. Alain Vasselle, président de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale. Le CRC-SPG n’aura plus d’amendement à déposer !
M. Éric Woerth, ministre. La dernière catégorie de mesures concerne des niches sociales dont bénéficient les entreprises.
La disposition la plus importante porte sur le calcul annuel des allégements généraux de charges patronales, dont nous avons souvent parlé dans cet hémicycle : cette mesure, qui représente une économie de 2 milliards d’euros et figure également dans le rapport de la MECSS du Sénat, a en effet été demandée à plusieurs reprises par M. Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales.
M. Roland du Luart. Et c’est une bonne mesure !
M. Éric Woerth, ministre. Pour renforcer l’équité du système des mesures de rapprochement des règles entre public et privé sont également prévues.
M. Guy Fischer. Ils osent parler d’équité…
M. Éric Woerth, ministre. En plus des mesures relatives à l’âge, le Gouvernement s’est engagé à rapprocher les règles en vigueur dans le public et le privé, sans céder à la caricature. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Ces mesures, que Georges Tron et moi-même avons proposées au Président de la République et au Premier ministre, sont simples.
Conformément aux engagements pris, nous proposons de revenir sur trois différences qui ne me semblent pas pouvoir être justifiées par des spécificités de la fonction publique.
M. Roland du Luart. C’est justice !
M. Guy Fischer. Les fonctionnaires vont « trinquer » !
M. Éric Woerth, ministre. Il y va de l’équité entre les salariés du public et du privé, et je mets au défi quiconque de démontrer le contraire !
M. Guy Fischer. On verra !
M. Éric Woerth, ministre. C’est aussi une nécessité au regard de la forte dégradation de la situation du régime de retraite des fonctionnaires, qui, si nous ne faisions rien, passerait de 15 milliards à 22 milliards d’euros d’ici à 2020, soit une augmentation de 45 % !
Le taux de cotisation acquitté par les fonctionnaires sera aligné sur celui du secteur privé. Il passera en dix ans de 7,85 % à 10,55 %. Qui oserait dire que c’est injuste ?
Au terme de ce rattrapage, dont tout le monde comprend qu’il doit être étalé dans le temps – et il le sera –, il aura été mis fin à une différence majeure en matière de retraite entre la fonction publique et le privé.
M. Roland du Luart. Très bien !
M. Éric Woerth, ministre. Les rémunérations moyennes par catégorie dans le public et dans le privé sont à peu près les mêmes, sauf pour les cadres (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG), et les retraites des fonctionnaires sont à peu près les mêmes que celles des salariés du privé.
Mme Annie David. Il y a retraite de base et retraite complémentaire !
M. Éric Woerth, ministre. Au fond, ce qui diffère entre public et privé, c’est le prix de la retraite : pour une retraite équivalente, les fonctionnaires cotisent en réalité beaucoup moins.
Ce n’est pas juste à l’égard des salariés du privé et il est naturel de revenir à un niveau de cotisations unique pour les uns et pour les autres, ce que nous faisons.
M. Guy Fischer. L’État y trouvera son compte…
M. Éric Woerth, ministre. Deuxième mesure de convergence, le dispositif de départ anticipé sans condition d’âge, c'est-à-dire une sorte de préretraite, pour les parents de trois enfants ayant quinze ans de service sera fermé à compter de 2012.
M. Guy Fischer. Et voilà !
M. Éric Woerth, ministre. Ce dispositif, dont le Conseil d’orientation des retraites avait relevé les imperfections et qui est sans équivalent dans le privé, sera supprimé progressivement. Les droits acquis seront cependant respectés : les parents de trois enfants au 1er janvier 2012 pourront continuer de partir, sous réserve d’avoir quinze ans de service à la date de la réforme.
Dernière mesure de convergence, le minimum garanti sera désormais soumis à la même condition d’activité que dans le secteur privé. Les fonctionnaires bénéficient de ce minimum dès qu’ils atteignent l’âge d’ouverture des droits, même s’ils n’ont pas tous leurs trimestres, alors que, dans le secteur privé, un salarié doit attendre l’âge du « taux plein ». Nous proposons l’alignement sur le secteur privé.
Les dispositifs de solidarité, qui font la force du système de retraite français, sont non seulement préservés mais renforcés par la réforme.
Ainsi, nous allons améliorer des dispositifs qui, aujourd’hui, ne nous semblent pas tenir suffisamment compte de certaines situations.
Premièrement, pour les jeunes en situation précaire, le Gouvernement propose de porter le nombre de trimestres validés lorsqu’ils sont au chômage non indemnisé de quatre à six.
Deuxièmement, nous devons encore agir pour améliorer les retraites des femmes. Nous avons fait des progrès majeurs dans ce domaine. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mesdames, messieurs les sénateurs, l’écart de pensions s’est réduit et, aujourd’hui, les femmes ont au moins autant, sinon plus, de trimestres que les hommes, mais, si la situation s’est améliorée, deux dispositions me semblent absolument indispensables.
D’une part, il faut empêcher que le congé maternité ne fasse chuter la pension de retraite. Ainsi, l’indemnité journalière perçue pendant le congé de maternité entrera désormais dans le salaire de référence sur lequel sera calculée la pension, ce qui n’était pas le cas jusqu’à présent.
D’autre part, il faut lutter plus activement contre les inégalités salariales au cours de la carrière. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Les entreprises ne s’investissent pas suffisamment dans la réduction des écarts salariaux. Le Gouvernement a donc décidé de prévoir un dispositif de sanction de l’absence de diagnostic de situation comparée des femmes et des hommes dans les entreprises de plus de 300 salariés.
Troisièmement, la retraite des agriculteurs est une autre de nos priorités.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Ah !
M. Alain Vasselle, président de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale. C’est le plus important !
M. Éric Woerth, ministre. Le projet de réforme contient deux dispositions importantes, que nous avons évidemment définies en liaison avec Bruno Le Maire et après nous être entretenus avec les représentants du monde agricole.
La principale mesure vise à faciliter l’octroi du minimum vieillesse aux agriculteurs, soit 709 euros par mois pour un célibataire.
L’octroi de ce minimum était possible, mais il était soumis à récupération sur succession, récupération à laquelle le moins que l’on puisse dire est que les agriculteurs sont réticents lorsqu’elle peut porter sur les terres agricoles elles-mêmes ou sur le corps de ferme. C’est la raison pour laquelle certains d’entre eux ne demandent pas à bénéficier du minimum vieillesse et en restent à des pensions de 300 ou 400 euros par mois.
Nous allons donc supprimer le recours sur succession pour les agriculteurs, ce qui satisfait une demande très ancienne.
M. Gérard César. Très bien !
M. Guy Fischer. Il faut faire pareil pour l’allocation personnalisée d’autonomie !
M. Éric Woerth, ministre. La réforme de 2010 va permettre de restaurer dans la durée la confiance des Français dans le système de retraite.
Or, pour avoir confiance dans notre système, il faut en comprendre les règles, afin de pouvoir faire les bons choix et au bon moment. Ce n’est pas toujours le cas aujourd’hui.
Des progrès considérables ont été accomplis depuis 2003 pour informer nos concitoyens, mais nous allons encore améliorer leur visibilité en créant notamment un « point d’étape individuel retraites » accessible dès 45 ans.
Cependant, l’élément déterminant du retour à la confiance est bien évidemment le retour à l’équilibre. Cette réforme le permettra dès 2018 et règle également, d’ici à cette date, la question des déficits accumulés, à laquelle la MECSS comme la commission des affaires sociales sont très sensibles.
M. Guy Fischer. On en reparlera !
M. Éric Woerth, ministre. Plus précisément, les mesures d’âge permettront de réduire de près de 50 % le déficit en 2018.
Les économies supplémentaires réalisées, dans la fonction publique, grâce au rapprochement des règles du public et du privé, rapporteront 4 millions d’euros. Elles permettront de stabiliser la contribution de l’État à son niveau de 2010, soit 15,6 milliards d’euros.
M. Guy Fischer. Voilà !
M. Éric Woerth, ministre. Les mesures de recettes s’élèveront à 4,4 milliards d’euros en 2018.
S’y ajoutera, dans le prolongement des hypothèses du COR, le surcroît de cotisations obtenu en basculant des cotisations d’assurance chômage sur des cotisations de retraite à partir de 2015, pour un montant de 1 milliard d’euros en 2018.
M. Guy Fischer. Y croyez-vous vous-même ?
M. Éric Woerth, ministre. Ce basculement, qui était prévu en 2003, est très prudent puisqu’il représente moins de 3 % du bouclage global de la réforme en 2018.
Pour ce qui est du financement des déficits accumulés jusqu’au retour du régime à l’équilibre en 2018 – donc, pour les années 2011 à 2018, sachant qu’en 2020 nous serons en léger excédent –, ces derniers seront repris au fur et à mesure par la CADES, la Caisse d’amortissement de la dette sociale, qui pourra compter sur les ressources du FRR, le Fonds de réserve pour les retraites.
M. Claude Domeizel. Et voilà !
M. Éric Woerth, ministre. Grâce à ces ressources, la CADES pourra reprendre l’intégralité des déficits accumulés d’ici à 2018.
D’ici à 2018, il n’y aura donc ni augmentation ni accumulation des déficits, mais règlement des déficits, et, à partir de 2018, le régime sera en équilibre.
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Vous êtes un grand optimiste, monsieur le ministre !
M. Éric Woerth, ministre. C’est d’ailleurs un des rares points de divergence que nous avons avec la MECSS ; je souhaite en rassurer les membres.
Bien évidemment, le FRR ne sera ni dissous, ni utilisé pour financer je ne sais quel autre déficit ou pour se substituer à une réforme : au lieu de gérer ses ressources pour compte propre, il les gérera pour compte de tiers, c'est-à-dire pour le compte de la CADES, et pour financer des déficits en matière de retraite, en attendant que notre réforme prenne toute son ampleur. C’est évidemment un aspect majeur.
M. Guy Fischer. C’est du racket !
M. Éric Woerth, ministre. Le FRR a d’ailleurs été créé, par le gouvernement socialiste d’alors, pour financer des déficits liés aux retraites, mais à un moment où le parti socialiste n’envisageait aucune réforme en la matière. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Claude Domeizel. Mais si !
Mme Gisèle Printz. Ce n’est pas vrai !
M. Guy Fischer. C’est tout à fait faux !
M. Éric Woerth, ministre. Aujourd'hui, nous procédons à une réforme puissante des retraites et il est normal que le FRR d’après la réforme ne soit pas le FRR d’avant la réforme.
Deuxièmement, et surtout, la France est le seul pays au monde qui constitue des réserves quand il est en déficit.
M. Robert del Picchia. Exactement !
Mme Christiane Demontès, rapporteur. C’est un aveu !
M. Éric Woerth, ministre. Tous les autres pays le font quand ils sont en excèdent, à commencer par la Suède, dont je remarque que vous faites souvent grand cas, mesdames, messieurs de l’opposition, sans d’ailleurs relever que ce pays a abaissé de 3 % le niveau des pensions… J’attends vos propositions en ce sens !
Je ne serai pas de ceux qui racontent aux Français que le FRR est une solution pour dans vingt ans et qu’y toucher maintenant serait criminel. Les déficits ont vingt ans d’avance, et il me semble naturel que nous n’ayons pas, face à eux, vingt ans de retard.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la retraite est désormais l’un des principaux âges de la vie. Cette réforme est d’une importance considérable, parce qu’elle concerne notre société tout entière. Nous vous la présentons dans un esprit de responsabilité, de raison, d’efficacité et de justice.
Je rappelle que le projet de loi, qui ne sera présenté en conseil des ministres que le 13 juillet, est encore ouvert à la discussion avec les organisations syndicales.
Je conclurai en me félicitant, monsieur le président de la MECSS, de nos très nombreux points de convergence et en ne doutant pas de la richesse de nos débats futurs. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme la présidente. Dans la suite du débat, la parole est aux orateurs des groupes, et tout d’abord à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en 1945, notre pays a mis en place un modèle de protection d’assurance vieillesse qui est aujourd’hui gravement menacé.
Les effets conjugués du choc démographique et de la crise économique ont engendré un déséquilibre financier que les réformes adoptées au cours des vingt dernières années n’ont pas réussi à endiguer.
Le Conseil d’orientation des retraites estime qu’il faudra trouver 70 milliards d’euros à l’horizon 2030 pour financer l’ensemble des régimes.
Ce constat, nous en sommes tous conscients. Il inquiète beaucoup nos concitoyens. Les jeunes, en particulier, se demandent s’ils pourront durablement encore compter sur ce filet de sécurité.
Il est donc urgent d’agir afin de sauver notre système de retraite par répartition, système qui constitue une application fondamentale du principe de solidarité cher à notre République.
La retraite est bien davantage qu’un dû : elle est un droit accordé en juste retour, pour chacun, d’une vie consacrée à consolider l’édifice social mais aussi économique de notre pays.
En réponse à ce grand défi, sept ans après la loi du 21 août 2003, le Président de la République vient tout juste d’arbitrer une nouvelle réforme des retraites.
Nous en connaissons depuis ce matin les grandes orientations.
Sur le fond, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, je ne m’étonne guère des paramètres que vous avez choisis, pour tenter de garantir le financement des retraites, car ils s’inscrivent dans le prolongement de la réforme de 2003 : vous privilégiez une approche strictement comptable, dans laquelle les salariés sont la principale variable d’ajustement.
En revanche, je suis surpris qu’il ait fallu des mois de consultations pour parvenir à un projet qui, semble-t-il, ne retient presque rien des propositions des partenaires sociaux et des responsables politiques que vous avez consultés.
Le PRG, monsieur le ministre, ne se retrouve pas dans la plupart de vos propositions. Nous souscrivons seulement à votre engagement de sauvegarder le système par répartition. Comme vous l’avez déclaré voilà quelques jours, le régime par répartition appartient en effet au patrimoine des Français.
Ce système a fait la preuve de ses avantages, tandis que la crise financière a montré les limites de la retraite par capitalisation.
Ce consensus sur le régime par répartition n’exclut pas que l’on modifie quelques-unes de ses règles afin de le rendre plus cohérent et plus solide.
Par exemple, doit-on conserver pour le calcul des droits à la retraite, d’un côté, des régimes de base fonctionnant en annuités et, de l’autre, des régimes complémentaires dans lesquels les assurés acquièrent des points ?
Par ailleurs, la diversité des paramètres de calcul de la pension aboutit à distinguer des régimes que nombre de nos concitoyens considèrent, à juste titre ou non, trop généreux.
Pour les radicaux, la question du rapprochement entre les régimes privé et public n’est pas taboue, à condition qu’elle soit abordée sous l’angle de l’équité, et non dans le seul objectif d’opérer un nivellement par le bas.
Vous avez annoncé, ce matin, la convergence entre les régimes public et privé. J’ose espérer que les primes des fonctionnaires seront intégrées pour le calcul de la pension !
Par ailleurs, nous sommes totalement opposés au relèvement de l’âge légal de départ à la retraite, que vous souhaitez porter à 62 ans, car cette mesure pénalisera les salariés ayant commencé à travailler très tôt. J’ajoute que ce sont les mêmes qui ont été exposés à la pénibilité du travail. Vos propositions sont très insuffisantes au regard des souffrances subies au travail par un nombre important de nos concitoyens, qui sont de surcroît les plus modestes.
S’agissant du volet « recettes », qui offre davantage d’opportunités, vous avancez quelques pistes, mais trop timides à mon sens. Elles ne représenteront que 3,7 milliards d’euros en 2011, pour combler un déficit du régime de retraite qui s’élève actuellement à 32 milliards d’euros… Pourquoi ne pas asseoir franchement une partie du financement des retraites sur les dividendes perçus ?