Article 24
I. – Dans les conditions prévues par l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances les dispositions législatives nécessaires pour :
1° Adapter aux spécificités des départements d’outre-mer, des collectivités d’outre-mer et de la Nouvelle-Calédonie, le rôle et les missions des chambres d’agriculture afin de leur permettre une meilleure intervention dans le cadre du développement agricole, en réformant leur organisation, leur fonctionnement et leur mode de financement ;
2° Assurer la préservation du foncier agricole :
a) dans les départements d’outre-mer et à Mayotte :
- en adaptant la composition et les compétences de la commission mentionnée à l’article 12 ;
- en modifiant la procédure de mise en valeur des terres incultes ou manifestement sous exploitées prévue aux articles L. 128-4 à L. 128-12 du code rural et en étendant cette procédure à Mayotte ;
- en instituant une procédure de contrôle du morcellement des terres agricoles ;
b) à Saint-Martin:
- en adaptant la composition et les compétences de la commission mentionnée à l’article 12 ;
3° Adapter aux départements d’outre-mer les dispositions de l’article 21 et adapter à Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Martin et Saint-Barthélemy les dispositions des articles 19 et 21.
II. – Les ordonnances mentionnées au I sont prises dans un délai de douze mois à compter de la publication de la présente loi.
Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de chaque ordonnance.
M. le président. La parole est à M. Jean-Etienne Antoinette, sur l’article.
M. Jean-Etienne Antoinette. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je passerai rapidement sur le renvoi systématique des outre-mer au dernier article des lois, sur le recours abusif du Gouvernement aux ordonnances, sur les contradictions permanentes entre les déclarations de crise et les décisions de vérité, entre les gestes symboliques, qui clament l’importance des outre-mer pour la France, et les actes concrets, qui n’ont qu’un faible impact sur ce qu’on prétend tellement vouloir pour nos régions, à savoir leur développement économique endogène.
Monsieur le ministre, ce projet de loi comporte cinq titres et vingt-quatre articles. Or la seule mesure que vous prévoyez pour les outre-mer – qui ont à résoudre des problématiques bien différentes de celles de la métropole – consiste à prendre par ordonnance des mesures d’adaptation concernant des règles d’organisation, de gouvernance ou de procédure ! C’est très important, certes, mais vous laissez dans l’ombre, ou dans l’indifférenciation, des éléments essentiels et cruciaux pour ce secteur économique de l’agro-nutrition, présenté dans la LODEOM comme éminemment prioritaires.
Monsieur le ministre, vous avez déclaré ici même, lors du débat d’orientation agricole, que la compétitivité dépendait de trois facteurs : la baisse des coûts de production, les débouchés et la valorisation des produits. Pour illustrer votre démonstration, vous avez argué d’exemples, de réponses et de stratégies, contestables ou non, qui ne sont valables que pour la métropole.
Mais qu’y a-t-il donc dans ce projet de loi, et notamment dans cet article 24, pour améliorer la compétitivité, ne serait-ce que la structuration ou la diversification, des agricultures ultramarines ? Qu’y a-t-il sur la pêche, s’agissant de régions maritimes, mais également ultrapériphériques, dans lesquelles presque tout reste à structurer, là où l’on parle, en métropole, de moderniser ?
Permettez-moi, monsieur le ministre, de reprendre votre approche des facteurs de compétitivité, en y introduisant quelques nuances. Les cultures historiques mises à part, le vrai défi des outre-mer, c’est l’autosuffisance alimentaire, qu’il s’agisse d’agriculture, d’élevage ou de pêche.
Reprenons donc vos propos et remplaçons le terme de compétitivité par celui d’autosuffisance. Dans les outre-mer, celle-ci dépend aussi des trois facteurs que vous avez cités, mais également d’autres qui ne se déclinent pas de la même manière qu’en métropole.
Premier facteur : l’accès au foncier. Certes, des espaces existent en Guyane. Encore faut-il y accéder, avoir les moyens financiers de s'y installer et de s'approprier la terre ! Quand seront levés, ou contournés, les freins bancaires à l'installation des jeunes agriculteurs ? Quand sera normalisée la question des titres fonciers ? Quand nos agriculteurs bénéficieront-ils des mêmes aides – dotations, prêts bonifiés, fonds de garantie – que leurs homologues métropolitains ?
Deuxième facteur : les coûts de la production. Cela vaut également pour la métropole. La baisse de ces coûts, par tous les leviers possibles, y compris au niveau de la réglementation communautaire, est une condition incontournable pour le développement de nos agricultures. Il n'en est pas question dans ce projet de loi, ni dans les ordonnances prévues à l'article 24, alors que les outils de la LODEOM, insuffisants, auraient pu utilement être complétés.
Troisième facteur : les débouchés. En Guyane, contrairement aux autres régions ultramarines, le nombre d'exploitations a fortement augmenté. Dans le même temps, le taux de couverture des besoins alimentaires par la production locale est des plus faibles. C’est dire l'importance de cette question ! Mais tant qu'il sera moins cher pour la population de manger des produits importés que des produits locaux, tant que les normes d'approvisionnement de la restauration collective rendront difficiles le recours aux petits producteurs locaux, et tant que ces petits producteurs ne pourront vivre décemment de leur activité, nous n'irons pas bien loin, même si nos capacités de production augmentaient miraculeusement ! Depuis la crise sociale de 2009, nous avons entendu parler d'assouplissement des règles des marchés publics, nous ne voyons aucun changement. Pourquoi ?
Quatrième facteur : la valorisation des produits. Il s’agit du troisième facteur monsieur le ministre, s'agissant de la métropole. Voilà un domaine où la marge de progression est grande dans les outre-mer ! Pour la pêche, par exemple, la structuration d'une interprofession rassemblant les acteurs de l'amont et de l'aval est nécessaire. Pour l'heure, ce sont les opérateurs et les demandes de l'aval qui dynamisent le secteur et tirent les producteurs. L’industrie de la transformation des produits agricoles, susceptible de générer une véritable valeur ajoutée pour l'exportation ou même le tourisme, est balbutiante. Mais pour atteindre ces objectifs, il faut structurer les filières, former les hommes, conforter le positionnement des producteurs d'outre-mer sur les marchés d'écoulement, en interne comme en Europe ou ailleurs ! Or les financements manquent, la formation manque ; par exemple, il n'y a même pas un centre permanent de formation sur les métiers de la mer en Guyane ! Vous voyez, monsieur le ministre, chaque facteur de réussite est entravé par des freins qui ne relèvent aucunement d'un manque de volonté, d'une incapacité de compétence, ou d'une attente d'assistanat de nos populations. Et ces résistances de base, les ordonnances que vous proposez de prendre ne suffiront pas à les lever.
Les amendements relatifs à la question, cruciale, du financement, n'ont pas passé le cap de l'irrecevabilité au titre de l’article 40 de la Constitution. J'espère que vous serez plus attentifs aux autres, simples propositions de mise en cohérence ou rappels des engagements du Gouvernement. Vous aurez ainsi l’opportunité de nous permettre de distinguer, dans l’action gouvernementale, ce qui relève de la communication de crise de ce qui constitue une véritable politique de soutien au développement des outre-mer.
M. le président. La parole est à M. Claude Lise, sur l'article.
M. Claude Lise. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les domaines agricoles et halieutiques ultramarins subissent, au même titre que tout le territoire français, une grave crise. Comme mon collègue le soulignait tout à l’heure, toutes les filières sont touchées.
Nous l’avons rappelé à maintes reprises, nos outre-mer sont fortement marqués par de nombreuses particularités, parmi lesquelles on compte l'importance prise par l'agriculture et la pêche dans l'équilibre socio-économique de ces territoires, et le « défi de l'autosuffisance alimentaire », pour reprendre l’expression des rapporteurs. Ces spécificités ont bien été mises en exergue à l’occasion des récentes concertations relatives aux outre-mer, dont le comité interministériel de l’outre-mer du 6 novembre dernier.
Dans les départements caribéens, les effets de la crise sont significatifs. L'avenir est pour le moins incertain, surtout au regard des accords conclus très récemment entre l'Europe et l'Amérique latine, dont l'objectif est, à terme, de libéraliser les échanges entre ces continents. Or ces pays produisent des denrées semblables aux nôtres, dans des conditions radicalement différentes. Il en résultera évidemment un dumping tarifaire.
En Martinique, l'agriculture génère plus de 270 millions d'euros de chiffre d'affaires annuel. Elle requiert plus de 10% de la population active de l'île, sans compter l'agroalimentaire, premier employeur de l'industrie martiniquaise. Cette agriculture nourrit la population d'un territoire qui compte deux fois plus d'habitants que la moyenne des départements ruraux français, pour la même densité de population que l’Île-de-France. Les rapporteurs soulignent bien la forte réduction du nombre de surfaces agricoles et d'exploitations en trente ans. De 19 570 exploitations, nous sommes passés à 3 500 aujourd'hui, soit une baisse de 82%. Il s'agit de la plus importante diminution parmi les quatre départements d’outre-mer.
Les rapporteurs de la commission de l'économie affirment la nécessité d'édicter des normes spécifiques. Je partage l’analyse mais ne souscris pas à la méthode. En effet, le recours aux ordonnances en application de l'article 38 de la Constitution n'est pas approprié. La question est de savoir comment les ultramarins vont percevoir ce qui semble être un véritable double discours permanent. Les États généraux de l'Outre-mer, la mission sénatoriale, et le CIOM concluaient tous à la nécessité, pour les outre-mer, de prendre en charge leurs destins en participant réellement à la mise en œuvre des politiques publiques. De même, le 6 novembre dernier, le Président de la République s'interrogeait sur l'objectif essentiel de « passer d'une économie administrée à une économie endogène dans laquelle les Martiniquais soient acteurs de leur développement économique et politique ». Nous sommes donc étonnés de constater qu'il revient au Gouvernement, par voie d'ordonnances, d'adapter un texte aussi essentiel pour les outre-mer que celui relatif à la modernisation de l'agriculture et de la pêche.
Vous pourriez m'opposer que la prise de ce type d'ordonnances doit être précédée d'une consultation préalable des conseils départementaux et régionaux des collectivités concernées, conformément à la procédure prévue aux articles L.3444-1 et L.4433-3 du code général des collectivités territoriales. Toutefois, je ne vous étonnerai pas beaucoup en rappelant – je l’ai souvent fait – le caractère plutôt formel de ces consultations. En tant que président de conseil général, je peux en témoigner ! Les délais impartis aux exécutifs locaux sont généralement si courts qu'un examen approfondi des dossiers est très souvent impossible. Dans bien des cas, la décision finale est déjà prise, et même parfois publiée, au moment où l'avis est sollicité.
Par ailleurs, force est de le constater, le Parlement est, une fois de plus, dessaisi de son rôle, ce que les rapporteurs, eux aussi, regrettent. D’après la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel depuis 1986, le recours aux ordonnances au titre de l'article 38 de la Constitution est subordonné à la justification et à la précision des demandes d'habilitation du Gouvernement. Si la précision de la demande ne semble pas faire défaut depuis la réécriture de l'article 24 par la commission de l'économie, il n'en va pas de même pour sa justification. Le recours aux ordonnances n'est pas justifié dans la mesure où il existe, en théorie du moins, pour les collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution, la possibilité d'adapter les textes nationaux par voie d'habilitation. Or, une fois le Gouvernement habilité à agir par voie d'ordonnances, l'habilitation ne sera plus accessible aux collectivités domiennes, puisque les deux types d’habilitation ne peuvent se cumuler sur un même sujet. C'est en cela que ce texte apparaît contestable constitutionnellement, puisque le recours à l'article 38 de la Constitution vide de son sens la procédure de l'article 73, dont on ne cesse de nous vanter les mérites.
Bref; au « chèque en blanc » signé au nom du Gouvernement, j'aurais préféré l’établissement d’un réel partenariat entre la puissance publique, les élus locaux, les partenaires sociaux et les entreprises, ainsi que l'annonçait le Président de la République il y a moins de six mois.
M. le président. La parole est à M. Georges Patient, sur l'article.
M. Georges Patient. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en propos liminaire, je ne peux m’empêcher, à l’instar de mes collègues, de relever le recours quasi systématique aux ordonnances dès lors qu'il s'agit des outre-mer. Je le regrette. Vous l'avez constaté, monsieur le ministre, les propositions des ultramarins ne manquent pas. Elles s'appuient pour la plupart sur un socle de textes, de rapports de missions et de propositions issues de la loi pour le développement économique des outre-mer, la LODEOM, des États généraux, de la mission DOM du Sénat et du conseil interministériel pour l'outre-mer.
Dans les outre-mer, l'agriculture et la pêche représentent des secteurs clés. Ils sont malheureusement en crise et cela ne date pas d'aujourd'hui. Déjà fortement fragilisés par un important retard structurel, ils doivent également faire face à de nouveaux enjeux et de nombreux freins à leur développement qui sont connus, de même que sont connues les mesures urgentes qu’il convient de prendre.
J’aimerais insister sur certains points relatifs à l'article 24, notamment sur la réforme des chambres d'agriculture. Il s’agit de l’un des axes principaux de cet article, ce qui est compréhensible vu la situation critique dans laquelle se trouvent les différentes chambres d'agriculture des outre-mer français. Celle de la Guyane connaît une situation financière catastrophique. Ses fonds propres sont insuffisants, avec seulement 15% de recettes propres contre 75% en métropole. Cette crise appelle deux réponses : la mise en place d'un plan de sauvetage exceptionnel pour éviter la « faillite » ; la création de nouvelles recettes pérennes.
Monsieur le ministre, il est nécessaire d'agir au plus vite car le rôle des chambres d'agriculture est primordial. Permettez-moi de rappeler quelques missions d'intervention d'une chambre d'agriculture : appui technique et encadrement, formation et animation rurale, structuration des filières. Cette réforme est une mesure phare voulue par le conseil interministériel pour l'outre-mer. Il s’agit de la mesure Il-5 intitulée « Renforcer le rôle et le financement des chambres d'agriculture de l'outre mer ».
Concernant le foncier, le constat est également très alarmant quant à la surface agricole utile, en fort recul. La Martinique perd chaque année, à elle seule, 1 000 hectares sur une surface déjà minime ! Selon les estimations, dans 20 ou 30 ans, il n'y aura plus de surface agricole utile aux Antilles. Le problème est connu. Des annonces ont été faites sur ce sujet dans le cadre du conseil interministériel pour l'outre-mer.
Le problème est différent en Guyane, où 75% des agriculteurs ne possèdent pas de titre foncier alors que la surface agricole utile ne représente que 0,3% du territoire. Pourtant, l'ordonnance du 2 septembre 1998 avait pour objectif de régulariser le foncier agricole. Où en est-on aujourd'hui ? Qu'en est-il de sa prorogation ? J’ai déposé un amendement dont l’objet est justement de proroger cette ordonnance afin de régulariser la situation de ces occupants sans titre.
Concernant le financement, nous demandons depuis de nombreuses années, pour faire face aux difficultés croissantes des départements d’outre-mer dans ce secteur, l'extension de dispositifs métropolitains tels que les fonds de garantie et de capital risque, les prêts bonifiés, les dotations jeunes agriculteurs. Qu'en est-il aujourd’hui ?
Quant à la pêche, secteur phare soumis à de nombreuses difficultés, j’ai eu l’occasion de l’évoquer au travers de mes amendements sur les articles 20 et 21, qui ont malheureusement reçu un avis défavorable.
Vous le voyez bien, il existe un grand décalage entre le potentiel de ces secteurs en outre-mer et leur faible production. Pour cette raison, il est indispensable et vital de protéger, de structurer et de renforcer ces secteurs, potentiellement très compétitifs. Je ne voudrais pas que l’on aboutisse à la mort de ces secteurs, à l'image de ce qui s’est passé en Guyane dans la filière rizicole, pourtant florissante, qui faisait la fierté des guyanais. La production est passée de 30 000 tonnes, consommées localement et exportées vers l'Espagne ou les Antilles, à moins de 8 000 tonnes aujourd’hui. En outre, et c’est plus grave, sur les trois entreprises existantes, deux sont en liquidation judiciaire et la troisième, la plus importante, vient d'annoncer son intention de quitter le territoire. La Guyane est, je tiens à le rappeler, le seul DOM à produire et exporter du riz.
Aussi, quelles dispositions l'État compte-t-il prendre pour relancer cette spéculation et sauver ce polder rizicole de 5 000 hectares, au moment où le Président de la République fait du développement endogène l'élément clé de sa politique ultramarine ?
M. le président. L'amendement n° 223 rectifié, présenté par MM. Lise, S. Larcher, Gillot, Patient, Antoinette et Tuheiava, Mme Herviaux, MM. Guillaume et Botrel, Mme Nicoux, MM. Andreoni et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Bourquin, Caffet, Chastan, Courteau, Daunis et Fauconnier, Mme Khiari, MM. Madec, Marc, Mazuir, Mirassou, Muller, Navarro, Pastor, Patriat, Rainaud, Raoul, Raoult, Repentin et Ries, Mme Schillinger, MM. Sueur et Teston, Mme Bourzai et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Claude Lise.
M. Claude Lise. Le présent article vise à autoriser le Gouvernement à prendre par ordonnance les dispositions législatives nécessaires pour adapter aux spécificités de l'outre-mer le rôle et les missions des chambres d'agriculture, pour assurer la préservation des terres agricoles ou pour adapter aux collectivités territoriales ultramarines les dispositions des articles 19 et21.
J’appelle de mes vœux, une nouvelle fois, une véritable loi relative à la modernisation de l’agriculture pour l’outre-mer. Cela serait légitime vu l’importance des problèmes que nous connaissons.
S’agissant du présent article, j’en demande la suppression, et ce pour plusieurs raisons.
La première est relative au rôle du Parlement. Du fait de la multiplication des recours aux ordonnances au titre de l’article 38 de la Constitution, un vrai débat législatif ne peut avoir lieu. De plus, le délai de douze mois à compter de la publication de la loi qui résultera de nos travaux paraît beaucoup trop long eu égard à la sensibilité du sujet.
La situation des agriculteurs ultramarins, tout particulièrement ceux de la Martinique, est telle que des mesures doivent être prises très rapidement.
Enfin, ainsi que je l’indiquais lors de mon intervention sur l’article, il est tout à fait regrettable que de telles dispositions ne puissent être prises par les exécutifs ultramarins par le recours aux habilitations prévues à l’article 73 de la Constitution.
Monsieur le ministre, depuis la réforme constitutionnelle de 2003, les ministres successifs chargés de l’outre-mer reprochent aux élus locaux ultramarins de ne pas utiliser cette procédure. À plusieurs reprises, le Président de la République a fait état de l’importance de ce dispositif, propre aux ultramarins.
Lors de cette révision, j’avais opté pour une autre rédaction de cet article, estimant que, en l’état, il comportait plutôt des dispositions virtuelles qui ne permettraient pas de résoudre les problèmes de l’outre-mer.
Nous essayons de jouer le jeu. Mais chaque fois que nous demandons des habilitations, on nous oppose toutes sortes de raisons pour ne pas mettre en œuvre cette procédure.
Aujourd’hui, nous pourrions faire des propositions sur les problèmes de l’agriculture et de la pêche afin d’adapter les textes existants.
C’est pourquoi j’insiste pour que la disposition permettant au Gouvernement de prendre des dispositions par ordonnance soit supprimée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. Comme je l’ai indiqué dans mon rapport, le recours aux ordonnances est justifié pour les trois sujets traités à l’article 24 : l’adaptation du rôle et des missions des chambres d’agriculture aux spécificités de l’outre-mer, la préservation du foncier agricole, l’adaptation des dispositions de la loi relative à l’outre-mer. La nouvelle rédaction de l’article 24 que la commission a adoptée a permis par ailleurs d’encadrer les futures ordonnances. Celle-ci émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 223 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable. Il attache toute l’importance nécessaire à l’agriculture en outre-mer et le recours aux ordonnances ne traduit en rien une quelconque négligence de sa part. Au contraire, il souhaite apporter des solutions concrètes rapidement. Tel est l’objet des ordonnances d’habilitation visées à l’article 24.
M. le président. Je suis saisi de douze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 224 rectifié, présenté par M. Lise, Mme Herviaux et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Dans les conditions prévues par les alinéas deux et trois de l'article 73 de la Constitution, au titre d'une gouvernance locale adaptée, les départements et les régions d'outre-mer pourront demander des habilitations législatives, dans le respect de leurs organisations respectives et des procédures de consultation prévues par la Constitution, afin notamment :
1° D'adapter le rôle et les missions des chambres d'agriculture afin de permettre une meilleure intervention dans le cadre du développement agricole, en réformant leur organisation, leur fonctionnement et leur mode de financement ;
2° D'assurer la préservation du foncier agricole :
- en adaptant la composition et les compétences de la commission mentionnées à l'article 12 ;
- en instituant une taxe sur la cession à titre onéreux des terrains nus ou des droits relatifs à des terrains nus rendus constructibles du fait de leur reclassement, au profit des départements ;
- en modifiant la procédure de mise en valeur des terres incultes ou manifestement sous-exploitées prévue aux articles L. 128-4 à 128-12 du code rural et de la pêche maritime ;
- en instituant une procédure de contrôle du morcellement des terres agricoles ;
3° D'adapter les dispositions de l'article 21 relatives aux organisations des pêches.
La parole est à M. Claude Lise.
M. Claude Lise. Cet amendement de repli est défendu.
M. le président. L'amendement n° 192, présenté par MM. Antoinette, Patient, Gillot, S. Larcher, Lise et Tuheiava, Mme Herviaux et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après les mots :
développement agricole
insérer les mots :
et forestier
La parole est à M. Jean-Etienne Antoinette.
M. Jean-Etienne Antoinette. Cet amendement a été déposé dans un souci de clarification et de cohérence.
L’article 15 du présent projet de loi modifie un chapitre du code forestier et attribue aux chambres départementales et régionales d’agriculture des compétences en matière de mise en valeur des bois et forêts.
L’article 24, quant à lui, prévoit d’« adapter aux spécificités des départements d’outre-mer, des collectivités d’outre-mer et de la Nouvelle-Calédonie, le rôle et les missions des chambres d’agriculture afin de leur permettre une meilleure intervention dans le cadre du développement agricole » sans faire référence à l’article 15.
Je n’imagine pas que, lors de la réorganisation envisagée pour les chambres d’agriculture d’outre-mer, des missions de développement forestier ne leur soient pas également dévolues. En effet, ces organismes peuvent jouer un rôle important dans le cadre de l’élaboration du plan pluriannuel régional de développement forestier ou encore dans le développement de l’agroforesterie, filière d’avenir, en particulier pour la Guyane.
Cependant, afin d’éviter toute ambiguïté juridique, je souhaite que dès à présent soit mentionné le développement forestier dans le champ de l’ordonnance prévue à propos de l’évolution des chambres d’agriculture ultramarines.
Mes chers collègues, je ne doute pas que vous voterez cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 200, présenté par MM. Antoinette, Patient, Gillot, S. Larcher, Lise et Tuheiava, Mme Herviaux et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° Renouveler le mode de gouvernance de l'établissement public d'aménagement de la Guyane en le démocratisant ;
La parole est à M. Jean-Etienne Antoinette.
M. Jean-Etienne Antoinette. Cet amendement vise à lever un frein important au bon fonctionnement de l’EPAG, l’établissement public d’aménagement de la Guyane. En effet, actuellement, le président du conseil d’administration de cet établissement qui comporte douze membres – six représentants des services déconcentrés de l’État et six élus – est nommé en conseil des ministres par le Président de la République. L’amendement n° 200 a pour objet d’instaurer une procédure plus démocratique et de faire élire le président par les membres du conseil d’administration.
Depuis deux ans, le conseil d’administration de l’EPAG est paralysé, les élus de la Guyane refusant la nomination par le Président de la République.
M. le président. L'amendement n° 194, présenté par MM. Antoinette, Patient, Gillot, S. Larcher, Lise et Tuheiava, Mme Herviaux et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par les mots :
et en instaurant, notamment en Guyane, des mesures pour l'amélioration et la sécurisation juridique de l'agriculture familiale itinérante, et en lui reconnaissant un statut dans le plan régional d'agriculture durable
La parole est à M. Jean-Etienne Antoinette.
M. Jean-Etienne Antoinette. Cet amendement vise la reconnaissance du concept particulier de l’abattis familial, c'est-à-dire l’agriculture familiale itinérante sur brulis forestier, qui est pratiqué en Guyane. Une réglementation existe pour les populations dites « autochtones », en particulier les Amérindiens et les Noirs marrons. Mais d’autres habitants de Guyane pratiquent également cette forme d’agriculture, notamment les populations créoles, les immigrés, ou encore d’autres populations nationales. Or jusqu’à maintenant ce concept n’est pas reconnu dans les textes législatifs existants.
M. le président. L'amendement n° 312, présenté par Mme Hoarau, MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade, Labarre et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
en étendant l'avis de la Commission de la consommation des espaces agricoles à l'ensemble des zones territoriales, qu'elles soient ou non pourvues d'un document d'urbanisme ;
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Ma collègue Gélita Hoarau n’ayant pu être présente aujourd'hui, c’est en son nom que je présente cet amendement.
Après avoir perdu 13 % de sa superficie entre 1989 et 2000, l'agriculture réunionnaise a depuis réussi à maintenir ses surfaces. La comparaison des chiffres de l’année 2008 avec les données de l’année 2000 dévoile même une légère croissance à cet égard, en raison de la mise en eau de nouveaux périmètres irrigués et des diverses mesures prises pour la protection des surfaces agricoles, telles que le schéma d'aménagement régional ou les chartes agricoles.
Aujourd'hui, plus de la moitié du territoire agricole est consacrée à la canne à sucre, cette production étant toutefois en léger recul d'année en année, et plus du quart est occupé par les pâturages, qui progressent chaque année.
Mais, pour satisfaire les objectifs de production en termes de culture tant cannière que diversifiée fixés au monde agricole réunionnais, il est nécessaire de reconquérir des terres agricoles – plus de 6 500 hectares à l'horizon 2015.
L'objectif affiché d’atteindre une production de 275 000 tonnes de sucre – tel est le quota affecté à La Réunion –, alors que la production moyenne annuelle n'est encore que de 205 000 tonnes, et la crise que traverse la filière lait à La Réunion – le manque de foncier ne permet plus le développement des structures existantes et l'installation de nouveaux éleveurs – ne font qu'exacerber les effets liés aux pertes de terres agricoles, et ce alors que toutes les terres agricoles réunionnaises sont incluses dans des territoires couverts par des SCOT, les schémas de cohérence territoriale, ou des PLU, les plans locaux d’urbanisme. Aussi conviendrait-il d'étendre, en outre-mer l'avis de la Commission de la consommation des espaces agricoles à l'ensemble des zones territoriales, qu'elles soient ou non pourvues d'un SCOT ou d'un PLU.