M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Monsieur le sénateur, notre pays connaît une réalité, l’existence simultanée de zones exposées à des tensions plus ou moins fortes en matière de logement.
Très concrètement, cela signifie que, dans certaines communes – comme la mienne, Châlons-en-Champagne dans la Marne –, le délai d’obtention d’un logement social s’établit à sept mois, alors qu’il faut attendre huit ans à Paris !
Dans certains territoires de notre pays, la demande de logements est effectivement très forte alors qu’ailleurs la situation est moins tendue. Or, le problème actuel tient au fait que notre production de logements se situe quasiment à l’inverse de cette réalité.
Permettez-moi de citer un exemple très concret : l’Auvergne. Dans cette région, nous aurons produit en 2008 un logement pour 156 habitants ; en Île-de-France, la même année, nous aurons produit un logement pour 299 habitants. Autrement dit, on construit deux fois plus de logements en Auvergne qu’en Île-de-France, alors que, chacun le sait bien, la crise du logement n’a pas la même acuité dans chacune de ces régions.
Pour autant, il ne s’agit évidemment pas de cesser de construire en Auvergne. Mais nous avons besoin de rééquilibrer la production, afin de produire plus dans les zones où la demande de logements est plus forte et moins dans celles où la demande est moindre. Nous ne souhaitons évidemment pas cantonner les territoires les plus « détendus », souvent les plus ruraux, au seul logement social ; au contraire, nous voulons que l’accession à la propriété puisse également s’organiser sur ces territoires. Nous souhaitons continuer à produire du logement social sur ces territoires, mais moins qu’aujourd’hui, pour en produire davantage là où la situation est plus tendue.
Permettez-moi de mentionner un dernier exemple chiffré : nous finançons aujourd’hui 120 000 logements sociaux – un record sur les trente dernières années ! –, mais nous avons produit 75 % de ces logements dans des zones moyennement ou faiblement « tendues ». Nous souhaitons donc réorienter la production pour l’augmenter dans les zones où la nécessité en est avérée.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour la réplique.
M. Jacques Mézard. Monsieur le secrétaire d'État, je ne suis pas tout à fait convaincu par votre argumentation. Vous allez faire plus dans les zones « tendues » : c’est parfait ! Mais cela ne signifie pas pour autant qu’il faut faire moins dans les zones « détendues ». Or c’est ce que vous nous proposez. Et cette politique aboutira à un déséquilibre tout à fait évident, qui aggravera l’inégalité entre nos territoires.
S’agissant du dispositif Scellier, je redis très simplement que la solution retenue, consistant à exclure de son bénéfice un certain nombre de zones agglomérées, conduit les personnes qui en ont les moyens à aller investir ailleurs. C’est doublement pénalisant pour nos territoires !
M. le président. La parole est à M. Dominique Braye.
M. Dominique Braye. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite vous interroger sur deux points : la taxe sur les logements vacants, ou TLV, et les décrets d’application de la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, dite loi MOLLE.
En matière de lutte contre le logement vacant, la Haute Assemblée a examiné le 17 novembre 2009 une proposition de loi déposée par nos collègues socialistes. L’examen de ce texte nous a conduits à évoquer la taxe sur les logements vacants, dont le bilan paraît positif. Instituée en 1999, celle-ci concerne huit agglomérations de plus de 200 000 habitants, alors que notre pays compte aujourd’hui trente agglomérations de cette taille.
En réponse à une demande de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, vous vous êtes engagé, monsieur le secrétaire d’État, à réexaminer le décret fixant la liste des communes où cette taxe est instituée. Pouvez-vous nous indiquer où en sont vos réflexions, voire vos actions ?
Au sujet de la loi MOLLE, dont j’ai eu l’honneur d’être le rapporteur pour le Sénat, je note qu’à la fin du mois de mars dernier plus de soixante mesures d’application avaient été édictées. Près des deux tiers des mesures prévues ont ainsi été prises par le Gouvernement, et je tiens, vous le comprendrez bien, à saluer l’efficacité de vos services.
Toutefois, treize articles de cette loi restaient partiellement ou totalement inapplicables, à l’exemple de l’article 8, qui réforme la gouvernance d’Action Logement, l’ancien 1 % logement, ou de l’article 26, qui vise à mettre en œuvre le programme national de requalification des quartiers anciens dégradés, le PNRQAD.
Monsieur le secrétaire d’État, quand la loi MOLLE sera-t-elle totalement applicable ? Pouvez-vous vous engager devant la Haute Assemblée sur une édiction rapide des décrets d’application qui n’ont pas encore été publiés ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, je voudrais vous apporter quelques éléments d’information.
Comme vous venez de le dire, je me suis engagé devant la Haute Assemblée, à l’occasion de l’examen d’une récente proposition de loi, à étudier un possible élargissement du champ d’application de la TLV.
Quelle difficulté rencontrons-nous dans ce domaine ? Dans la plupart des communes où nous souhaitons mettre en œuvre la TLV, il existe déjà une taxe d’habitation sur les logements vacants, ou THLV, dont les communes sont à l’origine. Ces deux taxes étant incompatibles, nous avons engagé un processus de concertation visant à déterminer quelle taxe serait retenue pour chacune des communes en question.
La TLV a effectivement montré son efficacité. Je m’engage donc devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, à modifier le décret fixant la liste des communes éligibles à cette taxe. Je souhaite qu’un nouveau décret, allongeant cette liste, puisse être publié avant la fin de l’année.
Par ailleurs, la loi MOLLE, composée de 120 articles, nécessitait la publication de 65 décrets. Aujourd’hui, 75 % d’entre eux sont publiés. Il nous reste précisément seize décrets à édicter : dix le seront avant l’été et les six derniers, qui doivent faire l’objet de concertation, le seront avant la fin de l’été. À cette échéance, tous les textes d’application de cette loi seront donc publiés.
Je voulais surtout préciser que les décrets les plus importants, ceux qui concernent la réforme du 1 % logement, la réforme de l’Association nationale de lutte contre la précarité, l’exclusion et le chômage sont déjà publiés. Le programme national de requalification des quartiers anciens dégradés est déjà engagé. Les communes ont été choisies, et les premières conventions seront signées avant la fin du mois de juin pour que, dès cette année, les travaux puissent commencer dans ces quartiers anciens dégradés. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Braye, pour la réplique.
M. Dominique Braye. Je tiens à remercier M. le secrétaire d’État de sa réponse, tout en attirant son attention sur la TLV. La discussion avec les collectivités locales sur ce sujet est tout à fait nécessaire pour que de nouvelles dispositions puissent être mises en place le plus rapidement possible.
M. le président. Pour ma part, cher collègue, je note avec plaisir que vous avez été nommé au conseil d’administration de l’Agence nationale de l’habitat. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
La parole est à M. Thierry Repentin.
M. Thierry Repentin. Monsieur le secrétaire d’État, depuis 2007, plusieurs coups de canif ont malheureusement été portés à ce qui faisait l’efficacité du financement du logement social dans notre pays. Je pense, en premier lieu, à la décision prise en 2008 de mettre fin à la centralisation totale des collectes du livret A au sein de la Caisse des dépôts et consignations, grâce à laquelle nous étions assurés de disposer de financements pérennes pour le logement social. L’année suivante, le dispositif du 1 % logement a été victime de la mal nommée loi MOLLE, défendue par Mme Christine Boutin !
Je voudrais attirer tout particulièrement votre attention sur ce dispositif, désormais dénommé Action Logement, qui joue un rôle très précieux dans la production d’une offre de logements adaptée aux besoins. Il permet, vous le savez, de contribuer au bouclage du tour de table financier, à un moment où vous avez malheureusement été contraint de diminuer les subventions au logement social, celles-ci étant désormais fixées à 1 000 euros par logement construit dans le cadre du mécanisme de prêt locatif à usage social, le PLUS.
Partenaire financier, Action Logement est aussi un partenaire territorial. C’est l’un des principaux outils de mise en relation des besoins des salariés avec l’offre locale. Dans les zones touristiques, par exemple, les zones côtières et de montagne, il a permis de constituer une offre à destination des travailleurs saisonniers. En petite couronne parisienne, la lutte contre le déséquilibre entre emplois et logements, notamment autour de la Défense, ne peut se penser sans un partenariat étroit avec ses collecteurs. Enfin, Action Logement contribue à la sécurisation des parcours résidentiels de nos concitoyens, en particulier lorsque ceux-ci souhaitent devenir propriétaires.
Malgré cela, votre prédécesseur, Mme Christine Boutin, a jugé bon d’aller piocher dans une caisse qui n’était pas la sienne pour compenser sa propre incapacité à financer le renouvellement urbain et l’amélioration de l’habitat ! Ainsi, sur trois ans, ce sont respectivement 770 millions d’euros et 480 millions d’euros qui seront détournés de leur vocation initiale pour alimenter les budgets de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU, et de l’Agence nationale de l’habitat, l’ANAH.
La réforme de la loi MOLLE rompt donc les principes mêmes de la gestion à long terme des ressources d’Action Logement.
À Roubaix, le 31 mars dernier, vous avez-vous-même constaté, monsieur le secrétaire d’État, que la situation ne pouvait pas durer. Et vous avez dit aux partenaires sociaux que vous ne les laisseriez pas mourir. C’est le moins que l’on puisse attendre ! Mais cela ne suffit pas !
M. le président. Quelle est votre question, cher collègue ?
M. Thierry Repentin. Concrètement, mettrez-vous fin au hold-up ? Procurerez-vous à l’ANRU et à l’ANAH un financement pérenne et public de leurs actions ? Vous présenterez-vous devant le Parlement pour discuter ces questions, comme l’article 8 de la loi de Mme Boutin vous oblige à le faire ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, vous avez raison d’insister sur l’importance d’Action Logement dans notre pays. C’est l’un des partenaires incontournables pour la construction de logements sociaux et le financement de l’accession à la propriété. C’est l’un des acteurs essentiels de notre politique du logement, comme le sont d’ailleurs les collectivités locales.
Sans cette intervention conjointe de l’État, des collectivités locales et des partenaires sociaux, nous ne pourrions mener une politique aussi ambitieuse pour le logement et, je le rappelle, battre des records en matière de financement de logements sociaux.
Vous évoquez un désengagement de l’État : il n’y en a pas ! La subvention de 1 000 euros octroyée dans le cadre du PLUS ne représente qu’une toute petite partie de l’intervention de l’État. Ces financements, que l’on appelle les aides à la pierre, s’élèvent à 500 millions d’euros sur un budget total de 10 milliards d’euros, soit 5 % de l’engagement de l’État en faveur du logement social. Si vous voulez parler du budget que nous consacrons à cette question, monsieur Repentin, il faut donc prendre en compte l’ensemble de nos financements !
Par ailleurs, nous tenons bien à assurer la pérennité d’Action Logement, tout simplement parce que, comme je l’ai déjà indiqué, il s’agit d’un partenaire essentiel de notre politique du logement.
Qu’avons-nous fait ? Action Logement disposait d’une trésorerie de 6 milliards d’euros. Nous avons considéré que la structure pouvait participer pendant trois ans à l’effort national en faveur du logement, en finançant l’ANRU et l’ANAH. Son engagement porte sur les années 2009, 2010 et 2011, et nous allons évidemment négocier, probablement dans le courant de l’année 2010 et surtout en 2011, les nouveaux emplois des fonds collectés pour les trois années suivantes. Comme nous souhaitons bien évidemment pérenniser cet apport essentiel des partenaires sociaux au financement du logement social, nous tiendrons compte, dans ce cadre, de la condition et de la situation financière d’Action Logement.
M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, pour la réplique.
M. Thierry Repentin. Monsieur le secrétaire d’État, je n’espérais pas vous entendre dire ici qu’il serait totalement mis fin à cette ponction et qu’Action Logement retrouverait la somme de 1,5 milliard d’euros que vous avez décidé de lui ponctionner pendant trois ans. Quoique, on peut toujours espérer… (Sourires.)
Cela étant dit, ce sujet mérite discussion, car nous avons besoin d’Action Logement pour accompagner les politiques publiques de l’État et les actions engagées par le secteur de l’habitation à loyer modéré, le secteur HLM. Celui-ci a d’ailleurs fait un effort sans précédent en 2009. C’est aussi grâce à lui que 120 000 logements vont se construire dans notre pays.
J’ajouterai brièvement, monsieur le président, que je me réjouis de voir une proposition de loi socialiste, rejetée il y a moins d’un an, trouver aujourd’hui un écho favorable, y compris dans les rangs de la majorité. Il faut dire que le produit de la taxe sur les logements vacants alimentera les caisses de l’ANAH, dont le nouveau président figure parmi nos collègues membres de la majorité présidentielle. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Daniel Raoul. Cherchez l’erreur ! (Sourires.)
M. le président. La joie est donc partagée et le duo est parfait ! (Nouveaux sourires.)
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Monsieur le secrétaire d’État, depuis que vous êtes au pouvoir, vous n’avez eu de cesse d’annoncer monts et merveilles pour le logement. Loin du mirage d’une France de propriétaires, toutes vos politiques ultralibérales ne font, en réalité, qu’accroître les difficultés d’accès au logement, avec une baisse continue de l’intervention publique dans ce secteur.
Rien n’est fait pour assurer le fameux droit au logement opposable, le DALO. Et, bien au contraire, l’augmentation des loyers, conjuguée à la fin de la trêve hivernale, annonce une reprise exponentielle des expulsions locatives, qui, par centaines, touchent des familles reconnues prioritaires par les commissions de médiation instaurées dans le cadre du DALO.
Ainsi, chaque année, plus de 100 000 décisions de justice d’expulsion locatives sont prononcées et plus de 10 000 expulsions réalisées avec l’aide de la puissance publique.
Dans un contexte économique dégradé où l’Institut national de la statistique et des études économiques, l’INSEE, prévoit 1 million de chômeurs supplémentaires en fin de droits cette année, le Gouvernement ne peut pas considérer ces milliers de locataires en difficulté comme de mauvais payeurs. Ils sont bien, au contraire, les victimes d’une crise financière et économique dont ils ne sont en rien responsables.
Pour cette raison et parlant de « dysfonctionnement de l’État », le comité de suivi de la mise en œuvre du droit au logement opposable vient d’adopter une motion demandant aux pouvoirs publics de mettre fin aux expulsions de personnes reconnues prioritaires pour un relogement.
Au lieu de prendre les mesures préventives et les mesures d’accompagnement nécessaires et urgentes, le Gouvernement, comme unique réponse à ce drame social et humain, a mis en place un numéro téléphonique dénommé « SOS loyers impayés » et organisé la création d’un dispositif d’assurance au bénéfice des propriétaires, le dispositif de garantie des risques locatifs.
Vous posant ainsi en défenseur exclusif du droit de propriété, vous donnez quitus à tous les abus des bailleurs privés, sans prévoir la moindre contrepartie pour les locataires, qui subissent non seulement les loyers les plus chers de notre histoire – la Confédération nationale du logement prévoit une hausse de 2 % cette année –, mais doivent aussi affronter l’érosion de leur pouvoir d’achat.
En écho aux demandes unanimes des associations, nous vous demandons donc, monsieur le secrétaire d’État, le gel des loyers et un moratoire immédiat sur les expulsions locatives, qui sont une pratique barbare d’un autre temps ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Madame le sénateur, je le réaffirme devant vous aujourd’hui, je suis défavorable au moratoire sur les expulsions.
D’abord, je crois au droit de propriété, droit fondamental, constitutionnel, reconnu par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, et je veux le défendre. Mais surtout, je considère que le moratoire est contreproductif. En effet, si le message adressé aux propriétaires privés consiste à leur expliquer qu’ils ne pourront plus récupérer leur logement en cas d’impayés ou en cas de dégradation très forte de celui-ci, nombre d’entre eux ne voudront plus louer à personne. Je ne crois pas que cet effet contreproductif soit souhaitable !
En revanche, nous pouvons faire beaucoup plus en matière de prévention des expulsions.
Qu’avons-nous fait dans ce domaine ?
Premier élément de prévention, nous avons mis en place des commissions départementales réunissant l’ensemble des partenaires, dans l’idée non pas de créer des commissions supplémentaires, mais de tenir compte du vrai risque auquel nous faisons face aujourd’hui. Ce risque est lié au fait que les décisions d’expulsion locative sont, pour la plupart, prises très tardivement, lorsque plusieurs milliers d’euros de dettes sont accumulés. Ce n’est qu’au bout d’un an, dix-huit mois, voire deux ans d’impayés que les services sociaux interviennent !
Nous souhaitons que ces interventions puissent avoir lieu dès le premier mois d’impayé. C'est la raison pour laquelle nous avons mis en place ces commissions départementales et le numéro vert « SOS loyers impayés ».
Second élément de prévention, la garantie des risques locatifs, que vous décriez, et qui a été mise en place, je vous le rappelle, à la demande des partenaires sociaux. Cet outil va nous permettre de prévenir les expulsions puisque les partenaires sociaux ont souhaité que, dès le premier mois d’impayé, non seulement l’assurance puisse intervenir, afin de garantir au propriétaire que son loyer lui sera payé, mais également que les services sociaux d’une structure associative soient alertés pour qu’ils puissent, eux aussi, intervenir le plus tôt possible.
Voilà notre politique. Elle est humaine et je pense qu’elle sera beaucoup plus efficace qu’un moratoire.
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour la réplique.
Mme Odette Terrade. Bien évidemment, vos réponses, monsieur le secrétaire d'État, ne peuvent nous satisfaire.
Vous invoquez le droit de propriété, bien ! Mais que faites-vous du droit des locataires, lesquels ne sont d’ailleurs pas tous logés dans le secteur privé ? Votre majorité ne se donne pas les moyens de mettre en œuvre le droit au logement pour tous, partout, qui est pourtant un principe constitutionnel. Considérer le logement comme une simple marchandise ne peut que se solder par des dérives.
Faut-il vous rappeler que le Président de la République, en 2007, avait soutenu la mise en œuvre des subprimes, avec le succès que l’on connaît depuis ?
La crise que nous traversons devrait vous contraindre à revoir votre copie. Le logement ne doit pas rester une manne de spéculation en dehors de toute exigence sociale. Alors que la construction de un million de logements pourrait permettre de créer deux millions d’emplois dans le bâtiment sur un an, il est urgent de déclarer le logement grande cause nationale.
Pour ce faire, nous, au groupe CRC-SPG, nous nous prononçons pour un véritable service public du logement, adossé à un pôle public financier afin de garantir ce droit élémentaire au logement pour tous, qui devrait être effectif au XXI e siècle.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier.
M. Philippe Dallier. Monsieur le secrétaire d'État, vous avez annoncé, voilà plusieurs semaines, une remise à plat des aides fiscales à l’accession à la propriété.
Dans une récente interview à la presse, vous déclariez : « Il existe cinq produits : l’épargne logement, l’aide personnalisée à l’accession, le crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunts, le Pass-Foncier et le prêt à taux zéro. Aujourd’hui, en raison de la crise, ces outils sont peu lisibles, inefficaces et très coûteux. Nous devons nous concentrer sur des produits dont l’efficacité est avérée. L’État dépense 7 milliards d’euros par an pour aider les ménages à devenir propriétaires. Nous pouvons faire mieux en dépensant moins ».
Je partage absolument votre point de vue, monsieur le secrétaire d'État ; cependant, je souhaiterais en savoir un peu plus.
Il semblerait que le projet de transformation du crédit d’impôt de la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite « loi TEPA », en un mécanisme qui viendrait abonder directement l’apport personnel des candidats à l’accession, déjà discuté à l’Assemblée nationale et au Sénat lors de la dernière loi de finances, soit en bonne voie. Mais au-delà de cette mesure, importante financièrement puisqu’elle représenterait 1 milliard d’euros, j’aimerais savoir quelles sont vos intentions et, plus généralement, celles du Gouvernement.
Plus précisément, votre objectif est-il quantifié en termes d’économies budgétaires ?
La mise à plat de ces aides à l’accession s’accompagnera-t-elle d’une réévaluation à la hausse ou à la baisse des aides à l’investissement locatif : réduction d’impôt au titre du dispositif Scellier, régime de loueur en meublé non professionnel ?
Comptez-vous utiliser l’opportunité offerte par l’arrivée à échéance de certains dispositifs comme le Pass-Foncier, qui s’achève à la fin de 2010 ou le prêt à taux zéro, dont le doublement s’arrêtera en juin prochain, pour présenter ces nouvelles mesures ou attendrez-vous la prochaine loi de finances ?
Comment, enfin, comptez-vous assurer la cohérence entre vos propositions fiscales sectorielles et la réflexion globale menée par le ministre du budget sur la réduction des niches fiscales, qui vise désormais, d’après ce qui nous a été annoncé, une économie de 4 milliards à 6 milliards d’euros ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Monsieur Dallier, nous avons en France non pas cinq mais douze produits d’accession à la propriété et les cinq principaux, que vous avez rappelés, représentent une dépense pour le budget de l’État d’environ 7 milliards d'euros. Mais la question qu’on doit tous se poser, c’est de savoir si ces dispositifs sont efficaces. Sont-ils simples, lisibles ? Remplissent-ils leur rôle ?
Aujourd'hui, j’ai le sentiment qu’une partie d’entre eux ne sont pas suffisamment efficaces au regard du coût budgétaire très important qu’ils représentent.
Nous souhaitons donc mettre en œuvre une réforme qui nous permette de disposer d’outils qui soient le plus simple possible et en nombre limité, afin de donner de la lisibilité à l’accession à la propriété.
Nous souhaitons également des outils plus puissants permettant de « resolvabiliser » les classes moyennes. Vous savez comme moi que, depuis une bonne dizaine d’années, notamment en Île-de-France, la flambée des prix de l’immobilier a eu pour conséquence d’empêcher bon nombre de familles des classe dites moyennes d’accéder à la propriété.
Nous souhaitons aussi, bien évidemment, participer à la sortie de crise : un nouvel outil beaucoup plus efficace, c’est de la construction supplémentaire, donc plus de croissance et de nouveaux emplois pour notre pays.
Voilà les objectifs que nous visons dans le cadre de la réforme que j’ai annoncée et pour laquelle j’ai engagé une concertation.
En matière de calendrier, je précise que nous inscrirons, dans le projet de loi de finances pour 2011, de nouveaux produits d’accession à la propriété. En effet, un certain nombre de produits, tels que le Pass-Foncier ou le doublement du prêt à taux zéro, arrivent à échéance et nous souhaitons profiter de la fin de ces produits pour inscrire dans le calendrier gouvernemental, au 1er janvier 2011, de nouveaux dispositifs plus efficaces.
Enfin, nous n’avons pas l’intention de modifier les dispositifs d’investissement locatifs pour 2011. Nous l’avons déjà fait les deux dernières années, notamment en « verdissant » le dispositif Scellier, et nous n’avons pas l’intention d’aller plus loin en la matière.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour la réplique.
M. Philippe Dallier. Monsieur le secrétaire d'État, nous attendrons donc la loi de finances pour 2011, mais j’insiste sur le calendrier parce que toute annonce sur des dispositifs de cette nature suscite des interrogations et pourrait effectivement freiner la reprise que l’on sent poindre. Les gens attendent un dispositif plus favorable pour investir, ce qui peut tout à fait se comprendre, et il ne faudrait pas retarder cette reprise que tout le monde appelle de ses vœux.
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, en février dernier, la fondation Abbé Pierre présentait son quinzième rapport annuel et nous rappelait, si besoin en était, que l’un des besoins fondamentaux des personnes – on retrouve cette préoccupation dans les différents sondages effectués, après celle de l’emploi – est de pouvoir vivre en sécurité dans un logement décent.
Dans le contexte de crise économique et sociale que nous connaissons, ce sont aujourd’hui près de 2 millions de personnes qui sont en difficulté de paiement de leurs loyers et 500 000 dans une situation d’impayés effectifs. Pourtant, 2009 a été la dernière année du plan de cohésion sociale qui servait de base à la programmation des aides à la pierre depuis 2005. À ce jour, aucun programme pluriannuel n’oriente et ne prévoit les crédits de l’État pour le logement.
À cela, nous devons ajouter la disparition du financement PALULOS, autrement dit la prime à l’amélioration des logements à utilisation locative et à occupation sociale, malgré les préconisations qui sont faites dans le cadre du Grenelle pour réhabiliter les logements sociaux.
En conséquence, une partie du patrimoine à réhabiliter ne peut plus prétendre au financement de l’État et, pour l’année 2010, la programmation se réalise encore dans le cadre complémentaire du plan de relance de l’économie.
En ce qui concerne l’avenir, et cela a été évoqué par mon collègue Thierry Repentin, nous sommes pour le moins inquiets : après avoir fait un hold-up sur les sociétés anonymes, vous organisez maintenant un racket en trois temps sur le 1 % logement. Or vous savez très bien que quatre organismes collecteurs seront dans le rouge à la fin de l’année et vingt le seront à la fin de 2011 !
En janvier dernier, le Gouvernement a fait connaître les objectifs par région. Dans ma région, nous avons constaté une diminution de la dotation initiale régionale, qui n’est que la conséquence de la baisse du montant moyen des subventions par type de financement.
Nous souhaitons donc connaître vos orientations en ce qui concerne les aides à la pierre et le calendrier que vous envisagez, point qui a été évoqué par notre collègue Philippe Dallier.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Monsieur Raoul, vous avez raison, le plan de cohésion sociale, voulu et voté par l’actuelle majorité, nous a permis de rattraper le retard qui avait été pris lorsque la gauche était au pouvoir. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Je vous rappelle que, lorsque M. Jospin était Premier ministre, le financement couvrait 40 000 logements sociaux par an. Avec le plan de cohésion sociale, 500 000 logements ont été financés en cinq ans. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.), dont 120 000 l’année dernière, un record depuis trente ans, trois fois plus que lorsque vous étiez au gouvernement ! (Nouvelles protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Guy Fischer. C’est de l’affichage !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Il est vrai que le plan de cohésion sociale a pris fin en 2009. Nous allons continuer notre effort en 2010, en finançant, comme nous l’avons prévu, 140 000 logements sociaux, un nouveau record ! C’est avec l’ensemble des collectivités locales et avec les acteurs du monde HLM que nous arriverons à atteindre cet objectif.
Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, la réalité est la suivante : de votre côté, 40 000 logements par an, du nôtre, 120 000. Voilà ce que vous appelez le désengagement de l’État ! Manifestement, nous n’en avons pas la même définition ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour la réplique.