M. Didier Boulaud. Monsieur le président, étant le premier orateur du groupe socialiste, je me permettrai d’abord de dire que celui-ci partage pleinement l’émotion légitime suscitée par le drame haïtien et s’associe bien évidemment aux propos qui ont été tenus à l’instant.
Monsieur le ministre des affaires étrangères, trois soldats français viennent de perdre la vie ces derniers jours au cours de violents combats en Afghanistan. Je tiens à adresser nos condoléances attristées à leurs familles et à leurs proches, et aussi à rendre hommage aux soldats français engagés en Afghanistan, qui sont désormais plus de 4 000, pour leur courage, leur dévouement et leur abnégation.
En 2008, nos concitoyens ont compris, après le drame de la Kapisa, qui a fait dix morts dans les rangs de l’armée française, que notre pays était vraiment engagé dans une guerre.
À ce jour, trente-neuf soldats français ont trouvé la mort depuis le début de notre engagement, en 2001.
L’année 2009 a été la plus meurtrière pour les forces de la coalition, et il y a fort à craindre que 2010 ne soit pire encore compte tenu de la montée en puissance de l’insurrection talibane.
Ma question comporte plusieurs volets, monsieur le ministre.
Premièrement, pouvez-vous éclairer la représentation nationale sur l’opération qui était menée lorsque les soldats français ont été tués ? Ce ne sont pas en effet les quelques entrefilets parus dans la presse qui peuvent fournir un quelconque éclairage sur ce qui s’est réellement passé.
Deuxièmement, face à l’aggravation de la situation et à l’augmentation du nombre de tués, certains pays de la coalition envisagent le retrait de leurs troupes. Le Canada l’a décidé pour 2011 et d’autres États, comme les Pays-Bas, s’interrogent au moment où les Américains ont décidé d’envoyer 30 000 hommes en renfort et demandent à leurs alliés ou à l’OTAN d’accroître leurs effectifs.
En 2007, alors qu’il n’était encore que candidat à l’élection présidentielle, M. Sarkozy déclarait, péremptoire : « La présence à long terme des troupes françaises à cet endroit du monde ne me semble pas décisive. » Il s’engageait, dans la foulée, à poursuivre la politique de rapatriement de nos forces armées entamée par Jacques Chirac. Or, depuis qu’il a été élu, nos effectifs n’ont cessé d’augmenter…
Monsieur le ministre, les informations qui filtrent désormais nous conduisent à penser que nous avons perdu notre réelle liberté d’appréciation de la situation et que nous nous trouvons en position supplétive des Américains dans la décision, notamment depuis le très hasardeux retour de la France dans le commandement de l’OTAN.
Qu’en est-il vraiment ? Pouvez-vous nous donner de réelles assurances quant à l’autonomie d’action et de décision de nos états-majors ? Qui décide vraiment de l’engagement de nos militaires ?
Enfin, quelle décision prendra réellement la France, lors de la conférence de Londres fin janvier, quant à la demande pressante d’envoi de renforts formulée par les États-Unis ? Cette décision apparaît chaque jour un peu plus floue ; on entend même parler d’une contribution française de 1 500 militaires supplémentaires.
Le Gouvernement français, qui s’est tant vanté lors de sa présidence de l’Union européenne de son action en matière de défense européenne, a-t-il entrepris des démarches auprès de nos partenaires pour apporter une réponse commune de l’Union à la demande américaine ?
Surtout, le Parlement français aura-t-il enfin son mot à dire, comme c’est le cas dans tous les pays démocratiques de la coalition, si une augmentation de nos effectifs en Afghanistan était acceptée par le Président de la République ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et européennes.
M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes. Monsieur Boulaud, je vous répondrai à partir des informations communiquées par mon collègue Hervé Morin, ministre de la défense, qui n’a pas pu être aujourd’hui présent dans cet hémicycle.
M. René-Pierre Signé. Il est sans doute à Kaboul !
M. Bernard Kouchner, ministre. Au cours de la semaine écoulée, les forces armées françaises ont été endeuillées par la perte de trois militaires, un officier et deux sous-officiers, ce qui porte à trente-neuf, ainsi que vous l’avez indiqué, le nombre de soldats tués depuis le début de notre engagement, en 2001.
Entre le 11 et le 13 janvier, trois militaires français, du 42e régiment d’artillerie de la première brigade motorisée et du 507e régiment du train, ont perdu la vie en Afghanistan.
Les forces armées françaises n’avaient pas perdu d’hommes depuis octobre 2009. Le lourd tribut payé ces derniers mois est principalement imputable à des engins explosifs improvisés, posés le long de la route.
Ces militaires sont décédés alors qu’ils accomplissaient leur mission aux côtés de nos partenaires afghans pour les aider à mettre en place une armée efficace, capable de restaurer la sécurité et la stabilité de leur pays.
Je vous rappelle que cette action de formation comporte deux volets : l’opération EPIDOTE, c’est-à-dire la formation initiale, et les OMLT, ou Operational Mentoring and Liaison Team, c'est-à-dire les unités opérationnelles.
L’effort de la France, qui s’inscrit dans la stratégie développée par la force internationale d’assistance et de sécurité, la FIAS, est concentré en Kapisa et en Surobi, où sont déployées nos unités opérationnelles de formation auprès de la troisième brigade du 201e corps de l’armée nationale afghane.
Pour répondre à l’évolution des menaces, les armées françaises adaptent en permanence la protection des forces déployées sur les théâtres d’opération. Pour faire face aux attaques menées au moyen d’engins explosifs improvisés, des systèmes de détection et de neutralisation ont été mis en place. Il faut en inventer de nouveaux en permanence.
La protection individuelle a, de ce point de vue, été renforcée. Un effort important a été fait, pour un montant d’environ 200 millions d'euros sur cette période.
Ces pertes viennent nous rappeler que notre mission en Afghanistan reste difficile et qu’il est fondamental de continuer à former l’armée afghane afin de lui permettre d’assurer la sécurité du pays : c’est là une condition essentielle.
La nouvelle stratégie concertée de la communauté internationale, monsieur Boulaud, sera exposée à Londres, le 28 janvier. Nous pourrons alors examiner les possibilités qui s’offrent à nous. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. René-Pierre Signé. La majorité dort : ses membres n’applaudissent presque plus !
situation de l’emploi
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, au nom du groupe CRC-SPG, je m’associe à l’émotion qu’a suscitée le drame qui vient de toucher les Haïtiens et qui nous émeut d’autant plus que ce peuple a déjà été particulièrement éprouvé ces dernières années.
Ma question s'adresse à M. le ministre chargé de l'industrie.
Monsieur le ministre, les sénatrices et sénateurs de notre groupe souhaitent vous interroger sur ce que le Gouvernement compte mettre en œuvre pour faire face à l’arrivée, en 2010, d’un nombre sans précédent de chômeurs en fin de droits.
En effet, Pôle emploi a calculé que pas moins de 1 million de chômeurs arriveront en fin de droits au cours de l’année 2010. Parmi eux, seul un quart sera éligible à l’allocation de solidarité spécifique, qui se monte à 454 euros par mois. D’autres percevront peut-être le revenu de solidarité active, mais beaucoup se retrouveront sans aucune ressource.
Ces chômeurs en fin de droits sortiront des chiffres du chômage, mais ce sera pour entrer dans ceux de la grande pauvreté. Aussi, il faut tout faire pour éviter qu’ils ne connaissent la spirale infernale : fin de droits, RSA, SDF.
Nous savons que ces personnes auront peu de chances de retrouver du travail en 2010 puisque les emplois continuent de disparaître et que les entreprises n’embauchent plus. L’INSEE annonce, rien que dans le secteur marchand, 126 000 destructions d’emploi au cours du premier semestre de 2010.
Alors que la crise internationale, que vous invoquez si souvent, a poussé le Gouvernement à prendre des mesures exceptionnelles en faveur des banques, qui renouent d’ailleurs aussi bien avec les bénéfices qu’avec les mauvaises habitudes, il est de votre devoir d’agir également en faveur de ces personnes, pour lesquelles il est question non plus de pouvoir d’achat, mais de capacité de survivre.
Avant-hier, une lettre ouverte a été adressée en ce sens au Président de la République, lui demandant que soit attribuée à ces chômeurs en fin de droits une allocation de solidarité exceptionnelle qui prolongerait leurs droits pour une année.
Monsieur le ministre, nous vous demandons donc avec force ce que vous comptez faire face à cette situation d’urgence. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de l'industrie.
M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. Madame la sénatrice, au préalable, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de Laurent Wauquiez, qui est en déplacement dans le département de l’Ardèche.
Vous nous dites que nous invoquons souvent la crise internationale. Permettez-moi de vous répondre que nous ne sommes pas les seuls : tous les pays développés l’invoquent. Vous-mêmes, dans cet hémicycle, y faites souvent référence.
Aussi, dans ce contexte de crise, nous avons dû prendre des mesures exceptionnelles afin de ne laisser personne sur le bord du chemin.
Notre premier objectif est de maintenir le plus grand nombre de personnes dans l’emploi et d’éviter autant que possible les destructions d’emplois.
M. René-Pierre Signé. C’est raté !
M. Christian Estrosi, ministre. Pour cela, nous avons eu recours à plusieurs outils : l’activité partielle ; les contrats aidés ; le dispositif « zéro charge » ; l’amélioration de l’indemnisation dans le cadre du contrat de transition professionnelle et de la convention de reclassement personnalisé, dont peuvent bénéficier ceux qui, malheureusement, ont perdu leur emploi à la suite d’un licenciement économique et qui souhaitent se requalifier.
L’ensemble de ces actions n’a pas suffi, c’est vrai, à éviter que près de 850 000 personnes se retrouvent en fin de droits et ne perçoivent plus d’indemnités auprès de l’assurance chômage. Vous avez rappelé ces chiffres, et je ne les conteste pas. Il est d’ailleurs à craindre que ceux-ci n’augmentent en 2010.
M. Guy Fischer. Ce sera pire !
M. Christian Estrosi, ministre. Pourquoi vont-ils augmenter ? Par un effet mécanique, qui résulte de la modernisation de notre système de prise en charge. En effet, la nouvelle convention d’assurance chômage fait bénéficier d’une indemnisation des salariés qui n’y avaient pas droit auparavant, c’est-à-dire ceux qui auront cotisé entre quatre et six mois. C’est la seule raison ! En réalité, le nombre des chômeurs en fin de droits ne s’accroîtra pas.
M. Guy Fischer. Vous avez durci les conditions !
M. Christian Estrosi, ministre. Heureusement, grâce à notre modèle social, les personnes en fin de droits ne se retrouvent pas sans ressources. Elles peuvent évidemment bénéficier du RSA – je le dis devant Martin Hirsch – et, pour celles qui ont une certaine ancienneté dans l’emploi, de l’allocation de solidarité spécifique.
M. René-Pierre Signé. Ce n’est pas vous qui payez !
M. Christian Estrosi, ministre. Par ailleurs, un groupe de travail réunissant les représentants des syndicats et du patronat a été constitué, cette question relevant en grande partie de la compétence des partenaires sociaux. Il doit prochainement nous présenter ses conclusions.
M. Guy Fischer. On comptera 500 000 chômeurs supplémentaires !
M. Christian Estrosi, ministre. Voyez-vous, en matière de solidarité nationale, le Gouvernement a pris toutes ses responsabilités pour aider chacun à rebondir et à profiter de nouveau de l’ascenseur social. C’est l’honneur de notre modèle social ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur plusieurs travées de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Fabienne Keller. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Fabienne Keller. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères et européennes.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, un puissant séisme vient de frapper la terre haïtienne, soumettant son peuple à une terrible épreuve.
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, je vous remercie des propos que vous avez l’un et l’autre tenus. Monsieur le Premier ministre, je vous remercie plus particulièrement des actions que vous avez d’ores et déjà engagées. Les Français d’origine haïtienne, si nombreux, vous en sont très reconnaissants, comme le peuple haïtien, auquel rien, décidément, n’aura été épargné.
Ma commune étant jumelée avec une ville haïtienne, nous avons pu mesurer l’ampleur des dévastations causées par les cyclones successifs qu’a connus ce pays. Le séisme, quant à lui, a peu ou prou fini de détruire ce que ces derniers n’avaient pas emporté.
La France entretient une amitié forte et singulière avec cette nation tellement déshéritée, l’une des plus pauvres du monde. Les premiers secours ont été dépêchés, mais, monsieur le ministre, pouvez-vous nous détailler l’ensemble des mesures d’urgence que vous entendez mettre en œuvre ? Surtout, à moyen terme, quelles sont les pistes d’action pour aider la population haïtienne, si pauvre, à la fois à reconstruire les habitations et les infrastructures, mais aussi à bâtir une nouvelle société ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et européennes.
M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes. Madame la sénatrice, M. le Premier ministre vient de mentionner quelques-unes des actions d’urgence que vient d’engager la France. J’ajouterai, pour ma part, que la France a décidé d’envoyer cinq avions et près de 130 sauveteurs, membres du corps médical, gendarmes, équipes spécialisées dans la recherche sous les décombres.
De manière à arriver à Port-au-Prince demain aux premières heures du jour, compte tenu du décalage horaire, un avion décollera ce soir, avec, à son bord, un hôpital mobile. Il est prévu d’installer cet hôpital sur le terrain de la résidence de l’ambassadeur de France. Celle-ci, de même que le bâtiment abritant l’ambassade, a été détruite.
La première urgence consiste à libérer les personnes ensevelies sous les décombres. Ce n’est qu’après qu’il sera temps de mesurer l’ampleur du désastre, d’avancer des chiffres, quand seront revenus ceux qui, évidemment épouvantés, ont fui dans les collines dès la première secousse.
Ne vous fiez pas aux chiffres qui sont actuellement avancés ; j’espère en tout cas que nous serons en deçà.
Il faut aussi penser à la reconstruction, au traitement de l’eau et à la prise en charge les blessés. Trois des avions que nous avons affrétés ont évacué vers la Martinique 91 familles, dont certains membres étaient blessés. Un deuxième Airbus A310 évacuera lui aussi des blessés. Les structures sont débordées.
La reconstruction se fera en coordination avec les Américains et l’Union européenne. Ce matin même, un coordinateur pour la reconstruction a été désigné. Il faut donner de l’espoir aux populations ! Nous savons d’expérience que, après un tremblement de terre, il surgit toujours des miraculés parmi les décombres. Mais il faut penser dès à présent aux lendemains, à la reconstruction. Nous nous y employons et nous tiendrons le Parlement informé des initiatives que nous prendrons.
Pour l’heure, le centre de crise du Quai d’Orsay fonctionne vingt-quatre heures sur vingt-quatre. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
éducation nationale et ascension sociale
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, au nom de mon groupe, je m’associe à l’émotion suscitée par le tremblement de terre survenu en Haïti. Bien sûr, nous partageons le deuil et la peine de toutes les familles touchées.
En l’absence de M. le ministre de l’éducation nationale, qui ne fait pas sa rentrée au Sénat, je m’adresserai à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, il n’y a pas si longtemps, le système scolaire de notre pays était conçu et organisé pour repérer et soutenir aussi les élèves appartenant aux catégories sociales les plus défavorisées et, dès lors qu’ils en avaient les capacités, pour les accompagner vers l’Université, les grandes écoles et les concours les plus prestigieux de notre fonction publique.
C’est de cette façon qu’a fonctionné, depuis Jules Ferry, l’« ascenseur social » de la République. Or force est de constater que celui-ci est en panne. Les inégalités dans l’accès aux diplômes se sont accrues en fonction des milieux sociaux. Les solutions actuellement envisagées, qui viennent de resurgir dans le débat public, par exemple l’admission à tout prix de 30 % de boursiers dans les grandes écoles, ne sont bien évidemment pas à la hauteur de l’enjeu. Dans la mesure où elles ne s’attaquent pas à aux causes, elles arrivent en bout de course. Ce n’est pas de cette façon que l’on réactivera l’ascenseur social, ce rouage si essentiel à notre République... malade.
Toutefois, la proposition d’imposer des quotas de boursiers dans les grandes écoles suscite des réactions d’opposition parfois excessives et même proches de l’indécence. Certains de ces établissements refusent de s’ouvrir à la « diversité », ce qui ne manque pas d’être interprété comme une volonté de maintenir la reproduction sociale et l’endogamie de nos élites. Ce n’est pas acceptable !
Alors, monsieur le Premier ministre, il vous faut, il nous faut répondre, à nouveau, aux exigences des principes républicains fondamentaux, si chers au groupe du RDSE, notamment le principe de l’égalité d’accès des citoyens aux responsabilités, lequel, faut-il le rappeler, doit être fondé, selon la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, sur leurs « vertus et […] leurs talents ».
Quelles mesures de fond le Gouvernement entend-il prendre pour réactiver l’ascenseur social républicain, sans se contenter de palliatifs et autres quotas chiffrés qui ont pour mérite essentiel de relancer ce débat ?
Avez-vous réfléchi à des solutions susceptibles de permettre à l’école de la République d’atténuer avec efficacité les écarts et les inégalités dans l’accès au savoir et à la culture ?
Enfin, pour redonner du sens à l’ascension sociale par le mérite républicain, pourquoi ne pas coupler davantage critères sociaux et résultats scolaires dans l’attribution des bourses ? (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville. (Murmures sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Didier Boulaud. Darcos, le retour ! (Rires sur les mêmes travées.)
M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville. Madame Laborde, je vous demande de bien vouloir excuser l’absence de M. Luc Chatel, qui, se trouvant aujourd'hui à Londres, m’a chargé de vous répondre.
En matière d’égalité des chances, il s’agit simplement de tenir les promesses de la République. Toute l’action du Gouvernement est sous-tendue par la justice sociale.
Dois-je rappeler qu’un enfant issu d’un milieu défavorisé a sept fois plus de risques de ne pas apprendre à lire qu’un enfant d’un milieu aisé et que, dans les classes préparatoires, on compte un élève de milieu défavorisé contre six de milieu aisé ?
Le Gouvernement est parfaitement conscient de cette situation et il s’attache à y remédier. Son action se veut globale.
Je rappellerai tout d’abord que la dotation consacrée à l’éducation prioritaire au titre de l’année 2010 atteint 1 milliard d’euros, ce qui est loin d’être négligeable.
À l’école primaire, de nouveaux programmes permettent de dégager deux heures de soutien pour les enfants en difficulté. Chaque jour, plus d’un million d’élèves bénéficient désormais d’un accompagnement éducatif. Des stages de remise à niveau sont organisés pour les élèves de CM1 et de CM2. De nouveaux dispositifs permettent aux élèves qui souhaitent se perfectionner en anglais, en particulier, d’effectuer des stages pendant les vacances.
Nous avons aussi, dans une logique de progrès, procédé à une refonte complète de l’enseignement professionnel. Le baccalauréat professionnel peut désormais être préparé en trois ans, ce qui le rend plus accessible.
Enfin, la réforme du lycée, conduite par Luc Chatel, permet de renouer avec les voies de la réussite grâce à une orientation à la fois plus judicieuse et mieux accompagnée.
Il convient également d’évoquer la dynamique impulsée par le plan « Espoir banlieues », voulu par Fadela Amara.
M. David Assouline. C’est un fiasco complet !
M. Xavier Darcos, ministre. Je n’aurai garde d’oublier les « Cordées de la réussite », dispositif qui permet à des jeunes d’accéder à des classes préparatoires grâce à un système de quotas de 5 % d’élèves de tous les lycées.
Enfin, le Président de la République a récemment décidé que 20 000 places supplémentaires dans des internats d’excellence seraient créées lors de la prochaine rentrée.
Ainsi, vous pouvez le constater, l’action du Gouvernement est bien globale. Il ne suffit pas, vous l’avez rappelé à juste titre, de s’accrocher à la théorie des quotas pour remédier à l’injustice. Il faut agir sur le fond, au quotidien, aussi bien dans le milieu scolaire qu’à travers le tissu associatif, grâce aux politiques sociales et aux politiques de la ville.
M. Guy Fischer. L’ascenseur social ne fonctionne plus ! Il s’est arrêté !
M. Xavier Darcos, ministre. De ce point de vue, le Gouvernement n’a pas à rougir de son action. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur plusieurs travées de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Le Conseil constitutionnel a censuré la loi de finances pour 2010. À l’annonce de cette décision, le Gouvernement a, dans un premier temps, été saisi d’une grande fébrilité. Les ministres se sont précipités pour expliquer à l’opinion qu’il s’agissait d’une erreur technique qui serait réparée dès le 20 janvier.
Dans un deuxième temps, il n’était plus question que la nouvelle mouture de la taxe soit opérationnelle en juillet.
Dans un troisième temps, un ministre de la République accuse ni plus ni moins le Conseil constitutionnel de partialité politique… Le Premier ministre lui-même se déclare « surpris ».
Cette décision du Conseil constitutionnel souligne une méthode de Gouvernement que l’on peut caractériser par trois mots : improvisation, précipitation, confusion. (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.)
M. Didier Boulaud. Paupérisation !
M. René-Pierre Signé. Amateurisme !
Mme Nicole Bricq. En l’occurrence, il fallait que le Président de la République arrivât au sommet de Copenhague en unique champion de la cause écologique. Nous avons vu le résultat !
Mais il y a plus grave. En multipliant les exonérations pour les entreprises, pourtant déjà fort bien servies par la suppression de la taxe professionnelle, en instaurant une taxe supplémentaire sur les ménages sans prendre en compte leur niveau de revenu – alors que, selon un rapport qui a été remis au Gouvernement, la précarisation énergétique touche près de trois millions et demi de foyers – et en s’accrochant à l’injustice fiscale symbolisée par le bouclier fiscal,…
M. Josselin de Rohan. Il y avait longtemps !
Mme Nicole Bricq. … le Gouvernement a rendu un très mauvais service à la cause écologique, assimilée par nos concitoyens à un privilège pour une élite, dans un système fiscal déjà fort bienveillant pour les riches.
Ma question est simple et elle s’adresse au Premier ministre, puisqu’il est le chef du Gouvernement : comment envisagez-vous de réparer ce qu’il faut bien considérer comme un gâchis ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. François Fillon, Premier ministre. Madame Bricq, je suis ravi de pouvoir répondre à votre interpellation, faite au nom du groupe socialiste.
Le Conseil constitutionnel a annulé les dispositions du projet de loi de finances concernant la taxe carbone.
M. Didier Boulaud. Le vilain ! (Sourires sur les mêmes travées.)
M. François Fillon, Premier ministre. Il a considéré qu’il y avait inégalité devant l’impôt du fait que les grandes entreprises qui sont très émettrices de CO2 n’étaient pas assujetties à cette taxe. Il se trouve que ces grandes entreprises sont concernées par un dispositif européen de quotas.
M. René-Pierre Signé. Elles souffrent tant !
M. François Fillon, Premier ministre. Ce système de quotas, gratuit jusqu’en 2013, a été mis en place par l’Union européenne pour inciter ces entreprises à investir et à changer leurs comportements, tout comme la taxe carbone, qui sera intégralement remboursée aux ménages,…
M. Didier Boulaud. Cela reste à voir !
M. François Fillon, Premier ministre. … est destinée à encourager des changements de comportement.
Le Gouvernement a pris acte de la décision du Conseil constitutionnel. Le ministre d’État en charge de l’écologie présentera au conseil des ministres du 20 janvier un dispositif qui prendra en compte les critiques du Conseil constitutionnel en étendant la taxation aux entreprises très émettrices de CO2. Cette extension sera cependant assortie d’un mécanisme de compensation, qui reste à définir, afin d’éviter que ces entreprises ne soient brutalement exposées à une perte de compétitivité qui risquerait d’entraîner leur disparition ; je pense notamment aux entreprises sidérurgiques ou aux cimenteries.
Nous en discuterons avec les partenaires sociaux et les représentants des entreprises avant de saisir le Parlement. En tout état de cause, le Gouvernement souhaite que la taxe carbone puisse s’appliquer à partir du 1er juillet prochain.
On ne peut pas accuser le Gouvernement de précipitation. La création d’une taxe carbone était un engagement du Président de la République.
M. Didier Boulaud. Un parmi d’autres !
M. François Fillon, Premier ministre. Elle a fait l’objet d’une mission conduite par Michel Rocard,…
MM. Josselin de Rohan et Alain Gournac. Tout à fait !
Mme Nicole Bricq. Mais vous ne l’avez pas écouté !
M. François Fillon, Premier ministre. … dont nous avons repris la quasi-totalité des propositions. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Enfin, elle a reçu la bénédiction du Conseil d’État.
« Improvisation », disiez-vous, pour qualifier la méthode du Gouvernement. Si vous voulez parler d’improvisation, je vous invite à balayer devant votre porte ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Alain Gournac. Ah oui !
M. François Fillon, Premier ministre. Le parti socialiste n’a-t-il pas signé la charte de Nicolas Hulot, qui prévoyait la création d’une taxe carbone ?
M. David Assouline. Pas cette taxe-là !
M. François Fillon, Premier ministre. N’a-t-il pas voté la loi sur le Grenelle de l’environnement, dont un article prévoit la mise en œuvre d’une taxe carbone ?
Enfin, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous demande d’être attentifs à un point. Le recours du parti socialiste contre la loi de finances ne faisait à aucun moment mention de l’inconstitutionnalité de la taxe carbone ! (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées de l’UMP. – Plusieurs sénateurs de l’Union centriste applaudissent également.)
M. David Assouline. Nous sommes favorables à une fiscalité écologique !
conférence de londres sur l'afghanistan
M. le président. La parole est à M. Josselin de Rohan.
M. Josselin de Rohan. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je tiens à m’associer, au nom du groupe UMP, à l’hommage qui a été rendu aux trois soldats récemment tombés en Afghanistan, à saluer leur courage, leur mémoire et à dire que nous partageons la douleur de leurs proches.
Monsieur le ministre des affaires étrangères, le 28 janvier prochain, va se tenir à Londres une conférence sur l’Afghanistan.
Qu’attendez-vous de cette conférence, monsieur le ministre ?
Ce que, selon nous, on peut en attendre, ce sont : des engagements précis, fermes et sincères du président Karzaï pour améliorer la gouvernance en Afghanistan et éradiquer la corruption qui règne dans ce pays ; un soutien accru de la communauté internationale à la lutte contre la drogue, singulièrement l’implication des États riverains ; une pression maintenue sur le Pakistan et une aide à ce pays pour éradiquer Al Qaïda et les talibans qui sont sur son sol ; un accroissement sensible de l’aide internationale au développement économique et social de l’Afghanistan et un rééquilibrage par rapport aux crédits que nous consacrons à la lutte armée ; une augmentation des effectifs de la FIAS, pour répondre à l’appel des États-Unis ; une meilleure coordination de l’action des Nations unies, de l’OTAN et des diverses organisations qui sont engagées sur le terrain.
Ne s’agira-t-il que d’une conférence de plus ou pensez-vous qu’elle permettra d’ouvrir la voie à des progrès décisifs pour le rétablissement de la sécurité et de la paix en Afghanistan ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et européennes.
M. René-Pierre Signé. Encore ?
M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes. Excusez-moi de répondre, monsieur le sénateur !
M. Didier Boulaud. Je vais peut-être avoir une réponse à la question que j’ai posée tout à l’heure !
M. Bernard Kouchner, ministre. Monsieur de Rohan, tous les points que vous avez mentionnés correspondent aux souhaits du Gouvernement, qu’il s’agisse des engagements du président Karzaï qui, après les épisodes que vous connaissez, a été réélu, ou du développement d’une stratégie différente. Je vous indiquerai dans un instant les thèmes qui seront débattus lors de la conférence de Londres et qui nous sont parvenus aujourd’hui de Kaboul.
La conférence de Londres sera-t-elle une conférence supplémentaire qui ne débouchera sur aucune décision ? J’espère que non ! En tout cas, nous ferons tout pour qu’il n’en soit pas ainsi.
Je vous remercie de l’hommage que vous avez rendu à nos soldats. Dans les vallées de Kapisa et de Surobi, ils montrent par leur engagement quotidien et par leur action auprès des populations que c’est bien ainsi qu’il faut procéder.
Lors de la conférence de Paris, nous avons évoqué le concept d’« afghanisation ». Le terme est simple, mais il recouvre une réalité complexe. Comment proposer des projets qui seront réalisés sous la direction des populations – car ce sont bien les Afghans eux-mêmes qui doivent prendre en charge leurs affaires – sans sécuriser la région ? C’est le cœur du problème ! Il faut à la fois assurer un engagement militaire et convaincre les Afghans de se prendre en charge. Il faut donc, comme vous l’avez indiqué, monsieur de Rohan, assurer la formation de l’armée afghane, de manière à aboutir à la situation que nous appelons de nos vœux.
Il faut donner un esprit de corps à l’armée et, dans le même temps, la « régionaliser », afin de tenir compte de l’existence des différentes communautés afghanes, pour ne pas parler de tribus. Il faut également former des policiers. Mais il faut aussi, avec acharnement, travailler à convaincre les populations civiles que nous ne sommes pas là pour l’éternité, que notre souhait est de partir au plus vite, après avoir transmis le fardeau de la direction des opérations, ainsi que celui du développement.
Permettez-moi maintenant d’énumérer, ainsi que je vous l’ai annoncé, les huit chapitres de la conférence qui se tiendra à Londres le 28 janvier prochain.
Premièrement : initiative stratégique de développement pour l’Afghanistan. Cela veut dire que nous devons échanger au moins nos informations, car nous ne le faisons pas assez, en particulier entre Européens. Bien sûr, nous avons enregistré des succès, mais il y a aussi des échecs…
Deuxièmement : plan intégré de développement économique.
Troisièmement : obstacles à l’exécution du projet de développement.
Quatrièmement : renforcement de l’efficacité des aides ; 10 % de celles-ci, dit-on, arrivent sur le terrain ! Il faut que cela change !
Cinquièmement : gouvernance, état de droit, respect des droits de l’homme ; cela revient à prendre au mot les promesses de M. Karzaï.
Mon temps de parole étant écoulé, je mentionne rapidement les autres points : coopération nationale, paix et réintégration, réconciliation et sécurité.
Tout cela correspond exactement à ce que le président Karzaï a proposé et que nous aimerions le voir mettre en œuvre. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)