M. Bernard Frimat. Encore une occasion manquée !
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion du texte de la proposition de résolution européenne initiale.
Texte de la proposition de résolution initiale
Le Sénat,
Vu l’article 88-4 de la Constitution,
Vus l’article 39 du traité CE sur la liberté de circulation des travailleurs d’une part, et l’article 49 du traité CE sur la liberté de prestation de services d’autre part,
Vu les articles 136, 137, 138, 140 du traité CE,
Vu l’article 152 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, qui reconnaît le rôle des partenaires sociaux et l’importance du dialogue social et de la négociation collective,
Vu les articles 27, 28 et 34 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne,
Vu la directive 96/71/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 1996 concernant le détachement des travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services, et notamment ses considérants (5), (12), et (22), ci-après nommée « la directive sur le détachement des travailleurs »,
Vu la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur, et en particulier ses articles 3 et 16(3),
Vu la « clause Monti » inscrite dans le règlement CE n° 2679/98 du Conseil du 7 décembre 1998 relatif au fonctionnement du marché intérieur en ce qui concerne la libre circulation des marchandises entre les États membres,
Vu la communication de la Commission COM (2008) 304 final du 13 juin 2007 au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions sur « le détachement de travailleurs dans le cadre de la prestation de services : en tirer les avantages et les potentialités maximum tout en garantissant la protection des travailleurs »,
Vus l’arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) du 11 décembre 2007 dans l’affaire C-438/05, International Transport Workers’ Federation and Finish Seamen’s Union/Viking Line ABP, l’arrêt de la CJCE du 18 décembre 2007 dans l’affaire C-341/05, Laval un Partneri Ltd, l’arrêt de la CJCE du 3 avril 2008 dans l’affaire C-346/06, Rüffert, ci-après nommés «Viking », « Laval », et « Rüffert »,
Vu la résolution du Parlement européen du 26 octobre 2006 sur l’application de la directive 96/71/CE concernant le détachement des travailleurs,
Vu la résolution du Parlement européen du 22 octobre 2008 sur les défis pour les conventions collectives dans l’UE,
Considérant que la liberté de circulation des travailleurs dans l’Union européenne implique l’abolition de toute forme de discrimination fondée sur la nationalité entre les travailleurs ressortissants d’un État membre en ce qui concerne les conditions d’emploi, de travail et de rémunération,
Considérant que le principe de l’égalité de traitement entre travailleurs pour un même travail sur un même lieu de travail est remis en cause par les récents arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes dans les affaires « Laval », « Viking » et « Rüffert »,
Considérant que le droit de grève et le droit à l’action collective sont des droits fondamentaux faisant partie intégrante des principes généraux du droit communautaire,
Considérant le dialogue social entre partenaires sociaux comme un élément essentiel du modèle social et économique européen,
Déclare inacceptable que le droit fondamental des partenaires sociaux de recourir à des actions collectives passe après les droits économiques dans un ordre hiérarchisé des libertés fondamentales,
Estime que cette hiérarchisation des normes en droit communautaire pourrait poser des problèmes de cohérence avec d’autres systèmes juridiques, tels celui de l’Organisation Internationale du Travail et celui du Conseil de l’Europe,
Rappelle que le droit de grève est de nature constitutionnelle dans nombre d’États membres, dont la France, et qu’il est à ce titre protégé dans le cadre du marché intérieur par la « clause Monti »,
Estime essentiel dans un contexte de crise économique et sociale extrêmement grave de garantir un niveau élevé de protection aux travailleurs et de lutter contre ce qui pourrait s’apparenter à du « dumping social »,
Estime que la concurrence sur la seule base de conditions salariales et de travail différentes entre travailleurs européens dans le cadre transnational d’une prestation de services sape la confiance des citoyens envers la construction européenne,
Condamne l’instrumentalisation politique à visée nationaliste qui est faite de certains conflits sociaux impliquant des travailleurs européens de nationalité différente,
Condamne l’introduction d’un principe de proportionnalité pour juger des actions menées à l’encontre d’entreprises utilisant la liberté de prestation de services dans le marché intérieur pour remettre en cause les conditions d’emploi et de traitement des travailleurs détachés dans l’État membre d’accueil,
Estime que la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés européennes ne saurait suffire à clarifier l’état du droit en matière de travailleurs détachés,
Estime que la nouvelle Commission européenne devra orienter son mandat en faveur d’une véritable politique de l’emploi centrée sur la qualité du travail et le progrès social,
Estime qu’il en va de la responsabilité du législateur européen de procéder à un éclaircissement juridique des dispositions de la directive par le législateur européen, notamment quant à la valeur juridique des conventions et accords collectifs au regard de l’article 3 de la directive sur le détachement des travailleurs,
Estime urgent de procéder à la révision de la directive sur le détachement des travailleurs en consultation avec les partenaires sociaux européens,
Demande l’introduction d’une clause de progrès social donnant la primauté aux droits sociaux fondamentaux sur les libertés fondamentales du marché intérieur sur la base de l’article 3 (3) sous paragraphe 3 du traité de Lisbonne (sous réserve de sa ratification),
Souhaite un large champ d’application de ce qui peut être considéré comme des « dispositions d’ordre public » que les États membres peuvent appliquer en plus du noyau de normes minimales énoncées par la directive sur le détachement des travailleurs,
Demande que la directive introduise une délimitation temporelle dans la définition d’un travailleur détaché afin d’éviter toute utilisation abusive du détachement,
Souhaite que des dispositions contraignantes soient prises vis-à-vis des États membres comme des employeurs, permettant de garantir une information correcte des travailleurs détachés sur les droits dont ils disposent,
Souhaite le renforcement des contrôles et des moyens de sanction en cas de non-respect des dispositions de la directive,
Demande au Gouvernement de rendre compte à la Représentation nationale de l’application de cette directive en France,
Demande à la Commission européenne sur la base de ces orientations d’insérer dans son prochain programme de travail pour l’année 2010 une proposition de révision de la directive sur le détachement des travailleurs,
Demande au Gouvernement d’agir dans le sens de cette résolution.
Mme la présidente. L’amendement n° 1, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Compléter cet alinéa par les mots :
Commission c/ Luxembourg
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Si vous n’y voyez pas d’inconvénient, madame la présidente, je présenterai en même temps l’amendement n° 2, puisqu’il a le même objet que l’amendement n° 1, à savoir, compléter la liste des arrêts de la Cour de justice des communautés européennes visés par la présente proposition de résolution.
Mme la présidente. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 2, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 15
Compléter cet alinéa par les mots :
et l’arrêt Commission contre Luxembourg
Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
Mme Annie David. L’arrêt Commission contre Grand Duché du Luxembourg, rendu par la Cour de justice des communautés européennes le 19 juin 2008, se prononce sur un des aspects de cette résolution : la portée de la notion de « dispositions d’ordre public », au sens de la directive du 16 décembre 1996.
Par cet arrêt, la Cour de justice des communautés européennes a condamné le Luxembourg pour manquement à ses obligations en vertu de l’article 3, paragraphes 1 et 10, de la directive précitée, ainsi que des articles 49 et 50 du traité instituant la Communauté européenne. Je vous ferai grâce de la lecture de ces dispositions, qui précisent que les entreprises employant des salariés détachés doivent appliquer un certain nombre de mesures, nommées « noyau dur », mais peuvent y ajouter d’autres conditions d’ordre public, pour les inclure au contrat de travail qu’ils signent.
Avant cet arrêt, tous les juristes pensaient que chaque État membre était libre de déterminer ce qui, selon ses critères juridiques et ses valeurs, ressortait ou non des dispositions d’ordre public, au sens de la présente directive.
Or, dans cet arrêt, la Cour de justice des communautés européennes estime que le contenu des dispositions d’ordre public ne peut pas être déterminé unilatéralement par chaque État membre sans porter atteinte au principe fondamental de la libre prestation de service. Nous en revenons donc à la hiérarchie des normes que nous évoquions lors de la discussion générale et que contestent nos deux rapporteurs, ainsi que Mme la secrétaire d’État. Pourtant, nous voyons bien que la hiérarchie des normes adoptée par la Cour fait prévaloir l’intérêt du marché sur celui des salariés.
C’est pourquoi nous proposons d’inclure cet arrêt dans le texte de la résolution, par souci d’exhaustivité, car il s’inscrit au cœur de la problématique abordée.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc Laménie, rapporteur. Par cohérence avec ma position sur l’ensemble de la proposition de résolution, j’avais proposé à la commission des affaires sociales d’émettre un avis défavorable sur ces deux amendements. Cependant, l’ajout de cette mention dans les visas de la proposition de résolution ne poserait pas de problème sur le fond, ce qui a conduit la commission à émettre finalement un avis favorable à l’adoption de ces deux amendements.
Mme Catherine Tasca. Bravo, monsieur le rapporteur !
Mme Raymonde Le Texier. C’est un bon début !
M. Alain Gournac. Non, le rapporteur a tort !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nora Berra, secrétaire d’État. J’ai eu l’occasion d’indiquer dans mon propos liminaire que l’essentiel des difficultés soulevées par la directive n° 96/71 n’était pas lié à sa rédaction, mais à sa transposition dans les différents droits nationaux. Cet amendement me donne l’occasion d’illustrer mon propos, j’en remercie donc ses auteurs.
En effet, la raison pour laquelle la Commission a intenté une procédure en manquement contre le Luxembourg – qu’elle a gagnée, comme en témoigne la décision que vous citez – tient au fait que le Luxembourg n’avait pas joué le jeu de la directive. Celle-ci dispose en effet qu’en plus du « noyau dur » des règles du pays où se réalise la prestation, chaque État peut prévoir d’ajouter, pour des motifs d’ordre public, des dispositions additionnelles spécifiques. C’est notamment ce qu’a fait la France pour rendre applicables aux salariés en situation de détachement et à leurs employeurs les règles relatives au travail illégal.
Pour sa part, le Luxembourg, dans l’article 1er de la loi du 20 décembre 2002, avait eu la main un peu lourde, en considérant que l’essentiel de la législation en matière de relations de travail avait vocation à s’appliquer, quelle que soit sa source.
Mais la Commission a indiqué pendant plus de deux ans au Luxembourg – et sa position a donc été confirmée par la Cour de justice des communautés européennes – que l’exception d’ordre public doit demeurer une exception, et non servir de prétexte pour dénaturer les principes énoncés par la directive 96/71.
Vous comprendrez donc que le Gouvernement émette un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Je me réjouis que la commission des affaires sociales ait émis un avis favorable, j’espère qu’elle continuera à faire de même par la suite !
Le complément apporté par ces amendements me paraît utile, puisqu’il ajoute un texte à ceux qui sont visés par notre proposition de résolution. Chaque État membre doit assumer la responsabilité de prendre ses décisions en la matière. Nous sommes donc favorables à ces deux amendements.
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour explication de vote.
Mme Raymonde Le Texier. Les socialistes d’Europe travaillent à ce que l’Europe sociale se construise « par le haut ». La proposition de résolution européenne de notre collègue Richard Yung œuvre en ce sens, en tentant de rendre la main au législateur européen, pour qu’il mette un terme aux attaques portées contre les droits sociaux fondamentaux, notamment par des arrêts récents de la Cour de justice de l’Union européenne.
Nous avons également insisté sur l’urgence qu’il y avait à réagir et, selon notre point de vue, cette nécessité se confirme. Ainsi, les sociaux-démocrates suédois se sont battus hier contre un projet de loi de leur gouvernement conservateur réformant le droit du travail en s’inspirant des arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne qui limitent le champ d’application des conventions collectives. Or, vous le savez, le modèle social suédois est fondé sur la négociation et sur la portée de ces conventions collectives. Un des modèles sociaux les plus avancés et les plus efficaces d’Europe est donc remis en cause en tirant prétexte de la jurisprudence européenne.
L’enjeu n’est donc plus seulement de faire l’Europe sociale « par le haut », mais d’éviter que l’Europe sociale « par le bas » déconstruise les modèles nationaux avancés. À ce titre, la France pourrait se retrouver dans la même situation que la Suède, par les temps qui courent.
Les socialistes européens ont dénoncé cette instrumentalisation et demandent, au plus vite, une révision de la directive 96/71. La vice-présidente suédoise du groupe des sociaux-démocrates au Parlement européen s’est d’ailleurs déclarée très contente de savoir que le sujet était discuté dans d’autres Parlements. Mes chers collègues, ces propos confirment que notre discussion est suivie de très près par nos collègues européens !
Si les amendements nos 1 et 2 de notre collègue Annie David peuvent, de quelque façon, aller dans le sens d’une plus grande protection des travailleurs européens, c’est sans hésitation qu’il faut les voter !
Mme la présidente. L’amendement n° 3, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 30
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
Souhaite par conséquent que le droit à action collective et notamment l’exercice du droit de grève soit inclus soit dans le noyau des « normes minimales » que chaque pays doit garantir au salarié détaché soit dans les « dispositions d’ordre public », au sens de la Directive sur le détachement, quand dans le pays considéré ce droit à action collective incluant le droit de grève existe et est juridiquement garanti,
Souhaite que ce droit à action collective soit attaché à la personne du salarié détaché et que si ces droits existent dans son pays d’origine, il puisse, dans la mesure du possible, les exercer dans le pays où il effectue une prestation de service,
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Il est assez rare de voir la majorité désavouer la commission des affaires sociales…
M. Paul Blanc. Cela s’est déjà produit !
M. Dominique Braye. Nous ne sommes pas monolithiques, nous !
M. Michel Billout. … mais tout peut arriver, effectivement !
Cet amendement complète l’alinéa 30 de la résolution et vise à faire entrer le droit à action collective, notamment l’exercice du droit de grève, dans la catégorie « des dispositions d’ordre public » ou encore dans celle que la directive n° 96/71 considère comme « le noyau dur » des règles du droit du travail à appliquer obligatoirement.
Il convient en effet de faire en sorte que le droit à action collective, et notamment le droit de grève, puisse être « attaché à la personne », c’est-à-dire au travailleur détaché et qu’il puisse l’exercer dans tous les États membres de l’Union européenne.
L’action collective des salariés est, dans la plupart des pays, une réponse naturelle et universelle pour contrebalancer l’inégalité juridique, appelée aussi « subordination juridique », qui existe entre salarié et employeur. Ce droit à action collective est plus vaste que le droit de grève et peut recouvrir de nombreux cas de figure : manifestations, blocus, etc.
Bien entendu nous savons que les vingt-sept États membres de l’Union européenne n’offrent pas tous un contenu homogène à ces droits à action collective et que, selon les pays, le droit de grève est plus ou moins fortement garanti juridiquement.
Pour cette raison, notre amendement distingue plusieurs cas de figure.
Premièrement, un salarié dont le pays ne reconnaît pas ou peu le droit de grève et qui vient travailler dans un pays qui reconnaît le droit de grève, doit pouvoir en bénéficier, au même titre que les salariés de ce pays.
Deuxièmement, la situation inverse est plus complexe : un salarié, issu d’un pays lui garantissant ses droits fondamentaux de salarié, détaché dans un pays accordant moins de droits au salarié, devrait pouvoir exercer, dans le pays où il effectue une prestation de service, les droits qu’il détient dans son pays d’origine. Nous savons que cette solution est beaucoup plus problématique et qu’il est difficile d’imposer à un État membre de faire évoluer si vite sa législation du travail.
Cependant nous pensons que l’Union européenne devrait précisément parvenir à une harmonisation « par le haut » des différents systèmes juridiques et dégager un ensemble de règles unifiées et impératives, dont le droit à action collective et le droit de grève devraient faire partie.
Il est donc urgent que la Cour de justice de l’Union européenne abandonne la jurisprudence Commission c/Luxembourg, citée auparavant dans ce débat.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc Laménie, rapporteur. Je suis plutôt défavorable à cet amendement.
Premièrement, il n’apparaît pas juridiquement indispensable. Le problème abordé est effectivement celui du droit de grève, droit fondamental reconnu dans l’ensemble des vingt-sept États membres de l’Union européenne.
Deuxièmement, il tend à proposer que chaque État puisse faire bénéficier les salariés détachés sur son territoire des dispositions de son droit national relatives au droit de grève et que chaque salarié détaché puisse se prévaloir des dispositions relatives au droit de grève en vigueur dans son pays d’origine. Un même salarié pourrait donc, d’après cet amendement, être soumis à deux législations relatives au droit de grève, sans que l’on comprenne vraiment comment la conciliation entre ces droits pourrait être opérée.
Au demeurant, la commission, quant à elle, s’est prononcée pour un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais vous rappeler que la charte des droits sociaux fondamentaux des travailleurs répond déjà à la demande exprimée par cet amendement. C’est précisément l’objet de son article 28.
Nous pouvons même considérer que la charte va au-delà de ce qui est demandé par cet amendement, puisque, au lieu d’imaginer une « portabilité » du droit de grève d’un pays à l’autre en fonction des règles du pays d’origine ou de prestation du salarié, la charte affirme le caractère licite du droit de grève, pour tous les salariés et citoyens de l’Union européenne, dans tous les États membres. Elle garantit la possibilité pour tous d’invoquer le droit de grève directement devant toutes les juridictions nationales.
De nouveau, je vous invite à constater que l’Europe sociale est en marche et que la France et son président ont joué un rôle moteur dans ces avancées que vous appelez de vos vœux.
Je vous suggère donc, monsieur Billout, de retirer votre amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Le premier alinéa de cet amendement est clair et va tout à fait dans le sens des idées mises en avant dans la proposition de résolution, notamment l’idée selon laquelle chaque pays devrait garantir un certain nombre de normes minimales, surtout en matière sociale. Nous voterions donc bien volontiers ce premier alinéa.
En revanche, nous avons un doute sur le deuxième alinéa. Outre son caractère juridiquement discutable, nous avons surtout du mal à voir comment un droit à l’action collective peut être attaché à un individu, qui l’emmènerait avec lui dans différents pays.
Par définition, l’action de grève est collective. On n’imagine pas qu’un travailleur, se rendant dans un pays dans lequel le droit de grève est moins garanti que dans son pays d’origine, se mette, tout seul, à appliquer ce droit et à faire grève.
Par conséquent, cette disposition ne nous paraissant pas très réaliste, nous nous abstiendrons.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. J’ai bien entendu les réserves de notre collègue Richard Yung. Je veux bien prendre note que ce dispositif n’est peut-être pas complètement « ficelé » d’un point de vue juridique.
Pour autant, il me semble important que cette « portabilité » du droit de grève soit accordée aux salariés qui se déplacent au sein de l’ensemble des États membres et qu’ils puissent faire valoir, si ce n’est un droit de grève, au moins un droit de retrait en cas de danger. Même si le droit de grève n’existe pas dans le pays où il se trouve ou s’il ne peut pas l’exercer seul, le salarié doit pouvoir refuser de travailler s’il se rend compte que ce qu’on lui demande de faire présente un danger.
Telle est l’idée que sous-tendait cette « portabilité » du droit à l’action collective : la possibilité pour le salarié de pouvoir se défendre s’il juge qu’il est soumis à des conditions inacceptables.
J’ai entendu la remarque de Mme la secrétaire d’État quant à l’inscription de ce droit dans la charte des droits sociaux fondamentaux des travailleurs. Il apparaît également dans les différents codes du travail. Notre proposition consistait à ajouter, dans la directive et, plus particulièrement, dans ce que l’on peut appeler le noyau dur de règles impératives, ce droit de grève et d’action collective.
Des sujets tels que la sécurité, la santé et l’hygiène au travail, l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes, l’interdiction des discriminations apparaissent déjà dans ce noyau dur. Ils sont pourtant inscrits dans la charte des droits sociaux fondamentaux des travailleurs et dans l’ensemble des législations des États membres.
C’est pourquoi nous souhaitions cette inscription, dans le noyau dur de la directive 96/71/CE concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services, du droit à action collective.
Mme la présidente. L'amendement n° 4, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 32
Insérer sept alinéas ainsi rédigés :
À cet effet, des dispositions devraient être adoptées pour permette aux salariés détachés d'accéder à une meilleure information sur le droit du travail applicable dans le pays de détachement et sur l'étendue de leurs droits en tant que salariés détachés.
Notamment pourraient être déclarées comme des conditions préalables à tout détachement :
- l'inscription ou la déclaration et la tenue de documents sociaux concernant le salarié détaché, dans l'entreprise détachante comme dans une structure ad hoc du pays de détachement,
- l'existence d'un représentant permanant du salarié détaché dans le pays de détachement, parlant la même langue que lui. Ce représentant pourrait être un membre de la direction de l'entreprise détachant un salarié et être sur le lieu de détachement au moins lors de la mise en route de la mission. Ou bien, chaque pays membre de l'Union européenne pourrait mettre en place dans son pays des représentants permanents locaux, des salariés européens détachés,
- la remise de documents écrits au salarié détaché lors de son arrivée dans le pays de détachement, dans une langue qu'il comprend et l'informant sur le droit du travail en vigueur dans le pays de l'exécution de la prestation et de ses droits en tant que salariés détachés,
- la création d'une structure européenne permanente de coordination dont le but serait d'améliorer l'échange d'informations et de données entre les administrations des pays membres et notamment entre les différentes inspections du travail ou leur équivalent dans les États membres.
Ces obligations doivent devenir effectives et leur méconnaissance juridiquement sanctionnée.
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Cet amendement a pour objet de compléter l’alinéa 32 de la résolution, relatif aux dispositions contraignantes qui pourraient être prises vis-à-vis des États membres et des employeurs pour garantir une information correcte des travailleurs détachés sur les droits dont ils disposent.
En effet, dans la majorité des cas, les travailleurs détachés, mais aussi leurs entreprises, souffrent d’un accès difficile et très partiel aux informations relatives à la législation applicable dans le pays de détachement. La circulation des informations entre les différents acteurs du détachement – États membres, entreprises et salariés – suit des circuits trop hétérogènes et lacunaires.
C’est la raison pour laquelle nous proposons différentes démarches : la généralisation de l’inscription ou de la déclaration du travailleur détaché par l’entreprise qui le détache comme condition préalable ; la tenue de documents sociaux comme, par exemple, le registre du personnel ou les documents relatifs à l’organisation de visites médicales, auprès d’une structure ad hoc identifiable et harmonisée dans chaque pays membre ; la présence d’un représentant du salarié détaché sur le lieu d’exécution de la prestation, pour l’informer et l’accompagner lors son arrivée, comme le propose la Confédération européenne des syndicats.
Ce représentant pourrait appartenir à l’entreprise qui détache un travailleur ou, autre solution, chaque État membre pourrait nommer dans son pays des représentants permanents des salariés détachés, chargés de l’accueil et de l’information.