PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin

vice-président

M. le président. La parole est à M. Louis Nègre.

M. Louis Nègre. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, dans le cadre de mon intervention sur la mission « Écologie, développement et aménagement durables », je tiens d’emblée à féliciter le Gouvernement,…

M. Louis Nègre. …qui, par l’intermédiaire du Grenelle de l’environnement, a su mobiliser, dès 2007, la nation et les forces vives de la France en faveur du développement durable.

Cette politique de fond, marquée par une vision à long terme du devenir de notre pays et de la planète, a placé la France au niveau des nations les plus dynamiques dans le domaine du développement durable et en a fait une référence incontestable en la matière.

Qu’on en juge : 268 engagements ont été pris, 800 actions ont été définies et, d’ores et déjà, une centaine d’entre elles sont achevées ! Il faut y ajouter 44 dispositions fiscales issues de la loi de finances rectificative pour 2008 et de la loi de finances pour 2009, sans compter les nouvelles dispositions prévues pour 2010.

La loi Grenelle I a été votée à l’unanimité. Le Grenelle II, approuvé par le Sénat, viendra en discussion à l’Assemblée nationale. Les dispositions qu’il prévoit, notamment au titre II, relatif aux transports, que j’ai eu l’honneur de rapporter au nom de la commission de l’économie, vont d’ailleurs permettre de faire de grandes avancées dans le domaine de l’environnement : elles tendent à mettre en place un nouveau cadre financier ambitieux, incluant la taxation des plus-values immobilières ou encore, monsieur le secrétaire d’État, l’expérimentation des péages urbains, ces deux mesures étant propres à aider substantiellement au développement des transports collectifs urbains et périurbains.

Dans le secteur de la biodiversité, élément essentiel du développement durable, je constate également, madame la secrétaire d’État, qu’un effort financier considérable a été réalisé. Ainsi, année après année, l’augmentation des crédits est importante et pérenne : 25 % en 2007, 30 % en 2008, 10 % en 2009 et 10 % en 2010.

Ces orientations politiques fortes sont accompagnées de prolongements hautement stratégiques, comme la contribution carbone, le programme en faveur des véhicules décarbonés ou l’engagement national pour le fret ferroviaire.

Grâce à ces moyens budgétaires importants, le Gouvernement donne à la France, là encore, une position exceptionnelle pour fêter dignement l’année internationale de la biodiversité en 2010.

À ce sujet, je n’oublierai pas, madame la secrétaire d’État, votre volonté de proposer la création d’un réseau international d’aires marines protégées et votre ambition particulièrement louable d’instaurer de nouveaux parcs marins d’ici à 2011. J’ai d’ailleurs, avec l’aide du président du conseil général des Alpes-Maritimes, Éric Ciotti, contribué modestement à cette action en créant très récemment, au droit de ma commune, Cagnes-sur-Mer, une réserve sous-marine de neuf hectares.

Enfin, je terminerai ce survol général en soulignant le lancement récent par le ministre de l’écologie, Jean-Louis Borloo, et le ministre chargé de l’industrie, Christian Estrosi, du plan national pour le développement des véhicules électriques et hybrides rechargeables, doté de 100 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2010.

De plus, l’État participera, au travers du Fonds stratégique d’investissement, à la création d’une filière française de batteries lithium-ion, en débloquant 125 millions d’euros sur les 625 millions d’euros prévus au total. En ce qui concerne le déploiement des bornes de recharge pour les infrastructures publiques, qui nous avait fait cruellement défaut par le passé, l’État prévoit désormais un financement à hauteur de 900 millions d’euros par l’intermédiaire du grand emprunt.

Le maintien du super-bonus de 5 000 euros pour tout achat de véhicule décarboné est un signal fort qu’il faudra maintenir dans le temps, vraisemblablement après 2012. Cette filière est hautement stratégique pour la France et doit continuer à bénéficier dans les années à venir d’un soutien total du Gouvernement, au regard de la compétition féroce qui s’organise au niveau mondial.

Toutes ces orientations politiques s’inscrivent plus que jamais dans une perspective de développement durable. Elles contribuent à répondre aux enjeux majeurs auxquels notre pays doit faire face, avec l’impérieuse nécessité, d’une part, de préserver son environnement, et, d’autre part, d’obtenir une compétitivité renforcée de son économie à l’international.

Au-delà de cette vision globale, très favorable à la protection de l’environnement, je voudrais m’attacher davantage, dans le cadre de la mission précitée, au programme concernant les infrastructures et services de transport.

Le secteur des transports représente aujourd’hui 26,5 % des émissions nationales de gaz à effet de serre dont l’essentiel provient du mode routier.

Le transfert modal ou l’utilisation des véhicules moins polluants est donc un enjeu de première importance.

La stratégie du Gouvernement repose sur plusieurs orientations. J’en distinguerai tout particulièrement trois.

Premièrement, il est nécessaire de développer une offre multimodale fondée sur la complémentarité des modes de la chaîne de transports à travers un important programme de réalisation des infrastructures de transports.

Deuxièmement, il faut utiliser de manière optimale les infrastructures existantes.

Troisièmement, il convient de donner la priorité aux modes de transports alternatifs à la route, à travers une action volontariste en faveur du ferroviaire, du fluvial et du portuaire, ainsi qu’aux transports collectifs de personnes.

Cette orientation, vertueuse, ne peut que recueillir notre assentiment et notre soutien et confirme que le discours politique se traduit par des actes concrets et des moyens budgétaires significatifs ; la France pourra aller au sommet de Copenhague la tête haute !

Je me félicite qu’en 2010 le Gouvernement confirme l’effort qu’il a accompli en 2009 et qui était déjà hors norme, car, je le rappelle, dans le projet de loi de finances de l’an dernier, les crédits avaient augmenté de 33,4 % en autorisations d’engagement et de 30,2 % en crédits de paiement. Ainsi, 10,29 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 10,15 milliards d’euros en crédits de paiement sont prévus en 2010 au titre de la mission « Écologie, développement et aménagement durables ». Rapportés aux crédits demandés pour 2009, ces montants affichent la stabilité de la dotation de la mission avec un léger plus, puisqu’ils sont en augmentation de 0,7 % en crédits de paiement.

Le programme 203, qui regroupe l’ensemble des moyens dévolus aux infrastructures et services de transport, est doté, hors fonds de concours, de 4,4 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 4,35 milliards d’euros en crédits de paiement.

L’essentiel des crédits de paiement, soit 83,6 %, est imputé à l’action 10 « Infrastructures de transports collectifs et ferroviaires ».

Par ailleurs, les fonds de concours d’un montant de 1 854,8 millions d’euros en autorisations d’engagement et 1 903,8 millions d’euros en crédits de paiement complètent les crédits budgétaires. Ils proviennent en grande partie, à hauteur de 1 476,3 millions d’euros en crédits de paiement, de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF.

Ces crédits permettront notamment de conforter le discours du Gouvernement et, surtout, de donner une traduction concrète à l’article 13 de la loi Grenelle I, qui dispose que, en dehors de l’Île-de-France, il est prévu de développer les transports collectifs en site propre, afin de les porter en quinze ans de 329 kilomètres à 1 800 kilomètres.

Grâce aux 800 millions d’euros portés par l’AFITF, le premier appel à projet pour les transports collectifs qui a été bouclé en 2009 entraînera l’engagement de près de 6 milliards d’euros de travaux pour la réalisation de 365 kilomètres de nouvelles lignes de transport en commun en site propre, TCSP.

L’accélération extraordinaire de ces crédits permettra de réaliser en trois ans – je dis bien : en trois ans – l’équivalent de ce qui, auparavant, nécessitait près d’une génération pour être réalisé.

Les moyens dégagés permettront également d’accélérer la rénovation du réseau ferroviaire en faisant bénéficier RFF des crédits nécessaires au renouvellement de 900 kilomètres de voies.

Je constate qu’à la suite de l’audit réalisé par l’école polytechnique de Lausanne sur l’état du réseau ferré national le Gouvernement a, là encore, accru considérablement ses efforts financiers, passant de 900 millions d'euros en 2005 à près de 1,7 milliard d'euros en 2010.

Ce renouvellement sera orienté en priorité sur le réseau principal, qui accueille 90 % des circulations.

Ce programme assurera également la poursuite de la mise en œuvre de la réforme des grands ports maritimes. En effet, l’action 11 « Infrastructures fluviales, portuaires et aéroportuaires » bénéficie d’une augmentation de plus de 50 % de ses moyens par rapport à 2009 !

Ce soutien financier accompagnera le développement de la compétitivité de nos ports qui ont représenté, en 2006, 38,5 % en tonnage de l’acheminement de notre commerce extérieur.

De même, le soutien au transport fluvial dont le bilan énergétique est particulièrement favorable est le bienvenu. En effet, même si la part modale est encore faible, on constate – excellente nouvelle ! – que le trafic de marchandises conteneurisé a doublé en cinq ans.

J’ajouterai, dans ce domaine, que le calendrier du projet de canal à grand gabarit Seine-Nord Europe a prévu un début des travaux dès 2011 et une mise en service en 2015.

Tout serait donc pour le mieux dans le meilleur des mondes, madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d'État, s’il n’y avait de ma part trois interrogations et une observation.

M. Daniel Raoul. Ah, quand même !

M. Louis Nègre. Ma première interrogation concerne l’avenir de l’AFITF, qui non seulement a subi des critiques de la Cour des comptes mais risque de souffrir d’un effet de ciseaux entre le besoin de financement et les recettes effectives, notamment au vu de l’écotaxe appliquée aux poids lourds qui n’entrera en vigueur au mieux qu’en 2012 et de l’absence d’augmentation de la redevance domaniale sur les autoroutes.

À la lecture du rapport Gressier, et en fonction des ressources très importantes affectées à l’AFITF, je pense qu’une réforme de la mission de l’Agence s’impose.

Ma deuxième interrogation a trait au schéma national des infrastructures de transports, qui n’a pas encore été publié et que nous attendons tous avec beaucoup d’impatience.

Ma troisième interrogation porte sur le deuxième appel à projet – vous avez fait une intervention lors des 22e rencontres nationales des transports publics à Nice – : j’aimerais avoir l’assurance qu’il sera bien lancé en 2010 avec un montant de crédits au moins équivalent au premier appel à projet, c'est-à-dire 800 millions d'euros au minimum.

Enfin, je ferai une observation : il me semble qu’il ne faut pas redouter la concurrence dans le domaine ferroviaire, car elle est à la base d’une diminution des coûts, donc d’une moindre dépense des deniers publics et, surtout, d’un meilleur service rendu à l’usager.

En conséquence, et malgré ces interrogations légitimes, je souhaite que le budget qui nous est présenté, conforme aux orientations qui seront préconisées à Copenhague, soit approuvé et, bien entendu, je le voterai. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Michel Teston. (Mme Patricia Schillinger applaudit.)

M. Daniel Raoul. Le ton va changer !

M. Michel Teston. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, mon intervention porte sur le programme 203 « Infrastructures et services de transport » et, plus précisément, sur l’action 10 relative aux infrastructures de transports collectifs et ferroviaires.

Au cours des cinq dernières années et tout particulièrement depuis quelques mois, tout ce qui concerne les investissements visant à développer le transport ferroviaire a fait l’objet d’un grand battage médiatique.

Il en est ainsi du plan de renouvellement et de régénération des voies sur la période 2006-2010 mis en place après l’audit de l’école polytechnique de Lausanne, ou encore du contrat de performance, signé par l’État et RFF, d’un montant de 13 milliards d’euros pour cinq ans. L’accent a également été mis très fortement par le Gouvernement sur le développement du transport ferroviaire dans la loi dite « Grenelle I », ou encore sur la place consacrée au mode ferroviaire dans le plan de relance.

Comment ne pas citer encore l’engagement national pour le fret ferroviaire annoncé par le Gouvernement en septembre 2009 ainsi que le plan d’actions et d’investissements de 7 milliards d’euros qui a été présenté ?

Au-delà de toutes ces annonces, qu’en est-il réellement de l’engagement en faveur du ferroviaire,…

M. Jean Desessard. Exactement !

M. Michel Teston. … en particulier dans ce projet de loi de finances initial ?

D’abord, quel est l’effort en matière de régénération du réseau ?

Des enveloppes financières supplémentaires ont été votées lors des précédentes lois de finances, sans toutefois respecter totalement les objectifs du plan, qui se situaient déjà en deçà du scénario optimal préconisé par le rapport Rivier.

Si les crédits correspondants ont ainsi progressé pour atteindre 1,064 milliard d’euros en 2008, il est très difficile, depuis 2009, de les chiffrer avec précision en raison de la réforme de la tarification de l’usage des infrastructures.

En effet, les concours de l’État à RFF ne sont plus désormais attachés à l’utilisation – régénération, entretien, désendettement – qu’en fait ce dernier. Ils dépendent de l’équilibre économique résultant, pour le gestionnaire d’infrastructures, de l’utilisation du réseau par les différents types de services ferroviaires, tels que les transports express régionaux, TER, les trains à grande vitesse, TGV, les trains Corail, le fret. On peut seulement constater que les concours totaux de l’État à RFF s’élèvent à 2,653 milliards d’euros, compte tenu de la compensation de 264,4 millions d’euros pour des réductions de péages consenties aux opérateurs de fret.

Si les concours pour les TER progressent, en revanche, ceux qui sont alloués aux trains classiques nationaux, les trains Corail, diminuent de 76,5 millions d’euros par rapport à 2009, ce qui est en totale contradiction avec les orientations du Grenelle de l’environnement qui prévoyaient un système de péréquation pour ce type de trains. Le même constat peut être fait pour l’activité fret où les concours passent de 863 millions d’euros en 2009 à 826,6 millions d'euros en 2010.

En réalité, si le nombre de kilomètres de voies renouvelées a sensiblement augmenté, cela est dû certes à un effort plus important de l’État, mais aussi – ne l’oublions pas – à un effort sans précédent des régions…

Mme Odette Herviaux. Tout à fait !

M. Michel Teston. … qui, loin de se contenter de financer intégralement le renouvellement et la modernisation des matériels TER, ont été souvent contraintes, pour des raisons de sécurité, de s’engager dans le financement de la régénération des lignes utilisées par leur matériel roulant. (Mme Odette Herviaux opine.) Elles l’ont fait dans le cadre des contrats de projet État-région mais aussi parfois de plans rail spécifiques, afin d’accélérer la rénovation de petites lignes parcourues à près de 80 % par les TER.

S’agissant du fret, outre le fait que les concours de l’État à RFF sont en baisse pour cette activité, il semble bien que le soutien au transport combiné se situe à un niveau assez faible. Il serait de 35,6 millions d’euros, soit 6 millions de plus par rapport à 2009, mais très en dessous du niveau budgétaire atteint durant la période 1999-2002, où le concours de l’État s’élevait à 90 millions d’euros par an. Pourtant, le transport combiné n’est-il pas présenté comme une priorité dans l’engagement national pour le fret ferroviaire ?

Les autres grands chapitres du plan d’actions et d’investissements qu’il est prévu de mettre en œuvre pour concrétiser l’engagement national pour le fret ferroviaire ne semblent guère mieux traités que le transport combiné. Pour l’instant, à ma connaissance, la seule véritable concrétisation de cet engagement en faveur du fret émane non pas de l’État mais du principal opérateur, la SNCF, qui a décidé de répartir sur cinq ans un milliard d’euros pour développer son activité de fret.

J’en viens au plan de relance. S’il a permis l’accélération de quelques projets ferroviaires engagés, il ne s’est nullement traduit par une réelle augmentation du volume des investissements ferroviaires. Ce constat est confirmé par le fait que la subvention d’équilibre de l’État à l’AFITF est ramenée de 1,2 milliard d’euros en 2009 à 980 millions d’euros en 2010. L’État déduit ainsi de sa subvention les avances consenties en 2009 au titre du plan de relance mais aussi la partie des dépenses de régénération de voies prises en charge par les régions dans le cadre des contrats de projet et des plans rail spécifiques.

Je terminerai ce commentaire sur le projet de budget pour 2010 en rappelant que les concours de l’État n’étant plus attachés à l’utilisation qu’en fait RFF, il est très difficile de déterminer le montant des crédits d’État consacrés à la réduction de la dette du gestionnaire d’infrastructures. Cela me conduit à vous poser la question suivante, monsieur le secrétaire d'État : où en est la rédaction du rapport présentant les solutions proposées pour le remboursement de la dette de RFF ?

M. Roland Courteau. Bonne question !

M. Michel Teston. En effet, l’article 3 A du projet de loi relatif aux transports ferroviaires adopté, à la majorité, il y a quelques semaines prévoit le dépôt de ce document avant la fin de l’année 2009.

En conclusion, comment ne pas constater et regretter le décalage entre les annonces du Gouvernement et le manque d’ambition de ce programme budgétaire, qui n’est pas à la hauteur des enjeux liés au Grenelle de l’environnement, au plan de régénération du réseau, ou encore à l’engagement national pour le fret ferroviaire ?

Le groupe socialiste votera contre les crédits de ce programme. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.

Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le président, madame le secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de budget dont nous discutons aujourd’hui occupe une place particulière non pas tant parce que l’évolution des choses, au fil des années, a fait que l’écologie est désormais présente dans l’esprit de tous les élus de la nation, mais parce que la loi de finances intervient dans une période de grande mutation pour tout ce qui concerne le développement durable. Je veux naturellement parler des lois adoptées dans le cadre du Grenelle de l’environnement et de leurs conséquences sur la vie de nos compatriotes, de nos entreprises et de nos territoires, dont la France attend beaucoup, de même que du prochain sommet de Copenhague.

Du reste, qui, dans cet hémicycle, ne saurait être concerné par une cause aussi fondamentale, déclinée en termes budgétaires dans les neuf programmes composant les crédits de la mission « Écologie, développement et aménagement durables » ? Malgré la volonté de traçabilité affichée par le Gouvernement, certains secteurs restent extrêmement complexes, notamment celui qui concerne les circuits de financement de la politique des transports. Si je ne peux que me féliciter de l’intention du Gouvernement d’œuvrer à la sauvegarde de notre planète, je suis infiniment plus sceptique lorsqu’il affirme que les objectifs du Grenelle de l’environnement seront atteints en 2011, et ce en raison même du budget qui nous est présenté.

Car je mesure, une fois de plus, qu’il y a souvent loin des intentions aux faits. N’est-il pas légitime, en effet, de se demander si les 10,5 milliards d’euros prévus en crédits de paiement pour 2010 permettront, malgré leur importance, de satisfaire les objectifs prévus, si vastes et si variés ? Cela nous conduit, une fois encore, à formuler l’idée qu’il est préférable, avant de les faire voter, d’évaluer avec exactitude les mesures que l’on entend mettre en œuvre, sans quoi on risque de limiter son action à des effets d’annonce. Les rapporteurs spéciaux du Sénat – Alain Lambert, Gérard Miquel, Yvon Collin et Fabienne Keller, à la pertinence desquels je tiens à rendre hommage – ont émis des réserves sur un certain nombre de points, notamment l’insuffisance de la qualité du service ferroviaire ou le taux de contrôle du transport routier des matières dangereuses. Cela laisse planer un grand doute quant à l’incertaine soutenabilité budgétaire de cette mission, pour reprendre l’expression judicieuse de l’un de nos collègues, et explique aussi les modifications apportées par la commission des finances.

Certes, les crédits mobilisés pour la mise en œuvre du Grenelle en matière de préservation et de restauration de la biodiversité augmentent de 60 % et offrent l’aspect le plus novateur de ce budget, avec sa volonté d’aménagement équilibré des territoires, sa gestion intégrée de la ressource en eau et sa préservation du littoral.

Je ne conteste, d’ailleurs, nullement ce choix, que j’approuve même, mais j’observe que d’autres secteurs ne sont pas aussi bien aidés. Sur un budget aussi considérable, les crédits liés à la mise en œuvre du Grenelle ne passent que de 30 millions à 60 millions d’euros, ce qui est, somme toute, modeste, même en considérant les efforts d’économies recherchés dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, en particulier dans le domaine ferroviaire.

Mais, plus inquiétant encore, ce projet de budget est sinon illisible du moins obscur et peu fléché : on s’y perd et, de ce fait, sa logique nous échappe. Que veut-on exactement ? Où va-t-on ? Et pour quoi faire ? Est-ce parce que le nombre de missions est trop élevé ? Ou parce qu’on les cerne mal ? Est-ce parce qu’il est difficile de trancher entre ce qui appartient à l’aménagement du territoire et ce qui relève de l’écologie ? Je ne sais pas. Toujours est-il que, si RFF semble s’améliorer et VNF, Voies navigables de France, offrir une situation satisfaisante, la tendance à la dégradation générale du réseau routier n’est pas enrayée ; il en est de même de la gestion des affaires maritimes, de Météo-France, de l’Institut géographique national ou du contrôle aérien, qui nécessite des efforts plus poussés.

Une bonne politique écologique, comme du reste toute bonne politique budgétaire, ne consiste pas à déshabiller Pierre pour habiller Paul. Ainsi, certains objectifs semblent d’ores et déjà impossibles à atteindre, comme ceux qui sont relatifs au contrôle et à la sanction automatisés des infractions au code de la route ou l’autofinancement budgétaire pour l’acquisition des véhicules propres, malgré les effets positifs du système du bonus-malus automobile.

Tout cela manque un peu de cohérence et je le regrette, puisque, si nous sommes tous ici attachés à la mise en œuvre d’une véritable politique écologique, nous sommes aussi nombreux à être soucieux d’une bonne politique d’aménagement du territoire, conforme à la tradition républicaine, même si, aujourd’hui, l’État et les collectivités territoriales en partagent la responsabilité. Nous devons arriver à un équilibre entre la vie économique et l’écologie, même si ce n’est pas facile. Cet équilibre, je ne l’ai pas trouvé dans ce budget, pas plus que le souffle, l’audace et l’ambition des lois Grenelle I et Grenelle II, que nous avons passé tant d’heures à étudier ici.

Mme Anne-Marie Escoffier. Madame le secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, le groupe RDSE et moi-même aurions voulu soutenir ce budget comme nous avions donné notre plein accord au Grenelle I. Mais, vous l’aurez compris, nos réticences nous amèneront à nous abstenir. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch.

Mme Mireille Schurch. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à la suite des engagements pris lors du Grenelle de l’environnement et des annonces, dans les médias, des milliards d’euros octroyés tant au plan de régénération du réseau ferroviaire qu’au plan de relance et au plan fret d’avenir, nous nous attendions, concernant le volet « transport » au sein de la mission « Écologie, développement et aménagement durables » pour 2010, à examiner des crédits renforcés, à la hauteur des enjeux de la révolution verte.

Pourtant, à la lecture de ce projet de budget, quelle déception ! Les crédits du volet « transport » sont en baisse de 3 %, soit 137,7 millions d’euros, alors même que l’on recourt plus fortement aux ressources extrabudgétaires telles que les taxes, les redevances et les péages.

Ainsi, la subvention budgétaire à l’AFITF est en baisse de 220 millions d’euros par rapport à 2009. Cela s’explique pour partie par les dépenses transférées aux collectivités locales, par les avances de 2009 faites dans le cadre du plan de relance et par les fameux engagements pour le fret ferroviaire.

Cependant, au-delà de cette diminution, les membres du groupe CRC-SPG restent particulièrement inquiets, comme certains orateurs précédents, sur la pérennité des financements de cette agence.

Dans ce cadre, monsieur le secrétaire d’État, nous continuons de déplorer le choix fait par votre majorité de céder aux investisseurs privés les très rentables concessions d’autoroutes, dont les recettes devaient initialement financer l’Agence et, donc, la régénération du réseau.

Par ailleurs, la taxe poids lourd, qui n’entrera en vigueur qu’en 2012, mais qui est présentée comme la solution miracle pour le financement de l’AFITF, ne nous semble pas de nature à garantir un niveau suffisant de recettes.

Nous déplorons également votre volonté inébranlable d’affaiblir les opérateurs publics, qu’il s’agisse de la SNCF ou de RFF.

Ainsi, cette année encore, la subvention à RFF est en baisse de 75 millions d’euros, et ce alors même que l’audit de l’École de Lausanne préconisait un engagement de la puissance publique sans précédent. À défaut d’un tel engagement, plus de la moitié de notre réseau sera obsolète d’ici peu.

Vous continuez de contraindre RFF à augmenter les péages ferroviaires, ainsi que le niveau de la convention de gestion qui le lie à la SNCF. Par là même, vous contraignez la SNCF à reporter sur les usagers ces hausses de tarifs. Ce sont donc bien toujours les mêmes qui payent les conséquences du désengagement de l’État. RFF est également censé se financer grâce à la cession de son patrimoine, lui permettant par ailleurs de rembourser la dette qui l’écrase. Une nouvelle fois, il s’agit donc de céder le patrimoine public, alors même que celui-ci constitue une richesse inestimable.

À ce titre, l’article 7 de la loi relative à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires prévoyait la remise, à la fin de l’année 2009, d’un rapport sur les perspectives de désendettement de RFF. Comme vous le savez, mes chers collègues, la dette de RFF a encore augmenté cette année et s’élève à 28,2 milliards d’euros. À l’instar de mon collègue Teston, je lirai ce rapport avec une grande attention.

En toute logique, vous affaiblissez les opérateurs publics afin de faire de la place pour les nouveaux entrants sur les tronçons rentables, abandonnant toute ambition en termes d’aménagement du territoire. Ainsi, force est de constater que les conséquences du plan fret sont désastreuses pour les territoires les plus fragiles.

Dans ce cadre, la faiblesse de votre engagement pour le fret est éclairante. Je souhaite ici rappeler que, à la suite d’un long déclin, la part modale du transport ferroviaire atteint péniblement 10,7 % en 2009. L’objectif qui consiste à atteindre 10,9 % nous paraît bien peu ambitieux : à ce rythme de 0,2 % par an, nous atteindrons les objectifs fixés par le Grenelle de l’environnement dans soixante-dix ans !

Il est également troublant de voir, dans ce projet de budget, combien le secteur routier est une nouvelle fois privilégié, notamment grâce aux exonérations fiscales qui atteignent cette année 330 millions d’euros.

D’un côté, 330 millions d’euros d’exonérations, de l’autre, un peu plus de 30 millions d’euros pour le transport combiné : cela illustre l’engagement bien timide de votre Gouvernement pour le rééquilibrage modal.

Telles sont les raisons pour lesquelles les sénateurs du groupe CRC-SPG ne voteront pas ces crédits, qui s’inscrivent dans la continuité de la logique de la droite au pouvoir depuis 2002 : privatiser les profits et socialiser les pertes. Les enjeux du développement durable ne peuvent souffrir d’une telle vision, qui fait de la rentabilité économique le seul critère d’intervention et de la mise en concurrence le seul mode d’organisation possible des services publics.

Au contraire, il faut renforcer la maîtrise publique dans le secteur des transports par une action déterminée et des investissements massifs pour le rail, levier d’action stratégique pour le respect des engagements en faveur de l’environnement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)