M. Marc Daunis. Tout à fait !
M. Jean-Jacques Mirassou. Bien sûr !
M. François Rebsamen. Reloger des familles en difficulté dans les quartiers où il y a déjà le plus de familles en difficulté, est-ce favoriser la mixité sociale ?
D’où l’idée, mes chers collègues, exprimée au travers de l’article 5, d’utiliser le parc locatif privé pour reloger les personnes éligibles au DALO afin d’étendre l’offre locative en attendant la construction de futurs logements. En effet, je ne doute pas que toutes les communes de France, y compris dans le département des Hauts-de-Seine, aient l’intention de construire des logements pour permettre la mixité sociale sur l’ensemble du territoire !
Tous les maires de toutes les communes sont confrontés à ce phénomène (M. Jean-Jacques Mirassou acquiesce.), qui va à l’encontre des politiques locales de mixité sociale aujourd'hui mises en œuvre.
Par conséquent, l’idée d’utiliser des logements conventionnés, qui ne sont pas, nous le savons, prioritairement situés dans les quartiers de la politique de la ville, permettrait d’assurer une meilleure mixité sociale.
Voilà, mes chers collègues, les cinq articles de ce texte rapidement présentés.
Monsieur le secrétaire d'État, il y a quinze jours, vous avez évoqué un plan d’urgence pour les sans-abri. On ne peut et on ne doit pas se limiter au traitement de l’urgence, même si la prise en charge de celle-ci est nécessaire : ce serait regarder uniquement la partie visible de l’iceberg.
Oui, l’urgence est cruciale, et elle doit être traitée. Cependant, les crédits consacrés à l’hébergement d’urgence sont en diminution en 2010 : ils sont passés de 234 millions d’euros à 214 millions d’euros.
En matière de logement, il faut agir lourdement du côté de l’offre et exploiter toutes les sources possibles. Il faut continuer à ne pas faire de l’hébergement l’antichambre du logement.
Nous avons avancé des propositions. J’espère qu’elles trouveront un écho favorable sur l’ensemble de nos travées, car nous sommes tous animés de la volonté d’apporter la meilleure réponse possible en matière de logement à tous ceux qui, aujourd'hui, en manquent cruellement. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Nombre de nos collègues sont actuellement en commission, notamment en commission des finances qui siège sans discontinuer. Ils vous prient donc de bien vouloir excuser leur absence.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Braye, rapporteur de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Sénat est saisi d’un nouveau texte sur le logement sept mois seulement après l’adoption de la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion. Cette dernière ne comportait pas moins de 124 articles : sa mise en œuvre n’est pas encore effective, car elle est conditionnée par l’élaboration de 65 mesures d’ordre réglementaire.
Je ne peux donc que rappeler, à titre liminaire, que le Conseil d’État a déploré très fortement, dans son dernier rapport public, l’instabilité législative chronique dont souffre la politique du logement. Tous les acteurs que j’ai auditionnés sur le présent texte ont également regretté ce phénomène.
Cela étant, je donne acte aux auteurs de ce texte du fait que ce dernier n’a manifestement pas pour ambition de bouleverser les mesures que nous avons récemment adoptées.
M. Thierry Repentin. Absolument ! C’est bien de le reconnaître !
M. Dominique Braye, rapporteur. Quoi qu’il en soit, je regrette que les propositions qui nous paraissent opportunes sur le fond n’aient pas été présentées à l’occasion du dernier texte sur le logement dont nous avons très longuement débattu. (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)
D’autres mesures, en revanche, ont déjà été présentées et repoussées par le Sénat. Vous comprendrez que les arguments donnés hier restent valables aujourd’hui. C’est le cas, notamment, des dispositions prévues à l’article 5.
M. Marc Daunis. Le monde change vite !
M. Thierry Repentin. Le monde change, mais pas les esprits !
M. Dominique Braye, rapporteur. Si vous en étiez vraiment conscients, chers collègues, vous agiriez différemment ! (Rires sur les travées du groupe socialiste.)
Sur le fond, cette proposition de loi vise essentiellement à augmenter l’offre de logements abordables par la lutte contre la vacance et la mobilisation du parc privé.
L’intention affichée ne peut évidemment qu’être louable, alors que notre pays compte encore un nombre bien trop important de mal-logés, de non-logés et d’hébergés. Je ne suis pas certain, toutefois, que les solutions proposées soient à la hauteur de l’enjeu.
Après un examen approfondi, la commission de l’économie a même estimé que certains des dispositifs proposés par la présente proposition de loi étaient non seulement inopportuns, mais également contre-productifs.
C’est essentiellement le cas du moratoire sur les expulsions prévu par l’article 4, dont l’adoption pourrait décourager les bailleurs privés et conduire à une hausse de la vacance, contraire aux objectifs du texte.
C’est le cas, également, de l’article 5 qui, en imposant des contraintes très importantes aux propriétaires signant une convention avec l’Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat, entraînerait immédiatement – tous les acteurs l’ont confirmé – une réduction importante du parc de logements privés conventionnés.
Le texte comporte également des éléments intéressants, mais dont la mise en œuvre rapide sera mieux garantie par la voie réglementaire ou par leur insertion dans un prochain véhicule législatif qui ne manquera pas d’être examiné prochainement par le Sénat.
M. Thierry Repentin. Encore un !
M. Dominique Braye, rapporteur. C’est pourquoi la commission a proposé, au final, de ne pas adopter la présente proposition de loi, sous réserve toutefois d’un certain nombre d’engagements de la part du Gouvernement, monsieur le secrétaire d'État.
S’agissant du problème soulevé par les deux premiers articles, qui concernent la lutte contre la vacance, il s’agit – vous l’avez-vous-même reconnu, mon cher collègue – d’une question complexe, qui doit être abordée avec beaucoup de nuances. Le nombre de logements vacants s’avère en effet très difficile à quantifier, et celui des logements que l’on peut effectivement mobiliser l’est encore davantage.
L’article 1er vise à prévoir une procédure d’expropriation des logements vacants. Celle-ci soulève, tout d’abord, des objections de fond en termes d’atteinte au droit à la propriété, d’autant qu’elle supprime l’enquête publique et crée une compétence liée du préfet pour déclarer l’utilité publique.
De surcroît, la commission s’interroge sur les difficultés pratiques auxquelles risquerait de se heurter une commune qui souhaiterait utiliser une telle procédure. En effet, il faudrait, pour la mettre en application, avoir au préalable identifié les immeubles vacants. Or – et cette information vous éclairera peut-être – un bilan très complet a été dressé en 1995 au sujet de l’utilisation de la réquisition à Paris, commune qui vous est chère, ainsi que sur les tentatives effectuées en 2001. Ce travail a mobilisé beaucoup d’énergie, pour un résultat très maigre, voire quasi nul !
Je rappelle que Bercy avait transmis à la Ville de Paris 9 600 adresses et que vingt-six agents municipaux ont été mobilisés pendant plus de deux ans pour dresser un bilan de la situation effective de ces logements. (Mme Raymonde Le Texier s’exclame.) Au final, aucun logement n’a été réquisitionné !
Cela m’amène à la deuxième objection, qui concerne le coût de la procédure. En effet, la collectivité devra acquérir au prix du marché des logements à transformer en logements sociaux.
Dans ce cas, la procédure d’expropriation ne présente pas tellement plus d’avantages que l’utilisation de la préemption pour faire du logement social, possibilité qui existe déjà aujourd’hui. La Ville de Paris, pour ne citer qu’elle, a des dizaines de milliers d’opportunités chaque année de faire du logement social, opportunité que, malheureusement, elle ne saisit que fort rarement.
M. Thierry Repentin. Vous parlez de Tiberi ? (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Dominique Braye, rapporteur. Non, nous n’en sommes pas restés à avant-hier ! Nous en sommes à aujourd'hui, voire déjà à demain ! Le monde bouge très rapidement, mon cher collègue ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
En conséquence, la mise en œuvre de l’expropriation ne paraît pas forcément indispensable.
Enfin, d’après l’Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat, l’ANAH, la cible des logements vacants à remettre sur le marché concerne, en réalité, les logements vacants depuis un à deux ans, pour lesquels il convient de mener une politique active d’incitation à la remise sur le marché. C’est ce que fait l’ANAH par le biais, notamment, du conventionnement avec travaux, qui prévoit une prime en cas de remise sur le marché d’un logement vacant depuis au moins un an.
Pour toutes ces raisons, la commission a proposé de ne pas adopter l’article 1er.
Elle a en revanche considéré avec plus d’intérêt l’article 2 relatif à la taxe sur les logements vacants.
Cette taxe, instituée en 1999 dans huit agglomérations de plus de 200 000 habitants, a en effet manifestement permis une diminution significative du taux de vacance. Entre 1999 et 2005, ce dernier a ainsi diminué de 12,5 % à 48 % dans ces huit agglomérations, alors qu’il ne baissait que de 8,5 % pour la France entière.
Généraliser la taxe sur les logements vacants à toutes les communes soumises aux obligations de 20 % de logements sociaux, comme le prévoit l’article 2, ne nous paraît pas opportun. Cependant, il pourrait être bon d’étendre le dispositif aux grandes agglomérations dont le marché du logement est très tendu, étant précisé que les agglomérations de plus de 200 000 habitants sont aujourd’hui au nombre de trente.
Sur ce point, monsieur le secrétaire d'État, la commission a souhaité, que le Gouvernement s’engage clairement en séance publique à modifier rapidement le décret afin d’y inclure de nouvelles agglomérations caractérisées par une tension locative importante, car c’est bien dans ces agglomérations qu’il faut remettre le plus de logements sur le marché !
M. Dominique Braye, rapporteur. L’article 3 prévoit une avancée intéressante. En effet, les délégataires du droit de préemption urbain, le DPU, se limitent aujourd’hui aux offices publics d’HLM et aux sociétés d’économie mixte, les SEM, lorsqu’elles sont concessionnaires d’une opération d’aménagement. Or il peut être opportun de permettre aux communes qui le souhaitent de déléguer leur droit de préemption urbain à toutes les familles HLM.
La commission s’engage donc à soutenir, à l’occasion d’une réforme d’ensemble du droit de préemption urbain qui devrait être très prochainement examinée par le Sénat – je fais allusion à la proposition de loi de M. Warsmann – un dispositif qui étendrait les délégataires du DPU dans le sens préconisé par l’article 3. Votre proposition sera ainsi effective bien plus tôt que si elle était adoptée dans ce texte.
Plusieurs sénateurs socialistes. Ce que nous faisons ne sert à rien, alors ?
M. Dominique Braye, rapporteur. Eh oui ! le monde bouge, et il faut aller vite ! Votre proposition de loi n’aurait pas abouti suffisamment rapidement ; nous vous proposons donc un autre véhicule législatif pour que satisfaction vous soit donnée dans de plus brefs délais !
S’agissant de l’article 4, relatif au moratoire sur les expulsions locatives, on ne peut évidemment qu’être sensible à la philosophie qui le sous-tend, car elle semble frappée au coin du bon sens, comme vous l’avez dit, mon cher collègue. En effet, pourquoi expulser des locataires reconnus prioritaires par les commissions de médiation et qu’il faudra, par conséquent, reloger ? Comme nous sommes nous aussi pleins de bon sens, nous y avons déjà pensé !
M. Dominique Braye, rapporteur. D’abord, depuis plusieurs années, l’accent a été clairement mis sur le développement de la prévention des expulsions. Ainsi, la circulaire du 14 octobre 2008 relative à la prévention des expulsions locatives précise ceci : « Pour les ménages de bonne foi, qui ne disposent pas de la capacité financière suffisante pour rester dans leur logement, notamment si la procédure en est au stade du jugement d’expulsion doté de la force exécutoire, la recherche d’un relogement adapté aux ressources doit être privilégiée avant toute exécution ». Vous souhait est donc totalement satisfait : peut-être n’étiez-vous pas informé de l’existence de cette circulaire qui est déjà appliquée sur l’ensemble du territoire national !
En outre, il existe déjà des possibilités de maintenir les locataires expulsés dans les lieux sans léser le propriétaire (Mme Raymonde Le Texier s’exclame.), notamment en proposant à celui-ci de signer un bail avec une association qui sous-louera le logement. Les associations qui assurent cette intermédiation locative sont présentes sur la quasi-totalité du territoire ; elles permettent aux bailleurs privés de ne pas être directement en contact avec le locataire et d’être assurés des revenus locatifs dont ils ont éminemment besoin. En effet, les petits bailleurs privés sont le plus souvent des personnes modestes – 60 % d’entre eux ne sont propriétaires que d’un seul bien – qui ont besoin des loyers pour atteindre un niveau de revenus leur permettant de vivre décemment.
Or, pour quelques cas qui seraient visés en pratique, l’inscription dans la loi d’un tel moratoire constituerait en revanche un signal très négatif envoyé tant aux locataires qu’aux propriétaires. Pour les petits bailleurs, la stabilité de la règle juridique est particulièrement importante : l’adoption de l’article 4 serait de nature à altérer leur confiance et pourrait conduire, à l’opposé des objectifs de la présente proposition de loi, à augmenter les vacances de logements. Une fois de plus, nous constatons que le chemin de l’enfer est pavé de bonnes intentions !
Enfin, l’article 4, qui ne prévoit pas d’indemnisation des propriétaires, ferait supporter à ces derniers la charge des impayés de loyer, alors que le refus d’accorder le concours de la force publique est actuellement indemnisé par le juge administratif sur le fondement d’une rupture de l’égalité devant les charges publiques. Pour cette raison même, la commission s’interroge sur la constitutionnalité au regard du droit de propriété du présent dispositif, qui procède en quelque sorte à une réquisition de fait, sans indemnisation financière des propriétaires, et pour une durée très longue.
Enfin, s’agissant de l’article 5, il semble quelque peu irréaliste et contre-productif de permettre au préfet d’imposer un demandeur reconnu prioritaire dans le cadre de la procédure du DALO à tous les propriétaires ayant signé une convention avec l’ANAH, quel que soit le niveau de loyer prévu par la convention.
Cette mesure est tout d’abord irréaliste, car le niveau des loyers intermédiaires, qui ne sont inférieurs que de 10 % à 15 % aux loyers de marché, n’est pas adapté à la situation des familles les plus en difficulté.
Elle est ensuite contre-productive, car de telles contraintes ne manqueraient pas de dissuader les propriétaires de passer des conventions avec l’ANAH. Or, le nombre de logements conventionnés reste aujourd’hui très faible et, surtout, ne concerne que très peu les départements où les préfets ont le plus besoin d’une offre complémentaire pour la mise en œuvre du droit au logement opposable – c’est important, car le nombre de logements disponibles doit être pris en considération. Force est de constater que les logements conventionnés sont les plus nombreux dans les zones où les besoins sont les plus faibles ; en revanche, ils sont quasiment inexistants dans les zones qui connaissent les plus forts besoins ! La solution proposée ne paraît donc pas opportune.
J’ajoute que, d’après une étude qualitative réalisée très récemment par l’ANAH, sur les treize départements ayant fait l’objet de l’enquête, le préfet n’a utilisé le droit de réservation sur les logements très sociaux que dans deux cas. Voilà qui révèle la difficulté de l’opération, y compris pour des conventionnements très sociaux.
Pour l’ensemble de ces raisons, la commission de l’économie a proposé de ne pas adopter la présente proposition de loi,…
M. Jean-Marc Todeschini. C’est dommage !
M. David Assouline. Quel coup de théâtre !
M. Dominique Braye, rapporteur. … sous réserve, car vous savez que le rapporteur est particulièrement ouvert à toutes les bonnes idées (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.),…
M. Paul Blanc. C’est vrai !
M. Dominique Braye, rapporteur. … tout en reconnaissant qu’il en accepte plus en provenance du côté droit de l’hémicycle que du côté opposé (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.), …
M. Thierry Repentin. Ça, c’est sûr!
M. Dominique Braye, rapporteur. … tout simplement parce qu’elles sont peut-être plus nombreuses du côté de la majorité (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.),…
M. Jean-Marc Todeschini. Et si vous n’en avez pas, devons-nous attendre qu’elles vous viennent à l’esprit ?
M. Dominique Braye, rapporteur. La commission a proposé, disais-je, de ne pas adopter cette proposition de loi, sous une double réserve : d’une part, que le Gouvernement s’engage à étudier un éventuel élargissement de la taxe sur les logements vacants et, d’autre part, que la possibilité d’être délégataires du droit de préemption urbain soit étendue à toutes les familles d’organismes d’HLM, proposition que la commission s’engage à soutenir. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Jean-Jacques Mirassou. Il va être d’accord avec nous, parce qu’il est raisonnable !
M. Daniel Raoul. Un petit effort, monsieur le secrétaire d’État ! Un bon geste ! (Sourires.)
M. Benoist Apparu, secrétaire d’État chargé du logement et de l’urbanisme. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, l’attente de nos concitoyens en matière de logement est très importante, et le marché de l’immobilier est un marché tout à fait particulier, qui obéit à sa logique propre.
On pourrait aisément caricaturer la situation, en partant du constat suivant : d’un côté, des logements sont vacants, de l’autre, des personnes vivent dans la rue ; il suffirait donc de résoudre l’équation en plaçant les secondes dans les premiers ! Cette caricature survit, me semble-t-il, grâce aux coups médiatiques et à quelques caméras braquées sur des situations extrêmes, mais elle ne me semble pas correspondre à une réalité, au moins sur le plan quantitatif. (M. David Assouline manifeste sa désapprobation.)
La proposition de loi présentée aujourd’hui tend à augmenter les capacités de relogement des bénéficiaires du droit au logement opposable, en utilisant notamment le droit de préemption. Il nous faut, à mon avis, garder les pieds sur terre : la mise sur le marché des logements vacants ne résoudra évidemment pas à elle seule les crises du logement que traverse notre pays.
Les raisons qui expliquent certaines vacances sont multiples.
En premier lieu, beaucoup de logements vacants sont aujourd’hui des taudis, et les travaux de rénovation qu’il conviendrait de mettre en œuvre sont trop importants pour rendre possible leur mise sur le marché.
En second lieu, beaucoup de logements vacants sont situés dans des zones qui ne connaissent pas de problèmes de logements. Soyons réalistes : si la demande n’existe pas, quel intérêt y aurait-il à mettre un nouveau logement sur le marché ?
En troisième lieu, beaucoup de vacances de logements sont liées à la rotation des locataires. On parle alors d’un phénomène de vacance frictionnelle, qui dépend de la disponibilité des uns et des autres.
En dernier lieu, certains propriétaires rencontrent des difficultés à financer des travaux coûteux ou à régler des successions difficiles, comme l’a dit tout à l’heure M. Rebsamen.
Les discours actuels sur les logements vacants rappellent ceux qui ont fleuri en 2001 autour de l’idée de réquisition. Je voudrais vous rappeler les chiffres de l’époque : le ministère des finances avait identifié 96 000 adresses de logements vacants. Sur ce total, 104 adresses de plus de dix logements ont été jugées pertinentes, au vu des objectifs définis par le gouvernement de l’époque. Mais l’examen individuel des logements en vue d’évaluer les réelles capacités de réquisition a révélé que certains de ces logements étaient déjà occupés, d’autres démolis, utilisés par des commerces, ou qu’ils nécessitaient des rénovations extrêmement couteuses. Au total, sur les 96 000 adresses identifiées, aucune n’a été réquisitionnée en 2001 ! Je voulais donc, par cet exemple, réfuter de fausses bonnes idées, qui ne correspondent pas aux réalités de notre pays.
J’ajouterai que, dans notre pays, le droit de propriété est constitutionnellement garanti. Il est d’ailleurs reconnu par le Conseil d’État comme liberté fondamentale. Il y a donc un équilibre à ne pas bouleverser et une limite à ne pas franchir : celle de la contrainte !
Le Gouvernement n’est pas resté inactif et a agi pour limiter la vacance des logements dans notre pays. Mais sa politique diffère de celle que proposent les auteurs de la proposition de loi : ces derniers mettent l’accent sur la contrainte ; le Gouvernement, quant à lui, préfère l’incitation, qui lui paraît mieux correspondre à l’idée qu’il se fait du droit de propriété. Celle-ci consiste à ne pas priver certains citoyens de leur liberté : en effet, il serait injuste de vouloir exproprier des propriétaires de logements au seul motif que leurs biens seraient vacants depuis de nombreuses années !
M. François Rebsamen. Vous êtes décevant !
M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Une telle politique serait injuste, probablement anticonstitutionnelle, mais surtout contre-productive ! En effet, à terme, elle ne pourrait que dissuader les particuliers d’accéder à la propriété.
Nous sommes cependant d’accord avec vous sur un point : nous devons tout faire pour mobiliser les logements vacants, dans l’intérêt de tous.
M. Jean-Marc Todeschini. Il y a du boulot !
M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Le Gouvernement s’est engagé à résoudre la crise du logement en utilisant tous les leviers possibles, y compris celui de la lutte contre le logement vacant : nous avons donc mis en place des outils pour limiter les vacances, et je voudrais vous apporter des précisions sur certains d’entre eux.
Tout d’abord, le Gouvernement a souhaité encourager les propriétaires à louer, en aidant ceux qui en ont besoin à réaliser des travaux. La loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion renforce les aides qui permettent de remettre en état les logements et incite les propriétaires à louer à des loyers maîtrisés.
La passation des conventions avec l’ANAH a été simplifiée pour faciliter le relogement.
Nous avons également porté la déduction fiscale des revenus locatifs de 45 % à 60 % des loyers, pour les propriétaires qui pratiquent des loyers « sociaux », et à 70 % pour ceux qui s’engagent dans l’intermédiation locative.
Par ailleurs, nous avons souhaité inciter les propriétaires, par la fiscalité, à remettre sur le marché des logements vacants. Deux taxes – vous les connaissez, car elles ont déjà été évoquées par d’autres orateurs – jouent ce rôle : la taxe sur le logement vacant, qui concerne près de 80 000 logements aujourd’hui, et la taxe d’habitation sur le logement vacant. Chaque commune qui le souhaite dispose donc d’un outil de lutte contre le logement vacant. Ces mesures ont d’ailleurs rencontré un succès certain : dans les communes où la taxe sur les logements vacants a été instituée, on a pu constater une baisse du taux de vacance plus importante que sur le reste du territoire.
Enfin, l’outil essentiel de lutte contre les vacances de logement est la garantie apportée aux propriétaires contre les risques locatifs. Nous avons mené une négociation avec les partenaires sociaux du 1 % logement et espérons pouvoir déployer cette garantie des risques locatifs, ou GRL, dans le courant de l’année 2010.
Toutes ces mesures résultent essentiellement de l’adoption de la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, votée voilà huit mois, qui a renforcé nos outils de lutte contre le logement vacant. Le Gouvernement travaille encore aujourd’hui à l’élaboration des textes d’application de cette loi : je souhaite donc mener à leur terme ces différents chantiers et améliorer les dispositifs existants, avant d’imaginer de nouveaux dispositifs législatifs.
Quand au droit de préemption urbain, que vous avez évoqué, cet outil essentiel est mis à la disposition des maires. Ce droit sera renforcé et simplifié dans le cadre d’une proposition de loi plus globale, déposée par le député Jean-Luc Warsmann, qui sera examinée dès la semaine prochaine par la commission des lois de l’Assemblée nationale. On peut donc, me semble-t-il, attendre les deux ou trois mois nécessaires au fonctionnement de la navette parlementaire pour déposer des amendements.
Je voudrais évoquer les actions que nous menons de façon plus générale, notamment en matière de droit au logement opposable.
Nous avons plusieurs impératifs en la matière.
Tout d’abord, nous devons développer une information beaucoup plus large pour saisir toutes les situations qui le méritent.
Par ailleurs, nous ne devons pas nous contenter des taux de relogement que nous obtenons aujourd’hui, notamment en Île-de-France, où, vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, ce taux est à peine de 25 %.
Nous disposons aujourd’hui de tous les outils pour répondre à cette équation et pour remplir l’obligation que nous nous sommes imposée à nous-mêmes en créant le droit au logement opposable.
Le premier outil à notre disposition est le contingent préfectoral. Je ne vais pas vous redonner tous les chiffres de façon précise. Néanmoins, si je me borne à l’Île-de-France, ce contingent préfectoral, qui est censé être de 30 % du parc locatif social,…
M. Jean-Jacques Mirassou. Ce n’est pas assez !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. … atteint dans la réalité 12 % de ce parc. Si son utilisation effective passait de 12 % à 30 %, cela représenterait, pour cette seule région, 10 000 logements supplémentaires.
Une nouvelle loi n’est donc pas nécessaire. Il suffit d’appliquer les dispositions existantes : utilisons réellement le contingent préfectoral, et 10 000 logements nouveaux pourront être mis à contribution dans le cadre du droit au logement opposable !
La loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion nous a donné un autre outil : l’utilisation possible de 25 % du contingent d’Action logement, l’ancien 1 % logement des partenaires sociaux. Si nous mettons en place, à partir du 1er janvier prochain, ce nouveau droit de réservation au bénéfice des publics DALO, 5 000 logements supplémentaires pourront être utilisés pour des relogements.
Avec 10 000 logements par le contingent préfectoral et 5 000 logements par le contingent d’Action logement, nous arrivons à un total de 15 000 logements supplémentaires par an pour la seule région d’Île-de-France, en utilisant – j’insiste sur ce point – les seuls outils existants.
Je vous confirme d’ailleurs, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous nous donnerons tous les moyens pour mettre en place cette saine gestion du contingent préfectoral dans les semaines à venir.
Enfin, enjeu tout aussi important que le précédent, nous devons construire plus de logements sociaux. C’est ce qui nous permettra d’apporter une vraie réponse aux demandes actuelles de nos concitoyens, à la condition, bien évidemment, que nous construisions ces logements là où il le faut !