M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Dans l’exposé des motifs de cet amendement, il est écrit : « Les médecins du travail peuvent être appelés à solliciter l’avis d’un médecin spécialiste. » Ensuite, il est précisé : « Le présent amendement permet donc à un patient de consulter un médecin spécialiste sans une prescription du médecin traitant. » On donne le sentiment qu’il est permis de consulter directement un médecin spécialiste, ce que nous avons voulu éviter dans le parcours de soins.
Dans votre exposé, mon cher collègue, vous proposez que le médecin du travail puisse faire appel à un médecin spécialiste, qui renverra ensuite le patient vers le médecin traitant pour une éventuelle prescription. Ce n’est pas du tout conforme au parcours de soins que nous avons imaginé.
Cela renvoie également à la question de la formation et des compétences des médecins du travail. Il vaudrait mieux revoir la formation des médecins du travail pour qu’ils soient moins tentés de faire appel à un spécialiste. Sinon, votre proposition aura un caractère inflationniste en termes de dépenses : il faudra payer le médecin du travail, puis le médecin spécialiste, qui renverra vers le médecin traitant… Pour un même patient, ce sont trois ou quatre consultations qui vont peser sur le budget de la sécurité sociale.
C’est la raison pour laquelle nous ne sommes pas très favorables à votre amendement. On peut comprendre votre préoccupation, mais il vaudrait mieux la traiter d’une autre manière.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je partage tout à fait l’avis du rapporteur général. Chef d’orchestre du parcours de soins coordonnés, le médecin traitant joue un rôle fondamental en matière de qualité des soins. Il rencontre beaucoup plus régulièrement son patient qu’un médecin du travail. Sa parfaite connaissance des différents éléments du dossier médical du patient lui permet de l’orienter dans le système de santé.
Il est évidemment souhaitable que le médecin du travail se rapproche du médecin traitant si le recours à un médecin spécialiste se révèle nécessaire. Dans ce cas, le médecin traitant adressera son patient au médecin spécialiste et transmettra son avis au médecin du travail. C’est une démarche qu’il convient, me semble-t-il, de sanctuariser.
Sur un plan purement pratique, votre proposition serait très difficile à mettre en œuvre dans le cadre du système d’information. De surcroît, elle ne concernerait que des situations particulières peu nombreuses dans le cadre de la prise en charge par l’assurance maladie.
M. le président. Monsieur Godefroy, l'amendement n° 144 est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Godefroy. Oui, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 485, présenté par M. Milon, est ainsi libellé :
Après l'article 29, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le début du deuxième alinéa de l'article L. 162-12-21 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Ce contrat comporte des engagements collectifs à suivi paritaire. En cas de carence d'accord conventionnel, un contrat individuel peut être mis en place par les autorités compétentes et peut porter sur la prescription... (le reste sans changement). »
La parole est à M. Alain Milon.
M. Alain Milon. Le contrat d'amélioration des pratiques individuelles, le CAPI, est un outil de rémunération à la performance qui doit évoluer vers une meilleure prise en compte des intérêts de la profession de médecin généraliste.
Pour optimiser le dispositif d'amélioration des pratiques, il semble préférable qu'il soit défini sous forme d'un engagement collectif professionnel avec une gestion conventionnelle de la pédagogie, de l'accompagnement et de l'évaluation.
En tant que tel, le CAPI est, comme son nom l'indique, signé individuellement entre le directeur de la caisse et le médecin généraliste, et empêche les syndicats professionnels d'assurer leur rôle de protection juridique, de conseil et de promotion du dispositif contractuel.
Dans cette perspective, les CAPI doivent passer de l'individuel au collectif.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Le CAPI, qui a passé la barre des 12 000 signatures, a remporté un franc succès. On ne peut contester l’adhésion des professionnels de santé à cette démarche.
Lorsque cette disposition a été introduite dans la loi, j’avais auditionné, en tant que rapporteur, les syndicats de médecins. Ils étaient quasi unanimement opposés au CAPI, auquel ils préféraient un contrat type négocié avec la CNAM dans le cadre de négociations conventionnelles, ce contrat type étant ensuite appliqué individuellement à chaque professionnel de santé.
Le gouvernement à l’époque n’a pas retenu cette solution et nous l’avons suivi. Aucun élément nouveau ne me semble justifier un changement de direction.
À titre personnel, il ne me paraît toutefois pas exclu de parfaire le contrat dans le cadre des négociations conventionnelles. La contrepartie prévue dans le contrat signé entre le médecin et la CNAM pourrait très bien être renforcée. Attendons le résultat de l’évaluation des premiers CAPI, et nous pourrons peut-être envisager d’aller plus loin que ce qui est prévu aujourd'hui.
En attendant de connaître l’avis du Gouvernement, la commission s’en est remise à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je suis habituellement d’accord avec l’excellent Alain Milon, mais pas cette fois-ci.
Le CAPI a rencontré un franc succès, avec plus de 12 000 contrats signés, et ce contre l’avis des représentants de la profession – il faut avoir le courage de le dire –, qui ont même saisi la justice !
M. François Autain. Il faut le dire !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. On peut d'ailleurs relever l’opposition constante de certains syndicats représentatifs de médecins et le succès rencontré par la mesure, qui témoigne d’importantes évolutions au sein de la profession médicale et d’une aspiration accrue à d’autres modes d’exercice. Le succès des modes de rémunération alternatifs que j’ai initiés dans les précédents PLFSS illustre la volonté des praticiens d’exercer la médecine autrement, avec une approche en termes de prévention et d’appréhension populationnelle.
Faute d’avoir pu casser la dynamique des CAPI devant la justice, on essaie finalement de l’affadir.
Je pense que ce n’est pas la bonne méthode. La négociation conventionnelle est en fait un engagement de base. Elle engage l’ensemble de la profession avec les organismes d’assurance maladie, sous la bienveillante égide du Gouvernement.
Finalement, qu’est-ce que le CAPI ? C’est un contrat que signent, s’ils le souhaitent, des professionnels qui acceptent d’aller au-delà des engagements de base. Je souhaite évidemment pouvoir conserver cette formule : un engagement global pour tout le monde et des rémunérations supplémentaires pour les médecins qui en font plus.
Je ne souhaite pas que le CAPI soit détourné dans le but de sortir marginalement des négociations menées sur la rémunération des médecins. Il n’est pas question de contourner la négociation conventionnelle par le biais d’un CAPI généralisé qui, dans ce cas, n’aurait plus de sens.
D’un côté, il y a les engagements de base, la négociation conventionnelle, la négociation du C et, de l’autre, des médecins qui acceptent d’en faire plus et qui reçoivent en contrepartie de leur engagement une juste rémunération. Tel est le sens du CAPI.
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, pour explication de vote.
M. Bernard Cazeau. M. Milon a une réaction de militant syndical.
M. Alain Milon. Non, une réaction de médecin !
M. Bernard Cazeau. On peut être un bon syndicaliste, monsieur Milon, même lorsqu’on est dans votre camp politique.
Les CAPI sont une bonne chose.
M. François Autain. Voilà !
M. Bernard Cazeau. Nous avons bien fait de résister à certains syndicats qui veulent tout régenter et qui n’admettent pas d’évoluer, car c’est d’évolution des mentalités qu’il s’agit. Certains syndicats sont en effet tenus par des personnes de mon âge qui pratiquent les méthodes anciennes et qui n’ont pas su évoluer, ce qui est dommage. Une fois n’est pas coutume, je me résous tout à fait aux CAPI, qui sont une très bonne chose.
Je ne voterai donc pas l’amendement de M. Milon.
M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.
M. François Autain. Nous sommes globalement d’accord avec l’analyse de Mme la ministre, c’est pourquoi nous ne soutiendrons pas l’amendement de M. Milon.
Si le CAPI a autant de succès, c’est sans doute parce qu’il a été instauré hors des organisations syndicales, mais également parce qu’il est la conséquence indirecte du blocage des honoraires de la part du Gouvernement (Mme la ministre fait un signe de dénégation.).
D’un côté, vous refusez d’augmenter le C, madame la ministre, de l’autre, vous ouvrez une porte avec les CAPI. Un grand nombre de médecins s’y engouffrent parce que cela leur permet d’améliorer leurs ressources annuelles, d’autant plus que les engagements que vous avez fixés ne sont pas très éloignés de ceux qu’ils atteignent dans leur pratique courante. Tous les médecins qui ont signé un CAPI l’ont fait sans que cela entraîne de conséquences pour eux, leurs pratiques étant déjà conformes aux engagements que vous leur demandez de tenir. C’est une raison du succès de ces contrats, succès dont on ne peut que se féliciter. En outre, les objectifs fixés dans les CAPI peuvent être modifiés, ce dont nous discuterons plus loin.
Pour terminer, je dirai que les contrats d’amélioration des pratiques individuelles ressemblent étrangement à l’option référent que le Gouvernement de gauche avait mise en œuvre avec, je le reconnais, moins de succès.
M. François Autain. À l’époque, le Gouvernement était passé par le canal d’un syndicat. (Sourires.) Peut-être s’y est-il mal pris ? Vous avez peut-être eu raison, madame la ministre, de ne pas passer par les syndicats et la convention. La convention, on le voit bien, est un système moribond. Il faudra sans doute modifier radicalement les rapports entre la sécurité sociale et les médecins.
En tout cas, les CAPI me paraissent tout à fait positifs. Il n’y a aucune raison pour le moment d’en modifier les structures et le fonctionnement.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Il n’y a pas de refus de ma part d’augmenter la rémunération des médecins.
M. François Autain. Ils ne sont pas rémunérés 23 euros !
M. François Autain. Non !
M. François Autain. Ce n’est pas encore le cas !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Simplement, en contrepartie de cette augmentation – c’est normal et ce n’est pas vous qui allez me le reprocher –, j’ai demandé aux médecins de prendre des engagements…
M. Guy Fischer. Quand le C va-t-il passer à 23 euros ? À la veille des régionales ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Laissez-moi parler, je vous en prie !
J’ai demandé aux médecins, disais-je de prendre des engagements formels en matière de démographie médicale et d’encadrement des dépassements d’honoraires. Pour le moment, je ne peux malheureusement que constater que la demande que j’ai exprimée de façon formelle n’a pas abouti. Dont acte.
M. François Autain. Mais les généralistes ne pratiquent pas de dépassements d’honoraires !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Permettez-moi maintenant de lancer une invitation, qui s’adresse également à vous, monsieur le président : je serai très heureuse de recevoir à déjeuner au restaurant du Sénat l’ensemble des sénatrices et des sénateurs qui voudront bien se joindre à moi.
M. Guy Fischer. Nous ne mangeons pas de ce pain-là ! (Sourires.)
M. Alain Milon. Moi, j’accepte volontiers, madame la ministre !
La discussion que nous venons d’avoir sur le CAPI me rappelle un peu celle que nous avons eue hier sur le droit à l’image collective, le DIC. On nous a dit que, si le DIC semblait être une bonne idée à l’origine, il s’était révélé en être une mauvaise à l’usage. Il a donc été décidé de mettre fin à ce dispositif, car seuls les imbéciles ne changent pas d’avis.
De la même façon, les syndicats étaient clairement contre le CAPI au départ, qu’ils considéraient comme une mauvaise chose. Puis ils se sont aperçus que c’était finalement une bonne idée ! Les syndicats n’étant pas eux non plus des imbéciles, ils ont changé d’avis.
M. François Autain. Et voilà !
M. Alain Milon. Ils souhaitent aujourd'hui être inclus dans la discussion.
Je comprends bien les objections de Mme la ministre, je comprends mieux le fait que M. le rapporteur général s’en remette à la sagesse de la Haute Assemblée sur mon amendement. Néanmoins, je le maintiens. Je m’inclinerai s’il n’est pas adopté.
M. le président. L'amendement n° 472, présenté par MM. Milon et Houpert et Mmes Sittler et Panis, est ainsi libellé :
Après l'article 29, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 332-1 du code de la sécurité sociale, le mot : « deux » est remplacé, trois fois, par le mot : « trois ».
La parole est à M. Alain Milon.
M. Alain Milon. Les assurés et leurs ayants-droit, mais également les professionnels et les établissements de santé du fait du tiers-payant, disposent d'un délai légal de deux années à compter du premier jour du trimestre suivant les prestations pour obtenir le règlement auprès d'une caisse d'assurance maladie des prestations facturées aux assurés sociaux.
Compte tenu de la complexité croissante des facturations et des évolutions importantes du fait de la mise en place de la tarification à l'activité ou des changements informatiques intervenus dans les chaînes de liquidation, il serait nécessaire de porter ce délai à trois années.
Une telle mesure serait équitable dans la mesure où les caisses d'assurance maladie bénéficient d'une prescription triennale pour la récupération des sommes indûment versées.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Il s’agit d’un amendement de coordination avec d’autres dispositions. La commission émet donc un avis favorable.
M. Alain Milon. Enfin !
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Il ne faut jamais désespérer, monsieur Milon ! (Sourires.)
Le délai supplémentaire que vous demandez, monsieur Milon, prouve que la simplification administrative n’a pas encore gagné l’ensemble des organismes d’État !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je ne partage pas cet avis.
Avec la télétransmission des feuilles de soins, je ne vois pas l’intérêt pour les assurés de porter à trente-six mois le délai de présentation d’une feuille de soins. Leurs demandes de remboursement sont en effet immédiatement transmises aux caisses et ils sont remboursés en sept jours.
Quant aux établissements et aux professionnels qui pratiquent le tiers payant, est-il vraiment raisonnable de leur donner plus de deux ans pour présenter une facture ?
Je signale que, à ce jour, vingt-quatre mois après la sortie du patient, 99,94 % des montants facturés dans les cliniques privées sont correctement liquidés. Augmenter le délai, ce n’est vraiment pas inciter les établissements à avoir une bonne gestion !
Par ailleurs, je vous signale également qu’une telle mesure aurait un coût pour l’assurance maladie. Elle devrait provisionner chaque année les factures ou les feuilles de soin qui sont actuellement prescrites parce qu’elles lui sont envoyées trop tardivement.
En outre, je ne peux vous rejoindre quand vous dites que ce dispositif serait équitable dans la mesure où les caisses d’assurance maladie bénéficient d’une prescription triennale pour la récupération des sommes indûment versées. En effet, si l’assurance maladie dispose d’un délai allongé à trois ans pour récupérer des sommes indûment versées, c’est totalement justifié. C’est parce qu’elle a besoin de temps, on le comprend bien, pour effectuer des contrôles approfondis. Il s’agit d’une disposition de bonne gestion. Le parallélisme des formes ne peut donc pas être invoqué en la circonstance : d’un côté, nous avons la récupération d’un dû, de l’autre, la présentation d’une facture tout à fait classique. Cet argument ne peut servir à justifier l’augmentation du délai laissé aux assurés et aux établissements pour présenter leurs feuilles de soin.
De grâce, mesdames, messieurs les sénateurs, dans un souci de bonne gestion, maintenez ce délai à deux ans, ce qui est déjà beaucoup. Les faits montrent que les établissements respectent ce délai sans aucune difficulté. Ne semez pas le trouble dans cette affaire !
M. le président. L'amendement n° 147, présenté par M. Le Menn, Mmes Le Texier et Jarraud-Vergnolle, MM. Cazeau, Daudigny et Desessard, Mmes Demontès, Campion, Alquier, Printz, Chevé et Schillinger, MM. Jeannerot, Godefroy, S. Larcher et Gillot, Mmes San Vicente-Baudrin et Ghali, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 29, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le mot : « dépassent », la fin du deuxième alinéa de l'article L. 1111-3 du code de la santé publique est ainsi rédigée : « le tarif opposable. ».
La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Les dépassements d’honoraires sont un véritable problème, comme vous l’avez dit tout à l’heure, madame la ministre.
Cet amendement vise à rendre les tarifs encore plus clairs et transparents pour les assurés.
L’information préalable est aujourd’hui obligatoire au-delà de 70 euros, mais nous souhaitons la disparition de ce seuil afin que le patient soit informé très clairement du coût des actes, du montant et de la nature du dépassement facturé dès qu’il y a dépassement du tarif opposable. Cela me semble être un principe sain. Une telle mesure sera vraisemblablement un peu compliquée à mettre en œuvre, mais elle évitera à des patients d’être surpris après coup par le montant qu’ils ont à payer.
Le plus simple est de considérer qu’il y a un tarif opposable et que dès lors qu’il est dépassé, il y a une contrainte à laquelle le médecin ou le médecin spécialiste ne peut se soustraire.
Une telle transparence serait bénéfique pour tout le monde.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. La commission émet un avis défavorable. Nous avons longuement évoqué cette question lors de l’examen de la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires. Nous avons alors échangé nos points de vue et nous ne pensons pas que des éléments nouveaux puissent nous conduire à émettre un avis différent.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Le seuil de 70 euros est un juste compromis. Je rappelle, parce qu’il y a souvent une confusion à ce sujet, qu’il s’agit là non pas du montant du dépassement, mais du montant de l’acte, y compris le dépassement. Il s’agit déjà d’un seuil bas. Je rappelle que nous avions évoqué au départ un seuil de 100 euros. Peut-être cela rappellera-t-il des souvenirs à certains d’entre vous ? J’ai volontiers abaissé ce seuil à 70 euros, mais nous ne devons pas en arriver à une gestion paperassière de cette affaire. Une trop grande partie du temps médical est déjà consacrée à des travaux administratifs. N’en rajoutons pas trop !
Telles sont les raisons pour lesquelles je vous propose de maintenir ce seuil à 70 euros.
M. le président. L'amendement n° 149, présenté par M. Le Menn, Mmes Le Texier et Jarraud-Vergnolle, MM. Cazeau, Daudigny et Desessard, Mmes Demontès, Campion, Alquier, Printz, Chevé et Schillinger, MM. Jeannerot, Godefroy, S. Larcher et Gillot, Mmes San Vicente-Baudrin et Ghali, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 29, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l'article L. 6122-5 du code de la santé publique est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Les praticiens libéraux utilisant des équipements ainsi soumis à autorisation doivent s'engager à réaliser 70 % de leur activité en secteur conventionné de niveau 1. ».
La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Cet amendement vise à garantir l’existence d’un filet de sécurité pour l’accès aux soins.
La loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dans son article 1er, impose aux cliniques privées de pratiquer des tarifs de secteur 1 lorsqu’elles exercent une mission de service public ou en cas d’urgence. Ce qui est le minimum au vu de la politique de démantèlement de l’hôpital public qui est menée actuellement.
Les procédures d’autorisation d’équipements lourds visent à réguler et évaluer leur installation sur le territoire, afin de permettre une réelle accessibilité aux soins.
Or le niveau de tarification des actes conduit souvent à des reports, voire à des impossibilités de soins.
Il convient, dès lors, de mieux réguler l’accès à ces équipements en prévoyant une contrepartie de la part de l’opérateur autorisé, en lui demandant de s’engager à réaliser 70 % de ses actes en secteur 1.
Cette mesure, qui aurait valeur de signal en matière d’accès aux soins, semble d’autant plus juste qu’elle concerne des équipements obtenus grâce à l’accord des pouvoirs publics et en grande partie solvabilisés par le biais de fonds publics.
Ces équipements sont aujourd’hui utilisés par des professionnels de santé qui, percevant des revenus les plus importants de ce secteur, sont en mesure d’assurer, en quelque sorte, un rôle social, d’autant que, détenteurs d’une autorisation délivrée au titre de la carte sanitaire, ils sont parfois en situation de monopole dans leur territoire de santé.
Le secteur optionnel dont la création est annoncée n’étant pas une réponse à la maîtrise d’un accès aux soins à des tarifs opposables, il convient d’y remédier en partie par cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Encore une fois, il s’agit d’un sujet qui a été largement débattu pendant l’examen du projet de loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires ; je parle sous le contrôle de mon collègue Alain Milon et de Mme la ministre.
Nous n’avons pas considéré qu’il y avait lieu d’évoluer sur des dispositions adoptées antérieurement. Attendons d’ailleurs de voir comment le texte sur l’hôpital va s’appliquer.
Il ne nous apparaît pas judicieux, dès l’examen du premier projet de loi de financement de la sécurité sociale suivant la loi de 2009, d’adopter une disposition que nous avons déjà rejetée.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je souhaite apporter des éléments à Mme Jarraud-Vergnolle, afin qu’elle soit totalement rassurée.
Les praticiens qui utilisent les équipements lourds en question sont principalement des radiologues. Or 88 % des radiologues sont en secteur 1 et ils pratiquent 100 % de leur activité à tarif opposable. Ces médecins, qui sont les mieux rémunérés, ne pratiquent aucun dépassement d’honoraires.
Par conséquent, madame la sénatrice, votre demande est déjà satisfaite et votre amendement est totalement inutile. Au demeurant, le dispositif que vous proposez d’instituer soulèverait d’autres problèmes.
M. le président. L'amendement n° 303, présenté par M. Autain, Mme David, M. Fischer, Mmes Pasquet, Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'article 29, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 44 de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007 de financement de la sécurité sociale pour 2008 est ainsi modifié :
1°Après le premier alinéa du I, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Ces expérimentations peuvent être relatives à la prévention et au suivi des maladies chroniques. Dans ce cas, la rémunération forfaitaire se substitue au paiement à l'acte. »
2° Le même I est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Un comité de pilotage national, dont la composition est fixée par arrêté, est chargé d'élaborer un rapport d'évaluation des expérimentations portant sur la prévention et le suivi des maladies chroniques.
« Ce rapport, transmis au Parlement avant le 1er octobre de chaque année, analyse notamment la possibilité de généraliser le mode de rémunération forfaitaire pour la prise en charge des maladies chroniques dans les dispositifs conventionnels des professions concernées. »
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. À l’occasion de l’examen par notre assemblée du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, nous avons adopté un amendement autorisant la dérogation au paiement à l’acte et autorisant que l’on mène des expérimentations, pour une période n’excédant pas cinq ans, visant à compléter le paiement à l’acte ou à s’y substituer.
Cette proposition est la bienvenue, puisque le système de rémunération de paiement à l’acte arrive à bout de souffle. Beaucoup de voix se font entendre en ce sens. Dans de très nombreux pays européens, ce système a été remplacé par d’autres, et les jeunes médecins sont de plus en plus nombreux à se déclarer favorables à la rémunération au forfait. Cette rémunération nous semble par ailleurs être de bonne gestion, dans la mesure où la rémunération du professionnel n’est plus assise sur le nombre des patients qu’il rencontre.
Ce qui est vrai de manière générale l’est encore plus lorsqu’il s’agit de la rémunération pour la prise en charge des patients en affections longue durée. Nous le savons, ces affections concentrent plus de 60 % des dépenses de l’assurance maladie et il est communément admis que le paiement à l’acte n’est pas adapté à la prise en charge de ces patients. C’est la raison pour laquelle nous proposons d’expérimenter, pour ces patients, un mode de financement différent.
Notre amendement vous invite, madame la ministre, à expérimenter ce mode de rémunération forfaitaire et à en tirer toutes les conséquences pour la suite par le biais d’un rapport. Il sera toujours temps, à l’issue de ce délai, d’observer ensuite les conséquences sur les comptes sociaux de cette expérimentation. Nous pourrions alors décider, en pleine connaissance de cause, la poursuite de cette expérimentation ou son abandon.