M. Guy Fischer. Je me suis déjà exprimé sur le fond de cet amendement.
Nous considérons que les retraites « chapeau » doivent être assujetties à l’ensemble des cotisations sociales, au même titre que les autres retraites, dont le montant a tendance à diminuer. Je ne parlerai pas des jeunes générations qui sont entrées sur le marché du travail tardivement ou qui ont été touchées par le chômage. Un débat sur les retraites aura lieu l’an prochain. Le Gouvernement va vouloir faire travailler les salariés plus longtemps et reculer l’âge légal de la retraite : on a voté la possibilité de travailler jusqu’à soixante-dix ans. Il va aussi vouloir « écraser » les retraites, c'est-à-dire réaliser des économies sur les pensions qui, légitimement, devraient revenir aux retraités, qui ont consacré leur vie au travail.
Dans ce contexte, les propositions qui nous sont soumises sur les retraites « chapeau » paraissent indécentes.
M. le président. L'amendement n° 274, présenté par MM. Fischer et Autain, Mmes Pasquet, David, Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer le pourcentage :
16 %
par les mots :
- « 20 % », lorsque le montant est inférieur à 50 000 € ;
- « 50 % », lorsque le montant est compris entre 50 000 € et 100 000 € ;
- et « 75 % », lorsque le montant est supérieur à 100 000 €.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Par cet amendement, les sénatrices et sénateurs du groupe CRC-SPG entendent donner corps aux déclarations du Premier ministre et rendre dissuasive l’attribution des parachutes dorés que sont les retraites « chapeau », mécanisme dangereux, scandaleux et indécent comparé à la politique salariale conduite par les entreprises qui les pratiquent. La grande distribution, notamment, verse des retraites « chapeau » alors que les conditions de travail dans ce secteur ne sont pas bonnes : il y a de quoi être en colère !
Convaincus que ce régime de retraite n’est pas acceptable, nous proposerons sa suppression, notamment en 2010, lorsqu’il sera temps de faire des contre-propositions à votre anti-réforme des retraites. Mais, pour l’heure, il nous semble urgent de le limiter.
Tel est le sens de l’amendement n° 274, qui vise à créer une taxation progressive et dissuasive des retraites « chapeau ». Nous suggérons de fixer le taux de cette taxation entre 12 % et 20 % lorsque le montant de ces retraites est inférieur à 50 000 euros, à 50 % dès lors que ces retraites sont comprises entre 50 000 euros et 100 000 euros, et à 75 % lorsqu’elles dépassent 100 000 euros.
Cette mesure progressive, à la charge de l’employeur, nous semble être la disposition adéquate pour faire cesser ces retraites qui sont autant de scandales.
Je ne reviendrai pas sur les chiffres cités par mon collègue Guy Fischer ; ils doivent nous inciter à réfléchir sur la moralité de ces régimes, qui pèsent sur les comptes sociaux.
Dans une circulaire, la direction de la sécurité sociale relate son analyse de la loi de 1979 qui, je le rappelle, avait exonéré de cotisations de sécurité sociale les contributions versées par l’employeur pour le financement de régimes complémentaires de retraite et de prévoyance. Elle précise que, dans ces régimes de retraite, les primes versées par l’employeur sont entièrement exonérées non seulement de cotisations de sécurité sociale, mais aussi de CSG et de CRDS. On peut pour le moins parler de régimes spéciaux, auxquels le Gouvernement n’a pourtant pas décidé de s’attaquer ! Ces primes sont simplement assujetties au paiement d’une contribution de 6 % à 12 % affectée au Fonds de solidarité vieillesse.
L’amendement n° 274 vise à mettre en place une mesure de justice sociale. C’est pourquoi nous vous invitons à l’adopter.
M. le président. L'amendement n° 275, présenté par MM. Fischer et Autain, Mmes Pasquet, David, Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer le pourcentage :
24 %
par les mots :
- 20 %, lorsque le montant est inférieur à 50 000 € ;
- à 50 %, lorsque le montant est compris entre 50 000 € et 100 000 € ;
- et à 75 %, lorsque le montant est supérieur à 100 000 €.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Avec cet amendement, dont les dispositions se situent dans le prolongement de nos propositions précédentes, nous continuons à faire preuve d’imagination.
Des experts ici présents nous diront si l’on peut parler de « parachutes dorés » à propos des retraites « chapeau ». En effet, lorsqu’ils prennent la tête d’une multinationale, les grands patrons négocient souvent des rémunérations exceptionnelles, qui peuvent atteindre plusieurs millions d'euros. Et il en est de même lorsqu’ils quittent l’entreprise. Tout est prévu dans les contrats initiaux !
Or il ne nous paraît pas admissible aujourd'hui que ces sommes faramineuses ne soient pas soumises au droit commun et bénéficient d’une taxation particulière, au motif que les assujettir à l’ensemble des cotisations sociales risquerait – c’est l’argument massue ! – de faire fuir les dirigeants de nos entreprises vers des cieux fiscalement plus bleus ; je pense ainsi à M. Zacharias, qui est parti pour la Suisse, ou à certains membres de la famille Mulliez, qui se sont installés en Belgique.
Chers collègues de la majorité, à l’heure où le Gouvernement vient de lancer un grand débat sur l’identité nationale, l’entendre avouer qu’il faut édicter des règles sur mesure afin de garder en France les plus riches de nos concitoyens ne manque pas de sel !
Toutefois, ces retraites « chapeau » nous semblent aussi injustes socialement, car ces régimes spéciaux, en raison de leur taxation particulière, ne contribuent que partiellement au Fonds de solidarité vieillesse, qui est chargé d’assurer une retraite à nos concitoyens les plus fragiles, notamment ceux qui sont victimes de la crise !
En 2008, les contributions des retraites « chapeau » versées au FSV n’ont représenté que 29 millions d’euros, soit une somme extrêmement faible. Avec l’adoption du présent article, elles ne rapporteront, tout au plus, que 60 millions d’euros, une goutte d’eau face aux besoins du fonds !
L’un des problèmes qui se posent à nous est de trouver le moyen de faire contribuer davantage les retraites « chapeau » à la réduction du déficit du FSV.
M. le président. Les amendements nos 75 et 276 sont identiques.
L'amendement n° 75 est présenté par M. Cazeau, Mmes Le Texier et Jarraud-Vergnolle, MM. Daudigny et Desessard, Mmes Demontès, Campion, Alquier, Printz, Chevé et Schillinger, MM. Le Menn, Jeannerot, Godefroy, S. Larcher et Gillot, Mmes San Vicente-Baudrin et Ghali, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 276 est présenté par MM. Fischer et Autain, Mmes Pasquet, David, Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
... ° Le IV est abrogé ;
La parole est à M. Bernard Cazeau, pour présenter l’amendement n° 75.
M. Bernard Cazeau. Cet amendement vise à supprimer l'exonération de CSG et de cotisations sociales prévue pour les contributions des employeurs au financement des régimes de retraite « chapeau ». Ceux-ci, en effet, qui sont réservés à quelques personnes parmi les plus favorisées, sont financés par les entreprises et bénéficient d’un dispositif social et fiscal très avantageux.
Je ne reprendrai pas les arguments qui ont été développés par mes collègues ou moi-même quand nous avons pris la parole sur l’article 14 pour justifier ce type d’amendements.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 276.
Mme Annie David. Mes chers collègues, vous l’aurez compris, nous ne pouvons que combattre ces retraites « chapeau » : de notre point de vue, elles sont contraires à la logique qui a inspiré jusqu’à aujourd’hui notre modèle social, ce fameux « pacte social » sur lequel le président Gérard Larcher veut organiser un grand débat au Sénat, le 26 novembre prochain.
Par ailleurs, il est choquant que des règles particulières soient aménagées pour des tranches privilégiées de la population, au détriment des populations les plus fragiles ; je vous renvoie sur ce point aux propos de M. Fischer sur le FSV.
Avouez tout de même qu’il y a de quoi être choqué de voir les plus riches dicter la règle fiscale qu’ils veulent se voir imposer, alors que, dans le même temps, le Gouvernement fait tout pour réduire les droits des salariés, parfois en prenant prétexte de mesures d’égalité ! Je pense notamment, vous l’aurez compris, à la suppression de la majoration de durée d’assurance pour les femmes de notre pays. J'espère d'ailleurs, madame la ministre, que vous serez présente quand nous examinerons l’article du projet de loi relatif à cette question, car il sera intéressant d’en débattre.
Voilà quelques mois, le patronat et le Gouvernement s’étaient engagés à moraliser les rémunérations complémentaires et les retraites dorées des dirigeants des entreprises françaises, ce qui avait donné lieu, vous vous en souvenez sans doute, à l’élaboration d’une charte de bonne conduite.
J’avais alors exprimé le scepticisme de mon groupe quant à ce document. Malheureusement, les faits nous donnent raison : d’après une enquête, 80 % des 120 plus grandes sociétés qui constituent l’indice boursier SBF 120 « ne sont pas conformes » aux recommandations de l’AFEP, l’association française des entreprises privées, et du Medef, qui ont été adoptées en octobre 2008 à la demande du Gouvernement.
Toujours selon cette étude, « 79 % des dirigeants des grandes sociétés françaises bénéficient de telles indemnités de départ soit au titre de leur mandat social, soit au titre d’un contrat de travail […] ». Pour un tiers des dirigeants, ces gratifications se superposent, et, du fait de ce cumul, 27 % des patrons du SBF 120 – soit près d’un sur trois –, se sont fait attribuer des « parachutes dorés » dépassant le plafond préconisé par cette fameuse charte.
Il y a peu de temps, en mars dernier, le Président de la République déclarait : « Il ne doit plus y avoir de parachutes dorés. Il ne doit plus y avoir de bonus, de distribution d’actions gratuites ou de stock-options dans une entreprise qui reçoit une aide de l’État, qui met en œuvre un plan social d’ampleur ou qui recourt massivement au chômage partiel ».
Mme Nathalie Goulet. C’est mal parti !
M. Guy Fischer. C’est du vent ! De la communication !
Mme Annie David. Madame la ministre, je regrette que votre majorité n’ait pas profité de cette occasion pour revenir sur la première aide de l’État accordée aux entreprises, c'est-à-dire, vous l’aurez compris, sur les exonérations de CSG et de CRDS dont bénéficient ces régimes.
De la même manière, je constate que le présent article 14 n’intègre aucune des mesures envisagées par le Président de la République lui-même.
Notre amendement, qui vise donc à assujettir ces retraites « chapeau » à l’ensemble des cotisations sociales, CSG et CRDS comprises, nous semble constituer une réponse mesurée et attendue.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. le président. Les amendements nos 3 et 49 sont identiques.
L'amendement n° 3 est présenté par M. Vasselle, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement n° 49 est présenté par M. Jégou, au nom de la commission des finances.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. - Après l'alinéa 6
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
I bis. - Après le douzième alinéa de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Sont aussi prises en compte, pour la part patronale, les rentes versées conformément aux dispositions de l'article L. 137-11, ou pour les salariés du secteur agricole, à l'article L. 741-10 du code rural, lorsque le montant de ces rentes est supérieur à huit fois le plafond annuel défini par l'article L. 241-3 du présent code. »
II. – Alinéa 7, première phrase
Rédiger ainsi le début de cette phrase :
Le 1° du I et le I bis sont applicables aux rentes...
La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l’amendement n° 3.
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. L’architecture du dispositif régissant les retraites « chapeau » n’est ni simple ni limpide, c’est le moins que l’on puisse dire !
Le Gouvernement a tenté de moraliser quelque peu ce régime en doublant les taxations. Au travers de la série des amendements qui viennent de nous être présentés, certains de nos collègues, tels M. About, proposent des solutions plus radicales, tandis que d’autres visent à aménager ou à amplifier le dispositif en vigueur.
Nous sommes tous d'accord, me semble-t-il, sur l’ensemble des travées, pour considérer qu’il faut exiger une contribution plus importante de la part de celles et ceux qui bénéficient du privilège de ces retraites « chapeau », lesquelles ne concernent pas le commun des mortels.
Comme la commission des finances, qui présente un amendement identique, nous proposons d’instituer un plafond à l'exonération complète de charges sociales dont bénéficient les rentes versées au titre des retraites « chapeau ». Ce seuil serait égal à huit fois le plafond annuel de la sécurité sociale. Au-delà, le paiement des cotisations sociales serait dû, au taux plein.
Pourquoi avoir introduit un tel plafond ? Parce que celui-ci existe déjà pour les retraites supplémentaires. Il s'agit en effet d’aller plus loin dans la remise en cause du caractère largement dérogatoire du dispositif des retraites « chapeau ». Nous proposons donc, comme pour le droit commun des retraites supplémentaires, d’instituer un mécanisme de plafonnement pour l’exonération des cotisations sociales, en soumettant les rentes versées à la part patronale des cotisations.
Tel est l'objet de cet amendement.
J’entends bien que ces propositions compliquent quelque peu le dispositif qui a été imaginé et arrêté par le Gouvernement. D'ailleurs, si ces amendements identiques étaient adoptés, il serait souhaitable, me semble-t-il, de mettre à profit le délai nous séparant de la réunion de la commission mixte paritaire pour affiner ce dispositif, car il n’est pas évident, pour ceux qui n’ont pas été initiés à ces questions, de bien comprendre comment ces mécanismes fonctionnent.
Peut-être notre collègue Jean-Jacques Jégou, ainsi que le Gouvernement, bien entendu, pourront-ils nous donner un éclairage supplémentaire sur un dispositif relativement complexe ?
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. En effet, mes chers collègues, il n’est pas facile de régler le problème des retraites « chapeau », sauf à considérer purement et simplement que celles-ci devraient être soumises aux cotisations sociales que paient tous ceux qui bénéficient des retraites.
M. François Autain. Appliquons-leur le droit commun !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 49.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis de la commission des finances. Madame la ministre, il s'agit là d’un amendement très important, compte tenu de la situation que nous vivons aujourd'hui.
Les retraites « chapeau » avaient résisté, en quelque sorte, à la réforme Fillon de 2003. Cet amendement a pour objet de mettre fin à l’exonération totale dont bénéficient les employeurs lorsqu’ils contribuent à des régimes de retraite « chapeau », c'est-à-dire relevant de l’article L. 137-11 du code de la sécurité sociale.
Il s'agit de régimes de retraite supplémentaires, à prestations définies : l’employeur, seul contributeur, s’engage sur un montant donné de prestations, dont le versement est conditionné à l’achèvement de la carrière du bénéficiaire dans l’entreprise.
Il existe donc un aléa quant au versement des rentes, et ce point est parfois important : si le salarié n’achève pas sa carrière dans l’entreprise, il ne perçoit pas de retraite supplémentaire, car le financement de celle-ci par l’employeur n’est pas individualisable.
En fait, chaque année, l’employeur provisionne directement, si le régime est géré en interne, ou verse des primes à un organisme tiers, si ce dernier gère le système pour le compte de la société, en fonction du montant des rentes qui sont versées ou qui devront l’être dans l’avenir si toutes les personnes achèvent leur carrière dans l’entreprise.
En raison de cet aléa sur le versement des primes et de la non-individualisation du financement des employeurs, les contributions de ces derniers sont exonérées sans limite de cotisations sociales, de CSG et de CRDS.
Toutefois, la loi sur les retraites de 2003 a mis en place une contribution spécifique, que l’employeur peut acquitter de deux manières, au choix, puisqu’elle peut être assise soit sur les rentes, au taux de 6 %, soit sur les primes et dotations versées par l’employeur à un fonds de financement, à un taux compris entre 8 et 12 %. Cette contribution, qui rapporte 25 millions d'euros, devrait voir son rendement doubler ; c’est ce que propose le Gouvernement dans le PLFSS pour 2010.
Mes chers collègues, je vous propose d’aller plus loin, en soumettant aux cotisations sociales patronales les rentes – ce point est essentiel et fonde, à mon avis, la pertinence de cet amendement –, dès lors que celles-ci sont supérieures à huit fois le plafond de la sécurité sociale.
Pourquoi voulons-nous prendre comme assiette les rentes ? Pour les arguments que je viens d’énoncer : il est impossible d’individualiser les contributions des employeurs et il existe un aléa sur le versement des rentes.
Pour quelle raison entendons-nous limiter cette contribution à huit fois le plafond de la sécurité sociale ? Ce seuil peut être discuté ; ce qui est important, c’est d’introduire un plafonnement et de mettre fin à une exonération totale de cotisations qui n’existe que sur ce régime particulier de retraite supplémentaire.
Mes chers collègues, pour illustrer mon propos, si cet amendement était adopté, le taux de cotisation applicable aux retraites « chapeau » serait le suivant : 46,38 % de cotisations sociales – 30,38 % de cotisations sociales proprement dites et 16 % de contributions spécifiques – plus 6,6 % de CSG, plus 0,5 % de CRDS et 1 % de cotisation maladie, soit un total de 54,48 %, contre 24,1 % dans le dispositif proposé par le Gouvernement.
Mme Nathalie Goulet. C’est bien mieux !
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. À titre d’exemple, la dernière retraite « chapeau » qui a été versée – naturellement, je ne dévoilerai pas l’identité de celui qui l’a perçue ou qui la recevra incessamment ! –, s’élevait à 1,3 million d’euros.
Mme Nathalie Goulet. C’était M. Zacharias ?
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Avec le dispositif que je propose par cet amendement, le rendement serait, dans ce cas de figure, de 708 240 euros.
Enfin, avec une limitation égale à huit fois le plafond annuel de la sécurité sociale, qui s’élève actuellement à 34 308 euros, seraient concernées les retraites « chapeau » supérieures à 274 464 euros.
En outre, la mesure prévue par cet amendement est raisonnable, puisqu’elle cible des retraites « chapeau » assez peu distribuées et qui concernent les cadres supérieurs.
Madame la ministre, en guise de conclusion et pour emporter votre décision sur cet amendement, je vous citerai les propos du Premier ministre lui-même.
M. Guy Fischer. Ah !
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. « Le Gouvernement a l’intention d’imposer une fiscalité “confiscatoire” sur les retraites “chapeau”.
« Un projet de loi sera rédigé en ce sens et examiné par le Parlement lors du prochain débat budgétaire, à l’automne.
« La retraite “chapeau” est une sorte de retraite “surcomplémentaire” d’un montant élevé versée par une entreprise à ses anciens dirigeants et s’ajoutant aux allocations des régimes obligatoires.
« Je vous annonce que je vais proposer qu’on taxe de façon confiscatoire » ces retraites « chapeau ». Il faut « qu’il y ait une fiscalité extrêmement importante sur les retraites “chapeau” », un dispositif qui n’est « pas acceptable », a-t-il fait valoir.
À la question : pourquoi ne pas les interdire ?, le Premier ministre a répondu qu’il avait tenté de le faire dans le cadre de la réforme des retraites de 2003, qu’il a pilotée en tant que ministre des affaires sociales.
« Le Parlement ne m’avait pas suivi. Je pense qu’aujourd’hui la meilleure façon c’est de les taxer de façon à les rendre les moins attractives possible », a dit François Fillon.
M. Guy Fischer. Ce sont exactement les mêmes sources ! Nous avons les mêmes lectures !
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Pour toutes ces raisons, madame la ministre, je vous demande d’émettre un avis favorable sur cet amendement.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que la présentation d’un amendement ne doit pas excéder trois minutes.
M. Guy Fischer. Nous n’avons pas tellement dépassé ! (Sourires.)
M. le président. Madame la ministre, mes chers collègues, nous n’aurons certainement pas achevé l’examen de l'article 14 avant treize heures. Par conséquent, je vous propose d’entendre l’avis de la commission et celui du Gouvernement sur ces amendements en discussion commune. Puis, comme je m’y suis engagé, je donnerai la parole à Bernard Cazeau pour un fait personnel avant de suspendre la séance. (Assentiment.)
M. le président. Quel est donc l’avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Étant donné la complexité du dispositif, la commission des affaires sociales a décidé de s’en tenir à l’amendement qu’elle a déposé sur cet article et qui est identique à celui de la commission des finances, même si le rapporteur pour avis envisage de le rectifier, notamment sur la question du stock et du flux.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Cela dépendra de la réponse du Gouvernement !
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. De facto, elle demande le retrait de l’ensemble des autres amendements.
M. Guy Fischer. Jamais !
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
Pour autant, cela ne nous privera pas, en fonction de la position du Gouvernement sur les amendements identiques de la commission des affaires sociales et de la commission des finances, de faire évoluer la rédaction du dispositif proposé d’ici à la commission mixte paritaire, tout en restant dans l’esprit du souhait du Parlement en termes de taxation des retraites « chapeau » au titre des cotisations sociales.
Le doublement des taux spécifiques, que préconise le Gouvernement, est insuffisant ; dans la situation actuelle, nous ne pouvons nous en contenter.
L’introduction d’un plafond à l’exonération des cotisations sociales dont bénéficient les rentes versées au titre des retraites « chapeau » permettra d’instaurer une contribution supplémentaire pour les cadres qui perçoivent les rentes les plus élevées. Un tel dispositif n’a rien de choquant. M. Jégou a donné un exemple qui illustre parfaitement ce que souhaite le législateur.
Ce serait apporter un peu plus de morale et d’équité à un moment où la sécurité sociale connaît des déficits grandissants.
M. François Autain. Ah oui !
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ceux qui perçoivent ces rentes participeraient ainsi – non pas qu’ils aient démérité, il y a sans doute des éléments qui justifient ces rémunérations – au financement d’un système de protection sociale dont ils sont aussi les bénéficiaires, au profit de la solidarité nationale.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Tous ces amendements visent à modifier plusieurs points du système de contribution des retraites « chapeau » au financement de la sécurité sociale.
Ainsi, les amendements nos 109, 273, 275, ainsi que les amendements identiques nos 3 et 49 tendent à instaurer la progressivité de la contribution pour pénaliser davantage les retraites « chapeau » les plus élevées.
Les amendements nos 494, 273 et les amendements identiques nos 75 et 276 visent à assujettir les retraites « chapeau » aux cotisations et contributions de droit commun.
Enfin, l'amendement n° 109 a pour objet de supprimer la gestion en interne et de maintenir le seul système de contribution de l’employeur sur les rentes, et non pas d’appliquer le prélèvement au moment où l’employeur abonde le système de retraite « chapeau ».
Je rappelle tout d’abord que le Gouvernement s’est attaché à apporter une réponse beaucoup plus juste sur ces retraites « chapeau ».
M. Jean-Pierre Godefroy. Oui, les pièces jaunes !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Lorsque vous étiez au Gouvernement, il n’y avait même pas de pièces jaunes : il n’y avait rien ! (Mme Marie-Thérèse Hermange applaudit.)
Contrairement à une idée reçue, les retraites « chapeau » ne concernent pas que les très hauts dirigeants percevant de très hauts salaires : elles concernent des dizaines de milliers de cadres et près de mille entreprises.
Monsieur le rapporteur pour avis, les propos que vous avez cités sur la fiscalité confiscatoire visaient, en fait, la retraite de M. Bouton ; on peut dire le nom ! Cependant, il s’agissait non pas d’une retraite « chapeau », mais d’une retraite intuitu personæ, une sorte de salaire différé, dont toutes les cotisations sociales, qu’elles soient patronales ou salariales, ont été payées. Les retraites « chapeau », c’est autre chose !
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Je parlais des retraites « chapeau » !
M. François Autain. Donc, il n’y a pas d’abus pour M. Bouton ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Les abus qui sont commis nous choquent, me choquent. Néanmoins, je ne peux être favorable à ces amendements, et je vais vous expliquer pourquoi.
Monsieur le rapporteur général, monsieur le rapporteur pour avis, avec les amendements identiques nos 3 et 49, vous proposez d’assujettir aux cotisations de sécurité sociale les rentes versées au titre des retraites « chapeau » lorsqu’elles sont supérieures à 275 000 euros. En d’autres termes, en plus de la contribution de 16 % appliquée sur la part des rentes supérieures à 1 000 euros et de la CSG-CRDS sur les pensions de retraites – au taux de 7,1 % –, vous voulez ajouter 30 points de cotisations et contributions sociales à la charge de l’ex-employeur sur la part des rentes excédant 275 000 euros.
Votre mesure s’applique d’ailleurs aussi si l’employeur a payé sa contribution à l’entrée, c’est-à-dire sur les primes versées à l’assureur. Elle entrerait en vigueur pour les rentes versées à partir du 1er janvier 2010, donc pour l’ensemble des régimes existants.
Vous l’avez souligné, ce dispositif soulève des difficultés importantes de principe et de mise en œuvre.
Dans leur très grande majorité, les entreprises ont opté pour le prélèvement à l’entrée lors de la constitution des droits : cela représente aujourd’hui plus de 90 % des contributions versées et près des deux tiers des entreprises. Cela leur permet de ne plus payer de cotisations sur les rentes versées à des retraités qui n’ont plus de lien avec l’entreprise, et pour certains d’entre eux depuis très longtemps.
L’adoption de ces amendements identiques aboutirait à taxer deux fois les entreprises qui ont fait ce choix : lorsque les droits sont constitués, d’une part, lorsque ceux-ci ont été liquidés et que le salarié a pris sa retraite, d’autre part.
Cela reviendrait aussi à faire payer à l’entreprise des cotisations patronales sur des sommes versées à des retraités qui n’ont plus de lien avec l’entreprise depuis des années. En outre, la rente est versée dans la majorité des cas par un assureur. On ne peut pas faire payer à l’assureur les cotisations patronales, même pour le compte de l’employeur si cela n’a pas été prévu dans le contrat entre ce dernier et l’assureur.
Un amendement du député Yves Bur a prévu d’étudier les possibilités techniques d’une individualisation de la contribution versée à l’entrée. Le Gouvernement s’est engagé à remettre un rapport sur la question d’ici au 15 septembre 2010. Sans doute serait-il utile d’attendre ce rapport, car de nombreuses difficultés existent, vous avez eu l’honnêteté de le souligner.
J’en viens au paiement des cotisations et contributions de sécurité sociale de droit commun, prévu par les amendements nos 494 et 273 et les amendements identiques nos 75 et 276. Cela n’est pas possible, compte tenu de la spécificité du fonctionnement du système de retraites « chapeau ». En effet, celui-ci donne lieu à la constitution d’un fonds dans lequel les droits des salariés ne sont pas individualisés par bénéficiaire. C’est d’ailleurs précisément la raison pour laquelle la loi de 2003 a créé un prélèvement payable par l’entreprise sur le montant global des sommes qu’elle consacre au financement de ces régimes. Il n’y avait pas d’autres solutions, vous en conviendrez.
La taxation spécifique permet à ces sommes, malgré leur spécificité, de figurer parmi les éléments contribuant au financement de la solidarité nationale ; son principe est tout le contraire d’une exonération.
J’en viens à la suppression de la gestion en interne des régimes de retraites « chapeau », visée par l’amendement n° 109. C’est une très bonne idée ! Cela sécurise les salariés à l’égard desquels les engagements de retraite sont pris, ainsi que les entreprises elles-mêmes. Mieux vaut confier la gestion de ces régimes de retraite, comme nous l’avions prévu voilà quelques années s’agissant de la prévoyance, à des organismes dont c’est le cœur de métier.
Pour ces bonnes raisons, nous avons décidé, au moment du débat à l’Assemblée nationale, notamment en réponse aux amendements de M. Yves Bur, de supprimer, pour les régimes créés après le 1er janvier 2010, la possibilité de gestion en interne par les entreprises.
En revanche, s’agissant des régimes qui existent déjà, je pense qu’il faut laisser le temps aux entreprises de s’adapter dans de bonnes conditions à ce changement. Il importe d’expertiser comment ceux qui existent d’ores et déjà pourraient évoluer en ce sens. On ne peut pas mettre en faillite des entreprises qui n’auraient pas les actifs liquides suffisants pour externaliser leurs engagements de retraite.
C’est pourquoi, concernant les systèmes existants, nous avons prévu que ce sujet soit traité dans le cadre du rapport que j’ai déjà évoqué et que le Gouvernement remettra au Parlement avant le 15 septembre prochain. (Mme Annie David s’exclame.)
Par ailleurs, vous proposez de ne conserver qu’un seul système de prélèvement sur les rentes, et non pas de procéder à ce prélèvement au moment où se fait l’abondement de l’employeur au régime de retraite « chapeau ».
Cette proposition pose un problème important, car elle aboutit à taxer deux fois les entreprises qui avaient opté pour une taxation à l’entrée : elles ont été taxées lors de la constitution des droits ; elles le seront à nouveau sur les rentes versées à l’avenir, et ce pour les mêmes retraites. Par ailleurs, taxer l’employeur sur les rentes, c’est lui faire supporter ce prélèvement longtemps après le départ de ses salariés, ce qui s’apparente un peu à une gestion en interne que vous cherchez justement à supprimer. Il y a une incohérence entre ces deux dispositifs.
Pour conclure, je pense que nous sommes arrivés à un bon équilibre, avec le doublement des contributions actuelles des retraites « chapeau », la suppression de la gestion en interne pour les nouveaux régimes, l’engagement d’une meilleure information sur ces systèmes de retraite grâce au rapport voté sur proposition de M. Yves Bur à l’Assemblée nationale. Le Gouvernement souhaite en rester là.
Je vous demande donc le retrait de ces amendements. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.