M. Jean Arthuis. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer. Monsieur le ministre, sans verser ni dans la réponse de Normand – comment cela aurait-il été possible, d’ailleurs, puisque vous êtes Rhône-alpin ! (Sourires.) –, ni dans la langue de bois, votre propos très constructif, qui va dans le sens des souhaits du monde rural, m’a particulièrement plu. Je regrette, comme vous, le manque de civisme qui se manifeste parfois sur le plan local. En tout cas, je tiens à vous remercier de la qualité et de la richesse de votre réponse. (M. Jean Arthuis applaudit.)
M. le président. Monsieur le ministre, nous nous associons aux compliments de notre collègue Jean Boyer.
difficultés d'application de l'article l. 111-3 du code rural
M. le président. La parole est à M. Pierre Martin, auteur de la question n° 602, adressée à M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.
M. Pierre Martin. Monsieur le ministre, ma question s’adresse à M. Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche. Le 15 avril 2008, j’interrogeais son prédécesseur, M. Michel Barnier, sur les critères d’urbanisme applicables dans le périmètre de bâtiments d’élevage.
Cette règle, qui figure à l’article L. 111-3 du code rural, énonce un principe général de réciprocité et impose qu’une distance d’éloignement de 100 mètres soit respectée entre les bâtiments à usage agricole et toute nouvelle construction ou à l’occasion de tout changement de destination de construction à usage non agricole nécessitant un permis de construire. Ce principe est fondé sur la législation des installations classées pour la protection de l’environnement.
Malgré les dérogations qui lui ont été apportées, l’application de cet article soulève un grand nombre de difficultés dans les communes rurales et les communes à forte pression démographique, et s’avère source de nombreux conflits et litiges entre nouveaux voisins.
J’avais alors demandé à M. Barnier s’il lui était possible de revoir cette question, pour assurer l’accueil de nouveaux arrivants dans nos villages, pour préserver le maintien des agriculteurs dans nos campagnes et pour favoriser l’installation des jeunes. Attentif à ces problèmes, il a désigné, comme il l’avait annoncé dans sa réponse, une inspection générale qu’il a confiée dès le mois d’avril 2008 au conseil général de l’agriculture, de l’alimentation et des espaces ruraux, en y associant le conseil général de l’environnement et du développement durable.
Après un travail approfondi, la mission a remis son rapport au ministre de l’agriculture et avancé trois recommandations : la suppression, en la matière, de l’« ardu » code rural au profit du code de l’urbanisme ; la refonte de l’article et le renvoi à un décret d’application pour les dérogations ; l’élaboration d’une circulaire interministérielle s’appuyant sur une cartographie de la localisation des exploitations. Or leur mise en œuvre éventuelle demandera beaucoup de temps, beaucoup trop de temps pour les projets actuellement en gestation ou à l’étude dans nos zones rurales.
Cela étant, la rédaction du dernier alinéa de l’article L. 111-3 du code rural nous offre un outil non négligeable puisque les parties concernées y sont autorisées à déroger à la règle des 100 mètres par la création d’une servitude.
Ce type de dérogation, largement utilisé dans l’un de nos départements, reste toutefois trop modestement appliqué ailleurs, du fait, peut-être, que cette servitude ne concerne que les changements de destination ou l’extension de bâtiments agricoles existants, ce qui exclut les constructions neuves. L’article introduit pourtant une souplesse appréciable tout en ayant le mérite d’ouvrir le dialogue entre les parties prenantes.
Dans mon département – disant cela, je sais que je me fais l’écho des préoccupations de nombre de mes collègues dans les leurs –, une réponse rapide doit être apportée à l’attente des fonctionnaires, des chambres d’agriculture, des maires, des propriétaires ruraux et des nouveaux arrivants, qui se heurtent à l’application de la règle.
C’est pourquoi je vous demande, monsieur le ministre, à l’heure où nous travaillons sur le Grenelle de l’environnement et cherchons, en particulier, à lutter contre le mitage des territoires ruraux, s’il vous est possible, compte tenu des normes et conditions d’hygiène actuellement imposées aux bâtiments agricoles, de compléter rapidement la rédaction de l’article L. 111-3 du code rural, pour faire en sorte que les servitudes permettant de déroger aux règles d’éloignement fassent partie des pièces prioritaires composant une demande de permis de construire. Nous éviterions ainsi bien des querelles de voisinage.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Mercier, ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire. Monsieur Martin, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, qui n’a pu être présent ce matin. Pour être honnête, la réponse que je vais vous apporter en son nom apparaît quelque peu théorique par rapport à la suggestion que vous venez de faire. Celle-ci mérite en effet d’être étudiée rapidement, tant la création de servitudes est peut-être la meilleure façon de sortir de l’impasse actuelle.
Vous l’avez très largement rappelé, les règles d’urbanisme applicables à proximité des bâtiments d’élevage posent un certain nombre de problèmes au regard de l’objectif affiché de préserver les activités agricoles tout en permettant l’installation dans ces zones rurales de nouveaux habitants, qu’ils soient ou non exploitants. Je rappelle que c’est dans ces zones que la population croît le plus vite dans notre pays.
Si les dispositions de l'article L. 111-3 du code rural imposant les mêmes règles de distance pour la construction d’habitations liées ou non à l’exploitation ont justement pour objet de permettre une cohabitation entre ruraux historiques et nouveaux ruraux dans les meilleures conditions, force est de constater qu’elles sont bien difficiles à mettre en œuvre. C'est d’ailleurs la raison pour laquelle elles ont été modifiées par l’article 79 de la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux et par l’article 19 de la loi d’orientation agricole du 5 janvier 2006, ce qui a permis aux communes d’assouplir le principe en édictant des règles d’éloignement spécifiques.
L’application de la règle de réciprocité reste néanmoins très complexe et soulève de nombreux problèmes. Vous l’avez rappelé, M. Barnier avait confié au conseil général de l’agriculture, de l’alimentation et des espaces ruraux une mission d’évaluation.
En outre, les règles d’éloignement en la matière font l’objet de nombreuses dispositions législatives et réglementaires figurant dans divers codes. Leur gestion relève de plusieurs compétences ministérielles et leur application, au niveau local, de différents services départementaux et des mairies.
Face à ces difficultés réelles, l’inspection générale a proposé trois niveaux de recommandations. Vous les avez rappelés, je n’y reviens donc pas. Muni de ces éléments, le ministère de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche poursuit son travail d’analyse et n’a encore pris aucune décision concernant la suite à leur donner.
Monsieur Martin, à mon sens, la suggestion que vous venez de faire d’avoir recours à la servitude, technique très ancienne du code civil, peut naturellement être versée au dossier puisqu’il est encore temps. Je la transmettrai donc à M. Le Maire, qui, j’en suis certain, ne manquera pas de vous tenir informé des développements de ce dossier et, notamment, du devenir de votre proposition.
M. le président. La parole est à M. Pierre Martin.
M. Pierre Martin. Monsieur le ministre, je vous remercie d’avoir précisé que ma suggestion méritait d’être prise en compte assez rapidement, tant il est vrai que la règle de réciprocité pose problème en la matière.
Mon département compte 560 000 habitants, mais comprend 782 communes, donc beaucoup de petites communes rurales dans lesquelles il devient impossible de construire, car les agriculteurs, soucieux de se protéger, s’appuient sur la règle des 100 mètres. Soyons sérieux : personne ne peut prétendre, en toute logique, que les mouches et les odeurs d’un élevage s’arrêtent à cette limite !
M. Michel Mercier, ministre. C’est sûr !
M. Pierre Martin. La création de servitudes permettrait de faciliter les rencontres et de recréer une certaine convivialité, élément essentiel de la vie de nos villages. À la campagne, il doit tout de même être possible de vivre en toute tranquillité, sans créer trop de préjudices à ses voisins !
baisse significative du niveau des élèves de cm2 entre 1987 et 2007
M. le président. La parole est à M. Claude Biwer, auteur de la question n° 458, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement.
M. Claude Biwer. Monsieur le ministre, je pourrais m’associer aux deux questions précédentes, qui ont mis en lumière certaines difficultés que connaît, au quotidien, le monde rural. J’ai d’ailleurs pu apprécier dans vos réponses votre finesse politique et votre bon sens, et j’ose espérer que vous suivrez la même voie pour la question que je m’apprête à vous poser !
« Les performances des élèves de CM2 en lecture, calcul et orthographe ont baissé de manière significative entre 1987 et 2007. » Cette affirmation, sans appel, émane non pas d’un homme politique désireux de marquer son hostilité à l’égard de notre système éducatif, mais de la très officielle direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance du ministère de l’éducation nationale, dans une note publiée à la fin du mois de janvier dernier.
S’agissant de la lecture, deux fois plus d’élèves, soit 21 %, se situent en 2007 au niveau de compétence des 10 % d’élèves les plus faibles en 1987. De plus, les élèves ont tendance à s’abstenir de répondre aux questions exigeant un effort de rédaction.
En calcul, l’étude réalisée note une baisse importante du niveau des élèves entre 1987 et 1999, mais une baisse plus légère entre 1999 et 2007, ce qui est peut-être dû à la remise à l’ordre du jour du calcul mental et des techniques opératoires dans les programmes à compter de 2002.
En orthographe, la même dictée proposée aux élèves en 1987 et 2007 a donné des résultats vraiment très préoccupants : 46 % des élèves font plus de quinze erreurs en 2007, contre 26 % en 1987. Nul doute que le développement exponentiel des SMS et de leur orthographe si singulière ne va certainement pas améliorer cette situation, et je frémis d’avance en pensant aux résultats d’un test similaire qui serait réalisé dans vingt ans !
Au courant du mois de janvier dernier, les élèves de CM2 ont été soumis à un nouveau test de connaissances. Si les résultats publiés par l’éducation nationale semblent plus encourageants, il ne s’agit en réalité que d’un artifice de présentation : à y regarder de plus près, ils sont toujours aussi mauvais !
En premier lieu, plus des deux tiers des questions posées aux élèves de CM2 en français et en maths étaient du niveau du CM1 et du CE2.
En second lieu, l’addition des élèves ayant des acquis insuffisants à ceux qui sont dotés d’acquis fragiles, sans que l’on sache véritablement quelle est la différence entre les deux, fait apparaître que la proportion d’élèves de CM2 qui entreront en classe de sixième sans en avoir le niveau est toujours aussi préoccupante : 25 % pour le français et 35 % pour les maths.
Enfin, les évaluations nationales qui se sont déroulées fin mai 2009 pour les élèves de CE1 ne sont guère plus encourageantes : 27 % des élèves ont des difficultés en français et 25 % en maths. Professeurs ou parents d’élèves eux-mêmes – peut-être les uns et les autres – sont-ils moins bons qu’auparavant ? Il ne m’appartient pas de répondre à cette question.
Ces résultats, tous aussi alarmants les uns que les autres, semblent démontrer que, malgré l’augmentation considérable des moyens humains, matériels et financiers dévolus à l’éducation nationale au cours des vingt dernières années, la qualité de l’enseignement a baissé, entraînant une augmentation importante du nombre d’élèves en difficulté. Les collectivités locales sont d’ailleurs, vous le savez, monsieur le ministre, saisies régulièrement sur les cités afin d’engager des actions périscolaires pour compenser ces mauvais résultats.
Pour toutes ses raisons, je vous serais reconnaissant de m’indiquer ce que le Gouvernement compte faire afin d’accentuer les réformes déjà entreprises ayant pour but de mettre l’accent sur les « fondamentaux » à l’école primaire. L’objectif est que, au sortir de celle-ci, les élèves sachent au minimum lire, écrire et compter ; c’est bien le moins que l’on puisse attendre de notre système éducatif !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Mercier, ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale. Il vous aurait répondu bien mieux que moi, mais il se trouve en ce moment même avec le Président de la République pour présenter la réforme du lycée, qui devrait constituer l’un des éléments de réponse à la question que vous posez.
Le ministre de l’éducation nationale a pris la pleine mesure de la situation évoquée par la note de la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance à laquelle vous faites référence et qui confirme des études antérieures et convergentes.
Dans le cadre de la réforme de l’enseignement primaire, le Gouvernement s’est fixé des objectifs précis destinés à assurer la réussite de chaque élève et à lutter contre l’échec scolaire : d’abord, diviser par trois, en cinq ans, le nombre d’élèves qui sortent de l’école primaire avec de graves difficultés ; ensuite, diviser par deux le nombre d’élèves ayant pris une année de retard dans leur scolarité.
Pour atteindre ces objectifs et garantir à chaque élève les moyens nécessaires à l’acquisition du socle commun de connaissances et de compétences, de nouveaux programmes recentrés sur les enseignements fondamentaux sont entrés en application à la rentrée scolaire 2008-2009 dans toutes les classes des écoles maternelles et élémentaires.
Deux dispositifs sont également entrés en vigueur à la rentrée scolaire 2008-2009.
Premier dispositif : la mise en place de deux heures hebdomadaires d’aide personnalisée et l’organisation de stages de remise à niveau. La suppression de la classe le samedi matin a permis, depuis la rentrée 2008, de libérer deux heures chaque semaine dans l’emploi du temps des enseignants et de les consacrer aux élèves qui éprouvent des difficultés dans leurs apprentissages.
Ces deux heures hebdomadaires d’aide personnalisée ont bénéficié à près d’un million d’élèves l’an passé, sans compter les stages de remise à niveau proposés aux élèves de CM1 et de CM2 pendant les vacances de printemps et d’été pour lesquels les enseignants n’ont pas hésité à se porter volontaires, témoignant ainsi du haut niveau de conscience professionnelle de leur corps, n’est-ce pas, monsieur Mazuir ?
Deuxième dispositif : les nouvelles évaluations nationales en CE1 et CM2 qui permettent le repérage objectif des difficultés des élèves.
Il s’agit de faire le bilan des acquis de tous les élèves scolarisés dans les écoles publiques et privées sous contrat, en français et en mathématiques, à deux moments clé de la scolarité primaire : la fin du CE1 et la fin du CM2.
Il ne s’agit plus seulement de repérer les élèves en grande difficulté et d’analyser cette difficulté mais, pour chaque élève, d’être confronté au niveau défini par le programme.
Instrument commun de mesure, les évaluations constituent donc le cœur de la réforme de l’école primaire.
Ces nouvelles évaluations, qui s’appuient sur les progressions fixées par les programmes, ont un objectif : permettre aux professeurs de connaître précisément le niveau de chaque élève par rapport aux objectifs fixés pour, le cas échéant, redresser la barre avant que les difficultés ne s’accumulent.
Grâce à ces évaluations, la nation s’est dotée d’un moyen de placer tous les élèves face à la même référence nationale, où qu’ils soient et d’où qu’ils viennent.
C’est une sorte de rendez-vous républicain qui est offert à chaque élève pour faire en sorte de lui offrir un traitement adapté en cas de difficulté.
Vous le voyez, monsieur Biwer, faire progresser les résultats de chaque élève et aider ceux qui rencontrent des difficultés à les surmonter sont les préoccupations constantes du ministère de l’éducation nationale ! Les nouvelles évaluations mises en place à l’école primaire contribuent à atteindre ces objectifs.
Je vais maintenant m’exprimer à titre purement personnel. Ce qu’il faut bien voir, c’est que les élèves du primaire sont probablement beaucoup plus savants aujourd’hui que nous ne l’étions à leur âge dans les mêmes classes. Mais ils ne connaissent pas les mêmes choses que nous.
Les nouvelles technologies leur offrent une ouverture sur le monde entier et leur apportent, dans quantité de domaines, des notions qu’ils approfondissent grâce à l’ordinateur. Mais, en même temps, elles les libèrent du carcan des programmes sans qu’on sache très bien où les élèves vont vagabonder !
Les enseignants sont donc confrontés à un nouveau défi. Jusqu’alors maîtres du savoir, il leur faut apprendre à devenir guides vers le savoir, ce qui est tout à fait différent et change le métier. Il faut en avoir pleinement conscience.
En même temps, on s’interroge sur l’opportunité de la réforme de l’orthographe.
Dans ces conditions, la mise en place d’un système de référence nationale peut permettre de faire progresser tout le monde et pas seulement les virtuoses de la Toile, qui savent aller y chercher telle ou telle connaissance. Car tel est bien là le fondement républicain de notre système d’éducation !
M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.
M. Claude Biwer. Je vous remercie, monsieur le ministre, d’avoir laissé la place, dans votre propos, à une part privée. Il est rare d’entendre un membre du Gouvernement développer ainsi une part tirée de son expérience personnelle. En la reliant à la réponse officielle, nous allons obtenir quelque chose de cohérent, quelque chose qui me convient assez bien.
Il est vrai que l’ordinateur peut faire beaucoup pour améliorer la vie quotidienne de nos concitoyens. Mais nous avons encore besoin de savoir lire et de savoir compter. De ce point de vue, la machine à calculer n’arrange rien !
C’est en intégrant ces deux dimensions que le Gouvernement pourra progresser dans la direction qu’il a choisie mais qui mérite encore d’être améliorée.
suppression de la carte scolaire
M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot, auteur de la question n° 629, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale, porte-parole du Gouvernement.
M. Claude Jeannerot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis les lois de décentralisation, qui ont confié l’investissement et le fonctionnement des collèges aux départements, les conseils généraux ont engagé une politique éducative volontaire et ambitieuse, plaçant l’élève au cœur de leur action. Monsieur le ministre, vous en montrez d’ailleurs l’exemple dans votre beau département du Rhône !
De même, le département que je préside, le Doubs, consacre 68 millions d’euros chaque année – 3 175 euros par an et par élève – pour offrir des conditions modernes d’enseignement, égales pour tous les collégiens. Ainsi propose-t-il un ambitieux programme pluriannuel d’investissement de rénovation de ses quarante-huit collèges d’un montant de 495 millions d’euros, la gratuité du transport scolaire de la maternelle au lycée, le transport individualisé pour les élèves handicapés, une aide à la restauration scolaire et l’accompagnement d’une offre pédagogique diversifiée.
L’objectif des départements, vous le savez, monsieur le ministre, est d’assurer une politique éducative de qualité et de proximité, de veiller à un équilibre des populations au sein des établissements et d’associer à la mise en œuvre de cette politique les problématiques du développement économique du territoire et de son aménagement harmonieux. Vous le savez aussi, au-delà de la réponse à un besoin démographique constaté, un collège contribue à l’attractivité d’un territoire.
Mais, en permettant le nomadisme des élèves, l’assouplissement de la carte scolaire mis en place à la rentrée 2007 pourrait indéniablement fragiliser le fonctionnement des établissements, hypothéquant du même coup les efforts d’aménagement du territoire fournis dans ce cadre par les conseils généraux.
La libéralisation de la carte scolaire risque de favoriser la ségrégation scolaire et de contrarier notre volonté de mixité sociale.
Sa suppression pure et simple à la rentrée 2010, telle que l’envisageait Xavier Darcos, ne ferait qu’accroître le phénomène d’évitement et menacerait ainsi la pérennité de certains établissements, qui se trouveraient alors engagés dans un mécanisme infernal, celui de la réduction des moyens éducatifs et pédagogiques accordés par l’État, réduction justifiée par la baisse des effectifs, elle-même consécutive à la fin de la sectorisation !
Si cela se produisait, tous les efforts engagés par les départements en faveur d’un maillage équilibré et équitable des collèges sur le territoire seraient réduits à néant.
Monsieur le ministre, quelles suites entendez-vous donner à l’assouplissement de la carte scolaire et selon quel calendrier ? Surtout, quelles dispositions comptez-vous mettre en œuvre pour répondre à trois objectifs majeurs, auxquels vous souscrivez, j’en suis sûr : garantir une présence éducative de proximité, assurer le maintien d’une offre éducative et pédagogique de qualité, enfin, favoriser la mixité sociale, enjeu, pour nous, le plus important ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Mercier, ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire. Monsieur le sénateur, je vous prie à nouveau d’excuser Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, qui ne peut vous répondre ce matin puisqu’il est aux côtés du Président de la République pour présenter la réforme des lycées.
Créée en 1963, la carte scolaire a été un outil de régulation des flux dans un contexte d’explosion de la démographie scolaire. Quarante-cinq ans après, la France a profondément changé. Plus nombreuses sont les familles qui veulent choisir l’établissement de leur enfant, éventuellement hors du secteur.
En 2007, l’éducation nationale a engagé l’assouplissement de la carte scolaire en accordant aux familles une liberté de choix. Cet assouplissement s’est poursuivi en 2008 et en 2009.
Des critères de priorité très rigoureux ont été fixés, notamment pour favoriser la mixité au sein des établissements. Vous avez raison, monsieur le sénateur, de souligner que la mixité sociale doit être un objectif partagé par tous les acteurs – État et collectivités territoriales. Les critères choisis offrent de la transparence.
Auparavant, les familles les moins informées, souvent les plus défavorisées, étaient pour ainsi dire « condamnées » à respecter la sectorisation scolaire, tandis que les familles culturellement mieux informées trouvaient des stratégies pour y échapper – on se souvenait soudain de la cousine, de la grand-mère ou de la grand-tante qui habitait au bon endroit !
Soyez assuré, monsieur le sénateur, que l’éducation nationale a pris l’engagement de garantir le maintien des moyens dans des établissements susceptibles d’être moins fréquentés pour mieux accompagner les élèves et remettre les établissements dans une dynamique porteuse de réussite.
Ainsi, les établissements qui perdent des élèves voient leur dotation maintenue pendant trois ans, ce qui leur permet d’accroître leur taux d’encadrement, d’engager des projets innovants et, en fin de compte, d’obtenir des résultats qui vont les rendre à nouveau attractifs pour la population, et c’est bien ce que tout le monde recherche !
L’assouplissement de la carte scolaire ne signifie en aucun cas l’abandon des établissements qui perdent des élèves.
En 2008, 88 % des demandes de dérogation ont été satisfaites et 72 % l’ont été en 2009. Cette mesure rencontre une large adhésion des familles.
Je ne dispose pas de chiffres globaux, mais, dans mon département par exemple, il y a eu 1 700 demandes de dérogation pour 63 000 collégiens, ce qui est assez peu.
Là où la carte scolaire a été supprimée, comme à Paris, on constate que jamais autant d’élèves boursiers ne sont entrés dans des lycées prestigieux. Pour s’en tenir aux lycées proches du Sénat, à l’évidence, les chances pour un élève habitant un quartier lointain d’y être scolarisé seraient très minces avec une carte scolaire !
Luc Chatel a demandé une évaluation du dispositif. Cependant, s’il veut suivre de près sa mise en application, le Gouvernement ne reviendra pas sur cette mesure phare qui laisse le choix aux familles : le Gouvernement, monsieur le sénateur, a pris des engagements et il les tient, l’objectif étant d’assurer tant la réussite que la mixité sociale, gages d’avenir pour les élèves.
M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot.
M. Claude Jeannerot. Monsieur le ministre, je note avec satisfaction votre engagement de ne pas abandonner les établissements qui verraient leurs effectifs diminuer pour cause de modification ou d’abandon de la carte scolaire.
Je retiens aussi l’engagement du Gouvernement d’être vigilant pour préserver la mixité sociale, qui, vous l’avez souligné, est un élément d’équilibre majeur dans nos territoires et, en effet, nous devons absolument veiller, comme l’ensemble des acteurs, à sa pleine réalisation.
Je vous remercie donc, monsieur le ministre, et, en ce qui me concerne, je serai attentif au maintien, dans les années qui viennent, de cet élément d’équilibre.