Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, j’ai indiqué que, pour une partie de l’amendement, le Gouvernement préférait la rédaction de la commission. Pour l’autre partie, j’ai expliqué les raisons pour lesquelles j’émettais un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Gérard César, pour explication de vote sur l'amendement n° 582.
M. Gérard César. Il est vrai que l’amendement n° 582 est satisfait par l’amendement n° 933 de la commission de l’économie, mais en partie seulement. En tout cas, je sais gré à M. le rapporteur de viser explicitement les installations classées soumises à autorisation ou à enregistrement.
Cet amendement vise à ce qu’une société incluse dans le périmètre d’une autre société publie des informations sociales et environnementales. Mais cette obligation ne s’applique pas aux filiales, sur lesquelles la société ne publie aucune information détaillée, se limitant à fournir des informations consolidées qui portent sur l’ensemble du groupe qu’elle contrôle. Par voie de conséquence, la société en question ne publiera des informations détaillées que pour ses filiales françaises détenant des installations classées.
Tout risque est donc écarté pour la plupart des entreprises, compte tenu de l’existence de ces installations classées.
L’adoption de l’excellent amendement de Charles Revet aurait pour conséquence de supprimer toute intervention des commissaires aux comptes en la matière, ce sur quoi l’amendement n° 933 reste muet. Par conséquent, plusieurs sociétés au sein d’un même groupe seraient tenues de publier des informations, et ce dans un contexte de crise.
J’ajoute que le volume d’informations à fournir étant colossal, le document serait non seulement très coûteux à réaliser, mais encore illisible et inexploitable. Je crains que les commissaires aux comptes, quelles que soient leurs qualités, qui sont grandes, ne soient pas les personnes les plus compétentes pour se prononcer sur ces informations. C’est pourquoi je voterai l’amendement n° 582.
Cela dit, peut-être pourrons-nous trouver une solution au cours de la navette.
M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois, rapporteur.
M. Daniel Dubois, rapporteur. Mon cher collègue, la suppression du 2° du I de cet article ne serait d’aucune utilité : les commissaires aux comptes ont pour mission de s’assurer de la présence des informations requises, et non d’en contrôler le contenu.
M. Gérard César. Mais si !
M. Daniel Dubois, rapporteur. Leur mission est très encadrée.
Enfin, je voudrais revenir sur les obligations qui incombent aux entreprises.
L’amendement de la commission ne vise que les filiales ou les sociétés contrôlées françaises qui comportent des installations classées soumises à autorisation ou à enregistrement. Reconnaissez, mon cher collègue, qu’il n’est en rien choquant d’obliger des entreprises françaises qui ont des filiales œuvrant dans des domaines touchant directement à l’environnement à déposer un rapport annuel sur la manière dont elles prennent en compte les conséquences sociales et environnementales de leurs activités.
M. Jean-Jacques Mirassou. En effet, ce n’est pas scandaleux !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. M. le rapporteur a raison : notre démarche vise à mobiliser l’ensemble du tissu économique. Si les filiales d’une société mère ne sont pas tenues à cette obligation de reporting, à une réflexion au sein du conseil d’administration, alors celle-ci ne pourra pas engager ce travail de mobilisation sur sa responsabilité sociale et environnementale et sur les évolutions souhaitables de ses filiales, quelles qu’elles soient.
Le monde économique doit se mobiliser autour des objectifs du Grenelle de l’environnement. Aussi, outre celui de la société mère, concernée au premier chef, il convient d’impliquer l’ensemble des conseils d’administration. Même si cet exercice leur est moins aisé, les filiales doivent elles aussi s’interroger sur ces questions. Il serait quand même dommage qu’elles fassent l’économie d’un débat en leur propre sein et se démarquent de leur maison mère.
De toute façon, ces documents devront être fournis, car ils permettent d’assurer une meilleure transparence. Surtout, ils créeront une vraie dynamique de responsabilisation des conseils d’administration, du tissu économique et des sociétés dans leur ensemble.
M. le président. Monsieur Revet, maintenez-vous finalement l'amendement n° 582 ?
M. Charles Revet. Plusieurs d’entre nous ont employé le mot « progressivité ». Sans doute ai-je voulu être un peu trop « progressif ». (Sourires.)
Aussi, je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 582 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 933.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 426 est présenté par Mme Didier, MM. Danglot et Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche.
L'amendement n° 650 est présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Compléter le 1° du I de cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le conseil d'administration ou le directoire d'une société décide d'appliquer volontairement les dispositions du cinquième alinéa, le rapport respecte les dispositions de cet alinéa. »
La parole est à Mme Évelyne Didier, pour présenter l’amendement n° 426.
Mme Évelyne Didier. L’article 83 vise à étendre à toutes les entreprises de plus de 500 salariés l’obligation de présenter un bilan social et environnemental.
Il s’agit, par cette mesure, de renforcer la responsabilité sociale et environnementale des entreprises, ce que nous approuvons, a fortiori si cette responsabilité est établie au niveau du groupe.
Cependant, nous ne pouvons nous empêcher de penser que faire reposer une simple obligation d’information sur les entreprises ne permettra pas d’infléchir sensiblement leur comportement : seules des mesures contraignantes permettront d’atteindre les objectifs fixés. La crise que nous traversons nous a en effet démontré que le capitalisme avait besoin au moins d’être régulé, plus fondamentalement d’être dépassé.
Les dysfonctionnements majeurs de ce système ont principalement visé les banques, mais également le comportement des sociétés, qui sacrifient sur l’autel de la rentabilité toutes les autres considérations, qu’elles soient sociales ou environnementales.
Nous le voyons chaque jour, les conséquences des dérives de ce système ont conduit à des catastrophes majeures, à une précarisation du monde du travail, comme au pillage des ressources naturelles.
Nous estimons donc que, pour infléchir ce système destructeur, nous avons besoin de dispositions autrement plus volontaristes qu’une simple obligation d’information.
Par exemple, suffit-il de mentionner des comportements vertueux socialement dans un rapport, ou faut-il plutôt les imposer ? Pensez-vous qu’une telle information permettra de détourner les actionnaires d’investir dans des entreprises qui ne seraient pas vertueuses ? Les actionnaires cherchent à faire du profit, tout simplement. Cette donnée ne peut être écartée.
Pour que les conséquences sociales de l’activité des entreprises soient prises en compte, il faudrait donc, par exemple, légiférer pour interdire les délocalisations uniquement destinées à accroître la rentabilité.
À cet égard, les termes mêmes du rapport nous laissent circonspects : il est affirmé que la réalisation de ce rapport entraînera une fidélisation des salariés. Le terme « fidélisation » nous semble très loin de la réalité sociale, faite de plans de licenciements, de délocalisations, de précarisation accrue.
En outre, cette simple obligation d’information est déjà contestée par le MEDEF, qui fait état de difficultés dans la collecte des informations. C’est dire la volonté de l’organisation patronale de s’engager dans la voie de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises. Je ne nie pas que certaines entreprises se sont engagées résolument dans cette voie, mais elles sont encore trop peu nombreuses.
Bref, nous demandons par cet amendement que les entreprises qui feraient le choix de fournir dans leur rapport de gestion des informations sur la manière dont elles prennent en compte les conséquences sociales et environnementales de leurs activités soient soumises aux mêmes dispositions que celles qui en ont l’obligation, dans l’objectif d’une meilleure transparence.
Il existe des méthodes et des instruments d’évaluation ; nous souhaitons qu’ils soient utilisés. À défaut, nous en resterons aux déclarations de principe.
Par ailleurs, ne serait-il pas possible de trouver un équivalent français au terme reporting ?
M. Roland du Luart. Vous avez raison !
Mme Évelyne Didier. Pourquoi ne pas utiliser le mot « rapportage », bien qu’il ne soit pas très élégant ? De surcroît, je suis persuadée que peu de gens savent réellement ce que recouvre le mot « reporting », qu’il s’agisse des parlementaires ou des entreprises. Il serait intéressant de faire évoluer le vocabulaire, de décrire la démarche à suivre et les outils dont nous disposons pour faire progresser cette question.
M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, pour présenter l'amendement n° 650.
M. Jacques Muller. L’essentiel a été dit : c’est une question de cohérence et de transparence. Dès lors que des entreprises sont soumises à l’obligation de faire état de leur politique environnementale dans leur rapport, celles qui s’engagent de manière volontaire dans cette démarche doivent respecter les mêmes règles. La raison en est très simple : aujourd’hui, l’environnement est devenu à la mode, je n’ose pas dire « une tarte à la crème », et à partir du moment où les entreprises manifestent leur volonté de communiquer sur ce thème, elles doivent respecter les mêmes règles.
Mme Évelyne Didier. Elles y ont tout intérêt !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Dubois, rapporteur. Madame Didier, le « rapportage » social, environnemental et de bonne gouvernance est obligatoire dès lors que l’entreprise atteint les seuils prévus par la loi. Aussi, je ne comprends pas très bien votre amendement, qui cache peut-être quelque malice… Il est en effet en contradiction avec ce que vous dites : si une entreprise, bien qu’elle n’y soit pas contrainte, décide malgré tout d’engager ce travail de « rapportage », il faut qu’elle aille jusqu’au bout.
Mme Évelyne Didier. Tout à fait !
M. Daniel Dubois, rapporteur. Eh bien ! c’est contraire à l’objectif que vous visez !
Si des entreprises qui ne sont pas soumises à une telle obligation décident néanmoins de s’engager dans cette voie, laissons-les faire, car ainsi elles préparent le futur. Lorsque, demain, les textes évolueront, elles auront l’habitude de cette pratique.
Votre amendement me semble donc être contraire à votre objectif, ma chère collègue. À moins qu’il ne vise indirectement les PME et les TPE. Dans cette hypothèse, je ne puis qu’y être défavorable. En effet, les dispositions de cet article concernent les grandes entreprises. Nous l’avons dit très clairement ! Faut-il pour autant dissuader les PME et les TPE de se lancer dans des démarches volontaires en les soumettant immédiatement aux mêmes obligations que les grandes entreprises. ? Je ne le pense pas.
Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Comme vient de l’indiquer M. le rapporteur, nous distinguons deux catégories d’entreprises.
Les premières, les plus nombreuses, sont soumises à l’obligation d’intégrer certaines données et informations dans leurs rapports.
Les secondes, les PME et les TPE, ne sont pas soumises à une telle obligation. Elles peuvent néanmoins décider de s’engager volontairement dans cette démarche de transparence. On ne peut que soutenir une telle dynamique qui va dans le sens de la philosophie du Grenelle de l’environnement, et encourager les entreprises volontaires, afin qu’elles soient de plus en plus nombreuses à le faire.
Doit-on imposer à ces entreprises les mêmes exigences que celles qui sont prévues par le projet de loi pour les grandes entreprises ? Certes, je comprends que l’on veuille se servir des mêmes outils, appliquer le même décret. Mais j’attire l’attention des auteurs des amendements sur le fait que nous sommes aujourd’hui dans une phase intermédiaire qui est déjà très lourde. La mise en œuvre de ce dispositif est complexe. Nous allons donc devoir rendre les critères plus accessibles et, surtout, agir par palier.
La situation est certes ardue, mais il ne faut pas en déduire que l’on ne peut pas progresser. Nous devons travailler avec les petites et moyennes entreprises à la mise en place d’un outil adapté.
Le Gouvernement soutiendra les parties qui désirent travailler ensemble à la construction d’une plateforme française pour la responsabilité sociétale et environnementale. Ce soutien pourrait prendre la forme d’un site internet qui diffuserait des guides et des référentiels destinés à construire un cadre commun pour les publications extra-financières des entreprises de toutes tailles, en tenant compte de la spécificité des PME et des TPE. Il s’agira d’une première phase transitoire qui permettra d’améliorer qualitativement les outils de références en les adaptant à la situation des PME et des TPE.
Sur le fond, nous partageons la même logique, mais nous différons sur la forme. Nous sommes favorables à une démarche progressive, en déclinant l’obligation en fonction de la taille de l’entreprise.
En affinant la rédaction du décret, en permettant à toutes les entreprises qui le souhaitent de s’engager dans cette démarche, nous progressons vers le qualitatif pour toutes les entreprises.
Nous sommes, je le répète, dans une phase transitoire qui me semble positive. Efforçons-nous d’apaiser les inquiétudes qui se font jour. Les entreprises qui veulent fournir de telles informations ne doivent pas être d’emblée soumises à des exigences trop lourdes, car la crainte de ne pouvoir les remplir risque de les décourager.
M. le président. Mme Didier, l’amendement no 426 est-il maintenu ?
Mme Évelyne Didier. Je ne m’accrocherai pas à cet amendement. Toutefois, dans la mesure où des entreprises s’engagent dans cette démarche vertueuse, autant qu’elles utilisent des méthodes qui leur permettront d’analyser leurs pratiques, de publier certaines informations, voire de les utiliser dans leur communication, puisque c’est aussi l’un des objectifs visé.
Madame la secrétaire d’État, je comprends votre souci de progressivité. Je ne visais pas les TPE en particulier. Mais autant élaborer des méthodes de travail qui permettent de ne pas en rester au simple bavardage et à la diffusion d’informations que personne ne peut vérifier.
Par ailleurs, comme leur nom l’indique, les commissaires aux comptes sont chargés d’étudier les comptes. Ils n’ont pas vocation à se prononcer sur des situations qu’ils ne connaissent pas. Il faudra bien, un jour, mettre en place des commissaires en charge des questions sociales et environnementales. Peut-être ce débat nous permettra-t-il de progresser dans ce sens.
Ce sujet est encore très neuf et nous manquons de lisibilité. Néanmoins, nous avons la conviction qu’il faut encourager cette démarche vertueuse.
Ces observations étant faites, je retire l’amendement no 426.
M. le président. L’amendement no 426 est retiré.
M. le président. Monsieur Muller, l'amendement n° 650 est-il maintenu ?
M. Jacques Muller. Madame la secrétaire d’État, j’ai été convaincu par les arguments que vous avez avancés pour justifier la progressivité de la mise en place du dispositif. Néanmoins, je reste méfiant, car voilà quelques jours, au nom de la progressivité, nous avons assisté au recyclage de l’agriculture raisonnée, maintenant parée de vertus environnementales.
Cela dit, vos explications me laissent croire que la progressivité sera réelle, qu’elle reposera objectivement sur un outil construit en commun et cela me convient tout à fait.
En conséquence, je retire l’amendement no 650.
M. le président. L'amendement n° 650 est retiré.
L'amendement n° 117, présenté par M. de Legge, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
I. - Rédiger ainsi le second alinéa du II de cet article :
« h) Des informations mentionnées au cinquième alinéa de l'article L. 225-102-1 du code de commerce lorsque les conditions prévues au sixième alinéa du même article sont remplies. »
II. - Rédiger ainsi le second alinéa du III de cet article :
« Les cinquième et sixième alinéas de l'article L. 225-102-1 du code de commerce sont applicables aux établissements de crédit, aux entreprises d'investissement et aux compagnies financières, quelle que soit leur forme juridique. »
La parole est à M. Dominique de Legge, rapporteur pour avis.
M. Dominique de Legge, rapporteur pour avis. C’est un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Dubois, rapporteur. Favorable !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 118, présenté par M. de Legge, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi les V et VI de cet article :
V. - Le premier alinéa de l'article L. 524-2-1 du code rural est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ce rapport comporte également les informations mentionnées au cinquième alinéa de l'article L. 225-102-1 du code de commerce lorsque les conditions prévues au sixième alinéa du même article sont remplies. »
VI. - L'article 8 de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le compte rendu d'activité mentionné à l'alinéa précédent comporte également les informations mentionnées au cinquième alinéa de l'article L. 225-102-1 du code de commerce lorsque les conditions prévues au sixième alinéa du même article sont remplies. »
La parole est à M. Dominique de Legge, rapporteur pour avis.
M. Dominique de Legge, rapporteur pour avis. Il s’agit également d’un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Dubois, rapporteur. Favorable !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 83, modifié.
(L'article 83 est adopté.)
Article 84
I. - L'article L. 233-3 du code de commerce est complété par un IV ainsi rédigé :
« IV. - Lorsqu'une société détient une participation au sens de l'article L. 233-2 ou exerce le contrôle sur une société au sens du présent article, elle peut s'engager à prendre à sa charge, en cas de défaillance de la société qui lui est liée, tout ou partie des obligations de prévention et de réparation qui incombent à cette dernière en application des articles L. 162-1 à L. 162-9 du code de l'environnement.
« Ces engagements sont soumis aux dispositions de l'article L. 225-38 du présent code ou, le cas échéant, aux dispositions de l'article L. 225-86, lorsque la société est une société anonyme, et aux dispositions de l'article L. 223-19, lorsqu'elle est une société à responsabilité limitée. »
II. - L'article L. 512-17 du code de l'environnement est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque l'exploitant est une société filiale au sens de l'article L. 233-1 du code de commerce et qu'une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte à son encontre, le préfet peut saisir le tribunal compétent pour faire établir l'existence d'une faute commise par la société mère qui a contribué à une insuffisance d'actif de la filiale et pour lui demander, lorsqu'une telle faute est établie, de mettre à la charge de la société mère tout ou partie du financement des mesures prévues au présent article. Les 1° et 2° du I ainsi que les II et III de l'article L. 514-1 sont applicables. »
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 821, présenté par M. du Luart, est ainsi libellé :
Supprimer le I de cet article.
La parole est à M. Roland du Luart.
M. Roland du Luart. L'article 53 de la loi dite « Grenelle I », qui a été adoptée à l'unanimité, dispose : « La France proposera l'introduction au niveau communautaire du principe de la reconnaissance de la responsabilité des sociétés mères à l'égard de leurs filiales en cas d'atteinte grave à l'environnement ».
Or le présent article du projet de loi Grenelle II incorpore au code de commerce une possibilité pour la société détenant une participation ou exerçant le contrôle sur une société de s'engager à exécuter les obligations de cette dernière en cas de défaillance.
L’introduction d'une responsabilité de sociétés mères nécessite une réflexion très approfondie, qui doit être conduite avant tout au niveau communautaire. Cela permettra de garantir, via l'harmonisation, une sécurité juridique à toutes les entreprises implantées en Europe et surtout d’éviter des distorsions de concurrence qui auraient de lourdes conséquences sur l'attractivité du territoire français.
Il est naturellement irresponsable d'organiser la faillite d'une entreprise pour la faire échapper à sa responsabilité financière. L'introduction, dans le code de commerce, d'une possibilité d'engagement volontaire de la maison mère ne résout cependant pas ce problème et soulève de nombreuses difficultés juridiques.
En effet, cette disposition remet en cause le principe de l'autonomie des personnes morales. Une société ne peut être tenue responsable que de ses propres engagements contractuels et agissements délictueux. Admettre une dérogation à ce principe constitue un précédent important conduisant à une insécurité juridique forte pour les entreprises.
Enfin, cette mesure introduisant dans le droit français une reconnaissance de la responsabilité des sociétés mères du fait des agissements de leurs filiales en matière environnementale porte un coup important à l'attractivité du territoire français.
Selon le même schéma, une telle disposition pourra également entraîner une expatriation des holdings françaises.
C'est pourquoi il convient de supprimer ces alinéas et, conformément au Grenelle I, de proposer l'introduction de ce principe sur le plan communautaire.
M. le président. L'amendement n° 119, présenté par M. de Legge, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le I de cet article :
I. - Après l'article L. 233-5 du code de commerce, il est inséré un article L. 233-5-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 233-5-1. - La décision par laquelle une société qui possède plus de la moitié du capital d'une autre société au sens de l'article L. 233-1, qui détient une participation au sens de l'article L. 233-2 ou qui exerce le contrôle sur une société au sens de l'article L. 233-3 s'engage à prendre à sa charge, en cas de défaillance de la société qui lui est liée, tout ou partie des obligations de prévention et de réparation qui incombent à cette dernière en application de l'article L. 162-1 à L. 162-9 du code de l'environnement est soumise, selon la forme de la société, à la procédure mentionnée aux articles L. 223-19, L. 225-38, L. 225-86, L. 226-10 ou L. 227-10 du présent code. »
La parole est à M. Dominique de Legge, rapporteur pour avis.
M. Dominique de Legge, rapporteur pour avis. Cet amendement est sous-tendu par deux objectifs.
En premier lieu, il vise à sécuriser les dirigeants des sociétés mères qui viennent au secours de leurs filiales. À cette fin, nous proposons que les décisions soient soumises au régime des conventions réglementées.
En second lieu, il tend à étendre le dispositif à toutes les sociétés. En effet, dès lors que l’on admet ce principe, on ne peut en limiter l’application aux seules sociétés anonymes. La mesure doit concerner toutes les sociétés, quels que soient leurs supports et leurs statuts juridiques, c’est-à-dire les SARL, les sociétés en commandite par actions, ainsi que les sociétés par actions simplifiées.
M. le président. L'amendement n° 651, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le deuxième alinéa du I de cet article :
« IV - Lorsqu'une société détient une participation au sens de l'article L. 233-2 ou exerce le contrôle sur une société au sens du présent article, elle prend à sa charge, en cas de défaillance de la société qui lui est liée, les obligations de prévention et de réparation qui incombent à cette dernière en application des articles L. 162-1 à L. 162-9 du code de l'environnement, à la hauteur de sa participation.
La parole est à M. Jacques Muller.
M. Jacques Muller. Cet amendement vise à engager la responsabilité d’une société mère lorsque des manquements sont commis par ses filiales.
L’article 84 a pour objet de mettre fin à l’inexécution des obligations de réparation et de prévention en cas de défaillance d’une filiale. De notre point de vue, il ne va pas assez loin. Cela fait trop longtemps que sont tolérés les agissements de certains « patrons voyous », et je ne peux que faire référence à la filiale Metaleurop, lâchée lamentablement par sa maison mère.
Lorsque la maison mère a cessé, du jour au lendemain, de financer le site nordiste, l’extension de la responsabilité aurait permis de sauver les emplois. Mais, pour ce faire, Metaleurop aurait dû puiser dans ses actifs pour rembourser les factures des sous-traitants. Elle aurait aussi dû assumer la dépollution du site dont la terre a été imbibée de poussières de plomb, de cadmium, de zinc, d’arsenic depuis pratiquement un siècle, un cocktail dont la facture s’élève à plus de 100 millions d’euros.
De tels comportements sont inadmissibles, autant pour les salariés que pour l’environnement.
Le présent article ne répond pas suffisamment au problème et n’impose pas de véritables règles de bonne conduite à ces sociétés.
Pourquoi laisser le choix aux sociétés de s’engager à prendre à leur charge tout ou partie des obligations qui leur incombent ?
Metaleurop détenait plus de 99,5 % des parts de la filiale de Noyelles-Godault. Elle aurait dû être contrainte de prendre à sa charge les obligations de réparation et de prévention à hauteur de sa participation. C’est une question de bon sens ! Cela aurait permis d’éviter que l’État ne finance les 8 millions d’euros nécessaires pour réparer les dégâts environnementaux de la société, au nom du fameux principe : privatisation des bénéfices, collectivisation des pertes, notamment en matière d’environnement.
Les sociétés mères sont les premières à participer aux bénéfices de leurs filiales ; elles doivent donc aussi être les premières à supporter les obligations environnementales de leurs filiales défaillantes.
Je vous invite, mes chers collègues, à adopter cet amendement qui instaure une responsabilisation réelle des firmes à l’égard de leurs filiales.