Mme Chantal Jouanno, secrétaire d’État. À l’occasion de la table ronde sur les risques industriels, il est apparu que certains nœuds d’infrastructures, les ports ou les gares de triage, par exemple, pouvaient constituer de réelles installations classées, même si elles sont « mobiles », du fait du transport de matières dangereuses.
La loi actuelle prévoit déjà que des études de dangers puissent être remises à l’autorité administrative. Cet amendement vise à donner à celle-ci des outils qui lui permettront de prendre des prescriptions et ne sont pas sans ressembler au dispositif en vigueur pour les installations classées.
Dans ce contexte, pourra même être mise en place, à l’issue de la remise des études de dangers sur les plates-formes de transport de matières dangereuses, une forme de police administrative.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Louis Nègre, rapporteur. Cet amendement vise à combler un vide juridique. En effet, si aujourd’hui des études de dangers sont bien réalisées, le préfet n’a en revanche toujours pas les moyens juridiques de prescrire des mesures en cas de dangers concernant des installations – gares de triage et ports, par exemple – comportant des risques, quand bien même des dangers auraient été identifiés. Nous avons tous présent à l’esprit le très grave accident qui s’est produit en Italie voilà quelques semaines.
Cette situation n’est pas acceptable pour la sécurité des biens et des personnes. C’est pourquoi il convient effectivement d’y remédier. La commission a donc émis un avis favorable.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 81.
L’amendement n° 880 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 81, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le titre V du livre V du code de l’environnement est complété par un chapitre IV ainsi rédigé :
« Chapitre IV
« Sécurité des réseaux souterrains, aériens ou subaquatiques de transport ou de distribution
« Art. L. 554-1. - I. - Les travaux réalisés à proximité des réseaux souterrains, aériens ou subaquatiques de transport ou de distribution sont effectués dans des conditions qui ne sont pas susceptibles de porter atteinte à l’environnement, à la sécurité des travailleurs et des populations situées à proximité du chantier ou à la vie économique.
« II. - Lorsque des travaux sont réalisés à proximité d’un réseau mentionné au I, des dispositions techniques et organisationnelles sont mises en œuvre, dès l’amont du projet et jusqu’à son achèvement, sous leur responsabilité et à leurs frais, par le responsable du projet de travaux, par les exploitants des réseaux et par les entreprises exécutant les travaux.
« Lorsque la position des réseaux n’est pas connue avec une précision suffisante pour mettre en œuvre les dispositions de l’alinéa précédent, des dispositions particulières sont appliquées par le responsable du projet de travaux pour respecter l’objectif prévu au I.
« III. - Des mesures contractuelles sont prises par les responsables de projet de travaux pour que les entreprises exécutant les travaux ne subissent pas de préjudice lié au respect des obligations prévues au II, notamment en cas de découverte fortuite d’un réseau durant le chantier ou en cas d’écart notable entre les informations relatives au positionnement des réseaux communiquées avant le chantier par le responsable du projet de travaux et la situation constatée au cours du chantier.
« Le responsable de projet de travaux supporte toutes les charges induites par la mise en œuvre de ces mesures, y compris en ce qui concerne le planning du chantier et sauf en ce qui concerne les dispositions du second alinéa du II qui sont appliquées conformément au IV.
« IV. - Un décret en Conseil d’État précise les modalités de mise en œuvre du présent article et notamment :
« a) Les catégories de réseaux, y compris les équipements qui leur sont fonctionnellement associés, auxquelles s’applique le présent titre, ainsi que la sensibilité de ces réseaux ;
« b) Les dispositions techniques et organisationnelles mises en œuvre par le responsable du projet de travaux, les exploitants de réseaux et les entreprises exécutant les travaux en relation, le cas échéant, avec le guichet unique mentionné à l’article L. 554-2 ;
« c) Les dispositions particulières mentionnées au second alinéa du II ;
« d) Les modalités de répartition, entre le responsable du projet de travaux et les exploitants des réseaux, des coûts associés à la mise en œuvre des dispositions du second alinéa du II ;
« e) Les dispositions qui sont portées dans le contrat qui lie le responsable du projet de travaux et les entreprises de travaux pour l’application du présent article.
« Art. L. 554-2. - Il est instauré, au sein de l’Institut national de l’environnement industriel et des risques, dans le cadre d’une mission de service public qui lui est confiée pour contribuer à la préservation de la sécurité des réseaux, un guichet unique rassemblant les éléments nécessaires à l’identification des exploitants des réseaux mentionnés au I de l’article L. 554-1. Ces exploitants communiquent à l’Institut national de l’environnement industriel et des risques les informations nécessaires à la préservation de leurs réseaux suivant des modalités définies par décret en Conseil d’État.
« Art. L. 554-3. - Les personnes offrant des prestations de services moyennant rémunération ne peuvent utiliser les données du guichet unique mentionné à l’article L. 554-2 sans avoir préalablement demandé à l’Institut national de l’environnement industriel et des risques un accès annuel à ces données. Le manquement à cette obligation est puni d’une peine de six mois d’emprisonnement et d’une amende de 75 000 euros.
« Art. L. 554-4. - Sont qualifiés pour procéder, dans l’exercice de leurs fonctions, à la recherche et à la constatation des infractions au présent chapitre, outre les officiers de police judiciaire et les agents de police judiciaire, les agents dûment commissionnés et assermentés des services déconcentrés de l’État qui sont chargés de la surveillance de la sécurité des réseaux mentionnés au I de l’article L. 554-1. Les infractions pénales prévues par ce chapitre sont constatées par des procès-verbaux qui sont adressés, sous peine de nullité, dans les cinq jours qui suivent leur clôture, au procureur de la République. Ces procès-verbaux font foi jusqu’à preuve contraire.
« Art. L. 554-5. - Afin de couvrir les dépenses afférentes à la création, l’exploitation, la mise à jour et la maintenance du guichet unique mentionné à l’article L. 554-2, l’Institut national de l’environnement industriel et des risques perçoit les redevances suivantes :
« a) Une redevance annuelle pour services rendus aux exploitants au titre de la prévention des endommagements de leurs réseaux souterrains, aériens ou subaquatiques mentionnés au I de l’article L. 554-1 et de la limitation des conséquences qui pourraient en résulter pour la sécurité des personnes et des biens, pour la protection de l’environnement ou pour la continuité de leur fonctionnement ;
« b) Une redevance annuelle pour services rendus aux personnes qui demandent à l’Institut national de l’environnement industriel et des risques un accès annuel aux données du guichet unique mentionné à l’article L. 554-2, afin d’offrir des prestations de services moyennant rémunération.
« Le montant de la redevance prévue au a est fonction de la sensibilité du réseau exploité pour la sécurité et la vie économique, de la longueur du réseau et du nombre de communes sur lesquelles il est implanté.
« Le montant de la redevance prévue au b est fonction du nombre de régions administratives françaises couvertes par les services de prestation offerts.
« Un décret en Conseil d’État fixe les obligations de déclaration des personnes soumises au versement des redevances susmentionnées, l’assiette des redevances, les modalités de paiement, et les sanctions consécutives à un défaut de déclaration ou un retard de paiement.
« Le total du produit des redevances perçues annuellement par l’Institut national de l’environnement industriel et des risques ne peut excéder les dépenses occasionnées par la création, l’exploitation, la mise à jour et la maintenance du guichet unique mentionné à l’article L. 554-2. »
II. - Le second alinéa de l’article 22-1 de la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 relative aux marchés du gaz et de l’électricité et au service public de l’énergie est ainsi modifié :
1° Les mots : « à un organisme habilité dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. Ce décret » sont remplacés par les mots : « au guichet unique mentionné à l’article L. 554-2 du code de l’environnement. Un décret en Conseil d’État » ;
2° Les mots : « L’organisme habilité » sont remplacés par les mots : « Le guichet unique susmentionné ».
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d’État. Cet amendement est lui aussi issu des travaux de la table ronde.
Je dois indiquer à ce propos que diverses autres mesures, concernant notamment les délaissements, ne sont pas encore finalisées et ne seront présentées qu’au moment de l’examen du projet de loi par l’Assemblée nationale. Si néanmoins vous le souhaitez, je me tiens à votre entière disposition pour vous les présenter, par exemple dans le cadre de la commission.
L’amendement no 880 rectifié concerne les accidents liés aux endommagements de canalisations. Vous savez que, sur les canalisations, l’essentiel des accidents auxquels nous sommes confrontés sont liés à des travaux réalisés à proximité des réseaux. L’amendement vise donc à prévenir ces endommagements.
D’une part, la responsabilité de chacun des acteurs est clairement définie. Ainsi, si au cours d’un chantier la présence d’une canalisation rend nécessaires des études ou des travaux, ce sera le responsable du projet de travaux, et non l’entreprise de travaux, qui devra en supporter les coûts.
D’autre part, est créé et mis à la disposition de l’ensemble des responsables de projet de travaux un guichet unique qui permettra de recenser l’ensemble des réseaux de canalisations, de façon à répondre à la grande difficulté à laquelle se heurtent ces responsables : pouvoir s’adresser à un point d’information unique pour savoir où se trouvent les canalisations.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Louis Nègre, rapporteur. Les dispositions proposées dans cet amendement, qui sont tout à fait pertinentes, contribueront à la mise en place d’un cadre plus sécurisant lorsque des travaux sont réalisés à proximité des grands réseaux de distribution.
Cela est d’autant plus nécessaire que sur le terrain, malheureusement, les accidents mettent en jeu la sécurité des travailleurs et des populations ainsi que l’environnement. Je rappellerai les accidents survenus sur les réseaux de distribution de gaz à Bondy le 30 octobre 2007, à Noisy-le-Sec le 22 décembre 2007, ou encore à Lyon le 28 février 2008, qui nous ont brutalement rappelé l’importance de ces enjeux de sécurité.
Par ailleurs, l’amendement s’inscrit tout à fait dans une logique de simplification administrative, tant pour les opérateurs économiques que pour les collectivités, en favorisant la centralisation de l’information disponible au moyen du guichet unique.
L’avis de la commission est donc favorable.
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. Je n’ai pas eu le loisir d’étudier de manière approfondie le texte qui nous est proposé. Pour autant, je m’interroge.
Il est précisé dans l’objet de l’amendement : « Cet amendement législatif participe à la mise en œuvre de ce plan d’actions en rappelant les responsabilités des différents acteurs concernés par le déroulement d’un chantier à proximité des réseaux ». Jusqu’ici, c’est très bien, le cadre dans lequel cela peut s’inscrire est clair. Mais la phrase se poursuit ainsi : «, à savoir le responsable de projet de travaux, l’exploitant du réseau et l’entreprise de travaux ». Dans le cas de travaux proposés par une collectivité, cela signifie très clairement que celle-ci assume une responsabilité partagée avec celui qui effectue les travaux !
Lorsqu’une commune prépare des travaux, elle réunit tout le monde, dont les responsables des réseaux, autour de la table – c’est ce que l’on appelle les réunions de chantier zéro – afin de déterminer qui est responsable de quoi. Pour autant, je ne mesure pas bien quelle sera la responsabilité de la commune, dans les cas visés par l’amendement, alors même qu’elle aura engagé un maître d’œuvre, etc. J’aimerais donc obtenir des précisions quant aux responsabilités dans ces cas-là.
Est ici posée la responsabilité du porteur de projet.
M. Daniel Dubois. C’est ainsi dans tous les domaines !
Mme Évelyne Didier. Cette responsabilité pourra-t-elle être dégagée lorsque celui-ci, qui est souvent une collectivité, aura pris toutes les précautions nécessaires ?
Mme Évelyne Didier. Dans le cas contraire, cela veut dire que l’on est toujours responsable de ce que font les autres : plus aucun projet ne sera possible !
M. Paul Raoult. Ce n’est pas anodin, cette affaire !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d’État. En lisant de plus près l’amendement – il est vrai qu’il n’a rien d’un poème ! –, vous constaterez très clairement qu’il ne s’agit pas de faire porter la responsabilité sur la commune si elle a pris toutes les diligences nécessaires. Est ici visé, par exemple, le cas d’une entreprise qui commence des travaux et tombe sur une canalisation dont l’existence ne lui avait pas été signalée : le surcoût engendré résulte de ce que, à l’origine, il avait été omis de prévoir l’étude correspondante. Il revient alors à la collectivité ayant commandé les travaux de faire le nécessaire. Mais c’est assez classique !
M. le président. La parole est à M. Paul Raoult, pour explication de vote.
M. Paul Raoult. Cet amendement est tout de même lourd de conséquences !
On sait très bien que la France a la particularité d’être infichue d’établir des plans complets des réseaux souterrains. Que ce soit pour l’électricité, pour le gaz, pour l’eau, pour l’assainissement, il n’existe pas de relevé total des réseaux. (Mme Jacqueline Panis s’exclame.) Lors d’au moins un chantier sur trois, on découvre des réseaux, parce que la reproduction de ces réseaux sur les parcellaires est imprécise, au mètre près ! (Mme Jacqueline Panis s’exclame de nouveau.) C’est cela, la réalité ! Si bien qu’aujourd’hui, lorsque vous engagez des travaux, vous ne savez jamais exactement sur quoi vous allez tomber !
Par ailleurs, le dispositif proposé est sans doute pertinent pour les grandes villes (L’orateur brandit l’amendement) ; mais dans les petits villages, où il n’y a pas de service technique, où il faut se débrouiller avec l’équipe que l’on a, comment fait-on pour mettre effectivement en œuvre ce type de procédure, toute réfléchie et intelligente qu’elle soit, je ne le conteste pas ? Je vous mets en garde, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, contre la difficulté que rencontrera la mise en œuvre concrète des choses. Ce dispositif est adapté pour les communautés d’agglomération, qui disposent d’un bon service technique, d’ingénieurs, etc., mais en milieu rural, je ne suis pas sûr que les maires, accompagnés de leur seul premier adjoint aux travaux, seront en mesure de le respecter.
Il faut bien avoir présent à l’esprit, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, que – j’en suis absolument certain – nous n’avons pas de relevé précis des réseaux.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d’État. Monsieur le sénateur, ce que vous décrivez là, et qui a bien été identifié lors de la table ronde, notamment par le représentant des collectivités, c’est la situation actuelle : lorsque les communes doivent faire des travaux, c’est à elles qu’il revient de fournir l’information, que, bien souvent, elles n’ont effectivement pas. C’est pourquoi cet amendement vise à créer un guichet unique, qui sera géré par l’INERIS : il incombera désormais à l’État de fournir cette information, dont ce dernier assumera la responsabilité.
Une charge qui pesait sur les communes est donc transférée à l’État (M. Paul Raoult sourit), c’est le principe même du guichet unique, et cela va dans le bon sens.
M. Paul Raoult. L’État, c’est qui ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 880 rectifié.
Mme Évelyne Didier. Je m’abstiens ! Je suis vraiment curieuse de voir comment cela fonctionnera !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 81.
L’amendement n° 584, présenté par M. J.-P. Fournier, est ainsi libellé :
Après l’article 81, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 562-8 du code de l’environnement, il est inséré un article L. 562-8-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 562-8-1. - Les ouvrages construits en vue de prévenir les inondations et les submersions doivent satisfaire à des règles aptes à en assurer l’efficacité et la sûreté.
« La responsabilité du gestionnaire de l’ouvrage ne peut être engagée à raison des dommages que l’ouvrage n’a pas permis de prévenir dès lors qu’il a été conçu, exploité et entretenu dans les règles de l’art et conformément aux obligations légales et réglementaires.
« Un décret en Conseil d’État fixe les obligations de conception, entretien et exploitation auxquels doivent répondre les ouvrages en fonction des enjeux concernés et des objectifs de protection visés. Il précise également le délai maximal au-delà duquel les ouvrages existants doivent être rendus conformes à ces prescriptions ou, à défaut, doivent être neutralisés. »
Cet amendement n’est pas soutenu.
Le rapporteur, au nom de la commission, a la possibilité à tout moment de présenter un amendement, même identique à ceux dont il pressent qu’ils pourraient éventuellement tomber.
C’est ainsi que je viens d’être saisi d’un amendement no 934, présenté par M. Nègre, au nom de la commission de l’économie, et qui est ainsi libellé :
Après l’article 81, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 562-8 du code de l’environnement, il est inséré un article L. 562-8-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 562-8-1. - Les ouvrages construits en vue de prévenir les inondations et les submersions doivent satisfaire à des règles aptes à en assurer l’efficacité et la sûreté.
« La responsabilité du gestionnaire de l’ouvrage ne peut être engagée à raison des dommages que l’ouvrage n’a pas permis de prévenir dès lors qu’il a été conçu, exploité et entretenu dans les règles de l’art et conformément aux obligations légales et réglementaires.
« Un décret en Conseil d’État fixe les obligations de conception, d’entretien et d’exploitation auxquelles doivent répondre les ouvrages en fonction des enjeux concernés et des objectifs de protection visés. Il précise également le délai maximal au-delà duquel les ouvrages existants doivent être rendus conformes à ces prescriptions ou, à défaut, doivent être neutralisés. »
La parole est à M. Louis Nègre, rapporteur.
M. Louis Nègre, rapporteur. Je viens de redéposer, au nom de la commission, l’amendement de notre collègue Jean-Paul Fournier.
Cet amendement tend à fixer un cadre réglementaire pour les ouvrages de protection contre les inondations, notamment en matière de responsabilité du gestionnaire de l’ouvrage.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote sur l’amendement n° 934.
M. Daniel Raoul. L’amendement no 584 a beau être devenu l’amendement no 934 et M. Nègre s’être substitué à M. Jean-Paul Fournier, je n’en comprends pas mieux la valeur ajoutée de cet amendement, puisque la définition des obligations qu’il tend à imposer est renvoyée à un décret en Conseil d’État dont on ne connaît rien. Dans ces conditions, que vient faire un tel dispositif dans un texte législatif ? Je ne saisis pas très bien !
M. le président. La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote.
M. Charles Revet. Monsieur le rapporteur, je souscris pleinement à cet amendement, mais je souhaiterais une précision.
Lorsque vous prévoyez que « la responsabilité du gestionnaire de l’ouvrage ne peut être engagée à raison des dommages que l’ouvrage n’a pas permis de prévenir », est-ce dans l’hypothèse où l’ouvrage est géré dans le cadre d’une délégation ? Cela concerne-t-il à la fois la collectivité, si c’est elle qui a construit l’ouvrage, et le gestionnaire ? Il faut lever l’ambiguïté sur ce point.
Permettez-moi d’évoquer très concrètement une situation que j’ai vécue, et c'est d’ailleurs la raison pour laquelle je soutiens cet amendement.
De nombreuses inondations ont eu lieu dans mon département, avec des conséquences extrêmement graves. Un jour, lors d’une réunion, le président d’une association m’a dit : « Construisez des ouvrages, ce n’est pas la peine de racheter telle maison qui a été inondée cinq fois, maintenant vous pouvez la protéger. »
Cette association, sans que je le sache, avait pris le soin de venir avec deux avocats et après avoir entendu le président de l’association me tenir ce discours, je lui ai répondu que c’était une chance que des avocats soient présents car ils allaient pouvoir m’éclairer puisque ce sont des spécialistes du droit.
« Vous me dites qu’il faut réaliser des travaux. Si je le fais et qu’il y a malheureusement une inondation, avec des dégâts, suis-je responsable ? » Les avocats me répondirent : « Oui, vous êtes responsable ». J’ai alors ajouté : « Si je ne fais rien et qu’il y a des inondations, avec des conséquences graves pour les propriétaires, suis-je responsable ? » Réponse : « Non, vous n’êtes pas responsable puisque vous n’avez rien fait ».
Madame la secrétaire d'État, voilà pourquoi hier je vous ai demandé des précisions : ce qui est dit dans cette enceinte, notamment par le Gouvernement, voire par le rapporteur, a une incidence extrêmement importante en cas de recours judiciaire.
Dans l’hypothèse où une collectivité réalise des travaux pour protéger des maisons d’habitation et en concède la gestion à une entreprise, s’il y a un accident, je souhaite que le gestionnaire comme la collectivité soient protégés. Lorsqu’on réalise des travaux, c’est, bien sûr, avec l’espoir qu’il n’y aura pas de problème. Toutefois, en cas de problème, je souhaite savoir si la réalisation de travaux en vue de protéger des maisons d’habitation, par exemple, ne met pas en cause la collectivité. Ai-je été assez clair ?...
M. le président. L’avenir nous le dira, mon cher collègue !
La parole est à M. Louis Nègre, rapporteur.
M. Louis Nègre, rapporteur. Je vais essayer de vous répondre, mon cher collègue, le Gouvernement vous apportera peut-être également des précisions.
L’article qui est présenté par cet amendement comporte en fait trois points essentiels.
D’abord, les ouvrages construits en vue de prévenir les inondations doivent satisfaire à des règles.
M. Charles Revet. Nous sommes d’accord !
M. Louis Nègre, rapporteur. Ensuite, la responsabilité du gestionnaire de l’ouvrage ne peut être engagée dès lors que vous avez satisfait aux règles. C’est écrit noir sur blanc.
Enfin, un décret en Conseil d’État fixera les règles.
Dès lors, si vous construisez l’ouvrage en fonction des règles, votre responsabilité ne saurait être engagée.
M. Charles Revet. Monsieur le rapporteur, vous ne répondez pas à ma question !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. Cet amendement vise à préciser clairement que si la collectivité, qui est ensuite gestionnaire de l’ouvrage, a bien dimensionné l’ouvrage, a priori sa responsabilité n’est pas engagée.
Mme Évelyne Didier. C’est monstrueux !
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. S’il est bien dimensionné et entretenu, sa responsabilité n’est pas engagée.
M. Charles Revet. Cela veut dire que si la collectivité a concédé la gestion de l’ouvrage, le concédant et la collectivité qui a construit…
Mme Évelyne Didier. Un pont, par exemple !
M. Charles Revet. … ne sont pas responsables !
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. On parle ici des digues et du risque de submersion. Ce que vous dites est très juste : nous avions jusqu’à présent un système qui n’incitait pas à faire les travaux.
M. Charles Revet. Tout à fait !
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. Nous essayons, à travers cet amendement, de créer un système qui, au contraire, incite à faire des travaux de protection.
M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.
M. Éric Doligé. Il s’agit vraiment d’un sujet majeur…
M. Charles Revet. Bien sûr !
M. Éric Doligé. … qui sera certainement évoqué ici à plusieurs reprises – nous n’en sommes qu’au début –, je veux parler des digues.
Il existe en France 8 000 à 9 000 kilomètres de digues. La plupart de leurs propriétaires sont inconnus…
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie. Il y a des associations !
M. Éric Doligé. … certaines sont propriété de l’État, d’autres des collectivités. C’est donc un véritable problème. Les inondations dans la vallée du Rhône étaient liées à des faiblesses dans ces ouvrages qui n’ont pas été calculés pour permettre une protection suffisante.
On commence à avancer sur cette question en disant qu’il faut un niveau de protection nationale cohérent. C’est un début de réflexion sur ce sujet, mais il y a un énorme travail à réaliser : on doit déjà recenser les ouvrages, vérifier leur état, savoir qui les gère, et il faudra ensuite les mettre en cohérence avec les objectifs que nous fixerons au niveau national sur le degré de protection souhaité.
Actuellement, les nombreuses populations qui vivent derrière les digues ne sont pas protégées et ne se rendent pas compte des dangers auxquels elles sont exposées. Quant aux propriétaires inconnus, ils ignorent de ce fait la responsabilité qui est la leur à l’égard d’une population qui devrait théoriquement être protégée.
C’est donc une question extrêmement complexe. Cet amendement pose bien le début du problème, me semble-t-il, mais il va falloir encore cheminer pour avancer.