Mme la présidente. Les amendements nos 542 et 608 sont identiques.
L'amendement n° 542 est présenté par MM. Courteau, Raoul, Bérit-Débat, Guillaume, Mazuir, Berthou et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L'amendement n° 608 est présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 34, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'objectif de production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent est fixé à 25 000 MW pour 2020. Afin d'atteindre cet objectif global, à partir de la mise en vigueur de la présente loi, les objectifs sont fixés selon la répartition suivante :
Période |
2009 - 2011 |
2012 - 2014 |
2015 - 2017 |
2018 -2020 |
Production installée (en MW) |
4 500 |
5 000 |
5 500 |
6 000 |
La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l’amendement n° 542.
M. Roland Courteau. La programmation pluriannuelle des investissements, la PPI, a retenu pour l’éolien les objectifs proposés par le COMOP 10, à savoir un parc éolien installé de 25 000 mégawatts.
Lors de l’adoption de la loi Grenelle I, le Gouvernement a appelé à une planification pour garantir un développement maitrisé des énergies renouvelables. Par ailleurs, le texte que nous examinons aujourd’hui prévoit de renforcer la planification territoriale avec des schémas régionaux.
Toutefois, pour essentielles qu’elles soient, nous pensons que de telles dispositions ne sauraient suffire à déclencher une dynamique d’investissements sans la mise en place d’une réelle planification en termes de puissance, ce que nous proposons dans cet amendement.
En effet, et cela a déjà été souligné, la production doit être planifiée dans le temps pour permettre aux acteurs, qu’il s’agisse des administrations, des industriels ou des élus, d’optimiser le développement de l’énergie éolienne sans à-coups.
Comme l’a rappelé notre collègue Marcel Deneux, la PPI de 2006 prévoyait l’installation de 13 500 mégawatts supplémentaires en quatre ans, afin d’atteindre une puissance totale de 15 000 mégawatts. Or la puissance installée à ce jour ne dépasse pas les 3 500 mégawatts. Voilà une situation que nous ne souhaitons pas voir perdurer.
La mise en œuvre d’une véritable planification par périodes de trois ans jusqu’en 2020 permettra incontestablement d’éviter que le fossé ne se creuse à nouveau entre les objectifs et les résultats, en donnant une visibilité à long terme à tous les acteurs du secteur, au premier rang desquels les producteurs et les investisseurs.
En outre, c’est là que réside la clé de la création et de la pérennisation d’emplois liés à ces nouvelles énergies. Sans visibilité sur le long terme, les anticipations ne peuvent être que négatives, et les liquidités prêtes à s’investir dans la production sont détournées vers les sphères financières, où actuellement le rendement à court terme est assuré.
Nous devons remédier à une telle situation, dans laquelle l’investissement demeure au final atone, alors que l’épargne est importante.
Pour toutes ces raisons, il nous semble indispensable d’adopter cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Muller, pour présenter l'amendement n° 608.
M. Jacques Muller. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le Grenelle I avait effectivement appelé à une planification pour développer, de manière maîtrisée, l’énergie éolienne de notre pays.
Si la planification territoriale est là, la planification en termes de puissance manque.
À mon sens, cette planification en termes de puissance est aujourd'hui tout à fait indispensable pour que l’engagement de développer l’éolien puisse tout simplement être crédible.
En effet, les objectifs communautaires auxquels nous sommes maintenant partie prenante nous fixent d’arriver à 23 % d’énergies renouvelables. Or nous ne pouvons pas nous passer de l’éolien pour atteindre ces objectifs.
Comme l’ont souligné mes collègues, et il s’agit d’un point qui me paraît important, la France accuse aujourd'hui un retard particulièrement important entre son potentiel éolien et les équipements déjà installés.
Regardons la situation à l’étranger. Les États-Unis mettent le nucléaire en veille et développent un programme éolien. La Chine vient de retenir l’option éolienne pour assurer sa consommation électrique d’ici à 2030. Le Royaume-Uni a pris une décision forte pour fournir toute l’énergie électrique domestique à partir d’éolien offshore. L’Allemagne et l’Espagne ont déjà installé respectivement 25 000 et 20 000 mégawatts, contre seulement 4 000 pour la France, alors que notre pays dispose du deuxième potentiel éolien en Europe !
Nous devons absolument, me semble-t-il, nous donner les moyens de combler un tel retard, ce qui implique de planifier le développement de l’éolien, non seulement de manière territoriale, mais également en termes de puissance.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. La commission n’a pas jugé souhaitable d’émettre un avis favorable sur ces trois amendements. (M. Jean Desessard s’exclame.) Pour nous, le cadre naturel pour fixer des objectifs d’une telle nature est la PPI pour la production d’électricité.
Toutefois, depuis son examen par la commission, l’amendement de M. Deneux a fait l’objet d’une rectification ; il vise désormais à modifier la loi de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement. À titre personnel, j’estime qu’il s’agit d’un meilleur support juridique pour déterminer une programmation pluriannuelle du devenir de l’énergie éolienne.
Par conséquent, avant de confirmer ou non l’avis défavorable de la commission, je souhaite obtenir des éclaircissements.
D’une part, je voudrais savoir pourquoi M. Deneux propose que la production éolienne maritime installée sur la période 2015-2017 n’augmente pas par rapport à la période 2012-2014.
D’autre part, j’aimerais entendre l’avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. Je crois pouvoir considérer ces amendements comme autant d’« appels du pied » lancés au Gouvernement…
M. Daniel Raoul. Nous n’aurions jamais osé ! (Sourires.)
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. … afin que soient tenus les engagements du Grenelle sur le développement des énergies renouvelables.
À cet égard, notre détermination est totale, car les énergies fossiles constituent véritablement notre « bête noire » : il faut en réduire l’utilisation. Or la France dispose d’un grand potentiel sous-exploité dans la plupart des autres sources d’énergie : solaire, éolien, biomasse, géothermie.
M. Roland Courteau. Hydraulique !
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. De plus, la mise en valeur de ce potentiel offre des perspectives très intéressantes à la fois au regard de notre balance commerciale, qui sera améliorée de 25 % à l’horizon de 2020 si les objectifs du Grenelle sont tenus, et en termes d’emplois. Ce que nous n’avons pas réussi à faire dans le domaine l’éolien, nous devons le faire dans le domaine du solaire. En d’autres termes, notre industrie ne doit pas rater le « train du solaire ».
Un sénateur socialiste. Faudra-t-il prendre en marche le char de Phébus ? (Sourires.)
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. Certes, nous accusons du retard, mais nous avons dépassé la barre de 4 000 mégawatts, vous l’avez noté, monsieur Muller, et nous enregistrons depuis le début de l’année une hausse de 36 % des raccordements autorisés.
Il est vrai que le développement de l’éolien a beaucoup souffert des réticences de la population, réticences peut-être liées au manque de volonté affiché, et qui se sont notamment traduites par de multiples recours contentieux.
L’un des actes premiers de la loi est de sécuriser le cadre juridique dans lequel s’inscrit le développement de l’éolien. Cependant, ce texte n’est pas le support adapté pour recueillir vos propositions. La loi, cela a été souligné lors de la discussion du Grenelle I, fixe des objectifs. Nous préférerions inscrire de telles dispositions dans la PPI.
Le Gouvernement s’engage, dans le cadre de la prochaine PPI, à fixer des objectifs intermédiaires, notamment pour 2012, mais ces objectifs devront concerner aussi bien l’éolien que les autres formes d’énergies renouvelables : le solaire, la biomasse et la géothermie.
M. Jean Desessard. Pourquoi ne le faisons-nous pas aujourd'hui ?
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. Cela sera réalisé dans le cadre de la PPI. Sinon, à quoi sert cette dernière ?
M. Jean Desessard. Et à quoi sert un Parlement ?
M. Jean Bizet. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Muller.
M. Jacques Muller. Madame la présidente, je souhaite rectifier mon amendement pour tenir compte des observations qui m’ont été faites, car je souhaite tout de même qu’une telle précision figure dans la loi.
Dans la mesure où il est question de planification, cette disposition, je le concède, trouve davantage sa place dans le Grenelle I que dans le Grenelle II. C’est pourquoi je propose de compléter par le texte de mon amendement le II de l’article 19 de la loi de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement.
Puisqu’il n’est pas possible d’inscrire la planification dans le Grenelle II, inscrivons-la dans le Grenelle I !
Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° 608 rectifié, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, et ainsi libellé :
Après l'article 34, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le II de l'article 19 de la loi n° 2009-967 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
"L'objectif de production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent est fixé à 25 000 MW pour 2020. Afin d'atteindre cet objectif global, à partir de l'entrée en vigueur de la présente loi, les objectifs sont fixés selon la répartition suivante :
Période |
2009 - 2011 |
2012 - 2014 |
2015 - 2017 |
2018 -2020 |
Production installée (en MW) |
4 500 |
5 000 |
5 500 |
6 000 |
Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Ces trois amendements sont inutiles dans la mesure où le Gouvernement nous assure qu’une PPI fixera des étapes intermédiaires entre aujourd'hui et 2020. Je demande donc à leurs auteurs, en particulier à M. Deneux, de bien vouloir les retirer.
Mme la présidente. Monsieur Deneux, l'amendement n° 485 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Marcel Deneux. Cette discussion est intéressante, et je remercie Mme le secrétaire d'État des assurances qu’elle vient de nous apporter. Toutefois, je ne peux m’empêcher d’éprouver quelques inquiétudes.
Depuis cinq ans, nous voyons fleurir dans notre pays des lobbies anti-éoliens qui n’ont pas grand-chose à voir avec la compétence énergétique et dont l’état civil laisse parfois supposer qu’ils ne préparent pas l’avenir.
Cela étant, je prends acte de l’engagement du Gouvernement et j’accepte de retirer mon amendement puisque j’ai la promesse que nous reparlerons de tout cela.
Nous vivons une période où il n’y a plus de planification, mais l’on ne réalise rien de sérieux si l’on n’inscrit pas des objectifs quelque part.
Mme la présidente. L'amendement n° 485 rectifié ter est retiré.
La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote sur l’amendement n° 542.
M. Jean Desessard. M. Deneux m’avait demandé si je serais présent cet après-midi pour apporter mon soutien à son amendement n° 542. Je l’en avais assuré. Et voilà qu’il le retire ! (Sourires.)
Monsieur le rapporteur, vous savez très bien que les ministres passent, souvent plus vite que les sénateurs ! Imaginez que Mme Jouanno, excellente secrétaire d'État, se présente aux élections régionales. Si elle est élue, nous ne la verrons plus ! Qu’est-ce qui nous garantit que les engagements qu’elle a pris aujourd'hui devant nous seront alors tenus ? Car nous avons tout de même l’habitude d’entendre ce gouvernement nous faire des promesses auxquelles il a finalement du mal à donner suite, faute de continuité gouvernementale suffisante. (Mme Isabelle Debré s’exclame.)
La loi doit donc contenir des objectifs chiffrés afin de nous rassurer, nous, mais aussi tous nos concitoyens, qui nous regardent.
M. Jean Bizet. Cela sera répété à Ségolène ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.
M. Didier Guillaume. Même si ce n’est pas le sujet aujourd'hui, je crois que notre collègue Jean Desessard mérite d’être remercié du soutien public qu’il apporte à Mme Jouanno pour les futures élections régionales. (Sourires.) Je ne manquerai pas de prévenir la personne à laquelle quelqu’un vient de faire allusion de cette remarquable collusion ! (Nouveaux sourires.)
Madame la secrétaire d'État, ce texte est fondamental, nous le répétons à chaque occasion. Or, chaque fois que nous manifestons avec un peu de solennité l’ambition de graver dans le marbre de la loi un certain nombre de mesures – nous avons évoqué la semaine dernière le schéma photovoltaïque –, on nous renvoie à autre chose ! Aujourd'hui, alors qu’il est question de la puissance de l’éolien, on nous demande d’attendre la PPI.
Il me semble malgré tout que le texte du Grenelle II de l’environnement doit marquer l’histoire.
M. Jean Desessard. Voilà !
M. Didier Guillaume. Or ce texte manquera de force si l’on gomme tous ses angles en renvoyant toujours à « plus tard », à une commission, à une étude, à une PPI, etc. Cela ne paraît guère être en cohérence avec le fait que Gouvernement veuille enfin un texte fondamental, qui s’impose à tous.
Je comprends parfaitement les arguments avancés par Mme la secrétaire d'État. Néanmoins, la commission et le Gouvernement ne pourraient-ils se rallier à l’amendement n° 608 rectifié de Jacques Muller en attendant que la PPI apporte les précisions attendues ?
Sinon, décidément, il manquera à ce texte les angles, les arrêtes permettant de bien fixer les choses. (M. Jean Desessard applaudit.)
Mme la présidente. Monsieur Courteau, l'amendement n° 542 est-il maintenu ?
M. Roland Courteau. Non, je le retire, madame la présidente, au profit de l’amendement n° 608 rectifié de M. Muller.
Mme la présidente. L'amendement n° 542 est retiré.
La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote sur l'amendement n° 608 rectifié.
M. Jacques Muller. Je suis entièrement d’accord avec notre collègue Marcel Deneux : nous sommes soumis à un lobby anti-éolien que j’appellerai le lobby du « ni-ni », à savoir ni nucléaire, ni éolien, ni rien du tout !
Mme la secrétaire d'État ne me contredira pas, un projet exemplaire d’un point de vue environnemental – je pèse mes mots –, qui concernait une sous-crête vosgienne, entre l’Alsace et les Vosges, a été bloqué sous la pression de lobbyistes intégristes.
C'est la raison pour laquelle l’engagement en faveur de l’éolien doit reposer sur un texte. Je maintiens donc mon amendement, qui tient désormais compte des réponses qui m’ont été faites. (M. Jean Desessard applaudit.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 608 rectifié.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'amendement.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 34. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Didier Guillaume. C’est une très bonne disposition !
Article 35
I. - La loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique est ainsi modifiée :
1° L'article 9-1 est ainsi modifié :
a) La première phrase du premier alinéa est complétée par les mots : « desquelles est déduit, le cas échéant, le montant des achats d'électricité pour les pompages » ;
b) La seconde phrase du premier alinéa est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :
« Pour le calcul du montant de la redevance, les recettes et les achats d'électricité sont calculés comme la valorisation de la production ou de la consommation d'électricité aux prix constatés sur le marché. Le taux de la redevance ne peut excéder un taux plafond, déterminé par l'autorité concédante dans le cadre de la procédure de mise en concurrence. » ;
c) Au début du second alinéa, les mots : « 40 % de la redevance sont affectés » sont remplacés par les mots : « Un tiers de la redevance est affecté » ;
d) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Un sixième de la redevance est affecté aux communes sur le territoire desquelles coulent les cours d'eau utilisés ou à leurs groupements sous réserve de l'accord explicite de chacune d'entre elles, la répartition entre les communes étant proportionnelle à la puissance moyenne hydraulique devenue indisponible dans les limites de chaque commune du fait de l'usine. » ;
2° Au premier alinéa du 6° bis de l'article 10, les mots : « la décision de principe mentionnée au deuxième alinéa de » sont remplacés par les mots : « au concessionnaire, à la date de publication de la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006, la décision de principe mentionnée » ;
3° Les deux premiers alinéas de l'article 13 sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« Au plus tard trois ans avant l'expiration de la concession, l'administration prend la décision soit de mettre définitivement fin à la concession à la date normale de son expiration, soit d'instituer une concession nouvelle à compter de l'expiration. » ;
4° L'article 26 est abrogé.
II. - Au III de l'article 33 de la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006, le mot : « deuxième » est remplacé par le mot : « premier ».
III. - Les décisions de principe d'instituer une concession hydroélectrique nouvelle, en application de l'article 13 de la loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique dans sa version antérieure à la présente loi, et notifiées au concessionnaire avant la publication de cette loi, conservent leur effet.
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 543, présenté par MM. Courteau, Raoul, Bérit-Débat et Guillaume, Mme Alquier, MM. Mazuir, Repentin, Berthou et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Supprimer la seconde phrase du second alinéa du b) du 1° du I de cet article.
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. L’article 35 prépare le renouvellement des concessions hydroélectriques en aménageant la redevance sur les ventes d’électricité que percevaient jusqu’à maintenant l’État et les départements concernés.
Force est de rappeler que l’hydraulique contribue pour environ 10 % à la production nationale totale d’électricité. En 2007, elle représentait 88 % de notre production totale d’électricité d’origine renouvelable.
À cela s’ajoute le fait que l’hydroélectricité est très précieuse pour assurer la régulation du système électrique, notamment parce que cette énergie stockée permet de faire face aux pics de consommation et de fournir en quelques minutes de la puissance aux réseaux.
Elle est également précieuse en ce que, n’émettant pas de gaz à effet de serre, elle permet de contribuer aux objectifs de réduction des émissions de ces gaz pour faire face au changement climatique.
Or, à la suite de l’ouverture du marché de l’électricité à la concurrence, du changement du statut d’EDF, appelée à devenir société anonyme, et de la suppression du droit de préférence dont jouissait EDF, le renouvellement des concessions hydroélectriques est désormais soumis à concurrence par le biais de la procédure d’appel d’offres.
Le décret n° 2008-1009, signé en juillet 2008, a procédé à la refonte du régime des concessions hydroélectriques et a concrétisé la mise en concurrence des concessions des barrages. Ce ne sont pas moins de quelque 400 concessions d’une puissance de 4,5 mégawatts qui sont concernées, 80 % d’entre elles étant exploitées par EDF.
L’enjeu du renouvellement est de taille. Les opérateurs concurrents d’EDF susceptibles de répondre à l’appel d’offres sont nombreux : Gaz de France-Suez, qui exploite déjà 47 ouvrages, mais également l’allemand E.On, l’espagnol Iberdrola ou encore le suisse Alpiq.
On comprend aisément que les ouvrages d’hydroélectricité, qui permettent aux opérateurs de répondre à leurs engagements européens en augmentant leurs capacités de production d’énergie renouvelable, soient très convoités ! Ils le sont d’autant plus que ces ouvrages sont amortis depuis longtemps et que, avec la libéralisation du marché énergétique, les prix de l’électricité ont fortement augmenté. La rente hydroélectrique est donc très alléchante pour tout nouveau concessionnaire, et l’un des enjeux essentiels porte sur la répartition de cette rente.
Comme l’a souligné, à la fin de 2006, un rapport du Conseil général des mines consacré à cette question…
Mme la présidente. Veuillez conclure cher collègue !
M. Roland Courteau. Madame la présidente, je ne pense pas avoir dépassé mon temps de parole…
Mme la présidente. Je puis vous assurer que si : j’ai une pendule sous les yeux !
M. Roland Courteau. Eh bien, je suis fort surpris mais, puisque c’est ainsi, considérez que l’amendement est défendu !
Mme la présidente. Je vous remercie de votre compréhension, monsieur Courteau, et je rappelle à chacun que, depuis la récente modification que nous avons apportée à notre règlement, le temps accordé pour défendre un amendement est non plus de cinq minutes, mais de trois minutes.
L'amendement n° 609, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit la seconde phrase du second alinéa du b) du 1° du I de cet article :
Le taux de la redevance annuelle est doublé lorsque le concessionnaire n'a pas observé les prescriptions fixées par les articles L. 214-17 ou L. 214-18 du code de l'environnement ;
La parole est à M. Jacques Muller.
M. Jacques Muller. Nous sommes convaincus que la production d’électricité grâce à l’eau mérite d’être développée. Pour autant, les règles en vigueur doivent être parfaitement respectées. Or, trop souvent, les concessionnaires ne respectent pas les prescriptions relatives à la continuité écologique, c'est-à-dire à un débit biologique minimum pour permettre la circulation des poissons.
Cet amendement vise à prévoir une sanction financière lorsque les règles ne sont pas respectées.
Mme la présidente. L’amendement n° 544 rectifié, présenté par MM. Courteau, Raoul, Bérit-Débat et Guillaume, Mme Alquier, MM. Mazuir, Repentin, Berthou et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Dans la seconde phrase du second alinéa du b) du 1° du I de cet article, après les mots :
ne peut
insérer les mots :
être inférieur, pour les chutes de puissance supérieure à un seuil défini par décret, à un taux plancher fixé à 15 % ni
La parole est à Mme Odette Herviaux.
Mme Odette Herviaux. Dans la continuité de l’amendement n° 543, nous souhaitons instaurer un taux plancher pour la redevance sur les concessions électriques : le fait que la plupart des ouvrages soient amortis, d’une part, et l’augmentation des prix de l’électricité sur les marchés, d’autre part, suffisent à justifier l’instauration d’un tel plancher.
Dans son rapport de 2006, le Conseil général des mines préconisait également l’instauration d’une telle redevance minimale, en compensation, notamment, de la suppression de l’énergie réservée, qui permettait de faire bénéficier les services publics de l’État, les départements, les communes, etc. d’une énergie bon marché.
Notre amendement ne vise que les gros exploitants et c’est pourquoi nous prévoyons qu’un décret fixe un seuil en deçà duquel les concessions d’hydroélectricité ne seraient pas concernées.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. La question de la redistribution de la redevance sur les concessions électriques est très importante et la commission a d’ailleurs modifié le texte initial du Gouvernement sur ce point.
En ce qui concerne l’amendement n° 543, je rappellerai que la redevance sur les concessions hydroélectriques est actuellement plafonnée de manière générale à 25 % des recettes. Ce taux apparaît aujourd’hui trop bas dans la mesure où les concessions qui arrivent à renouvellement sont depuis longtemps amorties. Il me semble opportun de maintenir le principe d’un plafond, lequel devra être fixé, lors de la procédure de mise en concurrence des concessions, de manière que cette concurrence ne s’exerce pas uniquement sur le taux de redevance, mais aussi sur les aspects relatifs à l’entretien des équipements, à la sécurité et à l’environnement – ce qui devrait répondre aux attentes de M. Muller.
Il serait en effet contre-productif d’organiser une course au taux de redevance le plus élevé car, sauf si le taux atteint 100 %, ces concessions sont toujours un peu « juteuses » pour les exploitants, les installations étant généralement amorties et en bon état. Ce plafond ne sera donc pas général, mais fixé au cas par cas, en fonction des paramètres économiques de chacune des concessions hydroélectriques concernées.
Pour ces raisons, la commission est hostile à un déplafonnement complet du taux de la redevance sur les concessions électriques.
En ce qui concerne l’amendement n° 609, rassurez-moi, monsieur Muller : pour pouvoir le doubler le taux initial de la redevance, encore faut-il qu’il ne dépasse pas 50 % !
Cela dit, le doublement de la redevance représenterait une sanction financière disproportionnée, qui pourrait compromettre l’équilibre économique de la concession, sauf si le taux de la redevance est très faible.
Au demeurant, la méconnaissance des articles L. 214-17 et L. 214-18 du code de l’environnement entraîne d’ores et déjà des sanctions, tant pénales qu’administratives. Ainsi, l’autorité administrative peut faire procéder aux travaux nécessaires, en lieu et place de l’exploitant et à ses frais.
Pour ces motifs, la commission a émis un avis défavorable.
Enfin, l’amendement n° 544 rectifié tend à instaurer un taux plancher de 15 % pour la redevance sur les plus grosses installations électriques. Cependant, dans la mesure où le plafond actuel de 25 % des recettes est jugé trop bas, je ne vois pas pourquoi l’autorité concédante serait tentée de fixer un taux inférieur à 15 %, car elle cherche à retirer davantage de recettes des concessions hydroélectriques à l’occasion de leur renouvellement. Vous avez d’ailleurs noté, mes chers collègues, que le texte du projet de loi prévoit que les communes et les départements toucheront une part du produit de la redevance, ce que n’autorisait pas la législation de 1919.
Par conséquent, la commission a également émis un avis défavorable sur cet amendement.