M. le président. La parole est à M. Yannick Botrel, auteur de la question n° 622, adressée à M. le ministre chargé de l'industrie.
M. Yannick Botrel. Monsieur le ministre, la situation des salariés de RFS, Radio Frequency Systems, de Lannion est particulièrement préoccupante. Le site de production de cette filiale d’Alcatel-Lucent est menacé de délocalisation à très court terme, à savoir dès le mois prochain.
Il s’agit, certes, d’une délocalisation régionale. Pour autant les conséquences n’en sont pas moindres pour le personnel : 53 emplois supprimés et un site industriel une nouvelle fois définitivement rayé de la carte. Cette annonce s’inscrit dans le prolongement des premières initiatives d’Alcatel de démantèlement de ses activités sur le bassin de Lannion et donc de mise à mal de l’emploi.
Le constat s’établit aisément. La décision de fermeture définitive du site de RFS est en parfaite contradiction avec les objectifs annoncés par le groupe, la situation économique de l’entreprise et l’octroi de fonds publics qui lui ont été accordés au titre du crédit d’impôt recherche.
S’agissant des engagements du groupe Alcatel, valables pour sa filiale RFS qu’il détient à 100 %, les déclarations présentaient pourtant l’intérêt d’être claires : aucune fermeture de site et une diminution du recours à la sous-traitance.
On est loin du compte ; l’avenir de 53 familles est en question et le nouveau schéma de production prévoit d’externaliser la production !
Cette décision fait courir de gros risques sur les plans économique et social. Le personnel ouvrier de RFS se caractérise par une ancienneté importante au sein de l’entreprise avec en corollaire une moyenne d’âge relativement élevée. Le bassin d’emploi de Lannion, vous le savez, déjà soumis à de grosses perturbations, n’a pas la capacité de proposer une alternative en termes d’emplois similaires.
Cette situation rend par conséquent absolument illusoires les possibilités d’un retour à l’emploi sur place pour les salariés de RFS.
La solution ne réside donc pas dans l’élaboration d’un plan de sauvetage, mais elle est bien dans le renoncement à la fermeture du site, qui aujourd’hui présente un carnet de commandes bien rempli.
Monsieur le ministre, l’État serait dans son rôle en intervenant dans cette affaire. C’est une somme de 933 000 euros d’argent public qui a été versée à RFS au titre du crédit d’impôt recherche. À cet égard, des exigences peuvent être formulées par les pouvoirs publics, à charge pour l’entreprise de les respecter.
Les salariés de RFS à Lannion sont extrêmement déterminés à défendre leur emploi et ils ne sont en attente ni de reclassement ni d’indemnité.
Le site industriel de production, leur outil de travail, laisse apparaître de réelles perspectives d’activité, son résultat prévisionnel au titre de l’année 2010 pouvant s’élever à 1,4 million d’euros.
Monsieur le ministre, face à ces réalités, quelles mesures pouvez-vous prendre pour le maintien de la production de RFS à Lannion ? Quelle réponse pouvez-vous apporter aux inquiétudes légitimes du personnel et à l’incompréhension face à cette décision en totale contradiction avec la situation économique de l’entreprise ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. Monsieur le sénateur, il ne faut pas se voiler la face ; le groupe Alcatel-Lucent est une grande entreprise française dans le domaine des télécommunications qui connaît aujourd’hui de réelles difficultés.
Le devoir du Gouvernement et des collectivités est de veiller à ce que demain Alcatel-Lucent, leader des télécommunications, puisse sortir renforcé de cette période qui l’a fragilisé.
Ces difficultés sont liées à la conjoncture économique actuelle et à la concurrence accrue des équipementiers télécoms installés dans les pays à bas coût.
C’est dans ce contexte que le groupe nous a annoncé fin juillet un nouveau plan de restructuration touchant près de 850 personnes.
Il nous faut aider Alcatel à se restructurer pour préparer la sortie de crise et lui permettre de conserver et d’affermir sa position de leader mondial dans le domaine des télécommunications. C’est une exigence nationale.
Nous devons par ailleurs affronter les difficultés engendrées au plan territorial, dans certains secteurs, comme le vôtre en Côtes-d’Armor.
Concernant le site de RFS, Radio Frequency Systems, de Lannion, je tiens à ajouter trois remarques en réponse à vos questions, dont je ne conteste en aucun cas la légitimité, bien au contraire.
Tout d’abord, le site de Lannion ne fermera pas, je m’y engage. J’ai d’ailleurs rencontré le président d’Alcatel il y a quelques jours afin de faire l’état des lieux général des différentes implantations en France.
Si malheureusement 53 emplois devraient être supprimés dans la production et les fonctions support, en revanche – et c’est bien normal puisque, comme vous l’avez indiqué, l’État a apporté une contribution en matière de crédit d’impôt recherche qu’il convient de rappeler en toutes circonstances –, les activités de R&D, recherche et développement, seront conservées sur le site, qui compte aujourd’hui près de 80 personnes.
Cette activité ne fermera pas. D’ailleurs, je tiens à le signaler, c’est très probablement parce que l’entreprise a reçu des financements au titre du crédit d’impôt recherche qu’elle a décidé de conserver les activités de R&D.
Cela me permet d’ajouter une parenthèse : dans notre droit, recevoir un financement au titre du crédit d’impôt recherche n’oblige en rien une entreprise à ne pas fermer. Nous avons rencontré des difficultés – elles ont d’ailleurs émaillé l’actualité de l’été – avec les entreprises détenues par des capitaux étrangers qui ne tenaient aucun compte de l’aide apportée par l’État français en ce qui concerne le crédit d’impôt recherche.
Le groupe Alcatel-Lucent a le mérite d’en tenir totalement compte.
Ensuite, si l’impact est lourd sur ce site, des emplois devraient en revanche être créés sur un autre site français de RFS, à Trignac en Loire-Atlantique. Dans notre dialogue sur la restructuration pour maintenir Alcatel à un haut niveau en tant que grande entreprise de télécommunications, nous veillons à assurer une restructuration à l’échelon national et non en termes de délocalisation à l’extérieur de nos frontières.
Enfin, je serai particulièrement attentif à ce qu’Alcatel-Lucent travaille à des mesures de reclassement et à des dispositifs d’accompagnement, sur le site de RFS de Lannion ou, plus largement, sur l’ensemble des sites concernés par le plan de restructuration de juillet 2009.
Monsieur Botrel, j’ai eu une réunion il y a quelques jours avec des parlementaires autour du président du conseil général des Côtes-d’Armor. J’ai reçu par ailleurs une délégation des syndicats de l’entreprise Chaffoteaux et Maury qui est aussi confrontée à des difficultés dans les Côtes-d’Armor et je recevrai prochainement sa direction.
Je ne veux pas que les Côtes-d’Armor, par cette succession d’annonces de RFS, d’un côté, et de Chaffoteaux et Maury, de l’autre, puissent connaître des difficultés majeures. C’est pourquoi je veille à préserver tout emploi qui peut l’être. Quand tel n’est pas le cas, nous nous efforçons de mettre en place des plans de sauvegarde de l’emploi auxquels les entreprises apportent la contribution la plus large possible en faveur des salariés et en matière de revitalisation.
J’envisage, notamment pour les Côtes-d’Armor et pour ce bassin d’emploi, la mise en place d’un fonds de revitalisation dans un pot commun afin de proposer l’implantation d’autres activités. Ainsi, dans le cadre de plans de formation et de reclassement, lorsqu’un salarié est touché, nous devons lui garantir dans le plus bref délai de pouvoir passer du métier qu’il a pratiqué jusqu’à ce jour à un nouveau métier.
Partout où nous avons procédé ainsi ces dernières semaines et ces derniers mois, sur des délais de huit à dix mois, nous avons toujours apporté des solutions aux salariés. Nous ne devons laisser personne sur le bord du chemin.
Je vous recevrai volontiers, monsieur Botrel, pour évoquer la situation particulière de RFS de Lannion et je resterai très attentif à tout ce que vous m’avez signalé. Enfin, je vous le confirme, les activités de la R&D seront préservées.
M. le président. La parole est à M. Yannick Botrel.
M. Yannick Botrel. Monsieur le ministre, votre réponse est paradoxale.
D’une part, vous connaissez très bien la situation des Côtes-d’Armor, puisque vous avez cité le cas de Chaffoteaux qui est en grande difficulté et celui du site de RFS de Lannion. Vous prenez ainsi la mesure de la situation économique du bassin d’emploi du Tregor et de Saint-Brieuc.
De l’autre, vous confirmez la position du groupe Alcatel-Lucent, à savoir la suppression des 53 emplois sur le bassin de Lannion, et le maintien de la R&D, comme ce groupe l’a déjà annoncé.
Comme je l’ai indiqué dans ma présentation de la situation, les 53 emplois concernent des salariés qui travaillent depuis de nombreuses années dans l’entreprise. La situation locale n’est pas facile, pour les raisons que vous avez données, et il ne sera pas aisé de les reclasser.
Par ailleurs, je ne suis pas non plus persuadé que la restructuration prévue, même si elle a un caractère régional, soit réellement pertinente. Certes, il n’y a pas une grande distance entre Lannion et Trignac, mais les deux villes sont suffisamment éloignées l’une de l’autre pour que les salariés concernés soient dans l’impossibilité de quitter la première, où ils ont construit leur vie, fondé une famille et où leurs conjoints travaillent sur place.
Cela étant, monsieur le secrétaire d’État, je prends acte de votre engagement de suivre avec attention l’évolution de la situation du site de production de RFS de Lannion. Sur la base des propositions que vous venez de formuler, nous ne manquerons pas de vous solliciter de nouveau pour que cette affaire soit suivie au plus près, car vous comprendrez bien que la disparition de ces cinquante-trois emplois est pour nous inacceptable.
suppression de postes au sein de la brigade de gendarmerie de neuves-maisons
M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner, auteur de la question n° 598, adressée à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales.
M. Daniel Reiner. Ma question, qui s’adresse à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales, a trait à la situation de la gendarmerie, désormais rattachée à ce ministère, et plus particulièrement à celle de la brigade de gendarmerie de Neuves-Maisons, située dans mon département de Meurthe-et-Moselle. Je la pose au nom des élus municipaux non seulement de ce secteur, mais également des secteurs voisins, qui seront, eux aussi, concernés.
En 2003, le ministre de l’intérieur de l’époque – chacun voit de qui je veux parler ! – informait, par un courrier que je tiens à la disposition de tous, la commune de Neuves-Maisons, du transfert de son commissariat de police en zone de gendarmerie à compter du 1er février 2004. Il précisait ainsi : « Afin de réaliser cette transformation, des gendarmes supplémentaires seront affectés tant à la brigade de Neuves-Maisons – portant ainsi l’effectif à trente-huit – qu’au peloton de surveillance et d’intervention de la gendarmerie de Nancy et à la brigade de recherche de Nancy. » Il ajoutait : « Je demanderai au préfet de procéder, en concertation avec les élus, à une évaluation un an après le transfert. » La commune de Neuves-Maisons, ainsi que l’ensemble des communes dépendant de ce commissariat, avaient donc accepté par délibération ce transfert, dans les conditions qui avaient ainsi été fixées.
Or, cinq ans après, aucune évaluation n’a été menée, et le maire vient d’être informé que, dès 2010, dix postes sur les trente-huit existants seront supprimés dans la brigade de gendarmerie, soit plus du quart de ses effectifs. Cette réduction se fait sous couvert d’une réorganisation qui verra le rattachement à cette dernière de deux autres brigades, en vue de couvrir un territoire plus grand avec, donc, moins de moyens humains.
Tout le monde s’étonne de l’absence de concertation préalable à cette prise de décision et s’inquiète qu’une organisation mise en place voilà à peine cinq ans, avec l’assentiment de l’ensemble des communes et dont le fonctionnement a donné toute satisfaction, puisse être aujourd’hui remise en cause si brutalement, au simple motif d’une révision générale des politiques publiques et sans qu’aucune évaluation préalable ait été menée.
Madame la secrétaire d’État, très attachés à la présence des services publics sur l’ensemble des territoires ruraux, en particulier à celle de la gendarmerie, nous redoutons les conséquences de cette décision. Voilà pourquoi je souhaitais obtenir, au nom des élus locaux concernés, quelques éclaircissements sur les raisons d’une telle réduction d’effectifs.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Marie-Luce Penchard, secrétaire d’État chargée de l’outre-mer. Monsieur Reiner, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de mon collègue Brice Hortefeux. Je veux vous dire combien il partage votre préoccupation d’assurer la sécurité de nos concitoyens partout et pour tous. Il ne doit y avoir aucun territoire oublié, ni aucune population négligée.
Pour autant, il n’est pas exclu d’opérer des ajustements du maillage territorial des forces de sécurité, ne serait-ce que pour tenir compte des évolutions de la démographie et d’une délinquance qui s’affranchit de plus en plus des frontières administratives.
Monsieur le sénateur, il s’agit non pas de réorganiser pour réorganiser, mais de répondre à un seul et unique objectif : obtenir une amélioration opérationnelle qui permette de faire baisser la délinquance.
Dans cette perspective, vous le savez, une étude est actuellement menée dans le département de Meurthe-et-Moselle, afin d’adapter les zones de compétence de certaines unités de gendarmerie à la répartition de la population, des flux de circulation et des bassins de délinquance. Il s’agit notamment de savoir si le dispositif de sécurité actuellement implanté sur le secteur de Neuves-Maisons ne pourrait pas être adapté en vue d’une plus grande souplesse.
Dans ce cadre, l’un des scénarios envisagés est le regroupement des effectifs au sein d’une communauté de brigades, placée sous un commandement unique. Cela pourrait éventuellement permettre de rationaliser certaines tâches de soutien administratif, tout en continuant de bénéficier, dans les mêmes conditions qu’aujourd’hui – j’insiste sur ce point –, du soutien du peloton de surveillance et d’intervention et de la brigade de recherche de la compagnie de Nancy. Bien entendu, il n’est pas question de remettre en cause la présence de la gendarmerie sur l'ensemble du territoire.
À ce stade, il ne s’agit que d’une réflexion conduite au sein de la gendarmerie nationale, qui soumettra ensuite ses éventuelles propositions à l’agrément du ministre de l’intérieur. Aucune décision n’est donc arrêtée pour le moment.
Monsieur le sénateur, je peux vous l’assurer, Brice Hortefeux partage pleinement votre préoccupation et tout développement de ce dossier donnera lieu à une concertation avec les élus concernés, sous l’égide du préfet de département.
M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de m’avoir fait part de la réponse du ministre de l’intérieur, que je transmettrai aux élus qui m’ont alerté sur ce sujet, même si, évidemment, ni eux ni moi ne pouvons être totalement satisfaits. Il sera en effet bien difficile de faire passer l’idée qu’une diminution des effectifs de 20 % permettra d’améliorer l’efficacité du service : nous ne sommes tout de même pas naïfs à ce point !
Je retiens néanmoins qu’aucune décision n’a été prise et que tout est encore à l’étude. Ma question est donc bienvenue, d’autant que M. le préfet vient de m’informer qu’une réunion aura lieu vendredi prochain à la préfecture, avec l’ensemble des élus concernés. La concertation semble donc se poursuivre. Je souhaite qu’elle aboutisse à une solution raisonnable et non à une simple réduction d’effectifs.
Les élus auraient bien du mal, comprenez-le, à faire confiance à leurs interlocuteurs s’ils s’aperçoivent que l’organisation mise en place voilà cinq ans avec moult promesses est si rapidement remise en cause. Rien ne justifie, sur le plan démographique, une telle évolution puisque la zone concernée compte 40 000 habitants et est plutôt en expansion. De plus, aucune amélioration spectaculaire en matière de sécurité n’a été constatée, bien au contraire.
Je souhaite donc que la concertation qui s’engage marque une étape importante dans la discussion actuelle et que nous puissions améliorer la situation sans remettre en cause la brigade de gendarmerie de Neuves-Maisons.
fichier « base élèves »
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, auteur de la question n° 606, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je souhaite attirer l’attention de M. le ministre de l’éducation nationale, sur le fichier « Base élèves premier degré » et surtout sur les observations du Comité des droits de l’enfant de l’ONU relatives à la situation en France, rendues publiques le 11 juin dernier.
Constatant notamment que les objectifs et l’utilité de ce fichier ne sont pas clairement définis, le Comité se dit « préoccupé par le fait que cette base de données puisse être utilisée à d’autres fins, telles que la détection de la délinquance et des enfants migrants en situation irrégulière, et par l’insuffisance des dispositions légales propres à prévenir son interconnexion avec les bases de données d’autres administrations. » Par ailleurs, il a noté « avec préoccupation que les parents ne peuvent pas s’opposer à l’enregistrement de leurs enfants dans cette base de données, n’en sont souvent pas informés, et pourraient avoir des réticences à scolariser leurs enfants ».
En outre, « rappelant les recommandations formulées par le Comité des droits de l’homme […], le Comité engage instamment l’État partie à prendre toutes les mesures voulues pour garantir que la collecte, le stockage et l’utilisation de données personnelles sensibles sont compatibles avec les obligations qui lui incombent en vertu de l’article 16 de la Convention [relative aux droits de l’enfant] ».
Plus généralement, « le Comité recommande en outre à l’État partie de ne saisir dans les bases de données que des renseignements personnels anonymes et de légiférer sur l’utilisation des données collectées en vue de prévenir une utilisation abusive des informations ».
Aussi, madame la secrétaire d’État, je vous demande de bien vouloir m’indiquer les suites que le ministre de l’éducation nationale et le Gouvernement entendent donner à ces recommandations. Au vu des éléments relevés par l’avis du Comité des droits de l’enfant, il serait, me semble-t-il, cohérent que les sanctions prises par les rectorats à l’encontre de ceux qui se sont opposés à ce fichier soient levées.
Enfin, pourriez-vous m’éclairer sur les raisons pour lesquelles les écoles privées catholiques sous contrat ont été autorisées, en septembre 2008, à créer leur propre fichier des écoles et leur propre base des « identifiants élèves », respectivement dénommés BASEC et INEC ?
Mme Nathalie Goulet. Bonne question !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Marie-Luce Penchard, secrétaire d’État chargée de l’outre-mer. Madame la sénatrice, vous interrogez M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, et le Gouvernement à la fois sur les objectifs et la fiabilité du fichier « Base élèves premier degré ». Je tiens à vous rassurer sur ces deux points.
Le principe de ce fichier est simple : il s’agit d’une application informatique, mise à la disposition des directeurs d’école et des maires, pour faciliter la gestion des élèves et assurer ainsi un suivi efficace et simple des élèves du premier degré sur le plan tant administratif que pédagogique.
Vous le savez, ces procédures étaient auparavant assurées par les municipalités, par les académies ou par les écoles elles-mêmes, sans présenter toutes les garanties de sécurité technique et juridique.
Aujourd’hui, la modernisation de l’application constitue une véritable avancée en matière d’équité de traitement des territoires.
En effet, le fichier « Base élèves premier degré » a permis d’alléger significativement le travail de préparation de rentrée des directeurs d’école et de rendre ces derniers plus disponibles pour les parents d’élèves. Si des résistances se sont manifestées lors de la mise en place de ce nouvel outil de performance, elles n’ont pas été très nombreuses.
En cette rentrée 2009, plus de 90 % des écoles fonctionnent avec ce fichier ; ce succès est incontestablement dû à l’engagement des directeurs d’école, qui ont par ailleurs reçu une formation approfondie pour son utilisation.
Sur la fiabilité du système, il convient de préciser que l’application est en tout point conforme à la législation en vigueur, puisqu’elle a fait l’objet de l’ensemble des procédures de déclaration prévues par la loi relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. La nature des données y figurant ainsi que leurs destinataires sont connus de tous.
De plus, le ministère de l’éducation nationale s’est engagé à ce que le fichier ne puisse faire l’objet d’aucune interconnexion avec toute autre application gérée par un autre ministère ou un organisme public. Une notice d’information a été remise à la rentrée aux parents d’élèves, mentionnant leurs droits d’accès et de modification.
Par ailleurs, je voudrais souligner que toutes les informations qui n’étaient pas strictement nécessaires à la gestion des effectifs des élèves ont été retirées de la liste de données, notamment la nationalité ou l’origine ethnique des élèves et de leurs parents.
Mme Nathalie Goulet. Heureusement !
Mme Marie-Luce Penchard, secrétaire d’État. Sont dorénavant recensées les seules informations concernant les coordonnées de l’élève, ainsi que celles des responsables légaux de l’enfant.
Les données liées à la scolarité de l’élève ne portent que sur des champs restreints : classe, date d’inscription, d’admission ou de radiation. Enfin, la durée de conservation des données est limitée à la scolarité de l’élève dans le premier degré.
Madame la sénatrice, comme vous pouvez le constater, l’opposition à ce fichier n’est donc pas fondée.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Madame la secrétaire d’État, je ne suis pas totalement satisfaite : vous n’avez répondu ni sur les sanctions ni sur les écoles privées catholiques.
Les termes « gestion » et « pilotage » du premier degré que vous avez employés au sujet des données recueillies ne permettent pas de définir avec précision la finalité du traitement, contrairement à ce que requiert l’article 6, 2°, de la loi Informatique et libertés.
Ce n’est pas la première fois qu’un tel dossier est entouré d’un flou artistique. L’ensemble de ces questions mériteraient d’autant plus un débat parlementaire que, avec « Base élèves », se met en place un système qui semble en contradiction avec la Convention internationale des droits de l’enfant.
Je vous ai entendue préciser que les données concernant, notamment, la nationalité ont été retirées de la base. La précision est intéressante : je ne savais pas que des données de ce type figuraient dans le fichier ! Sans doute cette décision ponctuelle a-t-elle été prise pour tenir compte des critiques émanant du Comité des droits de l’enfant de l’ONU, mais cela n’enlève rien au caractère aberrant de l’ensemble !
Je précise, en outre, que la donnée servant d’identifiant contenue dans ce fichier peut être utilisée pendant trente-cinq ans. Du fait de l’absence totale d’évocation de la Base nationale des identifiants élèves, il sera donc possible de conserver les données relatives à un élève depuis longtemps devenu adulte. On peut tout de même se poser des questions…
Alors que la Défenseure des enfants disparaît de notre paysage institutionnel, et avec elle ses différentes prestations, toutes très utiles, on est en droit de s’interroger. Comment faut-il interpréter le fait que la France ne juge plus indispensable d’être dotée d’une instance chargée de veiller au respect des droits de l’enfant ? C’est un sujet sur lequel nous aurons l’occasion de revenir.
Je souhaite, pour conclure sur une partie de la question à laquelle vous ne m’avez pas répondu, la levée des sanctions prononcées à l’encontre de ceux qui ont manifesté des craintes justifiées sur ce fichier.