M. le président. La parole est à M. Jacques Gautier.
M. Jacques Gautier. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, je trouve hautement symbolique que le Sénat se prononce sur le projet de loi de programmation militaire pour les années 2009 à 2014 au lendemain du 14 juillet, qui a permis à la nation de témoigner sa reconnaissance à ses armées.
M. Jacques Gautier. Nous savons la compétence, le professionnalisme, le courage et le dévouement de nos troupes. Nous avons le devoir, au travers de ce texte, de leur apporter les formats opérationnels, les équipements, la maintenance des matériels et les moyens dont elles ont besoin pour assurer leurs missions, et ce dans un contexte économique et financier difficile.
Monsieur le ministre, je veux saluer une loi de programmation militaire ambitieuse, cohérente et réaliste, qui conserve à notre pays l’éventail des capacités d’un acteur militaire majeur et lui permet d’assurer sa sécurité, de respecter ses engagements internationaux, de protéger ses intérêts vitaux et ses voies maritimes, tout en prenant en compte l’évolution des menaces, y compris terroristes, la dangerosité du monde et son instabilité. Pour autant, elle n’omet pas le volet industriel et technologique de notre outil de défense qui, en lien étroit avec nos partenaires européens, nous apporte emplois, performances, recherches et savoir-faire, et incarne ainsi l’avenir.
Cette loi de programmation militaire est novatrice, car elle intègre les conclusions du Livre blanc, issu d’un long travail d’études, d’expertises, de réflexions et de confrontations. Ce document nous éclaire sur la persistance de nombreux foyers de crise régionaux, sur la montée de nouveaux défis, tel le terrorisme, sur la prolifération des armes de destruction massive et, malheureusement, de leurs vecteurs balistiques, sur les tensions concernant les ressources naturelles, sur le rôle croissant des acteurs non étatiques dans un environnement marqué par l’accélération des flux de communication, mais aussi sur l’élargissement des zones critiques pouvant nous concerner directement.
Cette instabilité accrue nous oblige à faire appel à des capacités d’anticipation et de connaissance élargies, ainsi qu’à une approche plus globale, tant intérieure qu’extérieure, s’appuyant sur l’ensemble des acteurs civils, militaires, diplomatiques et économiques, tout en développant la polyvalence de nos forces armées.
Mais le Livre blanc met aussi en cohérence la planification des équipements et des effectifs en fonction des besoins réels et des perspectives financières.
Cette loi de programmation militaire est également novatrice parce qu’elle n’est pas la simple continuation des deux lois de programmation militaires précédentes. Elle ne définit plus « un modèle d’armée », dont le cadre est, par nature, figé, contraignant, et, disons-le, rapidement obsolète.
Cette loi de programmation militaire intègre la durée, les années 2009 à 2014, et se prolonge sur la période 2015 à 2020, mais elle est surtout marquée par une notion nouvelle, « l’évaluation ». En effet, au-delà des lois de finances annuelles et même de la loi de programmation des finances publiques, ce texte fera l’objet d’un bilan d’étape et d’une révision. Nous savons tous que certains programmes seront décidés en 2011-2012 au vu de l’évolution de l’environnement stratégique et économique.
Cette loi de programmation militaire est donc moins intangible et plus adaptable à nos besoins et moyens militaires et industriels. Elle consolide aussi, je le souligne à mon tour, le financement des OPEX, d’abord en prévoyant une augmentation progressive des crédits, pour atteindre 630 millions d’euros en 2011, puis en disposant – et ce point est essentiel – que les surcoûts nets, non couverts par les provisions, seront financés par des prélèvements sur la réserve de précaution interministérielle et non au détriment du fonctionnement et du MCO, ou maintien en condition opérationnelle, du budget de la défense, comme cela a été trop souvent le cas.
Le président Josselin de Rohan et plusieurs de mes collègues ayant abordé de nombreux volets de cette loi de programmation, je limiterai mon propos aux quatre premiers articles et au rapport annexé, en m’intéressant particulièrement aux équipements. Mais comment parler de ces derniers sans évoquer la réduction des effectifs ?
Depuis la professionnalisation de nos armées, nos militaires et les civils de la défense ont vécu une évolution permanente et une diminution régulière des effectifs, tout en faisant preuve, disons-le clairement, d’un sens de l’intérêt de la nation que je tiens à saluer.
Cette loi fait de l’adaptation des ressources humaines l’un des pivots essentiels de la réussite de la programmation, d’une part, en tirant les conséquences des nouveaux formats opérationnels définis par le Livre blanc et correspondant réellement à nos besoins – il ne s’agit plus d’afficher des modèles virtuels et irréalisables –, d’autre part, en intégrant la nécessaire réorganisation de nos soutiens et de l’administration, préconisée par la RGPP et ô combien ! indispensable.
Mais il faut souligner que ces économies brutes dégagées en fonctionnement et en personnels sont totalement sanctuarisées dans le budget de la défense, avec trois finalités bien définies : améliorer les conditions des militaires – c’est le moins que nous puissions faire pour eux ; mettre en œuvre les restructurations et les plans d’accompagnement sociaux, ce qui est naturel ; enfin, dégager des marges de manœuvre nouvelles, indispensables pour les équipements, soit 1,8 milliard d’euros sur la période de six ans.
Ces sommes sont complétées par les recettes nouvelles dégagées par les cessions de patrimoine et la vente de fréquences hertziennes, ainsi que par le volet « défense » du plan de relance, permettant d’atteindre des niveaux d’investissement jamais réalisés et de financer des programmes trop longtemps décalés ou repoussés, et dont nos forces sur le terrain ont un besoin essentiel.
Au total, sur la durée de cette loi de programmation militaire, ce sont plus de 7 milliards d’euros supplémentaires qui seront consacrés aux programmes majeurs grâce à ces recettes nouvelles.
Certains ont évoqué les incertitudes qui pèsent sur les montants et les échéances auxquelles seront mobilisés ces crédits. Je comprends leurs interrogations, mais je sais, monsieur le ministre, que vous aurez à cœur de les rassurer.
Compte tenu du temps de parole limité qui m’est imparti, je ne peux détailler les deux cents programmes majeurs d’équipements de cette loi de programmation militaire. Je me permettrai donc de vous signaler quelques équipements qui me semblent essentiels, en les déclinant en cinq grands chapitres.
Premièrement, j’aborderai les programmes destinés au renseignement et à la maîtrise de l’information. Compte tenu de l’instabilité de notre environnement, de la montée des risques nouveaux, il est plus que jamais nécessaire d’anticiper ; ces programmes sont donc essentiels.
Je retiendrai le programme européen MUSIS et ses trois satellites, dont le lancement est prévu en 2015, 2017 et 2018 et qui remplaceront les systèmes actuels, Helios II pour la France, SAR-Lupe pour l’Allemagne, avec des capacités d’imageries tout temps, jour et nuit, et des performances inégalées dans l’anticipation, le suivi et la conduite des opérations.
Monsieur le ministre, je tiens à insister sur la nécessité de disposer rapidement de drones sur les segments MALE, ou moyenne altitude longue endurance, et Tactique, tout en préparant les développements futurs, car c’est un secteur dans lequel nous accusons d’importants retards, surtout face aux Américains et aux Israéliens.
Il importe de compléter notre parc actuel de drones MALE – je me félicite de l’achat d’un quatrième Harfang – et certainement d’un deuxième segment sol. Mais il faut surtout trancher définitivement le choix d’un futur système MALE, entre l’UAV d’EADS, avec l’Allemagne et l’Espagne, le SDM de Dassault et Thalès, avec l’Espagne, sur une plate-forme Heron, ou acheter « sur étagère » directement le Héron israélien ou le Predator américain. Ce choix doit prendre en compte des critères de délais, de coûts, de performances et, peut-être, de retours économiques et d’emplois.
Dans le segment tactique, je me félicite que des drones Sperwer, intégrés au sein du système de drones tactiques intérimaires, soient déployés en Afghanistan. Je crois toutefois nécessaire – je me bats depuis plusieurs mois à cette fin – d’accélérer les livraisons des drones de reconnaissance au contact, ou DRAC, d’EADS et de les affecter d’urgence à nos troupes sur le terrain en Afghanistan.
Deuxièmement, en ce qui concerne le volet nucléaire, les programmes prévus dans la loi de programmation correspondent à la modernisation de notre outil de dissuasion s’agissant tant des composantes océanique et aéroportée que des transmissions nucléaires, ou de la mise en service du laser Mégajoule, dont nous avons pu, avec la commission, découvrir les installations, mais aussi le prototype de la ligne d’intégration laser, ou LIL.
J’en viens, troisièmement, aux capacités de projection, de mobilité et de soutien. Nous connaissons tous les problèmes générés par le retard du programme A400M. Je sais que, profitant du moratoire en cours, les discussions sont engagées avec les pays concernés, notamment avec le Royaume-Uni. Nous vous faisons confiance, monsieur le ministre, pour trouver des solutions avec vos collègues des pays partenaires lors de la prochaine réunion du 24 juillet ; ce programme ne peut échouer.
De même, les moyens de compenser le « trou capacitaire » existent, et nous en avons dressé la liste. Il convient maintenant de les mettre en œuvre en officialisant les solutions, les calendriers et les modes de maîtrise retenus pour certains matériels, qu’il s’agisse de leasing, d’achat ou de partenariat d’État.
Quatrièmement, les capacités d’engagement et de combat constituent un volet primordial du texte ; elles représenteront 40 % des investissements. Elles sont essentielles pour l’aptitude de nos armées à remplir leurs missions. Beaucoup de matériels sont anciens et de nombreux programmes arrivent en même temps.
Pour la composante aéroterrestre, le défi est multiple et important. Je veux souligner l’engagement fort du plan de relance et de cette loi de programmation militaire concernant le véhicule blindé de combat d’infanterie, ou VBCI, qui a défilé le 14 juillet, et dont mon collègue Daniel Reiner et moi-même avons pu voir les chaînes de fabrication chez Nexter. Ainsi, 594 VBCI sur 630 devraient être livrés pour 2014 et les vieux AMX 10 P pourraient être enfin remplacés progressivement.
L’arrivée du VBCI implique que les équipements félins pour les fantassins embarqués soient livrés parallèlement. J’ai noté que la totalité de cette commande, dont la cible a été ramenée à 22 500 exemplaires, devrait être effective en 2014.
La définition du successeur du missile filoguidé MILAN semble toujours en cours de réflexion. Compte tenu des équipements existants en stock, d’un retour d’utilisation qui semble donner satisfaction dans les distances d’emploi de deux mille à trois mille mètres, il est peut-être possible – je m’interroge sur ce point – de retarder ce programme de quelques années et d’acheter « sur étagères » quelques missiles nouvelle génération Fire and Forget, Javelin américain ou Spike israélien.
Je mentionnerai également l’arrivée du Canon de 155 Caesar, qui apporte mobilité, souplesse d’emploi, allonge et précision. Nos troupes en Afghanistan ont bien besoin de ce soutien.
Dans le domaine des capacités aériennes de combat, on ne peut que se féliciter de la décision d’aller vers un parc homogène d’avions de combat centré sur le Rafale : soixante-huit ont déjà été livrés entre l’armée de l’air et la marine et cinquante sont prévus dans cette loi de programmation, avec le standard F3, puis « post-F3 ».
La piste du réacteur M 88 en version dite Smart, délivrant neuf tonnes de poussée sur des phases spécifiques de vol, mérite certainement d’être approfondie.
La phase intermédiaire reposant sur un parc mixte de Rafale et de Mirage 2000 D modernisés semble cohérente. Cependant, les retraits progressifs des Mirage F1, CT et CR ainsi que des Super-étendard, puis des Mirage 2000 C et N, poseront un problème de « trou capacitaire » : nous ne disposerons pas, dans les années à venir, des trois cents appareils dont nous avons besoin.
Dans le domaine naval, le report en 2011 de la décision sur le deuxième porte-avions ne me préoccupe pas, car un choix trop rapide aurait déstabilisé d’autres programmes essentiels pour la Marine.
En ce qui concerne le programme des sous-marins nucléaires d’attaque Barracuda, je me félicite de cette orientation prioritaire, qui représentera une réelle amélioration capacitaire et opérationnelle par rapport aux SNA de type Rubis.
Il me semble nécessaire que, sur ce programme, comme pour les autres, on réfléchisse en amont avec les utilisateurs. Je rappelle que les SNA actuels ne peuvent pas embarquer les matériels des nageurs de combat et que nos commandos travaillent avec les sous-marins classiques allemands. C’est un bon partenariat, mais il serait souhaitable de l’éviter pour les Barracuda.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Jacques Gautier. Je n’aborderai donc pas les capacités de protection et de sauvegarde, avec les solutions pratiques.
En conclusion, monsieur le ministre, je tiens à saluer la volonté politique, la mobilisation financière et le pragmatisme qui ont présidé à l’élaboration de cette loi de programmation militaire.
Je veux souligner les choix raisonnés et l’effort accompli, notamment dans le domaine de l’entretien et de la MCO, sans lequel une partie importante des équipements vieillissants connaîtrait un pourcentage inacceptable d’indisponibilités.
Cette loi de programmation militaire permettra de retrouver un niveau opérationnel très satisfaisant, sans sacrifier la période transitoire, pour laquelle vous avez su apporter des réponses réalistes, efficaces et adaptées. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. André Vantomme. (MM. Didier Boulaud et Bernard Piras applaudissent.)
M. André Vantomme. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaite vous parler des OPEX. Depuis vingt ans, la France projette en permanence 10 000 à 12 000 militaires dans des opérations extérieures. Ces effectifs s’ajoutent à ceux qui sont prépositionnés dans des pays avec lesquels nous avons signé des accords de défense.
Les OPEX coûtent cher et sont en augmentation continue. Les crédits pour 2008 s’élèvent à 852 millions et sont probablement sous-estimés, car tout laisse à penser que le coût de telles opérations ne devrait guère se réduire compte tenu de notre implication croissante en Afghanistan.
Cela a motivé la curiosité légitime de nos collègues de l’Assemblée nationale – rapport d’information n° 1790 de la mission d’évaluation et de contrôle sur le financement des OPEX –, ainsi que des magistrats de la deuxième chambre de la Cour des comptes, qui ont procédé à un contrôle sur ce thème.
Je ne saurais oublier les travaux menés depuis l’année dernière par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, qui ont abouti à la publication d’un rapport intitulé Les opérations extérieures sous le contrôle du Parlement.
Cette curiosité et cet intérêt pour les OPEX paraissent particulièrement opportuns dans le cadre de la discussion de la loi de programmation militaire.
Le sujet est sensible, car, pendant des années, jusqu’en 2001, le financement des OPEX figurait trop souvent au sein des crédits d’équipement, qui servaient de variable ajustement.
Depuis 2005, une dotation est inscrite dans le projet de loi de finances initiale, complétée en loi de finances rectificative, le différentiel ayant contribué à la résorption des reports de crédits d’investissement – on y revient ! – de la loi relative à la programmation militaire pour les années 1997 à 2002.
Monsieur le ministre, votre loi de programmation prévoit une budgétisation plus complète et porte la provision en loi de finances initiale de 510 millions d’euros en 2009 à 570 millions d’euros en 2010 et à 630 millions d’euros en 2011. Elle précise que les crédits mis en réserve au titre des différents ministères pourront être mobilisés pour contribuer à résorber le différentiel.
Qu’en est-il de la sincérité budgétaire dans cette affaire ? La situation est paradoxale : d’un côté, vous demandez aux militaires un engagement fort et total, au péril de leur vie – vingt-sept morts en Afghanistan – et accroissez l’engagement de notre pays, notamment en Afghanistan ; de l’autre, vous ne savez pas inscrire en sincérité et en conformité avec notre droit budgétaire les sommes nécessaires dans le budget de l’État.
Ah ! le bel artifice que la réserve au titre des différents ministères ! Nous ne manquerons pas de nous intéresser à ce dispositif magique pour connaître les généreux contributeurs, qui, une fois le temps de l’annonce passée par leur politique de communication, auront à cœur, contraints et forcés, d’accomplir leur devoir à l’égard du budget de la défense et de renoncer à leur propre politique. S’agira-t-il de l’éducation nationale, de la santé, des affaires étrangères, de la justice ? Tout le monde aura sa « chance » !
Vous me permettrez, monsieur le ministre, puisque l’on traite aujourd’hui des opérations extérieures, de constater que, décidément, à l’étranger, nous avons beaucoup de difficultés avec la sincérité budgétaire. Votre éminent collègue des affaires étrangères continue, année après année, de comptabiliser, de façon extracomptable, les mêmes annulations de dettes vis-à-vis des pays pauvres, pour majorer artificiellement et d’une manière fallacieuse notre contribution à l’aide au développement. Vous-même, bien qu’en progrès, n’arrivez toujours pas à inscrire dans votre budget et dans la loi de programmation militaire la réalité des engagements extérieurs de notre pays.
Cette exigence de sincérité et de respect de notre droit budgétaire est d’autant plus nécessaire que le Parlement, mais aussi nos concitoyens sont informés des soupçons et des initiatives judiciaires à l’égard de ventes d’armement à l’étranger et des conséquences dommageables pour notre pays.
Dans le même temps, le bouclier du secret-défense s’agrandit et renforce le sentiment de soupçon. Attention à la contagion !
Surtout, l’exigence de sincérité budgétaire contribuera, j’en suis sûr, à mieux apprécier les évolutions que se doit de réserver le Parlement à ces très coûteux engagements en période de crise.
Monsieur le ministre, dans les quelques minutes qui me sont imparties, il n’est pas possible d’être trop bavard et d’aborder tous les aspects des OPEX. Je conclurai donc mon propos sur une interrogation : le courage et les sacrifices de nos militaires en Afghanistan, les efforts budgétaires consentis depuis sept ans sont-ils en rapport avec les résultats obtenus sur place quant aux progrès de nos valeurs et au partage de nos idéaux qui ont motivé notre engagement initial ? J’écouterai avec intérêt et attention votre réponse ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Xavier Pintat.
M. Xavier Pintat. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce projet de loi de programmation militaire a été précédé d’un travail extrêmement approfondi dans le cadre de l’élaboration du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, afin de réévaluer tous les paramètres de notre politique de défense et de sécurité au regard du contexte international, des enjeux pour la sécurité de la France, des besoins de nos armées et de leurs implications financières.
Le vote de ce projet de loi doit, en quelque sorte, « mettre sur les rails » la politique définie après le Livre blanc, en garantissant la cohérence dans le temps des différentes mesures qui seront prises en termes d’effectifs, de budget ou d’équipements pour atteindre les objectifs fixés. Ces objectifs répondent bien, à mes yeux, aux nécessités de notre défense et de notre sécurité dans un monde en évolution rapide.
Ils visent, tout d’abord, à mieux prendre en compte toute la gamme des facteurs mettant en jeu nos intérêts de sécurité et ceux de la population, que ce soit à l’extérieur ou sur le territoire national et qu’ils nécessitent le recours à des moyens militaires ou à d’autres types de réponses.
Ces objectifs visent, ensuite, à poursuivre la transformation de notre défense déjà largement engagée depuis la fin de la guerre froide et la mise en place de la professionnalisation. Je pense, notamment, au pas très important qui doit être franchi sur la voie d’une organisation de l’administration et du soutien plus efficace, moins consommatrice en effectifs et en budget. Nous pourrons ainsi concentrer l’effort sur les capacités opérationnelles, sur l’entraînement et l’équipement des personnels, ainsi que sur la mise en service de nouveaux matériels beaucoup plus performants.
Les orientations fixées dans le projet de loi permettront, enfin, à notre pays de jouer encore mieux son rôle dans les différents cadres multinationaux où s’exerce désormais de manière privilégiée notre politique de défense.
L’ambition européenne figure, à juste titre, en tête de nos priorités. La politique européenne de sécurité et de défense a incontestablement pris corps ces dernières années, avec un grand nombre d’opérations de nature très variée. Le renforcement de la coopération européenne inspire très largement notre politique, que ce soit sur les programmes d’équipement, sur la recherche, sur la formation et l’entraînement, ou sur la mutualisation de certaines capacités.
Nous avons également clarifié notre vision de l’articulation entre l’Europe de la défense et l’Alliance atlantique, ce qui ne peut que faciliter, à mon sens, la mise en œuvre de projets communs avec nos partenaires européens.
Je souhaiterais évoquer trois grands domaines que je suis plus particulièrement en tant que rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères pour les crédits liés à la dissuasion, à l’espace et aux systèmes de commandement et d’information.
Le premier est la dissuasion, dont le rôle essentiel dans la stratégie de la France est confirmé. Il me semble important de souligner la cohérence entre les positions de notre pays sur le plan international, sa stratégie de défense et les moyens qu’il consacre à la dissuasion.
Sur le plan international, la France s’engage activement en faveur du renforcement des régimes de désarmement et de non-prolifération. Sur le plan national, elle a déjà effectué des pas très significatifs, comme le démantèlement des sites d’essais et de production de matière fissile ou la réduction du format des forces nucléaires. Pour ma part, je ne vois pas de contradiction entre la perspective d’un monde sans armes nucléaires, qu’a évoquée le président des États-Unis, et notre politique, qui s’est traduite par des gestes concrets dans cette direction, le dernier étant la diminution du volume de la composante aéroportée décidée par le Président de la République.
La poursuite de ce mouvement reste avant tout tributaire de l’évolution des arsenaux, toujours considérables, des deux principales puissances nucléaires, mais aussi de la capacité de la communauté internationale à contenir la prolifération nucléaire. Dans ces conditions, il demeure indispensable de maintenir notre capacité de dissuasion à un niveau de stricte suffisance, mais qui soit néanmoins pleinement crédible.
Le projet de loi de programmation traduit bien cet objectif. Il prévoit les moyens de maintenir la crédibilité de la dissuasion, compte tenu de l’environnement international, avec le renouvellement de nos deux missiles et le programme de simulation, qui représentent un volet tout à fait essentiel de cette crédibilité.
Le deuxième domaine que je souhaiterais aborder est la priorité qui a été donnée au renforcement des moyens participant à la fonction « connaissance et anticipation ».
Le domaine spatial en est l’exemple le plus marquant, avec non seulement des capacités accrues dans le domaine de l’observation, grâce au programme européen MUSIS, mais aussi l’acquisition de capacités nouvelles pour l’écoute ou l’alerte avancée.
Les chiffres cités dans le rapport de la commission montrent que le budget spatial connaîtra une importante progression dans les prochaines années, ce qui permettra d’élargir la gamme de nos moyens spatiaux, mais aussi, il faut l’espérer, d’accroître notre force d’entraînement en Europe pour développer la coopération sur les programmes spatiaux.
Au-delà des satellites, le projet de loi de programmation prévoit également l’acquisition d’un grand nombre d’équipements, qui vont très directement concourir au renforcement des moyens dévolus à la connaissance et à l’anticipation ; je pense aux systèmes de commandement et de communication, ou encore à des équipements essentiels au renseignement, comme les nacelles de reconnaissance Reco NG pour les avions de combat.
Je voudrais toutefois souligner que, dans le schéma qui nous est proposé, une partie du financement de ces équipements repose sur le produit des cessions de fréquences hertziennes.
Monsieur le ministre, vous avez évoqué des mesures compensatoires en 2009, compte tenu de l’impossibilité de réaliser les cessions de fréquences cette année. Il est essentiel que les ressources prévues pour ces programmes soient mises en place.
De même, la période 2009-2014 devra impérativement se traduire par un renforcement de nos capacités en drones. En ce domaine, cela a été excellemment rappelé, nous avons enregistré ces dernières années plusieurs déceptions, du fait de difficultés industrielles.
C’est un sujet sur lequel le comité ministériel d’investissement qui a été mis en place devra se pencher avec une attention particulière, afin de dégager des solutions crédibles pour satisfaire les besoins immédiats et préparer les développements futurs.
Enfin, monsieur le ministre, je voudrais terminer en évoquant un troisième domaine qui n’apparaît qu’en filigrane dans ce projet de loi, à savoir la défense antimissile.
L’acquisition d’une capacité en matière d’alerte balistique reposant sur un satellite et sur un radar très longue portée me paraît une décision très importante, qui participe autant à notre autonomie d’appréciation qu’à la crédibilité de la dissuasion. J’observe toutefois que le lancement des développements n’interviendra pas dans l’immédiat et que les échéances de mises en service sont assez lointaines.
À l’autre bout du processus, nous disposons, avec le missile Aster, d’une première capacité limitée d’interception de missiles balistiques de moyenne portée. Les perspectives d’une version plus évoluée de l’Aster, de même que l’acquisition de radars de trajectographie, restent encore à définir.
Monsieur le ministre, vous avez souligné, à juste titre, la nécessité de bien évaluer, s’agissant de la défense antimissile, l’intérêt d’acquérir ce type de capacité, la fiabilité des techniques et le coût des investissements. Il n’y a donc pas lieu de prendre des décisions précipitées, mais nous savons que ce dossier, qu’on le veuille ou non, continuera d’alimenter le débat international, d’autant que nous ne pouvons que constater les efforts conduits par un certain nombre de puissances régionales, notamment la Corée du Nord et l’Iran, pour développer leurs capacités balistiques.
Il me semble important que la France, pays le plus présent en Europe pour la plupart des technologies concourant à la défense antimissile, ne néglige pas les développements susceptibles d’intervenir dans ce domaine.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les principales observations d’ordre général que je souhaitais formuler sur ce projet de loi de programmation tel qu’adopté à l’Assemblée nationale. Il ouvre la voie à une modernisation profonde de notre défense et prévoit à cet effet un effort financier accru.
Je souhaite, comme la majorité des membres de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, en particulier son président, l’entrée en vigueur rapide de ce texte et des engagements qu’il contient. Pour ce faire, je le voterai. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)