M. Jean-Patrick Courtois. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Christian Poncelet.
M. Christian Poncelet. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaite à mon tour féliciter le président de la mission temporaire, Claude Belot, ses deux rapporteurs, Yves Krattinger et Jacqueline Gourault, et l’ensemble des membres de cette mission pour la qualité de leur travail.
L’intérêt du rapport que vous avez présenté, mes chers collègues, réside non seulement dans les propositions qu’il contient, et ce en abondance, mais aussi dans la démarche de dialogue et d’ouverture dont il découle.
En effet, la mission que vous a confiée le président du Sénat en octobre dernier vous a conduits – cela a été répété à maintes reprises – à aller à la rencontre des élus locaux sur le terrain. Il s’agissait d’étudier concrètement les problèmes auxquels ces élus se trouvent confrontés, ainsi que les populations qu’ils administrent, particulièrement en zone rurale et, surtout, en territoire de montagne.
J’ai moi-même conduit cette démarche d’écoute et de formulation de propositions avant que soit engagé ce que l’on a appelé « l’acte II de la décentralisation », et j’ai pu en mesurer tout l’intérêt. J’évoque ici les états généraux de la décentralisation, qui ont été menés région par région.
Fort de cette expérience, je souhaite insister aujourd’hui sur le lien nécessaire entre la clarification des compétences et le financement de ces compétences. Ces deux aspects me paraissent effectivement indissociables.
La répartition des compétences des collectivités territoriales est devenue, aujourd’hui, complètement illisible pour les citoyens et pour les élus locaux, qui ne savent plus à qui s’adresser et perdent un temps considérable dans de multiples circuits de décision. Ceux qui sont allés à leur rencontre ont pu entendre toutes les réclamations que les élus avaient à formuler à ce sujet.
La clarification de ces compétences est aujourd’hui indispensable. Elle doit être aussi nette que possible, sans craindre de remettre en cause certaines habitudes.
Je pense par exemple, comme beaucoup de mes collègues, que la clause de compétence générale doit être réservée à la commune ou à l’intercommunalité, par délégation de la commune. En effet, c’est le principal échelon de proximité, celui que nous devons conforter et renforcer.
M. Jacques Legendre. Très bien !
M. Christian Poncelet. Les compétences départementales et régionales doivent, pour leur part, être spécialisées afin de supprimer les doublons et les financements croisés et ainsi de simplifier les procédures. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Mais poser la question de la clarification des compétences doit simultanément – j’insiste sur ce terme – nous conduire à poser celle du financement.
Comme tout le monde le reconnaît, les grands principes de compensation de transfert des compétences édictés par les premières lois de décentralisation n’ont pas été respectés.
Ainsi, la loi du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions, dite loi Defferre, qui a été promulguée sous le gouvernement de M. Pierre Mauroy, précisait que tout transfert de compétences devait être accompagné d’un transfert de moyens à due concurrence. Personne ne conteste le principe, et pourtant, aucun gouvernement, ni de droite ni de gauche, n’a appliqué rigoureusement cette loi. Aucun, mes chers collègues ! (Nombreuses marques d’approbation.)
Comme la mission temporaire le rappelle dans son rapport, le Sénat avait adopté, le 26 octobre 2000, sur mon initiative, je me plais à le rappeler, une proposition de loi constitutionnelle relative à la libre administration des collectivités territoriales et à ses implications fiscales et financières.
La révision constitutionnelle de 2003, votée par l’ensemble des parlementaires réunis en Congrès,...
M. Jean-Pierre Raffarin. Absolument !
M. Christian Poncelet. ... a permis un progrès dans ce domaine, même si je reconnais qu’il reste certaines ambiguïtés, notamment sur la notion de « ressources propres ».
En effet, la vraie question est celle du dynamisme comparé des compétences et des ressources transférées. Qui fait quoi et avec quoi ?
Il est un domaine où le dynamisme structurel de la dépense doit nous conduire à nous interroger sur le financement des dépenses transférées : il s’agit de l’action sociale et médicosociale.
Les rapporteurs de la mission temporaire proposent de conforter le département dans son rôle de chef de file de l’action sociale, en renforçant la cohérence de son intervention avec les autres acteurs, en particulier avec l’agence régionale de santé et les organismes de sécurité sociale.
Ils proposent surtout de nouveaux transferts de compétences.
Seraient ainsi transférés aux départements le financement de l’allocation aux adultes handicapés, l’AAH, et de l’ensemble des établissements et services d’aide par le travail, les ESAT, ainsi que la compétence en matière de médecine scolaire. Ce dernier transfert, d’abord opéré à titre expérimental, ne tarderait pas à être définitif.
Pourtant, comme le soulignent aussi les auteurs du rapport, l’aide sociale aux personnes âgées, l’aide sociale aux personnes handicapées, l’aide sociale à l’enfance et les dépenses afférentes au revenu minimum d’insertion, le RMI, représentent déjà, aujourd’hui, 89 % des dépenses brutes d’aide sociale des départements.
Et que dire de l’impact financier du revenu de solidarité active, le RSA ? Qui peut prévoir le montant de la dépense enregistrée, en fin d’année, pour ce dispositif ? Personne ! On navigue à vue !
Le problème réside dans le fait que ces dépenses sont particulièrement dynamiques pour des raisons à la fois conjoncturelles et structurelles.
Le RMI, qui constitue le premier poste de dépenses, est, par exemple, très lié à la conjoncture. Compte tenu de la crise que nous traversons, nous pouvons craindre à court terme des difficultés dans ce domaine.
Il faut espérer un retour rapide de la croissance et une amélioration du marché du travail pour contenir l’inflation des dépenses liées à l’insertion.
La situation est plus inquiétante encore pour ce qui concerne l’aide sociale aux personnes handicapées et aux personnes âgées.
Dans ces deux domaines, les dépenses sont non seulement importantes, mais aussi, et surtout, structurellement, et quasi inévitablement, en croissance sur le long terme. C’est particulièrement vrai en matière de dépendance, eu égard au vieillissement de notre population, que certains regrettent peut-être...
Selon les projections de l’INSEE, d’ici à 2015 - c'est demain ! - le nombre des personnes âgées de plus de quatre-vingt-cinq ans va croître de moitié.
À l’horizon de 2025, à la veille du second pic de croissance du nombre des personnes âgées dépendantes, le vieillissement de la population pourrait engendrer des dépenses supplémentaires de l’ordre de deux à trois points de PIB ! À elle seule, la dépendance absorberait un demi-point, pour atteindre 1,5 % de la richesse nationale, et elle toucherait particulièrement les collectivités départementales.
Il s’agit donc là d’un défi considérable pour les finances publiques, notamment pour celles des départements, dont la structure des recettes est aujourd'hui complètement inadaptée à la structure des dépenses sociales et médicosociales.
Aujourd'hui, certains départements sont déjà au bord de la mise sous tutelle – par élégance, je n’en citerai aucun –, mais il faut savoir que les départements concernés seront de plus en plus nombreux.
C’est tout l’enjeu du cinquième risque, comme l’ont très bien souligné mes collègues Philippe Marini et Alain Vasselle, au nom de la mission commune d’information sur la prise en charge de la dépendance et la création du cinquième risque.
Je sais, monsieur le ministre de l’intérieur, que cette question ne relève pas essentiellement de votre autorité, mais elle est liée à la réforme des collectivités territoriales. Aussi, je considère que l’on ne peut pas se permettre d’évoquer de nouveaux transferts de compétences sans poser immédiatement la question de leur financement à moyen et long terme, qu’il s’agisse de transferts entre l’État et les collectivités locales ou entre les échelons de collectivités locales.
Il ne saurait y avoir de compétences bien exercées sans compétences bien financées ! C’est l’un des enjeux majeurs de la réforme que nous appelons tous de nos vœux. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur plusieurs travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau.
M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le rapport du comité Balladur pour la réforme des collectivités locales présentait la vision d’une France plutôt urbaine, dont la carte territoriale devait s’appuyer sur deux piliers : une intercommunalité « de plein exercice » et des régions beaucoup plus vastes en termes de masse critique.
La mission temporaire sur l’organisation et l’évolution des collectivités territoriales - je tiens à saluer ici le travail de son président et de ses rapporteurs, ainsi que la bonne ambiance qui a prévalu tout au long de nos réunions -, n’a pas tenté de faire des contre-propositions ; elle s’est contentée de dégager un socle de propositions consensuelles en vue de procéder à une réforme qui puisse, par-delà nos sensibilités géographiques et politiques, recueillir l’assentiment le plus large possible, notamment sur trois points qui me semblent majeurs.
Concernant tout d’abord l’architecture territoriale, au nom de notre identité, de notre géographie et de notre histoire, nous avons écarté l’idée d’un grand soir de la simplification administrative autoritaire.
C’est ainsi que les fusions entre les départements et entre les régions seront possibles à condition de recueillir le consentement populaire, c'est-à-dire après référendum. De même, la commune restera le chaînon élémentaire de l’organisation de notre vie collective, une conviction là encore partagée par tous, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégions.
Même s’il faut que l’intercommunalité soit renforcée, elle doit toujours procéder des communes et ne pas devenir une intercommunalité de plein exercice sur une base territoriale.
Nous avons beaucoup réfléchi aussi à une meilleure articulation entre régions et départements ; se pose immédiatement la question de la mise en place du fameux conseiller territorial.
Au-delà de la conformité du dispositif à la Constitution, qu’il faudra vérifier, il me semble fondamental de garantir le mode de scrutin uninominal majoritaire, notamment en milieu rural, qui est le scrutin de la responsabilité personnelle et, simultanément, de l’enracinement dans un territoire donné. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Ensuite, concernant la répartition des compétences, la mission temporaire est parvenue à un juste compromis en réaffirmant, tout en l’encadrant, le principe de la liberté d’initiative, forme de clause générale de compétence, et ce au nom du principe constitutionnel de libre administration, mais aussi au nom du principe d’efficacité.
Mes chers collègues, qui peut affirmer aujourd'hui que tous les territoires doivent être gérés de la même façon d’un bout à l’autre de l’Hexagone ?
M. Bruno Sido. Personne !
M. Bruno Retailleau. Effectivement, la liberté d’initiative est parfaitement nécessaire, car elle est consubstantielle aux collectivités et au principe même de l’efficacité.
En revanche, nous l’avons encadrée, car nous poussons plus avant la clarification et la spécialisation. Cette liberté d’initiative s’arrête donc bien entendu là où commence la liberté d’agir d’une autre collectivité, à qui échoit une compétence exclusive ou spécialisée. La clause générale n’a d’ailleurs jamais été l’autorisation de faire n’importe quoi ; il doit y avoir un intérêt local.
Enfin, concernant la fiscalité locale – un sujet important –, la mission temporaire est parvenue à un accord très large, en adoptant des principes forts que je tiens à rappeler.
Il ne saurait y avoir de découplage entre la liberté de décider de la dépense et la responsabilité de voter l’impôt. Mes chers collègues, ce serait, me semble-t-il, une bien mauvaise pédagogie que de les dissocier ! C'est la raison pour laquelle nous confirmons le principe de l’autonomie fiscale, plus que financière encore, qui est un principe de responsabilité pour les élus. (Applaudissements au banc de la commission, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et sur certaines travées du RDSE.)
De même, il ne saurait y avoir de dissociation entre les ressources des collectivités et leur activité économique. À ce titre, le principe d’un impôt économique local est confirmé, par la voie d’un double impôt.
Mme Maryvonne Blondin. Mais oui !
M. Bruno Retailleau. Cette proposition intelligente a recueilli l’assentiment de tous les membres de la mission temporaire, et ce quelles que soient leurs sensibilités.
M. Marc Daunis. Très bien !
M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, il n’y a pas deux France, une France des territoires et une France du pouvoir central ! Il n’y a pas non plus de concurrence entre l’État et les collectivités locales. Le principe de décentralisation n’a jamais blessé le principe républicain de l’unité nationale. Au contraire !
Dans notre société moderne, complexe et ouverte, l’action publique de proximité constitue un gage d’efficacité et de renforcement de la cohésion sociale. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur plusieurs travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat.
M. Claude Bérit-Débat. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je centrerai mon intervention sur l’intercommunalité, car cette question est essentielle dans le débat qui nous occupe.
En préambule, je tiens à m’associer aux remerciements qui ont été adressés à la mission temporaire pour le travail réalisé. Je me félicite du climat consensuel qui a régné et de l’esprit d’écoute très constructif dont ont fait preuve tant le président Claude Belot, les vice-présidents que les deux rapporteurs, ce qui nous a permis de parvenir à un consensus sur un certain nombre de points, notamment l’intercommunalité.
Toutefois, après avoir écouté mes collègues du groupe majoritaire, si je me réfère à la contribution déposée le 17 juin dernier et à la première contribution, donc pas celle qui figure dans le rapport de synthèse, il me semble voir très clairement se dessiner en filigrane le projet de loi qui nous sera soumis par le Gouvernement. Je dois l’avouer, cela m’amène à penser que notre travail aura été inutile.
Ainsi que certains de mes collègues l’ont souligné, l’intercommunalité a fait l’objet, au cours de nos travaux, d’un consensus. Il est essentiel de parachever la carte de l’intercommunalité, un point qui faisait partie des propositions formulées dans le rapport d’étape, de revisiter les intercommunalités existantes, avec le double souci de rationaliser les territoires et leurs compétences et de conférer des pouvoirs plus importants à la commission départementale de coopération intercommunale, notamment en consacrant une place plus importante aux représentants de l’intercommunalité afin qu’ils puissent peser dans cette rationalisation.
Je tiens également à souligner l’avancée réalisée pour ce qui concerne l’élection des conseillers communautaires. Le mode de scrutin proposé sera plus démocratique, grâce à un fléchage qui permettra à toutes les communes de plus de 500 habitants d’avoir des représentants à l’intercommunalité élus en même temps que les conseillers municipaux. Je me félicite, là encore, que cette question ait fait l’objet d’un très large consensus.
Concernant les propositions formulées par la mission temporaire sur les compétences, il nous faut non seulement élargir les compétences des communes, mais également les renforcer en matière d’environnement. En effet, de nombreuses communautés d’agglomération et de communes s’intéressent aujourd'hui de très près aux problèmes d’assainissement, d’eau ou encore de déchets. Il ne serait donc pas inutile ou inopportun d’inscrire ces questions au titre des compétences obligatoires.
De la même façon, il me semble indispensable – ce point est d’actualité, avec le Grenelle II ! – de mettre très rapidement une certaine cohérence dans les documents d’urbanisme et de planification ; je veux parler des PLU, les plans locaux d’urbanisme, des PLH, les programmes locaux de l’habitat, et des PDU, les plans de déplacements urbains, qui doivent être élaborés en liaison avec les SCOT, les schémas de cohérence territoriale.
M. Retailleau a déjà parlé de la clause de compétence générale, désormais « clause d’initiative ». Ce point me semble très important dans la mesure où toutes les collectivités pourront ainsi exercer cette initiative à l’échelle de leur territoire en veillant à ne pas empiéter sur les prérogatives des autres collectivités territoriales.
En matière de gouvernance, je me félicite de deux avancées, à savoir, d’une part, à l’échelon de la région, la création d’un conseil régional des exécutifs, au sein duquel siégeront non seulement le président du conseil régional et les présidents des conseils généraux, mais également les présidents des communautés urbaines, des communautés d’agglomération, des communautés des communes de plus de 50 000 habitants et un représentant par département des communautés de communes de moins de 50 000 habitants ; et, d’autre part, à l’échelon départemental, la création d’une conférence départementale des exécutifs, qui regrouperait le président du conseil général ainsi que les présidents d’intercommunalité.
Ces mesures sont, me semble-t-il, nécessaires pour donner une plus grande cohérence et une meilleure complémentarité aux actions menées par les collectivités territoriales.
J’en viens maintenant aux finances locales, un enjeu sur lequel je voudrais m’étendre un peu plus.
Le président de la République a supprimé la taxe professionnelle. Nous n’étions pas d’accord avec cette décision, mais elle a été prise et elle aujourd'hui entrée dans les faits.
Pour remplacer la taxe professionnelle, tout le monde s’est accordé sur un nouvel impôt économique, un impôt qui consacre un lien entre l’entreprise et le territoire.
Comme d’autres, je suis très favorable à un impôt assis sur deux assiettes, d'une part, le foncier bâti « revisité », d'autre part, la valeur ajoutée.
J’irai même plus loin que la mission dans ses conclusions : si le taux sur le foncier bâti est laissé à l’initiative des collectivités, il faut, selon moi, que le taux s’appliquant à la valeur ajoutée le soit également. (M. Roland du Luart s’exclame.) Je ne crois pas à un taux national qui nous serait imposé, ne nous laissant qu’une marge de manœuvre très étroite.
Comme l’ont dit les rapporteurs de la mission, la péréquation, à la fois verticale et horizontale, doit être renforcée. Après un certain nombre de simulations, deux propositions ont été faites. Il me semble important de les inscrire dans le prochain texte de loi.
En effet, je considère que les propositions des parlementaires que nous sommes, nous qui représentons les collectivités territoriales, constituent un socle, l’aboutissement d’une réflexion qui doit permettre d’élaborer une proposition de loi ou d’enrichir un projet de loi tenant compte d’une réalité du terrain que nous connaissons bien, car nous y sommes tous les jours !
Vous l’aurez compris, je souhaite non seulement que les travaux de la mission temporaire sur l’organisation et l’évolution des collectivités territoriales soient pris en compte demain par le Gouvernement, mais aussi que les sénateurs que nous sommes aient leur mot à dire, et même un peu plus, s’agissant d’une décision fondamentale pour l’avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido.
M. Bruno Sido. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la réforme des collectivités locales de notre pays peut et doit s’appréhender globalement. Communes, intercommunalités, départements, régions sont autant de pièces d’une même mécanique institutionnelle : la démocratie locale. En modifier une, c’est les modifier toutes !
Le président de la République nous appelle aujourd’hui à mener à son terme une réforme d’ensemble à même de parachever et de rationaliser la décentralisation.
Concernant le constat cent fois répété de l’émiettement communal, permettez-moi de rappeler que la loi de 1971, dite « loi Marcellin », qui encourageait les fusions et regroupements de communes, a été un échec. En revanche, l’intercommunalité, c’est-à-dire la coopération, est une grande réussite. Il nous faut aujourd’hui l’approfondir et la simplifier pour la rendre plus lisible.
C’est aussi à un aggiornamento que nous sommes invités avec la prise en compte du fait métropolitain. Si le phénomène de concentration urbaine n’a rien de nouveau, il s’est accéléré au siècle dernier, rendant obsolètes les limites administratives de nombreuses grandes villes de France. Il convient d’en tirer les conséquences et de réorganiser la gouvernance au sein de l’espace urbain.
La même problématique concerne les départements et les régions. Depuis trente ans, l’État ne cesse de transférer de nouvelles compétences aux départements, preuve, s’il en était besoin, que cet échelon territorial né de l’esprit des Lumières et de la Révolution reste apprécié, efficace et moderne.
De la naissance, avec la protection maternelle et infantile, jusqu’au grand âge, avec le maintien à domicile et les maisons de retraite, les conseils généraux sont présents à chaque étape majeure de la vie de nos concitoyens.
Disposant de la taille critique pour investir massivement, tout en restant une collectivité de proximité capable de faire du « sur-mesure » et d’adapter ses politiques aux besoins de nos concitoyens et aux réalités du terrain, le département est, à mon sens, une collectivité irremplaçable.
La France a éprouvé le besoin d’imiter l’Allemagne en créant des régions, mais on semble parfois oublier qu’en Allemagne les régions sont en fait des États fédérés et que, historiquement, le centre procède de la périphérie, et non l’inverse.
Nos régions n’ont rien à voir avec ce modèle. Depuis 1982, les conseils régionaux sont des collectivités locales qui, indépendamment du talent des hommes et de leur volonté de servir l’intérêt général, semblent avoir du mal à trouver leur place entre l’État, les départements et les grandes agglomérations.
Pour éviter les doublons, réduire les chevauchements de compétences, bref, faire des économies sur le fonctionnement, sans doute faut-il établir un lien organique entre les conseils généraux et les conseils régionaux. Ce lien, les conseillers territoriaux, élus à la fois du conseil général et du conseil régional, peuvent l’incarner.
Inutile de se voiler la face : l’état des finances publiques est très préoccupant. Le Gouvernement, malgré la crise très difficile, mène de courageuses réformes structurelles pour permettre au pays de revenir à l’équilibre une fois la croissance revenue.
Comme l’a dit le président de la République à Versailles, le 22 juin dernier : « Nous ne nous déroberons pas devant le problème de la répartition des compétences. Nous ne nous déroberons pas devant l’effort qui sera demandé à toutes les collectivités [...]. Ce qui est en cause, c’est la même nation, le même citoyen, le même contribuable. L’effort doit être partagé ».
Oui, l’effort doit être partagé. Les conseils généraux, comme l’ensemble des collectivités territoriales, sont appelés par l’État, dans l’intérêt du pays, à supporter une partie du fardeau.
Comme nombre de mes collègues présidents de conseil général, je soutiens le principe d’un redécoupage des circonscriptions d’élections, afin de lutter contre les criantes disparités que nous constatons aujourd’hui d’un canton à l’autre, tout en réaffirmant notre attachement au maintien d’un mode de scrutin uninominal majoritaire à deux tours, à l’exception du milieu urbain, où je comprends le désir de certains d’introduire éventuellement de la proportionnelle.
Mais, globalement, nos concitoyens sont très attachés au maintien d’un mode de scrutin qui leur permette d’identifier clairement leur conseiller général, personne qui peut et doit rendre compte.
La mission Belot, qui, je tiens à le saluer, a manifesté un souci permanent d’associer les élus locaux à sa réflexion, a formulé quelques pistes de réforme partagées par nombre de présidents de conseil général. J’en citerai deux.
En premier lieu, s’il convient de clarifier plus précisément les compétences de chaque collectivité, une définition trop abrupte poserait sans doute plus de problèmes qu’elle n’en résoudrait. Qu’on l’appelle clause générale de compétence, compétence d’initiative ou transfert de compétence négocié de la commune au conseil général ou au conseil régional, il faut certes mieux préciser qui fait quoi, mais sans tomber dans l’excès inverse qui consisterait à vouloir tout graver dans le marbre. À mon sens, les conseils généraux doivent conserver la possibilité d’investir pour réaliser des projets structurants.
En second lieu, nombre de mes collègues au sein du groupe des départements de la droite, du centre et des indépendants souhaitent qu’il soit procédé au renouvellement des conseillers généraux en une seule fois, tous les six ans. Nous avons besoin d’une période plus longue pour permettre à l’équipe sortie des urnes de mettre en place une politique nouvelle en un seul mandat, lequel correspondrait d’ailleurs à la durée du mandat des conseillers régionaux.
Mieux clarifier les missions de chaque échelon territorial pour mettre un terme aux doublons, tout en laissant aux collectivités une possibilité – pourquoi pas par délégation de compétences ? – de réaliser tel ou tel projet d’envergure, approfondir et simplifier l’intercommunalité, établir un lien organique par les élus entre le département et la région en conservant, en règle générale, le scrutin majoritaire uninominal à deux tours dans un cadre modernisé, voilà, à mon sens, quelques pistes pour réformer les collectivités locales.
Mes chers collègues, les Français réclament très majoritairement cette réforme ; nous la leur devons ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Miquel.
M. Gérard Miquel. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la crise fait ressentir ses effets tous azimuts. Elle affecte les comptes des collectivités et fait grimper les dépenses sociales des départements.
Par exemple, les recettes liées aux droits de mutation subissent, dans tous les départements, une chute spectaculaire de 20 % à 50 %, voire au-delà, depuis le début de l’année.
Cette conjoncture particulièrement défavorable s’ajoute à une situation financière déjà dégradée, due notamment aux insuffisantes compensations par l’État des derniers transferts de charges, qu’il s’agisse du revenu de solidarité active, de l’allocation personnalisée d’autonomie ou encore de la prestation de compensation du handicap, et ce malgré la loi prévoyant la compensation des transferts à l’euro près ! Vous l’avez à juste titre rappelé, cher président Poncelet.
L’avenir ne paraît guère plus réjouissant. En effet, les projets de réforme de la fiscalité locale laissent entrevoir des perspectives inquiétantes pour les conseils généraux.
La disparition de la taxe professionnelle et celle, pour les départements, de la taxe d’habitation, auraient pour effet de diviser par trois les recettes issues de la fiscalité locale directe. Dans ces conditions, qu’en serait-il du respect de la loi qui prévoit l’autonomie financière et fiscale des collectivités ?
Je le dis avec gravité : l’asphyxie financière menace à brève échéance les conseils généraux.