M. André Dulait. Ah oui !
Mme Éliane Assassi. Ouvert sur la société et le monde, ce service doit permettre aux jeunes de réaliser leur goût pour l’engagement, la solidarité et la paix, en France ou à l’étranger, dans les domaines de la défense, de l’action humanitaire, de la coopération, de la prévention, de l’éducation, de l’environnement, dans un cadre institutionnel ou associatif.
Concrètement, s’agissant des modalités pratiques, nous proposons notamment les dispositions suivantes : une durée de six mois fractionnable, validée pour la retraite et prise en compte dans tous les diplômes d’État et dans le cadre d’un processus de validation des acquis de l’expérience, ou VAE ; une rémunération à hauteur de 50% du SMIC pour permettre au jeune d’accomplir son service dans des conditions de vie décentes ; une véritable couverture sociale ; un suivi et une aide à l’insertion.
Bien évidemment, tout cela a un coût. Il va sans dire que la question du financement d’un tel service national est fondamentale. C’est à l'État qu’il revient d’engager un effort national inégalé en faveur de la jeunesse du pays pour répondre avec elle aux difficultés et aux défis auxquels elle est confrontée.
La mise en œuvre de ce service civil ainsi « rénové » doit être assurée par un délégué interministériel, sous la responsabilité du Premier ministre, engageant les efforts de l’ensemble des ministères et des pouvoirs publics. Il serait ainsi chargé d’installer un fonds national de soutien au service national de solidarité, abondé par l’État, l’ensemble des collectivités locales et des associations agréées.
Cette délégation interministérielle aurait par ailleurs la charge de mettre en place les coopérations nécessaires avec les collectivités territoriales, le Conseil national de la jeunesse, les associations et organismes intervenant dans les domaines considérés et de préparer l’accueil et l’accompagnement des jeunes effectuant leur service.
Nous proposons de constituer, aux échelons national et départemental, un comité de suivi constitué des services de l’État, des élus, des représentants des syndicats de salariés, des associations d’éducation populaire, des services sanitaires et sociaux, des représentants de l’éducation nationale, des conseils départementaux de la jeunesse, du Conseil national de la jeunesse, de la Conférence permanente des coordinations associatives, de l’Association des maires de France, de l’Assemblée des départements de France et de l’Association des régions de France.
Ce comité de suivi serait chargé de veiller, notamment, au contenu du service, au respect des droits des jeunes gens, à leur sécurité, au caractère démocratique et pluraliste des concepts républicains transmis aux jeunes.
J’en viens à présent au caractère obligatoire ou volontaire de ce service national, point qui fait débat à gauche comme à droite, …encore qu’il n’y ait pour l’instant pas grand monde sur les travées situées à droite de l’hémicycle ! (Sourires.)
Nous estimons que, après une phase d’expérimentation sur le fondement d’un volontariat fortement valorisé et encouragé, le service national de solidarité pourrait prendre une forme obligatoire, mais différenciée en fonction du projet de chaque jeune.
La transformation éventuelle en service obligatoire devrait être décidée démocratiquement, c’est-à-dire soumise à référendum, et ce cinq ans après la mise en place de ce service. Ce référendum serait précédé d’un important débat national impliquant les élus, les parlementaires, les acteurs des services publics, les associations et organisations de jeunes et d’éducation populaire et, au-delà, chaque citoyen, en particulier les jeunes sur le contenu, la forme, l’organisation de ce service national.
Pour notre part, nous ne concevons l’obligation que de façon individualisée et adaptée à notre époque.
En effet, alors que l’entrée dans la vie active est, à l’heure actuelle, jonchée d’obstacles, marquée par la précarité et l’insécurité sur les plans social, économique et professionnel, un nouveau service national qui s’ajouterait à la précarité des situations et constituerait un obstacle supplémentaire à la réussite scolaire, à la formation, à l’accès à l’emploi ne serait pas acceptable.
Pour nous, le service national obligatoire ne se conçoit que s’il oblige l’institution et les pouvoirs publics à être utiles à ces jeunes femmes et ces jeunes hommes. Ce doit être un temps que l’institution consacre à la jeune personne, et non l’inverse.
Si la généralisation du service civil tel qu’il existe actuellement avait lieu, elle ne devrait en aucun cas se faire au rabais ou sur les ruines de l’éducation nationale, notamment, et encore moins viser à remplacer, par exemple, des cadres d’emplois des fonctions publiques.
Par ailleurs, il ne peut s’agir d’une période « occupationnelle » pour les jeunes. Ce service doit avoir du sens : il faut donner aux jeunes des semaines, des mois, pour leur permettre d’avoir une expérience enrichissante, valorisante, porteuse de sens.
Les jeunes ne sont pas de la main-d’œuvre bon marché que l’on mettrait à la disposition du patronat. Ainsi, il est hors de question qu’ils deviennent un sous-salariat affranchi du code du travail.
Le service civil est présenté par certains comme la panacée censée répondre aux délits, aux troubles sociaux, au chômage massif, au décrochage scolaire. Telle n’est pas notre conception.
Ce service ne doit pas être perçu par les jeunes comme une brimade ou comme le rétablissement du service militaire.
M. Yvon Collin. Je suis d’accord !
Mme Éliane Assassi. Son accès doit être égalitaire, notamment pour ne pas reproduire en son sein des discriminations qui traversent la société.
En d’autres termes et pour terminer, il vaut mieux convaincre que contraindre en la matière. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. René Vestri.
M. René Vestri. Monsieur le président, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, la République accueille, protège nos concitoyens et forge leur avenir. Mais elle a également ses exigences de solidarité, de valeurs communes, de défense de l’identité nationale.
Autrefois, le service militaire représentait l’application la plus éclatante de ce que la République pouvait légitimement demander à ses concitoyens. Mais ce service a vécu et, quelle que soit la nostalgie d’un temps révolu que d’aucuns pourraient ressentir, il s’agit aujourd’hui d’aller de l’avant et d’imaginer d’autres solutions pouvant renforcer le lien entre les Français et la nation.
Le service civil volontaire constitue, à mes yeux, un excellent moyen de faire comprendre aux femmes et aux hommes de ce pays qu’un don de soi peut renforcer la cohésion sociale et être porteur d’avenir.
L’État, pour sa part, doit avoir un rôle incitatif. C’est la raison pour laquelle je souhaite l’instauration d’un service civil volontaire de la citoyenneté, obligatoirement proposé aux jeunes de seize à vingt-cinq ans.
Cette formulation me paraît pertinente, car chacun des termes a un sens.
S’agissant du premier, « service », il n’en est pas de meilleur, je crois, pour traduire un esprit d’engagement au service du plus grand nombre.
L’adjectif « civil » implique, dans mon esprit, que ce service devrait s’adresser à tous ceux qui vivent sur notre territoire et qui profitent, à un titre ou à un autre, de la générosité de la communauté nationale. Par conséquent, ce service devrait non seulement s’appliquer aux Français, mais s’étendre également aux étrangers qui ont choisi de s’installer en France.
Le service est « volontaire ». En effet, nous le savons tous, la générosité ne s’exerce véritablement que si elle est voulue. C’est une condition essentielle pour que les missions soient remplies avec tout l’enthousiasme propre à la jeunesse. Elles seront considérées comme valorisantes par cette jeunesse dès lors qu’elles s’adressent aux autres.
Le mot « citoyenneté » constitue le cœur de notre projet, celui de faire de chaque citoyen l’ambassadeur des valeurs de la République et d’affirmer sa vocation de les faire partager par ceux qui s’interrogent parfois sur leur bien-fondé.
Enfin, je souhaite que le service civil soit « obligatoirement proposé », car l’État doit témoigner de sa force incitative de puissance publique, tout en déployant un gros effort de pédagogie afin de faire percevoir à nos jeunes l’attractivité d’un tel dispositif. Cela passe par une politique de communication plus active, par un panel plus étendu des activités tenant compte des besoins économiques de chaque région – tourisme, métiers du bâtiment, etc. Cela passe également par un effort financier. Cela passe, enfin, par des moyens matériels plus adéquats.
Aujourd’hui, notre pays compte 475 structures agréées pour 2 131 jeunes sous convention, et 10 000 postes agréés. Faute de crédits, l’organisme gestionnaire, l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances, n’a pas pu créer davantage de postes. C’est tout le paradoxe de cet « appel au peuple » que les pouvoirs publics lancent alors qu’ils sont dans l’impossibilité d’accueillir un grand nombre de jeunes par manque de structures d’accueil, de bâtiments et de lieux propices à assurer la formation et la transmission du savoir.
Pourquoi ne pas envisager, par exemple, de créer dans chaque département de France un centre de coordination et de formation pour tous les volontaires, quel que soit leur choix – activités de sécurité civile, activités sociales, économiques, permis auto, permis moto, permis poids-lourds et bateau –, et ce pour une durée de formation, laquelle serait prise en charge par la collectivité, équivalente à l’année scolaire ?
Enfin, dans la mesure où toute peine mérite considération, peut-être faudrait-il s’engager à donner un « petit plus » ou à octroyer quelques avantages à des volontaires dont l’exemple pourra inciter l’ensemble de la jeunesse. Ce principe existait déjà pour le service militaire puisque tous les jeunes qui avaient satisfait aux obligations militaires bénéficiaient d’un accès privilégié aux emplois publics.
Pourquoi ne pas instaurer un « bonus de la citoyenneté » pour certains emplois, pas forcément administratifs, en faveur de ces jeunes volontaires ? Pourquoi ne pas prévoir, par exemple, de mettre en place un taux particulier d’emprunt ? Le caractère universel d’une institution dépend aussi de l’attrait qu’elle présente.
Une telle proposition, me direz-vous, n’est-elle pas discriminante ? Eh bien, c’est ma conception de la « discrimination positive » ! Je la trouve légitime parce qu’il s’agit d’une discrimination constructive, qui renforce notre socle républicain.
Il faudrait également se fixer des objectifs ambitieux. Je voudrais appeler votre attention sur ce point.
Vouloir attirer une frange de quelques dizaines de milliers de jeunes vers une nouvelle forme de creuset républicain n’est pas un objectif suffisant. Il faut avoir pour ambition de drainer vers ce service une partie de la jeunesse au moins égale à celle qui passe son baccalauréat chaque année. Ce n’est que par le nombre que le sentiment d’appartenance à une communauté triomphe. L’idée de Nation est née le jour où l’on s’est aperçu que des millions de gens, sur un territoire donné, parlaient une même langue et partageaient les mêmes valeurs !
Monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, si nous voulons améliorer les choses en la matière, il nous faut résolument changer d’échelle pour construire et pour renforcer la cohésion de notre nation. Il ne faut pas transiger avec les moyens. Pour pertinent que soit l’outil du service civil obligatoire, il gagnerait en efficacité si les moyens matériels et humains étaient plus importants.
Je prendrai l’exemple de mon département, celui des Alpes-Maritimes. Dans le cadre de l’Europe, pourquoi ne pas créer des structures franco-italiennes ou franco-allemandes pour développer l’étude des langues, mettre l’accent sur les métiers découlant du tourisme et former des marins pour la plaisance et les croisières ? C’est une affaire de bon sens. C’est une affaire de cohérence. C’est également une affaire d’intérêt national majeur à une période de notre histoire où la République a parfois donné le sentiment de vaciller sur ses principes fondateurs de liberté, d’égalité et de fraternité.
J’adresse donc une supplique au Gouvernement de la République pour que l’esprit de volontarisme et de réforme qui l’anime s’incarne dans une politique en faveur de la jeunesse en vue de donner aux valeurs d’intégration et de progrès toute leur ampleur.
Raymond Cartier avait une formule un peu brutale, mais juste : quand on n’a pas les moyens de sa politique, il faut avoir la politique de ses moyens.
Il faut donc nous donner les moyens de la politique que le Gouvernement lui-même souhaite mettre en œuvre pour la jeunesse française. Cela se fera en redonnant à notre jeunesse les codes de la société, car aider et former la jeunesse, c’est non pas dépenser, mais investir. La jeunesse est notre avenir !
Nous devons faire le choix de la volonté et de l’audace. L’enjeu pour la solidité de la République et pour la cohésion de la nation oblige à ne pas se contenter du plus petit dénominateur commun. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Plancade.
M. Jean-Pierre Plancade. Monsieur le président, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, l’avenir des jeunes, le développement de leur sens civique et leur meilleure insertion sociale constituent bien évidemment une préoccupation commune à tous les pays. C’est également une préoccupation commune sur toutes les travées de cet hémicycle.
L’exemple de certains peut nous guider dans la recherche d’une alternative utile, efficace, citoyenne, au service militaire qui a été suspendu à la fin des années quatre-vingt-dix.
Aucun de nos voisins européens ayant opté, comme nous, pour la suppression de la conscription obligatoire n’a, pour l’instant, choisi le service civil obligatoire comme solution de remplacement.
Le cas de l’Allemagne, pays souvent cité en exemple pour la réussite de son service civil, est un peu à part et ne peut nous servir de modèle. En effet, le service civil y est obligatoire, mais il vient en remplacement du service militaire, toujours existant, pour ceux qui ne souhaiteraient pas l’effectuer. Nous sommes donc dans une situation vraiment différente.
En revanche, comme en France, certains pays s’attachent à offrir de nouvelles possibilités de services civils à leur jeunesse après la disparition du service militaire. La question d’un service obligatoire s’est posée avec force, notamment en Belgique, aux Pays-Bas et en Italie. Finalement, tous ont retenu une version volontaire du service.
Il est intéressant d’analyser la réussite de l’exemple italien. Il a réussi à faire monter en puissance, rapidement et de manière significative, un service civil volontaire en remplacement du service militaire obligatoire.
Instauré dès 2001 pour les femmes, puis étendu aux hommes à la suppression du service militaire, ce dispositif a rencontré immédiatement un grand succès. En 2004, 30 000 jeunes filles étaient déjà volontaires.
Aujourd’hui, tous les jeunes italiens, filles ou garçons, peuvent se porter volontaires entre dix-huit ans et vingt-huit ans pour accomplir un service civil de douze mois consacré à un projet utile pour la collectivité au sein d’une structure agréée : association, collectivités territoriales, municipalité, université.
M. Yvon Collin. Très bien !
M. Jean-Pierre Plancade. Ces projets peuvent s’inscrire dans six grands secteurs : assistance à la personne, protection civile, environnement, patrimoine, éducation et service à l’étranger.
En 2006, 2 800 structures étaient déjà inscrites dans le dispositif et proposaient plus de 57 000 postes de volontaires ; 112 457 jeunes avaient été candidats. Compte tenu des disponibilités budgétaires, 45 890 volontaires ont été retenus, soit 10 % de la classe d’âge. Je profite de la présence dans l’hémicycle du président de la commission des finances pour citer ces quelques chiffres. Connaissant son souci constant de tenir compte de la dette et du déficit budgétaire, je veux lui montrer que la modération n’empêche pas de mener des actions.
Qu’est-ce qui explique ce succès ? Comment s’en inspirer pour développer notre service civil volontaire qui ne connaît pas pour l’instant un franc succès, comme l’ont rappelé les orateurs précédents et mon éminent collègue Yvon Collin ?
En France, dès la suspension du service militaire, le principe d’un service civil volontaire de substitution était déjà posé. L’idée de rendre obligatoire ce service a rapidement été écartée, ce dont, pour ma part, je me réjouis.
Malheureusement, il a fallu attendre la loi sur l’égalité des chances à la suite de la crise des banlieues pour que le service civil volontaire soit institué de façon plus claire. Dès lors, le dispositif s’est voulu plus lisible et plus accessible. Pour autant, le succès n’est toujours pas au rendez-vous.
Aujourd’hui, alors que la crise frappe sans pitié dans notre pays une jeunesse à la recherche de repères et en mal de citoyenneté, nous avons pour devoir d’améliorer ce dispositif.
Les jeunes doivent pouvoir bénéficier de l’expérience extraordinaire d’un service que l’on doit qualifier, selon moi, de « civique ». Sur ce point, je suis d’accord avec la proposition de M. Collin. Ce service doit être un moment privilégié pour sensibiliser les jeunes à l’idée de nation, pour développer leur sens de la citoyenneté et pour parfaire leur éducation civique.
Dès lors, ce service doit porter le nom de « service civique ». Actuellement, la lourdeur des procédures, la complexité du financement, l’absence totale de visibilité du volontariat, auprès tant des jeunes que de leur entourage, y compris professionnel, empêchent le développement de ce service.
Il faut absolument rendre le service volontaire plus attractif. Cette entreprise doit avant tout passer par le développement de la visibilité de ce service en permettant la reconnaissance et la valorisation de l’expérience. Ce point est indispensable pour que le service volontaire tente et attire les jeunes.
Les modalités pratiques retenues jusqu’à maintenant sont à l’origine de l’échec du dispositif actuel.
Monsieur le haut-commissaire, qu’envisagez-vous aujourd’hui pour encourager notre jeunesse, sans la contraindre, à se mettre au service de la société ? Je sais que vous y êtes personnellement très attaché.
Quelles seront demain les nouvelles modalités d’un service civique renouvelé, réhabilité et renforcé ? Nous attendons avec impatience vos propositions, car l’enjeu est de taille.
J’ai entendu comme vous tous ceux qui sont intervenus. Je sais aussi par avance, pour les avoir fréquentés pendant très longtemps, ce que les orateurs suivants vont dire. Globalement, nous ne serons pas en désaccord. Nous sommes tous conscients – je vous le dis en ma qualité de parlementaire – que les jeunes de ce pays doivent se retrouver quelque part, à un moment donné, pour faire quelque chose, que l’on appelle cela « service civique » ou autrement. Ils doivent ainsi rendre à la République ce service qu’elle leur a offert depuis leur naissance.
M. Yvon Collin. Très bien !
M. Jean-Pierre Plancade. C’est important !
Monsieur le haut-commissaire, je vais écouter attentivement vos réponses et je sais qu’elles seront positives.
M. Yvon Collin. Et de qualité !
M. Jean-Pierre Plancade. Certes !
M. Jean-Pierre Plancade. Au bout du compte – in cauda venenum ! –, je crains cependant que, malgré une quasi-unanimité sur l’esprit de ce service civique, l’on n’avance pas beaucoup. Vous qui êtes au Gouvernement, monsieur le haut-commissaire, pouvez-vous nous dire pourquoi ?
J’ai vu, voilà quelques années, dans cette assemblée, voter en une nuit des milliards d’euros pour un grand projet industriel, aussi important que celui qui nous occupe aujourd'hui, et ce alors que des communes réclamaient depuis des vingtaines d’années qui un feu rouge pour améliorer la circulation, qui une déviation !
Pourquoi cela ne serait-il pas possible aujourd'hui pour un projet qui aura des retombées importantes en faveur de la jeunesse ? Monsieur le haut-commissaire, pour avoir été l’un des fondateurs et des premiers présidents des missions locales dans ce pays, et avoir participé à la mission Schwartz, je peux vous assurer que je suis très attaché à l’insertion des jeunes ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RDSE, de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. Monsieur le président, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, treize ans après l’annonce de la fin de la conscription, qu’en est-il du fameux service civil volontaire censé remplacer le service militaire comme pierre angulaire de notre engagement citoyen ? En réalité, pas grand-chose !
Après maintes réflexions, études et tribunes ; après avoir entendu tous les gouvernements chanter les louanges de cette « magnifique » idée ; après l’avoir un peu « oubliée » puis s’en être souvenu précipitamment lorsque les banlieues brûlaient ; après l’instauration, par la loi pour l’égalité des chances, d’un statut officiel pour le service civil volontaire, nous ne sommes même pas à dix mille volontaires par an, bien loin des objectifs du plan Villepin qui entendait atteindre rapidement les cinquante mille volontaires civils par an. Du simple point de vue quantitatif, il s’agit donc d’un échec.
Les raisons de cet échec sont au nombre de deux et sont parfaitement identifiées, tant par le rapport de Luc Ferry que par celui de la mission commune d’information sur la politique en faveur des jeunes que je préside.
Premier élément de réponse : le budget attribué au service civil volontaire est ridiculement sous-doté au regard des enjeux et des objectifs.
Un jeune en service civil volontaire, dans le cadre de son contrat, reçoit une indemnité mensuelle maximale de 652 euros, dont 90 % sont à la charge de l’État. Si l’on ajoute les cotisations sociales, un volontaire coûte environ 14 000 euros par an. Or, le budget actuel ne permet pas le recrutement des dix mille volontaires, que dire des cinquante mille volontaires initialement souhaités ! En 2008, le rapport Ferry montrait que, dès le premier trimestre de l’année, sept millions d’euros manquaient déjà à l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances, l’ACSÉ, pour boucler son budget. L’ACSÉ était donc contrainte de demander aux structures d’accueil des volontaires de « cesser le recrutement de volontaires associatifs ».
S’agissant d’un projet au confluent de la formation, de l’orientation, de l’enrichissement personnel, mais aussi de la solidarité, du vivre-ensemble et de la citoyenneté, l’ambition et la volonté politique, et non les moyens, sont le facteur déterminant. Si l’ambition existe, la question des moyens ne se pose pas !
Ce gouvernement a-t-il vraiment l’ambition de refonder le lien citoyen entre l’individu et la collectivité ? Ce gouvernement a-t-il vraiment l’ambition d’organiser la rencontre de nos jeunes, le brassage de toute une classe d’âge – la mixité sociale, comme certains la nomment, qui n’a cessé de s’étioler ? Ce gouvernement a-t-il la volonté politique de s’attaquer enfin à ce problème ? Si la réponse à ces interrogations est positive, alors la question des moyens ne doit plus se poser.
Le déficit de communication est la seconde raison qui explique le faible développement du service civil volontaire : il résulte directement de la pénurie budgétaire. Le service civil volontaire n’est pas assez connu des jeunes, car aucune publicité n’est faite en ce sens. Seuls ont eu connaissance du service civil volontaire les jeunes ayant effectué une démarche d’information, ou ceux qui se sont adressé aux missions locales, dans le cadre plus général d’une aide à l’insertion professionnelle. Dans la quasi-totalité des cas, les recrutements s’effectuent grâce au bouche à oreille ou par le biais des actions menées ponctuellement par les associations – par exemple, les « cafés civiques temporaires », organisés par Unis-Cité sur la place de la préfecture à Cergy-Pontoise. La première urgence consiste donc à faire connaître le service civil volontaire. Sans vouloir minimiser le formidable travail de terrain que réalisent les associations, c’est à l’État d’agir en ce sens.
En résumé, le service civil volontaire constitue aujourd’hui une politique nationale essentielle, avec des objectifs quantitatifs devant se chiffrer en dizaines de milliers d’individus, voire en centaines de milliers, mais cette politique est promue uniquement par le bouche à oreille et ses crédits sont épuisés dès le premier trimestre de l’année ! Soyons sérieux : à ce stade, tout reste à faire.
En 2007, pendant la campagne présidentielle, le rapport Kouchner, établi au nom des socialistes, proposait une solution qui résolvait à la fois le problème de la diffusion de l’information sur le service civil et la question de l’engagement. Il défendait la mise en place progressive d’un service civique – et non pas seulement civil –, mixte et universel, qui serait « obligatoirement proposé à tout jeune entre 18 et 20 ans ». Nous pensons aujourd’hui que, si cette information était automatiquement intégrée dans la journée d’appel de préparation à la défense, le problème de la méconnaissance du service civil serait ainsi résolu.
Tout le sens du service civique consiste à organiser la rencontre entre l’engagement personnel et le service solidaire à la collectivité. L’individu doit donc être libre de s’engager ou non, libre des modalités de son engagement mais, dans le même temps, pour que le dispositif fonctionne, l’État doit être dans l’obligation de fournir les moyens de cet engagement. Ainsi, en plaçant l’obligation du côté de l’État et non plus du côté de l’individu – comme c’était le cas avec le service militaire –, on rompt également avec la tradition séculaire voulant que l’engagement citoyen soit subi.
Les préconisations du rapport Kouchner proposaient également que ce service civique mixte et universel puisse être fractionné dans le temps, qu’il s’inscrive dans un parcours citoyen en trois temps, commencé dès l’âge de seize ans, et qu’il soit plus largement accessible à toutes les structures – écoles, hôpitaux, associations, entreprises d’économie solidaire…
Aujourd’hui, ce projet s’étend naturellement au-delà des frontières de notre pays et une coordination des divers services civils en Europe, prenant la forme d’un véritable service civil volontaire européen, reste à accomplir. Il est essentiel que les jeunes européens prennent l’habitude de se rencontrer, de partager des projets et des valeurs.
M. Yvon Collin. Très bien !
Mme Raymonde Le Texier. Voilà une ambition qui va bien au-delà du petit cercle des 475 structures agréées pour le service civil volontaire au 1er juin 2008.
M. Jean-Pierre Plancade. Absolument !
Mme Raymonde Le Texier. Cette version du service civil demeure la proposition socialiste en la matière, prouvant ainsi que même quand les hommes changent, les bonnes idées qu’ils ont pu avoir à un moment donné perdurent !
M. Daniel Raoul. J’ai des noms !
Mme Raymonde Le Texier. En termes d’objectifs, après une mise en place progressive sur cinq ans, nous souhaitons aboutir à 500 000 volontaires par an. Ce chiffre peut paraître tout à fait utopique, à moins que nos entreprises mettent fin, en matière de recrutement, à leur obsession du diplôme – et rien que du diplôme –, mais reconnaissent ce parcours personnel comme une plus-value, à l’instar de nombre de pays du nord de l’Europe.
Cette ambition a bien évidemment un coût : deux milliards d’euros, voire plus, si l’on intègre un certain nombre des propositions formulées par Mme Assassi, ou encore l’idée d’une aide à l’obtention du permis de conduire, émise par M. Vestri et qui me paraît excellente. Ce coût est élevé, mais il resterait très nettement inférieur à celui du service militaire antérieur.