M. le président. Monsieur Cazeau, l’amendement est-il maintenu ?
M. Bernard Cazeau. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 267, présenté par M. Houpert, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par le 2° du II de cet article pour l'article L. 162-1-14-1 du code de la sécurité sociale, remplacer les mots :
le directeur de l'organisme local d'assurance maladie,
par les mots :
par l'autorité compétente des ordres professionnels dont relèvent
Cet amendement n’est pas soutenu.
Je suis saisi de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 865 rectifié, présenté par MM. P. Blanc, Laménie et Gilles, est ainsi libellé :
Supprimer les 1° et 2° du texte proposé par le 2° du II de cet article pour l'article L. 162-1-14-1 du code de la sécurité sociale.
La parole est à M. Marc Laménie.
M. Marc Laménie. Il n’appartient pas au directeur de la caisse d’assurance maladie de sanctionner les médecins qui pratiquent une discrimination dans l’accès aux soins ou qui exposent les assurés à des dépassements d’honoraires excédant le tact et la mesure. Ces faits, en tant que manquements aux règles déontologiques, doivent en effet relever du champ de compétence du conseil de l’ordre des médecins.
M. le président. L’amendement n° 268, présenté par M. Houpert, est ainsi libellé :
Supprimer le deuxième alinéa (1°) du texte proposé par le 2° du II de cet article pour l'article L. 162-1-14-1 du code de la sécurité sociale.
Cet amendement n’est pas soutenu.
L’amendement n° 630 rectifié, présenté par M. Barbier, Mme Escoffier et MM. Marsin, Mézard, Milhau, de Montesquiou et Vall, est ainsi libellé :
Supprimer le 2° du texte proposé par le 2° du II de cet article pour l’article L. 162-1-14-1 du code de la sécurité sociale.
La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Seul le conseil de l’ordre des médecins nous semble habilité à apprécier les dépassements d’honoraires excédant le tact et la mesure. Si l’on donnait cette compétence aux caisses, nous risquerions de voir apparaître des différences d’appréciation d’une caisse à l’autre.
M. le président. L’amendement n° 124, présenté par M. Desessard, Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et M. Muller, est ainsi libellé :
À la fin du troisième alinéa (2°) du texte proposé par le 2° du II de cet article pour l'article L. 162-1-14-1 du code de la sécurité sociale, remplacer les mots :
le tact et la mesure
par les mots :
un plafond fixé par décret en Conseil d'État
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Selon un baromètre Ipsos réalisé pour le Secours populaire, en septembre dernier, 39 % des Français ont déjà retardé ou renoncé au moins à un soin en raison de son coût.
D’après une étude de l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, les dépassements d’honoraires représenteraient plus de 2 milliards d’euros, sans compter les honoraires des dentistes, et ce montant a presque doublé en quinze ans.
De plus, en dépit de l’interdiction faite aux professionnels de facturer des dépassements d’honoraires aux bénéficiaires de la CMU complémentaire, l’IGAS a observé une large méconnaissance de la loi au sein de certaines spécialités et dans certains secteurs géographiques. Elle constate, en outre, que les juridictions ordinales sont rarement saisies et que la sévérité des sanctions est souvent atténuée par le conseil national de l’ordre.
Les contrôles effectués par la Caisse nationale de l’assurance maladie demeurent également très limités et les sanctions non dissuasives.
Toujours selon l’IGAS, « la notion de tact et mesure et les sanctions ne suffisent pas à maîtriser le système, d’autant plus que la jurisprudence du Conseil d’État n’a jamais fixé de montant maximum ».
Sans plafonnement des dépassements d’honoraires, on ne parviendra pas à limiter leur accroissement exponentiel, qui frappe aujourd’hui indistinctement toutes les catégories sociales.
Si l’on considère que les médecins ne sont pas suffisamment rémunérés, alors c’est à la collectivité nationale de réévaluer le prix de la consultation et de mettre en place des modes de rémunération nouveaux qui tiennent compte des missions de service public assurées par les médecins, mais en aucun cas les dépassements d’honoraires ne doivent servir à compenser l’absence d’évolution des tarifs conventionnés : ce serait remettre en cause le principe de solidarité qui fonde notre système d’assurance maladie !
M. le président. L'amendement n° 494, présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau, Pasquet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
À la fin du 2° du texte proposé par le 2° du II de cet article pour l'article L. 162-1-14-1 du code de la sécurité sociale, remplacer les mots :
le tact et la mesure
par les mots :
un plafond dont le montant est défini par décret
La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. Cet amendement, proche de celui que vient de défendre notre collègue Jean Desessard, vise à supprimer, dans le texte, la notion floue de « tact et mesure », qui aurait dû disparaître depuis longtemps déjà du code de la santé publique.
Nous avons déjà formulé une telle proposition, à laquelle vous avez opposé, madame la ministre, la mise en place du secteur optionnel. Or le secteur optionnel ne réglera rien en matière de dépassements d’honoraires, dont le développement constitue un véritable scandale, un cancer qui ronge le socle de notre sécurité sociale : ils représentent près de 2 milliards d’euros par an, pour un montant total de 20 milliards d’euros d’honoraires. Cela est considérable, d’autant que, loin de s’infléchir, cette tendance des médecins à recourir aux dépassements d’honoraires pour compenser l’absence de revalorisation des tarifs opposables s’accentue au fil des années.
Il faut absolument remédier à cette dérive, malheureusement le Gouvernement reste complètement inerte. Vous comptez, madame la ministre, sur le secteur optionnel, mais voilà quatre ans qu’on en discute sans enregistrer aucun progrès.
M. François Autain. Quoi qu’il en soit, la création du secteur optionnel ne résoudra absolument pas le problème des dépassements d’honoraires. En effet, pour faire face à cette dépense, les patients devront être adhérents d’une mutuelle, or 7 % des Français ne sont pas dans ce cas aujourd’hui : pour eux, la difficulté restera entière.
On dit que la mise en place du secteur optionnel serait un moindre mal parce qu’elle permettrait de contenir et de moraliser les dépassements d’honoraires. Cela est faux ! Les dépassements encadrés remplaceront les tarifs opposables du secteur 1 et les dépassements libres du secteur 2 persisteront.
On dit également que les patients seront correctement remboursés. Cela est faux ! Le remboursement de l’assurance maladie se fera sur la base des tarifs opposables ; pour payer les dépassements, les assurés devront cotiser à des assurances complémentaires, et le montant qui restera à leur charge va augmenter.
On dit encore que l’assurance maladie et les assurances complémentaires, c’est la même chose. Cela est faux ! Les cotisations d’assurance maladie sont proportionnelles aux revenus, tandis que les cotisations aux assurances complémentaires sont le plus souvent indépendantes des revenus mais augmentent avec l’âge, voire varient selon l’état de santé. Je le répète : 8 % de nos concitoyens n’ont pas de couverture complémentaire, et ce chiffre est en train de croître.
M. François Autain. Je maintiens que ce pourcentage est en train de croître ! Un processus de démutualisation se fait jour avec la crise actuelle, qui risque de nous conduire à des chiffres beaucoup plus élevés.
On dit enfin que le secteur optionnel serait une bonne réponse à la question de la rémunération des médecins. Cela est faux ! La création de ce secteur permettra de revaloriser les tarifs des actes médicaux aux dépens des patients, mais laissera intactes les inégalités de revenus liées au paiement à l’acte et les différences de tarifs entre catégories de médecins.
Par conséquent, madame la ministre, il faut recourir à des mesures législatives. Tel est l’objet de cet amendement. (M. Guy Fischer applaudit.)
M. le président. L'amendement n° 752, présenté par MM. Fichet, Cazeau et Le Menn, Mmes Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, MM. Daudigny et Daunis, Mme Demontès, M. Desessard, Mme Durrieu, M. Fauconnier, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mmes Printz et Le Texier, MM. Mirassou et Rebsamen, Mme Schillinger, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
À la fin du 2° du texte proposé par le 2° du II de cet article pour l'article L. 162-1-14-1 du code de la sécurité sociale, remplacer les mots :
le tact et la mesure
par les mots :
deux fois le plafond du secteur 1
La parole est à M. Jean-Luc Fichet.
M. Jean-Luc Fichet. La notion de « tact et mesure » est pour le moins curieuse, en tous cas pas satisfaisante. Qu’est-ce que le tact ? Qu’est-ce que la mesure ? Quels sont ces critères erratiques et biaisés sur lesquels sont censés se fonder les professionnels de santé pour déterminer leurs dépassements d’honoraires ? « Selon que vous serez puissant ou misérable… » Vous connaissez la suite, mes chers collègues ! On se demande bien vers quel système de santé à deux vitesses le Gouvernement veut nous conduire.
Cette notion de « tact et mesure » peut, en effet, être source de nombreuses discriminations, notamment sociales. Les dépassements d’honoraires, s’ils ne peuvent être évités, doivent être limités. Leur multiplication nous impose d’agir et d’établir des grilles précises.
Les dépassements d’honoraires sont, au même titre que les déserts médicaux, sources d’inégalités entre les citoyens. Certains n’ont pas les moyens de consulter des spécialistes relevant du secteur 2, alors même qu’ils ne peuvent avoir accès à des spécialistes du secteur 1. La santé ne peut devenir un droit réservé à une couche sociale privilégiée. Nous entendons défendre fermement le droit à la santé pour tous !
L’article 18 prévoit de sanctionner les professionnels de santé qui « exposent les assurés à des dépassements d’honoraires excédant le tact et la mesure ». Ils pourraient se voir infliger une sanction financière par les directeurs des caisses d’assurance maladie, qui seraient donc capables d’apprécier avec justesse le tact et la mesure dans la fixation des dépassements d’honoraires…
Si l’on ne peut que se féliciter de la volonté exprimée de sanctionner les dépassements d’honoraires, il nous semble nécessaire de sortir de ce cadre aléatoire et de fixer un plafond. Tel est l’objet de cet amendement. Cela imposera d’élaborer un texte réglementaire à cette fin, mais il est important de donner tous moyens aux autorités pour éviter que ne se généralise une prise en charge tardive des malades, voire une renonciation aux soins. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Je vais essayer de parler avec tact et mesure, ce qui n’est pas le cas de tout le monde… (Sourires.)
Les auteurs de l’amendement n° 865 rectifié ne souhaitent pas que les organismes locaux d’assurance maladie puissent pallier les carences des ordres professionnels en matière de sanction des discriminations dans l’accès aux soins et des dépassements d’honoraires excessifs. Or il s’agit là d’un point essentiel de l’article 18. Si cet amendement ne devait pas être retiré, l’avis de la commission serait défavorable.
L’amendement n° 630 rectifié tend lui aussi à supprimer la possibilité, pour le directeur de l’organisme local d’assurance maladie, de prononcer des sanctions. Pour la raison déjà évoquée, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
L’amendement n° 124 a pour objet de prévoir la fixation d’un plafond pour les dépassements d’honoraires. Il s’agit en fait d’encadrer, par décret en Conseil d’État, les honoraires dans le secteur 2. Nous en avons longuement débattu en commission. Les praticiens déterminent leur tarif en tenant compte de la situation du patient, ce caractère relatif de la rémunération étant reflété par la notion de « tact et mesure ». Il paraît contraire à la liberté et à la responsabilité des médecins de fixer un plafond, et j’émets donc un avis défavorable sur l’amendement n° 124.
Il en va de même pour les amendements nos 494 et 752, ce dernier tendant à fixer à deux fois le plafond du secteur 1 le seuil au-delà duquel les dépassements d’honoraires seraient jugés excessifs.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. En ce qui concerne les amendements nos 865 rectifié et 630 rectifié, je comprends le souci de leurs auteurs de permettre au conseil national de l’ordre professionnel concerné de demeurer seul compétent pour connaître des litiges en matière de refus des soins ou de dépassements d’honoraires abusifs, mais je ne peux souscrire à cette proposition : les manquements à la déontologie, notamment les refus de soins, constituent des pratiques particulièrement graves, contre lesquelles nous devons nous donner les moyens de lutter efficacement.
Il ne s’agit pas de revenir sur les compétences des ordres professionnels en la matière, mais les organismes d’assurance maladie ont une connaissance fine des pratiques des professionnels et sont investis d’une mission de protection des assurés sociaux. Ils sont bien placés pour garantir à ces derniers l’accès à des soins dispensés à des tarifs raisonnables. Cette procédure administrative ne remplace pas la procédure ordinale, elle la complète : les ordres resteront pleinement compétents en matière de déontologie médicale. Par ailleurs, il est prévu que le directeur de la caisse d’assurance maladie informera le conseil départemental de l’ordre concerné des manquements à la déontologie qu’il aura constatés.
Par conséquent, j’émets un avis défavorable sur les amendements nos 865 rectifié et 630 rectifié.
Les amendements nos 124, 494 et 752, quant à eux, tendent à fixer un plafond en matière de dépassements d’honoraires. C’est là une fausse bonne idée.
La notion de « tact et mesure » n’a évidemment jamais été précisée et peut d’ailleurs varier selon les praticiens, les spécialités ou les modes d’exercice. Le Conseil d’État et le conseil de l’Ordre des médecins ont été saisis à de multiples reprises de ce sujet.
En outre, et surtout, la définition d’un tel plafond aurait immédiatement un contre-effet : cela conduirait, de fait, à un alignement des tarifs sur le plafond et sans doute à une situation encore plus dégradée que celle que nous observons aujourd’hui. C’est la raison pour laquelle j’émets, au nom du Gouvernement, un avis défavorable sur ces trois amendements.
M. François Autain. Que proposez-vous, madame la ministre ?
M. le président. Monsieur Laménie, l’amendement n° 865 rectifié est-il maintenu ?
M. Marc Laménie. Compte tenu des remarques de M. le rapporteur et des précisions données par Mme la ministre, je le retire.
M. le président. L’amendement n° 865 rectifié est retiré.
Monsieur Barbier, l’amendement n° 630 rectifié est-il maintenu ?
M. Gilbert Barbier. Le problème, c’est qu’il pourrait y avoir deux types de sanctions, prononcées les unes par la caisse d’assurance maladie, les autres par le conseil de l’ordre concerné : que se passera-t-il lorsque les appréciations portées sur un dossier ne concorderont pas ? Comment tranchera-t-on ? Les médecins ont prêté le serment d’Hippocrate et savent faire preuve de tact et de mesure. Il leur appartient d’ajuster leurs dépassements d’honoraires en fonction de la situation de chaque patient.
J’aimerais que Mme la ministre réponde à la question que j’ai soulevée, ce qui me permettrait de retirer l’amendement. Il faudrait clarifier le texte sur ce point.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Il n’y a pas de risque de conflit entre les instances de la caisse d’assurance maladie et celles de l’ordre : les premières prononceront des sanctions financières, les secondes des sanctions disciplinaires.
M. le président. Monsieur Barbier, votre amendement est-il maintenu ?
M. Gilbert Barbier. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 630 rectifié est retiré.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote sur l'amendement n° 124.
Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur le rapporteur, vous avez évoqué la conscience du médecin, son contact avec les patients, sa sensibilité et son respect du serment d’Hippocrate. Tout cela est fort bien, mais, dans la pratique, c’est au moment de la prise de rendez-vous, par téléphone, avec le secrétariat médical que le patient s’entend dire froidement par une personne qui, elle, n’a pas prêté le serment d’Hippocrate et n’est pas en situation de connaître ses éventuelles difficultés, qu’il ne sera reçu que s’il est prêt à payer un dépassement d’honoraires ! C’est pourquoi je maintiens que l’amendement n° 124 est nécessaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote.
M. François Fortassin. S’agissant de problèmes d’argent, un terme au moins – passe encore pour la mesure ! – me paraît déplacé, celui de « tact », qui renvoie à la courtoisie, à la délicatesse…
Par exemple, les médecins qui, après la Seconde Guerre mondiale, avaient la délicatesse de soigner gratuitement certains patients faisaient preuve de tact, mais nous n’en sommes plus là depuis longtemps.
M. François Fortassin. Ne masquons pas une pratique qui est peut-être nécessaire : les dépassements d’honoraires doivent être sanctionnés sans excès, car ils permettent d’éviter de relever à un niveau correct les honoraires des médecins, mais suffisamment pour que la sanction apparaisse comme une – modeste – épée de Damoclès aux praticiens tentés d’exagérer. Quoi qu’il en soit, de grâce, ne parlons pas de tact ! Si tous les médecins ont prononcé le serment d’Hippocrate, certains l’ont oublié très vite…
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. On ne peut pas dire cela !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. J’avais prévu d’intervenir un peu plus tard sur ce sujet, mais je veux dès maintenant dire à quel point je suis déçu que des mesures ne soient pas prises.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais des mesures sont prises : il y a les sanctions des ordres professionnels !
M. Jean-Pierre Godefroy. Madame la ministre, j’ai bien entendu votre argument selon lequel la fixation d’un plafond amènerait tous les médecins à aligner leurs honoraires sur celui-ci, mais il devrait tout de même être possible d’empêcher cela !
Par ailleurs, je rejoins tout à fait les propos de Mme Blandin sur le rôle des secrétariats médicaux, mais il y aussi les dépassements d’honoraires « surprises ».
Je voudrais évoquer, à cet instant, l’expérience vécue par une personne de ma connaissance. Devant consulter en urgence dans une ville qui n’était pas la sienne, ce bénéficiaire de la CMU, après avoir difficilement trouvé un médecin disponible, s’est vu demander 60 euros au terme de la consultation et a appris que sa couverture maladie n’était pas acceptée : à lui de se débrouiller pour payer ! Cerise sur le gâteau, ce médecin a conclu une longue discussion peu agréable par ces mots : « vous comprenez, moi je ne fais que le haut de gamme » !
C’est du vécu, madame la ministre, du quotidien ! Nous devons mettre un terme à ce genre de pratiques, mais en rejetant ces amendements vous refusez d’assurer l’accès des plus démunis aux soins. Il faut prendre des dispositions pour rappeler certains médecins au respect du serment d’Hippocrate ! (Mme Gisèle Printz applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour explication de vote.
M. Jean-Luc Fichet. Je voudrais revenir sur la notion de « tact et mesure ».
Comment un chirurgien peut-il pratiquer la même intervention sur deux patients et leur appliquer des dépassements d’honoraires différents en expliquant qu’il a fixé ceux-ci avec « tact et mesure » ?... Ces deux patients ne peuvent comprendre, ni moi non plus d’ailleurs, ce que signifie dans un tel cas la notion de tact et de mesure et selon quels critères des tarifs différents leur sont appliqués.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je veux apporter quelques précisions pour corriger un certain nombre d’idées fausses.
En ce qui concerne tout d’abord le pourcentage de médecins pratiquant des dépassements d’honoraires, s’il est certes élevé à Paris, puisqu’il atteint 28,9 %,…
M. Guy Fischer. Je n’y crois pas !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. … il n’est que de 0,3 % en Lozère (Exclamations amusées sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste) et, dans soixante-dix-neuf départements de France métropolitaine, soit dans l’immense majorité des cas, il est inférieur à la moyenne nationale, qui est de 4,4 %. (Protestations sur les mêmes travées.)
Cette moyenne recouvre certes des disparités, mais telle est bien la réalité !
MM. Guy Fischer et Jean-Pierre Godefroy. Non, c’est plus !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Quand je vous donne des chiffres qui reflètent la réalité des choses, vous ne les acceptez pas !
M. Guy Fischer. Vous faites pareil avec nous !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Ensuite, il faut savoir que, pour les médecins généralistes, les dépassements, quand ils existent, sont habituellement très peu élevés, puisqu’ils sont compris entre 1 et 3 euros.
Dès lors, instaurer un plafond aurait un effet dévastateur.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il serait appliqué dans 100 % des cas !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. En ce qui concerne les mesures prises, monsieur Godefroy, j’ai d’abord demandé que les caisses d’assurance maladie mènent un travail d’information avec les bornes info-soins, qui permettent aux assurés de consulter les tarifs pratiqués par les médecins et de trouver le nom et l’adresse d’un praticien qui dispense des soins à tarif opposable près de leur domicile.
M. François Autain. Et le taxi est pris en charge ?...
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Par ailleurs, il y a obligation d’information préalable chaque fois que le coût d’un soin comprenant un dépassement est supérieur à 70 euros, sachant que le montant moyen de la consultation d’un spécialiste est de 47 euros et que la plupart des dépassements sont inférieurs à 40 euros. La procédure d’information que j’ai mise en place est suffisante et permet aux malades de choisir leur médecin en toute connaissance de cause.
Dans ces conditions, de grâce : vos intentions sont certainement très bonnes, mais qu’elles ne vous conduisent pas à mettre en place un dispositif qui desservira les malades !
M. François Autain. Comment pouvez-vous dire cela !
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, pour explication de vote.
M. Bernard Cazeau. Madame la ministre, les statistiques en ma possession sont différentes de celles dont vous faites état,…
M. Bernard Cazeau. … puisque, selon les chiffres dont je dispose, 9 % des médecins généralistes, et un taux bien plus élevé de spécialistes, pratiquent des dépassements d’honoraires.
Je ne fais cependant pas état de ces statistiques, car je n’en suis pas sûr,…
M. Bernard Cazeau. … n’étant pas parvenu à trouver selon quelles méthodes elles avaient été établies, ce qui m’amène à vous demander par qui et comment les chiffres que vous citez ont été obtenus.
Quoi qu’il en soit, on constate aujourd'hui une évolution, qui concerne surtout les spécialistes mais aussi les généralistes : les médecins ne veulent plus du système de régulation tarifaire pratiqué par la sécurité sociale, laquelle prête le flanc à la critique en n’adaptant pas ses tarifs, du moins pour certaines spécialités, notamment la chirurgie, à l’augmentation du coût de la vie.
Tout le monde sait, madame la ministre, que si chacun devient libre de fixer ses tarifs, ceux-ci augmenteront obligatoirement, ce qui aboutira, à terme, au démantèlement de la sécurité sociale. C’en sera alors fini du principe du remboursement, et donc de l’accès aux soins pour tous !
On ne peut pas s’y résigner ! Nous parlons de cette question tous les ans, en particulier lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, mais rien n’est fait. Le Gouvernement doit pourtant être conscient de la situation, d’autant que les discussions qu’il mène avec les syndicats de médecins dans le cadre de la négociation des conventions font apparaître qu’il s’agit là d’une des difficultés les plus importantes en matière d’accès aux soins. Si le Gouvernement ne la prend pas en compte, qui le fera ?
Je crois donc qu’il faut aller de l’avant, sinon on aboutira un jour ou l’autre à la mise en cause du remboursement des soins et, par là même, de l’existence de la sécurité sociale.
M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote sur l'amendement n° 494.
M. François Autain. S’agissant du secteur optionnel, il semble bien, madame la ministre, puisque vous n’avez pas répondu à mes critiques, que vous êtes d’accord avec moi pour reconnaître qu’il ne s’agit en aucun cas d’une solution au problème des dépassements d’honoraires.
Vous estimez que notre proposition est une fausse bonne idée, mais ne vaut-il pas mieux parfois avoir de fausses bonnes idées que pas d’idées du tout, ce qui, malheureusement, est votre cas, madame la ministre ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Non !
M. François Autain. En effet, cela fait deux ans que vous ne proposez rien ! Il y a longtemps que vous auriez dû agir. Lorsque l’on a les moyens de cotiser à une mutuelle, les dépassements d’honoraires sont supportables, mais il faut penser aux autres, aux 40 % de nos concitoyens qui, désemparés, sont contraints de renoncer à des soins. On ne peut pas laisser perdurer cette situation en se bornant à faire observer que le problème des dépassements d’honoraires concerne surtout Paris mais que, en Lozère, où la population est, comme chacun sait, très dense, ce phénomène est marginal ! Cela n’est pas acceptable, madame la ministre !
Quant aux notions de tact et de mesure, les invoquer revient à donner au médecin la possibilité de pratiquer des tarifs à la tête du patient. Cela aussi est inadmissible, car le médecin n’a aucune information sur la situation sociale de son patient, lequel, ayant cotisé, a d’ailleurs de toute façon droit à être remboursé, quels que soient ses moyens financiers.