M. François Autain. Vous ne voulez pas faire plaisir à M. Fischer, madame la ministre !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Il nous faut effectuer un travail législatif correct, monsieur Autain, qui respecte la hiérarchie des normes. Selon l’expression familière, « cela ne mange pas de pain », mais cela mange du papier !
M. Guy Fischer. C’est vous qui le dites !
M. le président. L'amendement n° 720 rectifié, présenté par M. Desessard, Mme Voynet, MM. Le Menn et Cazeau, Mmes Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, MM. Daudigny et Daunis, Mmes Demontès et Durrieu, MM. Fauconnier et Fichet, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mmes Printz et Le Texier, MM. Mirassou et Rebsamen, Mme Schillinger, MM. Teulade, Collombat et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 632-2 du code de l'éducation, après le mot :
territoriale,
insérer les mots :
conformément aux schémas prévus à l'article L. 1434-6 du code de la santé publique et
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Les schémas régionaux d’organisation des soins, les SROS, qui sont mis en place dans chaque région par les agences régionales de santé, définiront les besoins du territoire en termes d’offres de soins, notamment pour la médecine générale de premier recours et pour chaque spécialité, aussi bien en secteur hospitalier qu’en ambulatoire.
La droite – la majorité présidentielle, devrais-je dire – ...
Mme Isabelle Debré. Oh ! Qu’est-ce que cela veut dire ?
M. Jean Desessard. … la droite, si vous préférez, a longtemps voulu nous faire croire, notamment depuis les ordonnances Juppé de 1996, que si les Français dépensaient trop pour leur santé, c’était parce qu’il y avait trop de médecins ! C’est d’ailleurs ce qu’a reconnu tout à l'heure notre collègue !
M. Jacques Blanc. Ce n’est pas Juppé ! Ce sont les socialistes !
M. Jean Desessard. Les analyses diffèrent sur la question !
Et l’on s’est imaginé que, avec moins de médecins, les dépenses de santé diminueraient mécaniquement. Or, comme cela a été dit à plusieurs reprises lors des interventions sur l’article, tel n’a pas été le cas, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, l’ONDAM, ayant été dépassé chaque année, ou presque, depuis que nous le votons au Parlement.
M. François Autain. On peut le dire !
M. Jean Desessard. De plus, nous nous retrouvons aujourd’hui dans une situation catastrophique telle que le nombre de médecins formés ne suffit plus à remplacer les départs en retraite. Or le nombre de praticiens en exercice diminuera de 10 % au cours des dix prochaines années.
La fixation du numerus clausus par subdivision territoriale doit donc tenir compte des besoins exprimés à l’échelon local en fonction des spécificités géographiques, démographiques, sociales et environnementales de chaque région.
Tel est l’objet de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Notre collègue Jean Desessard propose que le nombre d’internes à former pour une période de cinq ans – ce qui est différent de la fixation du numerus clausus – soit déterminé conformément aux schémas régionaux d’organisation des soins.
Toutefois, cette précision nous semble redondante, car le deuxième alinéa du texte proposé par le paragraphe II de l’article 15 prévoit déjà la prise en compte de la situation de la démographie médicale par spécialité et par région et de son évolution.
En conséquence, la droite majoritaire de la commission a émis un avis défavorable. (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Pour en revenir à l’amendement précédent, c’est à l’ONDPS que reviendra le soin de proposer le nombre de médecins à former par spécialité et subdivision territoriale dans le cadre d’une prévision qui ne saurait être bien entendu que quinquennale. À cet effet, il s’appuiera sur les travaux des comités régionaux placés au sein des ARS.
Naturellement, les impacts éventuels des SROS sur l’évolution des besoins des spécialistes de la région seront pris en compte. Pour autant, le SROS doit rester un projet d’aménagement de l’offre existante sur le territoire.
Ces dispositions sont donc de nature à répondre à vos préoccupations, monsieur Desessard. Qui plus est, – pardonnez-moi cette incongruité, monsieur le sénateur – la loi me paraît mieux écrite que votre amendement. (Mme Borvo Cohen-Seat et M. Jean Desessard s’exclament.) Ne voyez là aucune moquerie à votre égard, puisque nous avons, au final, la même volonté !
M. Jean Desessard. Où est cette excellente rédaction, madame la ministre ?
M. le président. Monsieur Desessard, l'amendement n° 720 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean Desessard. Je suis partagé, monsieur le président…
M. le président. Je n’en suis pas étonné ! (Sourires.)
M. Jean Desessard. Certains éléments me font dire que je peux avoir un peu confiance dans la parole de Mme la ministre, puisqu’elle m’a donné satisfaction ce matin en me promettant la mise en place d’un plan de développement d’un centre médical à Twenké.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Parole, parole !
M. Guy Fischer. Et la pirogue ? (Sourires.)
M. Jean Desessard. Mais d’autres éléments me font hésiter. Ainsi, la semaine dernière, lorsque j’ai présenté un amendement tendant à intégrer les frais des médecins libéraux dans le coût des cliniques privées, il m’a été rétorqué qu’une étude démontrait que c’était déjà le cas.
M. Guy Fischer. Tout à fait !
M. Jean Desessard. Surpris, j’ai donc demandé à en disposer. Vous m’avez assuré, madame la ministre, que vous alliez me la faire parvenir, …
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je vais vous communiquer ces travaux ; tout vient à point !
M. Jean Desessard. … mais, chaque jour, mon casier reste vide, point d’étude ! (Sourires.- Exclamations sur les travées de l’UMP.) Soit elle a été réalisée, et il existe un problème de classement au ministère ; …
Mme Isabelle Debré. Elle va arriver !
M. Jean Desessard. … soit elle est en cours d’élaboration, auquel cas il faut vous dépêcher ! (Nouveaux sourires.) Ou bien je n’en aurai jamais communication, ce qui serait vraiment dommage !
Quoi qu’il en soit, au bénéfice du doute, je retire mon amendement, pour ce soir ! (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG. – M. Jacques Blanc applaudit.) Me voilà rentré dans un processus de compromis ! (Sourires.)
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je vous remercie, monsieur Desessard, d’avoir accepté de retirer votre amendement.
L’étude de comparaison des coûts entre l’hospitalisation privée et l’hôpital public réalisée par l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation, l’ATIH, est bien sûr à votre disposition. J’en avais d’ailleurs fait état à l'Assemblée nationale lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Vous en disposerez avant la fin de la discussion de ce projet de loi ; elle est d’ailleurs soigneusement rangée dans la bibliothèque de la direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins. Je ne fais là aucune rétention d’information. D’ailleurs, vous ai-je déjà déçue une seule fois, monsieur Desessard ? (Sourires. – Bravo ! sur les travées de l’UMP.)
Mme Isabelle Debré. Quelle opération de charme !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1229, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
À la fin du deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 632-2 du code de l'éducation, supprimer les mots :
et compte tenu des capacités de formation des différentes subdivisions
La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Comme je l’avais indiqué dans mon propos liminaire, le nombre d’internes à former doit être déterminé en fonction des besoins de santé de la population et non pas en fonction des capacités de formation des subdivisions territoriales. Par cet amendement, je souhaite donc supprimer ce critère législatif.
À l’évidence, les capacités de formation sont beaucoup plus élevées dans les régions qui ont déjà des zones sur-denses importantes. Si l’on veut vraiment renforcer la démographie médicale dans les zones qui en ont besoin, il faut agir non pas à partir des capacités de formation, mais bien à partir des besoins de la population.
M. Jean Desessard. Je suis d’accord !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. J’ai cru déceler que cet amendement pourrait recueillir l’assentiment sur toutes les travées.
M. Jean Desessard. Absolument !
M. le président. L'amendement n° 97 rectifié, présenté par MM. Gilles, Pointereau et Leclerc, Mme Goy-Chavent, M. Vasselle, Mlle Joissains et Mme Bruguière, est ainsi libellé :
Compléter le deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 632-2 du code de l'éducation par les mots :
et des possibilités d'y organiser des stages en exercice libéral
La parole est à M. Dominique Leclerc.
M. Dominique Leclerc. Je souhaite revenir sur des propos qui ont été tenus au cours de la soirée à propos de la question éternelle du nombre d’internes à former.
Avec cet amendement, nous demandons qu’il soit tenu compte, d’une part, des capacités de formation des différentes subdivisions – mais on a déjà répondu sur ce point – et, d'autre part, c’est très important, des possibilités d'y organiser des stages en exercice libéral, afin d’augmenter le potentiel de formation.
En vue de faire connaître l’exercice libéral dans toutes les spécialités aux étudiants en médecine, il est nécessaire de développer les stages en cabinets médicaux de ville, l’hôpital public étant l’unique lieu de formation de ces étudiants. Ces stages constituent des lieux privilégiés d’apprentissage et d’expériences professionnelles, propices à l’exercice ambulatoire, notamment dans les régions sous-médicalisées.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. L’amendement n° 1229 vise à supprimer un ajout de la commission, qui a pour objet de prévoir que la prévision sur cinq ans du nombre d’internes à former se fera non seulement compte tenu de la situation de la démographie médicale par spécialité et par subdivision territoriale, mais également en tenant compte des capacités de formation de ces différentes subdivisions territoriales.
Il nous paraît important que ces capacités de formation soient prises en compte et, si nécessaire, adaptées en fonction des besoins identifiés, ce qui répond aux besoins de la population. Cela permettra, en effet, d’assurer une meilleure adéquation des moyens de formation aux besoins médicaux.
Par conséquent, la commission souhaite le maintien de son texte sur ce point et elle émet un avis défavorable.
M. François Autain. Elle peut changer d’avis !
M. Alain Milon, rapporteur. L’amendement n° 97 rectifié prévoit que la détermination du nombre d’internes à former sur cinq ans se fait en tenant compte des possibilités d’organisation des stages en exercice libéral.
En souhaitant que soient prises en compte les capacités de formation des différentes subdivisions territoriales, la commission non seulement satisfait cet amendement, mais va au-delà. Elle en demande donc le retrait.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je demande également à M. Dominique Leclerc de bien vouloir retirer l’amendement n° 97 rectifié, et ce pour les mêmes raisons que celles qui ont été développées par M. le rapporteur.
M. le président. Monsieur Leclerc, l'amendement n° 97 rectifié est-il maintenu ?
M. Dominique Leclerc. Non, monsieur le président, je le retire.
M. le président. L'amendement n° 97 rectifié est retiré.
La parole est à M. Serge Lagauche, pour explication de vote sur l'amendement n° 1229.
M. Serge Lagauche. Cet amendement du Gouvernement traduit effectivement une volonté de remédier au déséquilibre existant.
Toutefois, on a affaire à deux ministères, dont le ministère de l’enseignement supérieur, et il est déjà extrêmement difficile d’obtenir des nominations ou simplement des déplacements d’enseignants d’un secteur à un autre, d’un CHU dans un autre !
Par conséquent, si je souhaite que cet amendement soit adopté, j’attire votre attention sur le fait que les assemblées devront être vigilantes en raison de la difficulté qu’il y aura à appliquer cette disposition.
M. Serge Lagauche. Enfin, pour trouver des stages valables pour les étudiants dans les zones de faible densité médicale, il faudra faire preuve d’imagination, car ce sera très difficile.
En conclusion, je suis d’accord avec la proposition faite par le Gouvernement, mais il reste à convaincre le ministère de l’enseignement supérieur !
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Nous étions un certain nombre à être extrêmement favorables à cet amendement du Gouvernement.
En effet, si, en la matière, on se fie uniquement aux capacités de formation, les grosses universités auront évidemment plus d’internes que les autres, et l’on retrouvera les conséquences de l’« effet Matthieu » repris en droit social : « À celui qui a, il sera beaucoup donné et il vivra dans l’abondance, mais à celui qui n’a rien, il sera tout pris, même ce qu’il possédait. ». Les petites universités auront moins d’internes et, donc, moins de capacités à former.
J’ajoute une remarque à l’attention de notre collègue Jean Desessard. Au début de la discussion de l’article 15, Mme la ministre a expliqué de façon magistrale, s’agissant de la répartition territoriale, la façon dont elle entendait répartir le nombre d’internes en fonction des besoins territoriaux. Par conséquent, je vous renvoie, mon cher collègue, au compte rendu de nos débats que vous lirez demain matin !
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. C’est une invitation à regarder dans mon casier pour voir si l’étude de comparaison des coûts entre l’hospitalisation privée et l’hôpital public est arrivée, mais aussi à lire les comptes rendus de nos débats ! (Sourires.) Mais j’aurais préféré que cela figure dans la loi plutôt que dans les explications de Mme la ministre !
Pour ma part, tout comme mon collègue M. Serge Lagauche, je soutiendrai l’amendement n° 1229. En effet, je suis tout à fait d’accord avec Mme la ministre, il est souhaitable que la répartition et le nombre des internes devant être formés soient déterminé à partir des besoins de santé de la population, et non en fonction des capacités de formation des subdivisions territoriales. C’est évident !
Cela étant, M. Lagauche l’a bien dit, on aurait aimé que Mme la ministre précise que, en liaison avec son collègue de l’enseignement supérieur, le Gouvernement fournira les moyens nécessaires à la formation : amphithéâtres, matériels, locaux, professeurs et stages.
Là se justifie, peut-être, la position de la commission, qui souhaite que le Gouvernement fournisse les moyens de former les étudiants, mais craint en même temps qu’il ne le fasse pas. Personnellement, je suis persuadé qu’il les mettra en place.
M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.
M. François Autain. Je suis partagé, car je comprends les arguments des uns et des autres.
Je suis d’accord avec Mme la ministre, qui veut adapter le nombre d’internes en fonction des besoins de santé de la population. Mais je le suis aussi avec M. le rapporteur, qui insiste sur l’obtention des moyens nécessaires à la formation des étudiants.
L’idéal serait que les moyens de formation soient adaptés aux besoins de la population. (M. Jean Desessard rit.) Effectivement, on aurait ainsi beaucoup moins de problèmes !
Mais je m’interroge : si l’on suit Mme la ministre, on va déterminer le nombre d’internes en fonction des besoins de santé de la population, mais on n’aura pas forcément les moyens de former les étudiants. Ce n’est pas grave, dans la mesure où ce sont les besoins de santé qui sont importants !
J’avoue que votre proposition me satisfait d’autant moins que la régionalisation des formations ne prémunit pas contre le risque de voir les étudiants quitter ultérieurement la région pour aller s’installer ailleurs. Certes, il y a plus de chances, du moins peut-on le penser, qu’ils s’installent là où ils auront été formés, mais rien ne garantit qu’ils ne partiront pas, surtout s’ils ont été mal formés !
Je ne comprends pas très bien le raisonnement consistant à dire qu’il faut donner la priorité aux besoins de santé, et tant pis pour la formation ! J’avoue que je ne vous suis pas complètement, madame la ministre.
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Le débat m’amène à poser la question suivante : plutôt que les mots « compte tenu », n’aurait-il pas été souhaitable d’écrire : « en adaptant les capacités de formation des différentes subdivisions » ?
M. Jean Desessard. Bravo !
M. Alain Vasselle. Si je comprends bien, M. le rapporteur ne peut introduire une telle précision,…
M. François Autain. C’est du travail de commission !
M. Alain Vasselle. … sous peine de voir la disposition frappée par l’article 40 de la Constitution !
En effet, augmenter les capacités de formation en fonction des besoins suppose de mobiliser des moyens budgétaires supplémentaires pour y parvenir, ce que le Gouvernement n’a peut-être pas la capacité de faire.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Alors, ce n’est pas la peine de le proposer !
M. Alain Vasselle. Sans doute la rédaction de la commission n’est-elle pas complètement satisfaisante, mais le rapporteur a expliqué l’état d’esprit dans lequel cette proposition a été faite, c'est-à-dire dans le souci d’adapter les capacités de formation aux besoins des territoires en médecins généralistes.
Si nous exaucions le souhait de MM. François Autain et Jean Desessard, l’article 40 aurait été invoqué et la commission des finances aurait retoqué l’amendement !
M. François Autain. Elle ne va quand même pas retoquer le rapporteur ! (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 721 rectifié, présenté par M. Desessard, Mme Voynet, MM. Le Menn et Cazeau, Mmes Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, MM. Daudigny et Daunis, Mmes Demontès et Durrieu, MM. Fauconnier et Fichet, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mmes Printz et Le Texier, MM. Mirassou et Rebsamen, Mme Schillinger, MM. Teulade, Collombat et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter la première phrase du quatrième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 632-2 du code de l'éducation par les mots :
, après avis du conseil national de pilotage des agences régionales de santé prévu à l'article L. 1433-1 du code de la santé publique, capable de définir ses choix sur la base des besoins de la population
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Le conseil national de pilotage des ARS doit devenir une courroie de transmission entre les ARS et le Gouvernement. C’est par ce conseil que doit pouvoir remonter l’expression des besoins à l’échelon local, afin que les choix du ministre quant à la fixation du numerus clausus soient fondés sur la réalité des besoins de la population évalués par chaque ARS.
C’est pourquoi nous proposons que le conseil national de pilotage des ARS, qui réunit des représentants des organismes nationaux d’assurance maladie, de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie et des différents ministères concernés, émette un avis sur la fixation du numerus clausus par CHU et par spécialité.
Il est prévu, à l’alinéa suivant de l’article L. 1433-1 du code de la santé publique, que ce Conseil national de pilotage « veille à la cohérence des politiques » qu’auront à mener les ARS, notamment en matière d’offre de soins. Il me semble que la cohérence de la politique en matière de démographie médicale relève des compétences du conseil national de pilotage des ARS.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. M. Desessard propose que la prévision sur cinq ans du nombre d’internes à former se fasse après avis du conseil national de pilotage des ARS.
Les informations en provenance des ARS permettront d’établir cette prévision, mais il n’entre pas dans les missions du conseil national de pilotage, tel qu’il est créé à l’article 26, d’être consulté à ce titre.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Bien entendu, le conseil national de pilotage sera informé des décisions du ministre de la santé en ce domaine.
La mission de cet organe est de vérifier la concordance entre les deux donneurs d’ordre des ARS, c’est-à-dire, d’un côté, les organismes nationaux d’assurance maladie et, de l’autre, l’organisation de l’État.
Mais son rôle n’est absolument pas de donner un avis sur ce sujet. Être informé, oui, mais donner un avis préalable à la décision du ministre en charge, certainement non !
Je suis donc défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc, pour explication de vote.
M. Jacques Blanc. Il ne doit pas y avoir d’ambiguïté, et l’approbation de cette disposition me paraît superfétatoire. En effet, il est évident que le numerus clausus régionalisé devra intégrer à la fois les objectifs nationaux et les objectifs régionaux.
Mais permettez-moi d’insister sur un aspect qui n’a peut-être pas été suffisamment souligné : dans une région, il ne faut pas uniquement prendre en compte le rapport entre le nombre de médecins et celui des habitants.
Par exemple, il faudrait pouvoir augmenter le numerus clausus lorsque le nombre de contrats d’engagement est élevé pour que des étudiants s’installent dans les zones sous-médicalisées qui ont besoin de médecins.
J’avais déposé un amendement dont l’objet était de faire en sorte que le directeur de l’ARS, en liaison avec le doyen de la faculté, analyse objectivement la situation à l’échelon régional, en tenant compte à la fois de la densité médicale régionale et des besoins des territoires.
Pardonnez-moi de citer l’exemple d’une région que je connais un peu mieux que les autres, le Languedoc-Roussillon. Le territoire a une densité médicale importante, mais il comprend des zones de montagne, en particulier la Lozère, qui ont besoin de médecins.
J’insiste sur ce point, car il conviendrait de tenir compte de cette réalité pour augmenter le numerus clausus lorsque qu’il existe des perspectives de contrats santé solidarité, de contrats d’engagement de service public, d’attributions de bourses ou de versements d’allocations de l’État, pour l’installation de médecins dans les territoires sous-médicalisés qui en ont besoin.
La commission des finances a écarté mon amendement, au regard, me semble-t-il, de l’article 40 de la Constitution. Mais peu importe, car la disposition proposée n’était peut-être pas d’ordre législatif. Reste que c’est la pratique qui doit permettre de déboucher sur une situation qui tienne vraiment compte de la réalité des présences médicales sur l’ensemble du territoire régional.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Monsieur Blanc, autant j’ai bien suivi les propos que vous avez tenus tout à l’heure avant la suspension de la séance, autant je n’ai pas compris grand-chose à ce que vous venez de dire ! (Sourires.) Cela étant, vous avez tout de même indiqué que votre amendement avait été rejeté sur la base de l’article 40 de la Constitution !
La question qui se pose est de savoir quels sont les éléments sur lesquels s’appuie le Gouvernement pour fixer le numerus clausus. Vous allez certainement me répondre, madame la ministre, que le Gouvernement voit clair !
M. Paul Blanc. Pas toujours !
M. Jean Desessard. Or cela fait tout de même vingt ou trente ans que sa vision est pour le moins altérée !
Quels sont donc les indicateurs qui lui permettraient de disposer d’un véritable éclairage, de sorte que le ministre de la santé, qu’il soit de droite ou de gauche, puisse résoudre le problème du manque de médecins ?
Cet amendement vise à tenir compte des éléments d’information fournis par le conseil national de pilotage des ARS. Or, selon vous, madame la ministre, celui-ci ne serait pas en mesure de jouer un tel rôle.
Je vous pose donc cette double question : qui donne ces grandes orientations ? Qui aide à la prise de décision ?
Si nous avions réussi, au cours de ces vingt dernières années, à fixer un numerus clausus adéquat, ces questions ne se poseraient pas ! Le ministre et les hauts fonctionnaires du ministère auraient identifié correctement les besoins. Mais tel n’est pas le cas, nous l’avons répété tout l’après-midi ! Nous avons donc besoin d’indicateurs.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Monsieur Desessard, si j’ai bien compris, votre question est la suivante : sur quelle instance et quelle capacité d’expertise s’appuie le ministre qui prend la décision in fine ?
M. Jean Desessard. Vous l’avez excellemment résumée !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Le ministre en question s’appuie sur les travaux de l’ONDPS, l’Observatoire national de la démographie des professions de santé.
M. François Autain. Nous avons déposé un amendement sur ce sujet !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. En effet, monsieur Autain, et je l’ai rejeté non pas sur le fond, mais sur la forme, car la disposition qu’il visait était de nature réglementaire.
Comme je le disais, le ministre s’appuie sur les travaux de l’ONDPS, qui est une instance d’analyse indépendante, dont la mission est de proposer au ministre de la santé le nombre de médecins à former par spécialité et subdivision territoriale.
Cet observatoire s’appuie, pour ce faire, sur les travaux des comités régionaux, qui travaillent bien entendu avec les professionnels de santé. Ces comités seront placés au sein des ARS.
Comme vous pouvez le constater, monsieur Desessard, l’interface que vous appelez de vos vœux existe bel et bien. Le ministre, quel qu’il soit, dispose des capacités d’expertise indépendantes lui permettant d’étayer sa décision finale. Quoi qu’il en soit, tout cela relève du champ réglementaire et non du domaine législatif.
Monsieur Desessard, vous remettiez tout à l’heure dans le jeu le conseil national de pilotage. Or vous voyez qu’il est beaucoup plus pertinent de prévoir son information, plutôt que de lui demander un avis qu’il n’a absolument pas la capacité de formuler.