Mme Dominique Voynet. Je constate que les jeunes médecins préfèrent assurer des gardes une nuit par semaine et un week-end par mois : cela leur permet d’arriver pratiquement au même niveau de rémunération, sans assumer la même responsabilité et les mêmes contraintes qu’un titulaire, notamment en termes d’organisation du service.
Nous aurions tout à fait pu accepter les précautions et le cadre proposés par M. Vasselle si vous n’aviez pas souhaité supprimer la disposition tendant à limiter le recours aux praticiens libéraux aux cas où les établissements publics de santé rencontrent des difficultés de recrutement.
Nous aimerions aussi vous entendre dire que vous entendez restaurer l’attractivité des carrières hospitalières publiques : franchement, au-delà du problème des rémunérations, on peut s’interroger sur la motivation de certains ! Va-t-on accepter d’un cœur léger, par exemple, que se généralisent les consultations cardiologiques préopératoires assurées par des médecins libéraux, qui y voient l’occasion de développer une jolie clientèle alors même qu’ils refuseraient de s’engager à respecter les honoraires conventionnels ?
Vous ouvrez une boîte de Pandore, sans apporter toutes les garanties permettant d’encadrer sérieusement des dispositions auxquelles on ne devrait recourir que de façon marginale au sein de l’hôpital public !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Tout à fait !
M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.
M. François Autain. Je remercie Mme Voynet de ses propos. Elle semble m’avoir mieux compris que vous, madame la ministre. Malheureusement, elle n’est plus au Gouvernement ! (Sourires.)
Notre amendement exprime une véritable préoccupation. Certains hôpitaux n’ont actuellement pas d’autre solution que le recours à des médecins libéraux dans certaines spécialités particulièrement sinistrées. Je le reconnais, mais je crois que nous ne pouvons pas nous satisfaire de cette situation : il faut essayer de comprendre pourquoi nous en sommes arrivés là. Nous ne pouvons vous exonérer de toute responsabilité à cet égard, madame la ministre.
J’ai déposé cet amendement d’appel pour savoir si vous aviez la même vision que moi de la situation actuelle des hôpitaux. Or, malheureusement, vous vous êtes contentée de dire que je voulais empêcher les hôpitaux de fonctionner en les privant de la manne que constitue aujourd’hui la médecine libérale.
Madame la ministre, vous vous trompez, parce que votre solution ne sera pas suffisante pour assurer le fonctionnement convenable des hôpitaux.
Il faudra bien qu’un jour ou l’autre vous vous penchiez sur les modes d’exercice, les rémunérations et les retraites des médecins qui exercent à l’heure actuelle à l’hôpital, car ce sont autant de vrais problèmes.
Si les jeunes médecins quittent l’hôpital aujourd’hui, ce n’est pas sans raison. Ils sont moins attirés par le secteur privé que repoussés par le secteur public, et vous portez une grande part de responsabilité dans cette situation. Je déplore que vous n’en preniez pas conscience, madame la ministre.
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 1298.
M. Bernard Cazeau. Nous étions satisfaits de l’amendement n° 248 de M. Vasselle, qui reprenait un certain nombre de dispositions que nous avions nous-mêmes précédemment proposées.
Or Mme la ministre est venue y mettre son nez,…
M. Bernard Cazeau. … à juste titre, d’ailleurs, puisqu’elle est ministre. (Nouveaux sourires.)
M. Bernard Cazeau. Mais ce qu’elle propose ne nous satisfait pas du tout.
Pourquoi, en effet, supprimer les mots « et lorsque sont établies des difficultés manifestes de recrutement des praticiens hospitaliers dans le territoire de santé considéré. » ? La solution proposée par notre collègue Alain Vasselle ne se justifie que si se posent effectivement des problèmes de recrutement. Le sous-amendement du Gouvernement fait perdre à l’amendement de M. Vasselle, qui est excellent, les trois quarts de sa saveur.
Pour résumer notre position, si Mme la ministre accepte de retirer le I du sous-amendement n° 1298, nous voterons l'amendement de M. Vasselle ; sinon, nous nous abstiendrons !
M. le président. Madame la ministre, que répondez-vous à M. Cazeau ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je ne déférerai pas à la demande de retrait formulée par M. Cazeau !
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Je dirai à notre collègue Bernard Cazeau qu’il vaut mieux tenir que courir, raison pour laquelle je ne remettrai pas en cause la rédaction du Gouvernement qu’il refuse,…
M. Henri de Raincourt. Heureusement !
M. Alain Vasselle. … d’autant que cela rassure visiblement notre président de groupe, Henri de Raincourt ! (Sourires.)
M. Henri de Raincourt. J’ai eu peur ! (Nouveaux sourires.)
M. François Autain. Vous êtes tout de même l’un et l’autre dans la majorité !
M. Alain Vasselle. Cela étant, madame la ministre, je tiens à souligner, afin que cette précision apparaisse clairement au Journal officiel, où sont retranscrits nos débats dans leur intégralité, que vous avez souhaité rétablir la formule « le cas échéant » puisque, ainsi que cela figure dans l’objet de votre sous-amendement, « dans le cas d’une structure d’hospitalisation à domicile, la minoration n’est pas requise ». Le maintien de ces trois mots sera de nature à rassurer ceux qui s’inquiétaient notamment des conditions dans lesquelles ils auraient à appliquer les dispositions ici proposées pour l’article L.6146-2 du code de la santé publique.
La redevance s’appliquera de fait dans tous les établissements, sauf pour les structures d’hospitalisation à domicile puisque, dans ce cas-là, il n’y a pas de frais de gestion et que donc l’établissement n’a aucune raison d’en demander la déduction. Mais, ailleurs, la déduction sera pratiquée.
C’est une précision importante qui permet de lever d’éventuelles ambiguïtés dans la perspective de l’application de cet alinéa de l’article 8.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.
M. Gilbert Barbier. On semble ici oublier la réalité des pratiques actuelles.
Je rappelle qu’un certain nombre de médecins ont pris l’habitude d’exercer de manière occasionnelle, au gré de remplacements qu’ils effectuent sur tout le territoire national.
M. François Autain. C’est exact !
M. Gilbert Barbier. Ils acceptent soit des gardes, soit des remplacements d’une semaine ou plus et négocient directement leurs rémunérations avec les directeurs d’établissement qui, pour faire face à la pénurie, sont parfois obligés d’accepter leurs conditions.
M. Guy Fischer. C’est un problème important !
M. Gilbert Barbier. De plus, se sont greffées là-dessus des officines privées…
M. Guy Fischer. Qui se remplissent les poches !
M. François Autain. C’est scandaleux !
M. Gilbert Barbier. … qui centralisent les besoins des établissements publics hospitaliers et renseignent ces « médecins itinérants », au point que cela constitue désormais un véritable commerce.
Madame la ministre, entendez-vous, un jour, réglementer…
M. François Autain. Moraliser !
M. Gilbert Barbier. … dans le sens d’une certaine déontologie ces officines qui organisent des remplacements à travers toute la France ?
Que certains médecins préfèrent travailler huit jours par mois pour un salaire quasi identique à celui qu’ils pourraient obtenir en travaillant un mois entier dans un hôpital public, c’est un fait, mais il n’en est pas moins nécessaire de réglementer, d’une manière beaucoup plus stricte, l’intervention des officines dont je parlais.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Milon, rapporteur. Monsieur le président, je crains qu’une erreur d’interprétation ne vienne troubler la bonne compréhension de la position de la commission.
Je précise donc que la commission est, sans ambiguïté, favorable à l’amendement n° 248 tel que sous-amendé par le Gouvernement.
Dans l’amendement n° 248, il est fait référence aux professionnels libéraux qui exercent à l’intérieur de l’hôpital, à la demande de celui-ci, des missions de service public. À partir du moment où il s’agit de missions de service public, il est normal que les tarifs du secteur 1 s’appliquent. En revanche, pour les autres missions, et c’est le cas visé dans l’amendement n° 343 du groupe socialiste, ces tarifs ne peuvent s’appliquer.
La commission maintient donc son avis défavorable sur cet amendement-là.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je souhaite répondre, de façon tout à fait claire, à M. Vasselle, puis à M. Barbier.
Le sous-amendement du Gouvernement vise en effet à remplacer les mots « d’une redevance correspondant au coût réel, pour l’établissement, des prestations qu’il leur fournit pour les besoins de l’exercice de leur art » par les mots «, le cas échéant, d’une redevance ».
Comme c’est actuellement le cas, les modalités du calcul de la redevance due par les médecins à l’établissement relèvent du domaine réglementaire et non du domaine législatif. Ainsi, pour les hôpitaux locaux, il est prévu par décret que la redevance est calculée au prorata du montant des honoraires. Il convient également de maintenir la formule « le cas échéant » puisque, dans le cas d’une structure d’hospitalisation à domicile, la minoration n’est pas requise.
Monsieur Barbier, la question des médecins que vous qualifiez d’« itinérants » est effectivement l’un de mes gros soucis. Il y a là évidemment un problème de qualité globale des soins. On voit arriver dans les établissements hospitaliers des praticiens « mercenaires » payés à prix d’or,…
M. François Autain. Qui ne sont même pas inscrits au conseil de l’ordre !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. … des médecins étrangers qui n’ont pas toujours le niveau de qualification requis – je pense en particulier à des anesthésistes qui ne sont pas réanimateurs – et dont le français est, parfois, extrêmement approximatif, ce qui leur crée les plus grandes difficultés pour remplir correctement les missions qui leur sont confiées.
Voilà pourquoi se posent de véritables problèmes de qualité et de sécurité des soins.
Ayant constaté des difficultés de cet ordre dans un certain nombre d’hôpitaux de proximité où la sécurité des soins n’était pas garantie, j’ai été amenée à prendre certaines mesures. Certes, à voir le tableau des effectifs, le service semblait assuré, mais il ne l’était pas de manière convenable.
Soyez assuré de ma totale vigilance sur ce sujet : l’administration sanitaire et moi-même prenons les décisions qui s’imposent chaque fois que la sécurité des soins n’est pas effective.
M. François Autain. Non, vous ne faites rien !
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 1189 rectifié.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 248, modifié.
M. le président. L'amendement n° 1186, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après la première phrase du III de cet article, insérer une phrase ainsi rédigée :
À l'article L. 6146-11 du même code, après les mots : « en tant que de besoin, » sont insérés les mots : « sauf disposition contraire, ».
La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Cet amendement purement juridique vise à permettre l'adoption de certaines mesures techniques d'application du code de la santé publique par décret, les mesures les plus importantes demeurant adoptées par décret en Conseil d'État.
En l'espèce, il s'agit de fixer par décret simple la durée du mandat des chefs de pôle.
En effet, un certain nombre de décrets en Conseil d’État ont été demandés. Or, dans un souci de simplification et de souplesse, nous considérons que des décrets simples suffisent à mettre en application les mesures prévues pour l’organisation interne des établissements publics de santé.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon. La commission est favorable à cet amendement de cohérence et de précision juridique.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d'une discussion commune.
Les trois premiers amendements sont identiques.
L'amendement n° 158 est présenté par MM. P. Blanc et Laménie.
L'amendement n° 258 est présenté par M. Longuet.
L'amendement n° 345 est présenté par MM. Le Menn, Michel et Cazeau, Mmes Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, MM. Daudigny et Daunis, Mme Demontès, M. Desessard, Mme Durrieu, MM. Fauconnier et Fichet, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mmes Le Texier et Printz, MM. Mirassou et Rebsamen, Mme Schillinger, M. Teulade et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Rédiger comme suit le texte proposé par le V de cet article pour l'article L. 6161-5-1 du code de la santé publique :
« Art. L. 6161-5-1 - Dans des conditions fixées par voie réglementaire, un établissement de santé privé d'intérêt collectif peut admettre des médecins, sages-femmes et odontologistes exerçant à titre libéral, à participer à l'exercice des missions de cet établissement. Par exception aux dispositions de l'article L. 162-2 du code de la sécurité sociale, l'établissement de santé privé d'intérêt collectif verse aux intéressés les honoraires, le cas échéant minorés d'une redevance.
« Les professionnels de santé mentionnés au premier alinéa participent aux missions de l'établissement dans le cadre d'un contrat conclu avec l'établissement de santé privé d'intérêt collectif, qui fixe les conditions et modalités de leur participation et assure le respect des garanties mentionnées à l'article L. 6112-3.
« Les établissements de santé privés autorisés à délivrer des soins au domicile de leurs patients peuvent recourir à des auxiliaires médicaux exerçant à titre libéral. Les honoraires de ces professionnels de santé sont à la charge de l'établissement privé de santé. Dans ce cas, il peut être envisagé des conditions de rémunération particulières autres que le paiement à l'acte ».
La parole est à M. Marc Laménie, pour défendre l’amendement n° 158.
M. Marc Laménie. M. Paul Blanc, qui a cosigné cet amendement, aurait pu en parler mieux que moi, étant spécialiste de la question.
Aux termes de la rédaction du V de l'article 8 adoptée par la commission des affaires sociales du Sénat, les établissements de santé privés « autorisés à délivrer des soins au domicile de leurs patients recourent à des auxiliaires médicaux exerçant à titre libéral. »
Or ces établissements disposent également de collaborations salariées. Mon amendement vise à reformuler cet alinéa dans l'esprit de la rédaction du II de l'article 8, élaborée pour les établissements publics de santé.
M. le président. Le sous-amendement n° 1299, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer les deux premiers alinéas du texte proposé par l'amendement n° 158 pour l'article L. 6161-5-1 du code de la santé publique.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Sous réserve de l’adoption de ce sous-amendement, je suis favorable à l’amendement n° 158, d’autant qu’il est en partie satisfait par l’adoption, à l’article 1er, de l’amendement n° 162 et du sous-amendement n° 1219 rectifié, déposé par le Gouvernement.
Nous en avons déjà parlé, l’hospitalisation à domicile est non pas une alternative à l’hospitalisation ; c’est bien une forme d’hospitalisation à laquelle s’appliquent les dispositions de l’article 8.
Monsieur Laménie, si votre demande est satisfaite, je retiens la précision rédactionnelle que vous souhaitez apporter concernant le recours à des auxiliaires médicaux exerçant à domicile par les établissements privés délivrant des soins à domicile. Il faut toutefois prévoir qu’ils « peuvent » recourir à des auxiliaires médicaux, sans que ce soit pour autant une obligation, ce que laisse supposer la formulation actuelle. Tel est le sens de mon sous-amendement, qui devrait recueillir votre accord, monsieur le sénateur.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour présenter l'amendement n° 258.
M. Gérard Longuet. Il s'agit en effet d’étendre une disposition que nous avons adoptée pour les hôpitaux publics aux établissements privés d’intérêt collectif, c'est-à-dire à but non lucratif, qui emploient des personnels salariés, mais qui peuvent aussi choisir de renforcer leurs capacités d’intervention en recourant à des médecins, sages-femmes ou odontologistes exerçant principalement à titre libéral.
M. le président. La parole est à Mme Samia Ghali, pour présenter l'amendement n° 345.
Mme Samia Ghali. L'Assemblée nationale et la commission des affaires sociales du Sénat ont reconnu aux établissements publics de santé la faculté d'admettre des médecins, sages-femmes et odontologistes qui exercent à titre libéral à participer à leurs missions. Cet amendement a pour objet de reconnaître la même faculté aux établissements de santé privés d'intérêt collectif.
Ces établissements passeront avec les professionnels libéraux un contrat d'exercice stipulant les conditions de l’intervention de ces professionnels, notamment leurs obligations relatives au respect des garanties mentionnées à l'article L. 6112-3 du code de la santé publique.
Par ailleurs, la rédaction du V de l'article 8 adoptée par la commission des affaires sociales du Sénat présente une difficulté. Il est en effet indiqué que « les établissements de santé privés autorisés à délivrer des soins au domicile de leurs patients recourent à des auxiliaires médicaux exerçant à titre libéral ». Or, actuellement, ces établissements disposent également de collaborations salariées. Il conviendrait donc de reformuler cet alinéa dans l'esprit de la rédaction du II de l'article 8, élaborée pour les établissements publics de santé, et transformer ce qui se lit comme une obligation en simple faculté.
Cet amendement tend donc à reformuler en conséquence l'article L.6161-5-1, dans un souci de parallélisme avec la rédaction retenue pour les établissements publics de santé.
M. le président. L'amendement n° 638, présenté par M. Barbier, est ainsi libellé :
Dans le dernier alinéa du V de cet article, remplacer les mots :
des conditions de rémunération particulières
par les mots :
des conditions particulières de rémunération
La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Je m’interroge sur la formule qui serait la plus adaptée. La rédaction de l’article pourrait laisser penser que c’est la rémunération qui est particulière. Dans un souci de clarté, ne vaudrait-il pas mieux écrire « des conditions particulières de rémunération » ?
M. François Autain. C’est une question fondamentale…
M. Gilbert Barbier. Elle impose en effet une réflexion approfondie. (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Les amendements identiques nos 158, 258 et 345 reprenant deux alinéas qui figurent déjà à l’article 1er du projet de loi, la commission y est défavorable et en préférerait le retrait.
En revanche, elle est favorable, comme le Gouvernement, au troisième alinéa de ces amendements identiques, ainsi qu’à l'amendement n° 638, qui est purement rédactionnel.
M. le président. Monsieur Barbier, si vous ne transformez pas votre amendement en sous-amendement, il risque de devenir sans objet.
M. Gilbert Barbier. Je le transforme donc en sous-amendement, monsieur le président !
M. le président. Je suis en conséquence saisi d’un sous-amendement n° 638 rectifié, présenté par M. Barbier et ainsi libellé :
Dans le dernier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 158, remplacer les mots :
des conditions de rémunération particulières
par les mots :
des conditions particulières de rémunération
Je mets aux voix le sous-amendement n° 1299.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 638 rectifié.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, les amendements nos258 et 345 n'ont plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 8, modifié.
(L'article 8 est adopté.)
Article 8 bis
(Texte non modifié)
Les deuxième et troisième alinéas de l'article L. 6147-1 du code de la santé publique sont supprimés.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, sur l'article.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Madame la ministre, nous avons amorcé ce débat dans la confusion, vendredi dernier. Vous nous avez alors rappelé les conditions dans lesquelles cet article avait été introduit par l'Assemblée nationale. Permettez-moi tout de même de vous faire observer, d'une part, qu’il est le fruit d’un amendement, d'autre part, que vous vous y êtes opposée de façon si discrète que votre majorité l’a voté. (Mme la ministre fait des signes de dénégation.-Exclamations sur les travées de l’UMP.)
En tout cas, cela revient, au détour d’un amendement intervenu fort à propos – quelles qu’aient été les conditions dans lesquelles il a été adopté –, à organiser la « casse » du statut de l’AP-HP, sans aucune discussion préalable avec les partenaires sociaux.
Madame la ministre, cet article prévoit de supprimer ce qui restait du statut particulier de l’AP-HP, c’est-à-dire d’en finir avec l’autonomie de décision concernant l’état prévisionnel des recettes et des dépenses, dans le seul but de placer chacun de ses établissements dans un rapport de soumission aux agences régionales de santé.
Il faut dire que le régime actuel, qui prévoit que le budget de l’AP-HP est le fruit d’une négociation menée au sein du conseil de tutelle, réunissant votre ministère, celui de la sécurité sociale, celui du budget et le directeur de l’ARH, est clairement incompatible avec votre projet de soumission des besoins de soins à l’offre de soins.
Il est en effet impossible de maintenir un système qui fait que le budget des hôpitaux de Paris est négocié, alors que, dans le même temps, vous imposez partout en France une organisation dans laquelle les établissements publics de santé verraient leurs budgets décidés par le directeur général de l’ARS, dans le seul but – par ailleurs revendiqué – de diminuer les dépenses hospitalières et de résorber mécaniquement les déficits.
L’organisation actuelle des hôpitaux de Paris est incompatible avec votre logique de marchandisation de l’offre de soins. Elle repose sur un principe contraire à votre projet de loi : la solidarité des établissements entre eux, c’est-à-dire des territoires entre eux, ou, pour être plus claire encore, la recherche d’une organisation régionale de l’offre en santé hospitalière qui prenne pleinement acte des disparités dans les villes et des réalités sociales. Avec ce système, nous sommes naturellement loin de la logique libérale.
Madame la ministre, vous avez cru bon de dire que la gauche était opposée au statut particulier de l’AP-HP, alors que la droite y était favorable. Le groupe CRC-SPG n’a, pour sa part, jamais été favorable au nivellement par le bas auquel nous assistons, dû à votre volonté de supprimer tous les aspects positifs du statut particulier de l’AP-HP.
Depuis 1849, l’AP-HP soigne chaque année des millions de malades dans toute l’Île-de-France, à tel point que l’offre publique représente dans cette région plus de 50 % de l’offre de soins, quand elle n’est pas, dans certains départements spécifiquement marqués par une population à très bas revenus, la seule structure de soins qui à la fois soit pluridisciplinaire et offre un hébergement.
Chacun s’accorde à dire qu’il y a pléthore de médecins à Paris. C’est ignorer qu’il y a malheureusement deux populations dans la capitale. Or deux tiers des spécialistes et la moitié des généralistes exercent en secteur 2. Si, pour certains, la médecine libérale est adaptée, pour d’autres, les plus démunis, ceux qui ne peuvent se payer cette offre de soins, qui est fort chère, la seule solution reste l’hôpital.
Je vous rappelle, mes chers collègues, que, à Paris, la consultation d’un spécialiste coûte rarement moins de 60 euros, et souvent autour de 80 euros.
L’offre de soins pour les plus démunis n’est donc pas satisfaisante ; c’est dire l’importance de l’AP-HP pour les Franciliens, mais aussi pour l’ensemble des malades de notre pays, puisque 10 % des personnes soignées au sein de l’AP-HP ne sont pas issues de la région parisienne. Elles viennent parfois de très loin pour bénéficier des compétences particulières acquises au fil des années par certains établissements, notamment pour ce qui est des maladies rares ou des pathologies les plus lourdes.
Tout le monde le sait, personne ne peut aujourd’hui affirmer le contraire, les hôpitaux de Paris contribuent, de par leurs savoirs spécifiques et la qualité des équipes qui les composent, à tirer toute la médecine française vers le haut. Je ne prendrai qu’un exemple : 50 % des publications scientifiques et médicales publiques proviennent de praticiens ou d’une collaboration avec des praticiens exerçant dans l’un des 38 établissements publics de la région parisienne.
Nous ne pouvons pas accepter un nivellement par le bas de tous les hôpitaux. Essayons au moins de sauvegarder ce que nous avons de plus prestigieux, c'est-à-dire des hôpitaux qui assurent non seulement les soins et la recherche, mais aussi l’accueil des plus démunis. C'est la raison pour laquelle nous avons déposé un amendement de suppression de l’article 8 bis. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo, sur l’article.
M. Yves Pozzo di Borgo. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’AP-HP, instituée par la loi du 10 janvier 1849, est une entité bien particulière, riche de plus d’un siècle et demi d’existence. Elle se singularise tout d’abord par son étendue : 37 hôpitaux, 720 services, près de 23 000 lits. Elle n’embrasse pas toute l’Île-de-France, puisqu’elle regroupe, certes, 80 % des établissements parisiens, mais seulement 50 % des établissements de la région. Pour ne prendre qu’un exemple, l’Institut Gustave-Roussy de Villejuif, qui est très connu, ne fait pas partie de l’AP-HP.
Certains de ces établissements sont même situés dans d’autres régions, y compris dans le sud de la France, à Hyères et à Hendaye, ou, dans le Nord, à Berck-sur-mer.
L’AP-HP emploie près de 20 000 médecins et étudiants en médecine et plus de 70 000 autres agents, infirmiers, aides-soignants, administratifs. Pour autant, le personnel administratif ne représente que 10 % de la totalité des effectifs et l’administration centrale à peine plus de 1 %, puisque le siège de l’AP-HP compte actuellement 1 000 agents environ. Ce siège fait actuellement l’objet, sous l’impulsion du directeur général, qui vient de Lyon, d’ailleurs, d’un plan prioritaire de modernisation qui tend à réduire le nombre d’agents dans le cadre d’un recentrage de l’activité sur la stratégie de l’établissement et les fonctions d’expertise.
Le budget annuel de l’AP-HP avoisine les 6,5 milliards d’euros. Les comptes présentent un léger déficit annuel, de l’ordre de 95 millions d’euros pour 2009 – je sais que ce chiffre fait débat –, mais ils devraient revenir à l’équilibre à l’horizon de 2012, ce dont il faut se féliciter.
Lorsque je siégeais encore au conseil d’administration, j’avais d’ailleurs trouvé excessive une augmentation du coût des pharmacies des hôpitaux de 25 % et je m’étais rendu compte que ces hôpitaux n’étaient même pas informatisés. Depuis, la situation a évolué et, en dehors de ces problèmes de gestion, tout le monde s’accorde à dire que la stratégie de la direction de l’AP-HP est satisfaisante dans ce domaine.
L’AP-HP prend surtout une part déterminante dans la recherche médicale française : elle accueille 112 unités de l’INSERM ainsi que 30 unités de recherche du CNRS et elle est le premier centre d’essais cliniques de France. Liée à sept facultés de médecine, représentant 40 % des CHU français et 50 % de leurs publications, elle ne compte que pour 10 % de l’offre de soins publics dans notre pays. Elle a 68 centres labellisés « maladies rares » sur les 132 centres labellisés au niveau national.
Formant chaque année de 700 à 800 professeurs étrangers, elle est le fer de lance de la médecine française à l’étranger. Elle mérite bien son titre de « plus grand centre hospitalier universitaire d’Europe », et peut-être du monde, madame la ministre !
J’ajoute que l’AP-HP occupe la place de premier promoteur institutionnel français en assurant la promotion de plus de 100 nouvelles recherches biomédicales par an.
Le poids de l’AP-HP dans la recherche médicale française a été souligné dans le rapport sur les CHU que vient de remettre Jacques Marescaux au Président de la République. L’AP-HP développe en effet beaucoup de projets innovants, tels que le cyclotron de l’hôpital Saint-Louis ou la fondation « Imagine » au sein de l’hôpital Necker-Enfants malades, qui est la référence mondiale en ce domaine.
Madame la ministre, au cours du débat de la semaine dernière, vous avez fait une remarque qui a occupé mon week-end ! Vous avez en effet déclaré que l’on ne savait pas si l’AP-HP se montrait performante grâce à ses structures ou malgré elles. C’est donc à une interrogation légitime sur les grandes structures que vous nous conduisez. Je vais essayer de vous répondre en prenant des exemples.
Si l’AP-HP était considérée dans son ensemble, on n’aurait pas à constater qu’aucune faculté de médecine parisienne ne figure dans les soixante-quinze premières places du classement de Shanghai des universités enseignant cette discipline. Lorsque ce classement est paru, les services de Gilles de Robien, à l’époque ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, en étaient arrivés à la conclusion que, en reprenant les critères utilisés par l’université de Shanghai, les universités parisiennes, si certaines d’entre elles étaient regroupées, se situeraient dans les cinq premières de ce classement !
En créant, en 2003, quatre groupements hospitaliers universitaires et en regroupant les CHU de façon géographique, l’AP-HP a démontré qu’elle avait déjà intégré cette nouvelle logique.
Je prendrai un autre exemple illustrant la nécessité de créer de grandes structures, qui ne concerne pas la recherche médicale.
Savez-vous, madame la ministre, mes chers collègues, que le plateau de Saclay est d’un poids scientifique comparable à celui de la Silicon Valley, et peut-être même plus important ? Si une structure commune pouvait tout regrouper, quelle force cela représenterait ! Mais qui le sait ? Qui ressent le besoin de créer ces grandes structures, comme l’AP-HP, à la taille du monde moderne ? Eh bien, c’est le Président de la République, Nicolas Sarkozy, qui a compris cette nécessité. Il vous a d’ailleurs répondu indirectement, madame la ministre, dans son discours fondateur du 29 avril sur le projet du Grand Paris.
Pour aborder la compétition mondiale, nous ne pouvons plus être dans un débat sur le rééquilibrage entre Paris et le « désert français ». Nous ne sommes plus dans un lissage napoléonien de toutes les régions françaises.
Il ne faut pas aborder la question avec une logique de sous-préfet en n’y voyant qu’un enjeu régional pour l’Île-de-France. Ce qui est en jeu, c’est le rayonnement mondial de la France dans le domaine médical et la sphère scientifique. Le maintien du statut dérogatoire de l’AP-HP s’inscrit dans cette logique du Grand Paris.
En tant que membre du conseil d’administration de l’AP-HP, j’ai souvent assisté à des réunions avec le personnel, les CME, les administratifs, sous l’autorité d’ailleurs de M. Alain Lhostis, adjoint au maire communiste de la ville de Paris. Qu’est-il ressorti de ces réunions ?
Nous n’en avons pas tellement parlé dans ce débat, mais nous le savons tous : les stratégies médicales futures seront de moins en moins génériques et de plus en plus personnalisées, j’allais dire presque individuelles. Cela signifie un accroissement des coûts. C’est la raison pour laquelle je soutiens la réforme que vous proposez visant à contrôler les dépenses, madame la ministre. Néanmoins, rien n’empêche d’inscrire cette réforme dans une réflexion plus large, notamment en prenant en compte l’intérêt d’une recherche de plus en plus compétitive nécessitant des structures idoines, comme cet énorme porte-avions de la recherche médicale qu’est l’AP-HP.